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Il est +également l'auteur original de nombreux outils de développement très connus +et très utilisés, comme la collection de compilateurs GNU (<abbr title="GNU +Compiler Collection">GCC</abbr>), le débogueur symbolique GNU (GDB) et GNU +Emacs.</p> + +<p>Pour mieux comprendre Richard Stallman et le projet GNU, je vous recommande +de commencer par lire la page « Philosophie ». Vous y trouverez quantité +d'informations.</p> + +<p>Nous avions commencé cette entrevue par courrier électronique, mais avons dû +finir par téléphone car Richard Stallman s'est cassé le bras en tombant. Il +a eu la gentillesse de discuter longuement avec moi de son premier contact +avec les ordinateurs, de ses débuts au Laboratoire d'intelligence +artificielle (IA), de l'état actuel du GNU Hurd, de son rôle à la Free +Software Foundation, des problèmes que posent les logiciels privateurs et de +bien d'autres choses encore. Les propos suivants offrent un aperçu du chemin +parcouru et des défis auxquels nous sommes encore confrontés.</p> + +<h3>Contexte</h3> + +<p><strong>Jeremy Andrews</strong> : Quand as-tu commencé à travailler sur +ordinateur ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai commencé à lire des manuels et +écrire des programmes sur papier vers 1962. C'est en 1969 que j'ai vu et +utilisé un véritable ordinateur pour la première fois.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quels types de programmes écrivais-tu avant de voir et +d'utiliser effectivement un véritable ordinateur ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ils étaient vraiment très simples, comme +la sommation des termes d'un vecteur de nombres. Peu après mes débuts sur un +véritable ordinateur, j'ai conçu un langage informatique basé sur la +substitution de chaînes. Un peu comme le SNOBOL, bien que je n'aie jamais +utilisé SNOBOL.</p> + +<p>Ensuite, la première chose que j'ai commencé à écrire lorsque j'ai pu +utiliser un véritable ordinateur… J'avais vu le langage PL/I et avais +été impressionné par ses nombreuses fonctionnalités. Cependant, il y en +avait une dont il ne disposait pas : la convention de sommation utilisée en +analyse tensorielle. J'ai alors commencé à écrire un pré-processeur pour +PL/I qui la reconnaîtrait. Je ne l'ai jamais terminé, mais j'ai +effectivement réussi à en faire fonctionner certaines parties. Je l'ai écrit +initialement en PL/I ; et nous avons alors découvert que la machine +disponible ne pourrait pas en accommoder ne serait-ce qu'une seule passe (à +ce stade, j'en avais déjà écrit pas mal de morceaux sur papier, en +PL/I). J'ai alors commencé à le réécrire en assembleur, mais après avoir +réécrit quelques passes j'ai appris l'existence de choses comme les listes +et le Lisp, et je me suis désintéressé des langages de type PL/I.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quand tu es sorti de Harvard en 1974 avec un bachelor +en physique, comment envisageais-tu d'utiliser ton diplôme ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai pensé que je pouvais travailler en +physique théorique ; mais le plaisir de programmer, domaine où je pouvais +faire de réels progrès et voir les résultats, a finalement surpassé le +plaisir d'étudier la physique.</p> + +<h3>La vie au labo d'IA</h3> + +<p><strong>JA</strong> : De quelles tâches t'occupais-tu au Labo d'IA dans les +années 70 ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Essentiellement du développement de +systèmes d'exploitation, mais j'ai aussi travaillé sur un projet de +recherche d'IA avec le professeur Sussman ; nous avons développé le retour +sur traces dirigé par les dépendances.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Qu'est-ce que le retour sur traces dirigé par les +dépendances ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : On fait des hypothèses, et à partir de +celles-ci et de faits donnés on tire une conclusion. Cela peut conduire à +une contradiction ; si c'est le cas, au moins une des hypothèses qui a mené +à cette contradiction doit être erronée. On enregistre quelle combinaison +d'hypothèses correspond à la contradiction, de manière à pouvoir déduire que +cette combinaison ne peut pas être totalement vraie. Ensuite, on revient en +arrière en modifiant les hypothèses, mais en n'essayant jamais un ensemble +d'hypothèses qui inclut une combinaison reconnue comme contradictoire. En +fait, c'était une technique de raisonnement utilisée depuis longtemps. Elle +est aussi connue sous le nom d'analyse de preuves, mais elle n'avait jamais +été utilisée jusqu'alors en raisonnement automatisé.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quel a été le résultat de ce projet de recherche ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous avons publié un article. Cette +technique a été reprise par d'autres personnes plus tard, donc il semble +qu'elle soit devenue une partie de l'IA.</p> + +<p>J'ai aussi appris à mieux comprendre les circuits électriques. Le programme +que nous avions écrit en application de cette technique servait à la +compréhension des circuits électriques. En imitant ce programme, je pouvais +comprendre les circuits bien mieux qu'auparavant.</p> + +<h3>Le projet GNU et la Free Software Foundation</h3> + +<p><strong>JA</strong> : L'histoire de ta confrontation aux programmes +d'imprimantes non libres, au début des années 80, est vraiment très +connue. Cet incident t'a poussé à créer le projet GNU en 1984 et la Free +Software Foundation en 1985. Tu es resté très actif dans ce mouvement depuis +lors, que ce soit en tant qu'orateur public ou en tant qu'auteur prolifique +de logiciels libres. Parmi tes nombreuses réalisations des deux dernières +décennies, de laquelle es-tu le plus fier ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce dont je suis fier, c'est que nous +ayons créé une communauté dans laquelle les gens peuvent utiliser +l'informatique tout en coopérant librement.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites +face aujourd'hui ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Les brevets logiciels. La <abbr +title="Digital Millennium Copyright Act">DMCA</abbr> (loi sur le copyright +du millénium numérique). Le <cite>broadcast flag</cite> (drapeau +d'émission). Les circuits intégrés avec des spécifications techniques +secrètes. Les plateformes Java privatrices.</p> + +<p>Autrement dit, les efforts concertés de gens détenant le pouvoir de mettre +fin à notre liberté.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Y a-t-il un plan pour essayer de résoudre ces +problèmes ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : S'agissant des lois américaines, pas +vraiment. Dans les pays qui n'ont pas encore ces lois, nous pouvons essayer +d'empêcher leur adoption.</p> + +<p><strong>JA</strong> : C'est un peu effrayant.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : En effet.</p> + +<h3>« Logiciel libre » contre « open source »</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Tu dois régulièrement expliquer les différences entre +« logiciel libre » et « logiciel open source », et pourtant les médias +continuent à confondre ces deux termes. Pour nos lecteurs qui pourraient +donc faire eux-mêmes la confusion, peux-tu expliquer les différences et +pourquoi il est important de mettre les choses au point ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : « Logiciel libre » et « open source » +sont les slogans de deux mouvements différents qui ont des philosophies +différentes. Dans le mouvement du logiciel libre, notre objectif est d'être +libres de partager et de coopérer. Nous disons que le logiciel privateur est +antisocial, car il piétine la liberté des utilisateurs, et nous développons +le logiciel libre pour y échapper.</p> + +<p>Le mouvement open source privilégie ce qu'il considère comme un modèle de +développement techniquement supérieur donnant d'habitude des résultats +techniquement supérieurs. Les valeurs qu'ils citent sont les mêmes que +celles auxquelles Microsoft se refère : des valeurs étroitement pratiques.</p> + +<p>« Logiciel libre » et « open source » sont aussi tous deux des critères pour +les licences de logiciel. Ces critères sont rédigés de manières très +différentes mais les licences acceptées sont essentiellement les mêmes. La +différence principale est d'ordre philosophique.</p> + +<p>Pourquoi la philosophie est-elle importante ? Parce que les gens qui +n'accordent pas de valeur à leur liberté la perdront. Si on donne aux gens +la liberté mais qu'on ne leur apprend pas à l'apprécier, ils ne la +conserveront pas longtemps. Il ne suffit donc pas de diffuser le logiciel +libre. Nous devons enseigner aux gens à réclamer la liberté, à se battre +pour la liberté. Alors nous pourrons être capables de surmonter des +problèmes auxquels je ne vois aucune solution aujourd'hui.</p> + +<h3>« GNU/Linux »</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Une autre source de confusion fréquente est le nom +« GNU/Linux ». En quoi la contribution du projet GNU est-elle si +significative qu'elle doive être dans le nom du système d'exploitation, en +particulier si on la compare à d'autres composants majeurs de tout système +d'exploitation basé sur le noyau Linux, comme XFree86 ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce n'est pas une coïncidence si le code +que nous avons écrit pour le système GNU est la plus grande contribution au +système GNU/Linux à ce jour. Bien d'autres personnes ou projets ont +développé des programmes libres que nous utilisons à présent dans le +système ; TeX, le code BSD, X11, Linux et Apache en sont des exemples +notables. Mais c'est le projet GNU qui a entrepris de développer un système +d'exploitation libre complet. Le système combiné que nous utilisons +aujourd'hui est fondé sur GNU.</p> + +<p><strong>JA</strong> : En parlant de GNU Linux…</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je préfère prononcer « GNU slash +Linux », ou « GNU plus Linux ». Lorsque tu dis « GNU Linux » cela induit une +interprétation trompeuse. Après tout, nous avons GNU Emacs, la version +d'Emacs qui a été développée pour GNU. Si tu dis « GNU Linux », les gens +penseront que ça désigne une version de Linux qui a été développée pour GNU, +ce qui n'est pas la réalité.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Tu essaies au contraire de souligner que c'est une +combinaison des deux.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Exactement. C'est l'ensemble GNU plus +Linux…</p> + +<p><strong>JA</strong> : Qui constitue le système GNU+Linux que tout le monde +utilise.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Exactement.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quel est l'avantage pour les gens d'utiliser le terme +GNU/Linux ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Les gens savent que Linus Torvald a +écrit son programme, Linux, pour s'amuser. Et les gens savent que Linus +Torvald n'a pas dit que c'était mal d'empêcher les utilisateurs de partager +et de modifier le logiciel qu'ils utilisent. S'ils pensent que c'est lui qui +a initié notre système et qui est le principal responsable de son existence, +ils auront tendance à suivre sa philosophie et notre communauté en sera +affaiblie.</p> + +<p>Le fait qu'un système d'exploitation existe parce qu'un étudiant a pensé que +c'était un projet amusant est une anecdote intéressante. Mais la véritable +histoire est que ce système existe parce que des gens étaient déterminés à +se battre pour la liberté et avaient la volonté de travailler pendant des +années s'il le fallait. C'est une histoire qui enseigne aux gens une chose +qui vaut la peine d'être apprise.</p> + +<p>Quand ils l'oublient, ils commencent à dévier vers les valeurs pratiques, +mais superficielles, partagées par le mouvement de l'open source et par +Microsoft, l'idée que l'unique chose qui compte dans un logiciel est s'il +fait le travail demandé et combien il coûte.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Ce qui commence à répondre à ma prochaine question : +qu'est-ce qu'on perd quand les gens refusent d'utiliser le terme GNU/Linux ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce qu'on perd, c'est une opportunité +d'éduquer les gens. Le logiciel est tout aussi libre quel que soit le nom +qu'on lui donne – si tant est que la distribution utilisée soit réellement +libre. Mais la seule distribution GNU/Linux libre que je connaisse est +Ututo. La plupart des versions du système GNU/Linux ne sont pas entièrement +libres. Tous les distributeurs commerciaux y mettent du logiciel +privateur. Et il y a aussi Debian, qui maintient clairement séparé tout le +logiciel non libre, mais le distribue. Et ceux qui vendent Debian GNU/Linux +ajoutent souvent quelques programmes privateurs en « bonus »… Ils +incitent les gens à considérer comme un bonus le fait de ne plus avoir leur +complète liberté.</p> + +<p>Si on utilise une version de GNU/Linux qui ne contient pas de logiciel +privateur, alors en pratique la situation ne dépend pas du nom qu'on lui +donne. Mais la situation où nous risquons de nous trouver dans cinq ans +dépend de ce que nous nous enseignons les uns aux autres aujourd'hui.</p> + +<p>Une rose sentirait toujours aussi bon si on l'appelait autrement, mais si on +l'appelait oignon on jetterait le trouble dans l'esprit des cuisiniers.</p> + +<h3>GNU/Hurd</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Le GNU Hurd a été en développement pendant une dizaine +d'années. Il a été question de la sortie d'une version 1.0 il y a plus d'un +an, mais elle a été reportée à cause de quelques fonctionnalités +manquantes. Où en est ce projet ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le Hurd fonctionne et ce qui manque est +graduellement ajouté, mais aujourd'hui ce sont les versions de GNU basées +sur Linux qu'on utilise pour les usages courants.</p> + +<p><strong>JA</strong> : As-tu la moindre idée de la date à laquelle nous +verrons sortir la version 1.0 ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai peur que non, à mon grand +regret. Beaucoup de développeurs du Hurd semblent avoir décidé qu'ils +doivent le réécrire afin qu'il fonctionne avec un autre micronoyau +(L4). J'ai été déçu d'apprendre cela et maintenant tout porte à croire qu'il +faudra encore quelques années pour que le Hurd soit utilisable.</p> + +<p>Au moins, nous avons tout de même un noyau libre qui fonctionne avec GNU.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Après la sortie du Hurd, est-ce que le projet GNU se +concentrera uniquement sur un système GNU construit autour de ce noyau, ou +continuera-t-il à étendre sa gamme de noyaux libres ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous continuerons à gérer les versions +du système GNU basées sur Linux, aussi longtemps qu'elles resteront +populaires.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Comment devra-t-on se référer au système +d'exploitation basé sur le Hurd ? GNU Hurd, ou GNU slash Hurd ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : C'est le système d'exploitation GNU, et +le Hurd est son noyau. Néanmoins, puisqu'il est si courant pour les gens +d'utiliser des versions de GNU basées sur le noyau Linux, il est utile de +distinguer les deux en disant GNU/Linux et GNU/Hurd, qui sont deux versions +différentes du système GNU avec différents noyaux.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quels seraient les avantages pour l'utilisateur d'un +système GNU/Hurd par rapport, disons, à un système GNU/Linux ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il n'y aura probablement pas un énorme +avantage, qui saute aux yeux de l'utilisateur, si aucun programme +intéressant n'est écrit. Le Hurd offre des possibilités intéressantes, +puissantes. Par exemple, tu peux écrire ton propre système de fichiers de +façon à implémenter le comportement que tu veux, quel qu'il soit, et le +présenter comme un fichier. Cela offre la possibilité d'implémenter des bacs +à sable où tu peux exécuter un programme, mais en ayant la possibilité +d'avoir un autre programme qui le surveille ainsi que toutes ses E/S, pour +s'assurer qu'il n'a pas commencé à écrire dans des fichiers où il n'est pas +censé le faire.</p> + +<p>Tout cela est peut-être faisable avec un noyau qui n'a pas l'architecture du +Hurd, mais avec le Hurd c'est élémentaire ; c'est la chose la plus naturelle +du monde.</p> + +<h3>Codage contre gestion</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Quelle quantité de code source écris-tu à présent ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Moi-même personnellement ? Seulement un +petit peu, sur Emacs. J'ai été involontairement autopromu à la gestion.</p> + +<p><strong>JA</strong> : C'est une description intéressante. Comment est-ce +arrivé ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : De plus en plus de gestion et +d'activisme sont devenus indispensables, c'est pourquoi j'ai dû trouver +d'autres personnes pour reprendre de plus en plus de mes responsabilités de +programmation.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu regrettes la programmation ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, c'est amusant.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu souhaites conserver ce rôle de +gestionnaire et d'activiste ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne dirais pas que je le souhaite, +mais il est nécessaire que je le fasse. Pour l'instant, nous n'avons +personne pour me remplacer. En fait, nous envisageons le recrutement et la +formation de personnes qui en seraient capables, de sorte que je ne sois pas +indispensable.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Quel est ton rôle ces temps-ci ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : C'est en partie celui d'un leader ferme +et déterminé, en partie celui d'un orateur, en partie celui d'un conseiller +sur la manière de faire de l'activisme ou de contribuer au logiciel +libre. J'ai appris quelque chose que bien des gens gagneraient à connaître : +comment être extrêmement opiniâtre et, quand une voie est bloquée, en +trouver une autre.</p> + +<p>J'ai aussi appris dans quel état d'esprit on agit quand on combat pour la +liberté, quand c'est un combat qu'on ne peut en aucun cas accepter de +perdre.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Beaucoup de programmes dont tu es l'auteur original +sont des composants clés d'une bonne partie du développement logiciel +aujourd'hui (libre et aussi privateur), en particulier GCC, GDB et GNU +Emacs. Tous ces projets sont restés en développement permanent toutes ces +années. Dans quelle mesure as-tu suivi les nombreux projets que tu as lancés +et comment perçois-tu les directions qu'ils ont prises ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Actuellement, je ne suis plus GCC et GDB +que de loin du point de vue technique ; d'autres ont maintenant cette +responsabilité. Je supervise toujours le développement d'Emacs.</p> + +<h3>GNU Emacs</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Alors, tu travailles toujours sur Emacs au niveau du +code ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, bien que maintenant, avec mon bras +cassé, je n'aie réellement pas le temps de programmer quoi que ce soit. Je +le ferai quand mon bras ira mieux et que je pourrai taper moi-même de +nouveau.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Puis-je te demander ce qui est arrivé à ton bras ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je me le suis cassé en tombant et j'ai +eu besoin de chirurgie. Cela me fait mal et je pense que mon bras ne sera +plus jamais normal, mais je pense que ça ira pour taper. (Plus tard : ça va +bien pour taper mais ça picote tout le temps.)</p> + +<p><strong>JA</strong> : Je suis désolé pour ton bras et je te souhaite de +récupérer rapidement.</p> + +<p>J'ai récemment relu <cite>The Cuckoo's Egg</cite> (L'œuf du coucou, non +publié en français) de Cliff Stoll. Connais-tu ce livre ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'en ai un vague souvenir.</p> + +<p><strong>JA</strong> : En bref, il s'agit d'un espion qui s'introduit dans le +système informatique d'une université, initialement en utilisant une faille +de sécurité dans GNU Emacs…</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Bon, que ce soit une faille de sécurité, +ou qu'il ait commis une erreur en installant un certain programme en setuid +est sujet à discussion.</p> + +<p><strong>JA</strong> : C'est exactement ce dont j'étais curieux : quelle +aurait été ta réaction à la parution du livre.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Son livre donne l'impression que c'était +Emacs, ou plutôt Movemail, je pense… Son livre donne l'impression que +c'était normal d'installer Movemail en setuid. Je crois que certaines +personnes l'ont réellement fait car cela permettait de contourner une +difficulté particulière, mais ce n'était pas la façon normale d'installer le +programme. Donc en fait, des gens installant Emacs de la façon habituelle +n'auraient pas eu ce problème.</p> + +<p>D'un autre côté, cela a certainement été utile pour rendre Emacs plus +robuste, de façon que le problème ne puisse pas arriver même si on +installait Movemail en setuid.</p> + +<p>C'était il y a une éternité.</p> + +<h3>Logiciel privateur</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Quelle est ta réaction lorsque des outils comme GCC, +GDB et GNU Emacs sont utilisés pour développer des logiciels privateurs ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Tout développement de logiciel privateur +est nuisible et malencontreux, que les outils utilisés soient GNU ou +autres. Savoir s'il est bon ou mauvais pour la liberté des utilisateurs, sur +le long terme, qu'on puisse utiliser ces outils pour développer des +logiciels privateurs, c'est une question dont je ne peux que deviner la +réponse.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Comment réagis-tu à l'idée que le logiciel privateur +se justifie comme moyen de récolter de l'argent pouvant ensuite servir au +développement de logiciels complètement nouveaux qui, peut-être, ne +pourraient pas être financés autrement et donc ne seraient jamais +développés ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Cela ne justifie rien du tout. Un +logiciel privateur prive systématiquement les personnes qui l'utilisent de +la liberté de coopérer ; c'est la base d'un schéma antisocial de +tyrannie. Le programme n'est légalement disponible que pour les personnes +qui renoncent à leur liberté. Ce n'est pas une contribution à la société, +c'est un problème sociétal. Il vaut mieux ne pas développer de logiciel que +de développer du logiciel privateur.</p> + +<p>Donc, si vous vous trouvez dans cette situation, s'il vous plaît ne suivez +pas ce chemin. S'il vous plaît, n'écrivez pas de programme privateur ; +faites autre chose. Nous pouvons attendre que quelqu'un ait l'occasion de +développer un programme libre pour faire la même tâche.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Et les programmeurs, alors…</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Quoi, les programmeurs ? Ceux qui +écrivent du logiciel privateur ? Ils font quelque chose d'antisocial. Ils +devraient se trouver un autre boulot.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Comme ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il y a des milliers de boulots +différents que les gens peuvent faire sans développer de logiciel +privateur. Ils peuvent même être programmeurs. La plupart des programmeurs +professionnels développent du logiciel sur mesure ; seule une petite +fraction développe du logiciel privateur. La petite fraction des boulots qui +concerne le logiciel privateur n'est pas difficile à éviter.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Comment est-ce qu'on les distingue ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le logiciel privateur est destiné à être +publié. Le logiciel sur mesure est destiné à être utilisé par un seul +client ; il ne pose pas de problème éthique tant que tu respectes la liberté +de ton client.</p> + +<p>En outre, les programmeurs sont une minuscule fraction de la main d'œuvre +dans le domaine informatique. Suppose que quelqu'un ait développé une IA et +que les programmeurs ne soient plus nécessaires. Est-ce que ce serait un +désastre ? Est-ce que tous les gens qui sont actuellement programmeurs +seraient condamnés au chômage pour le reste de leur vie ? Évidemment non, +mais ça n'empêche pas les gens d'exagérer le problème.</p> + +<p>Et s'il n'y avait plus aucun poste de programmeur aux États-Unis ?</p> + +<p><strong>JA</strong> : Tu veux dire si tous les postes de programmeur étaient +externalisés vers des pays étrangers ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, s'ils s'en allaient tous. Ça +pourrait vraiment arriver. Quand on commence à penser en termes de niveau +global d'activité, il faut penser à tous les facteurs qui interviennent et +ne pas rejeter toute la faute sur un seul facteur. La cause du chômage n'est +pas le fait qu'une personne, ou la société, décide que le logiciel doit être +libre. Le problème vient en grande partie de choix économiques faits au seul +bénéfice des riches. Comme de tirer les salaires vers le bas.</p> + +<p>Tu sais, ce n'est pas une coïncidence si nous avons toute cette +externalisation. Elle a été soigneusement planifiée. Les traités +internationaux ont été conçus pour que ça arrive, de manière à réduire les +salaires des gens.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Peux-tu citer des exemples précis ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : La <abbr title="Zone de libre-échange +des Amériques">ZLÉA</abbr> ; l'Organisation mondiale du commerce ; l'<abbr +title="Accord de libre-échange nord-américain">ALÉNA</abbr>. Ces traités +sont conçus pour réduire les salaires en rendant facile pour une société de +dire à différents pays : « Lequel d'entre vous nous permettra de payer les +gens le moins cher ? C'est là que nous allons. » Et si le niveau de vie d'un +pays commence à s'améliorer, les sociétés disent : « Oh, le climat de +travail est mauvais par ici. Vous ne créez pas un bon climat pour les +affaires. Toutes les entreprises vont partir. Vous devriez plutôt vous +assurer que les gens soient moins bien payés. Vous suivez une politique +stupide quand vous prenez des mesures pour que vos travailleurs soient mieux +payés. Vous devez vous assurer que vos travailleurs soient les moins bien +payés du monde entier, et alors nous reviendrons. Sinon, nous allons tous +fuir votre pays et cela vous punira. »</p> + +<p>Les entreprises font ça très souvent, elles délocalisent leurs activités +hors des pays qu'elles veulent punir. Et je suis récemment arrivé à la +conclusion qu'un commerce international sans frein était intrinsèquement une +chose destructrice, car il facilite trop les délocalisations. Nous devons +rendre celles-ci assez difficiles pour qu'on puisse obliger chaque société à +rester dans un pays où elles sont réglementées.</p> + +<p>Le livre <cite>No Logo</cite> explique que les Philippines ont des lois +protégeant les normes de travail, mais que ces lois ne valent plus rien. Ils +ont décidé de mettre en place des « zones franches » – c'est l'euphémisme +qu'ils ont utilisé pour « zones d'exploitation de la main d'œuvre » – où les +sociétés sont exemptées de ces règles les deux premières années. Et le +résultat, c'est qu'aucune société ne dure plus de deux ans. Quand +l'exemption s'achève, les propriétaires la dissolvent et en créent une +nouvelle.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Comment le logiciel libre essaie-t-il de résoudre ce +problème ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le logiciel libre ne s'occupe pas de +ça. Le sujet dont il s'occupe, c'est comment donner aux utilisateurs de +l'informatique la liberté de coopérer et de contrôler leurs propres +ordinateurs. Ce dont je viens de parler pose un problème plus général qui +devient pertinent lorsqu'on commence à se demander comment les gens +trouveront un travail qui paie décemment, et que la réponse est : dans un +monde de traités favorisant les bas salaires, ils n'en trouveront pas.</p> + +<p>Il est incohérent et futile d'assujettir des millions de gens à la perte de +liberté que le logiciel privateur impose dans le seul but qu'un minuscule +segment de la société ait des boulots plus rémunérateurs, quand nous +ignorons tout le reste de la société et leurs boulots pourris.</p> + +<p>Si on veut s'attaquer à ce problème, il faut le faire au bon niveau, au +niveau de l'équilibre des pouvoirs entre les grosses sociétés et les +pays. Les grosses sociétés sont trop puissantes de nos jours. Nous devons +les mettre à terre. Je ne crois pas en l'abolition du commerce ni même des +grosses sociétés, mais nous devons nous assurer qu'aucune ne soit assez +puissante pour être en capacité de dire à tous les pays du monde : « Je +punirai tout pays qui n'obéira pas ».</p> + +<p>C'est comme cela que ça marche à présent. Et ce système a été délibérément +mis en place par des gens comme Reagan, Clinton et les Bush père et fils.</p> + +<h3>Nouvelles technologies</h3> + +<p><strong>JA</strong> : J'ai lu que le modèle du logiciel libre tend à imiter +le logiciel existant, plutôt qu'à défricher de nouvelles pistes et +développer des technologies complètement nouvelles.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Parler d'un « modèle » du logiciel libre +est quelque peu trompeur. Le mouvement de l'open source parle d'un « modèle +de développement » mais notre souci est la liberté de l'utilisateur, pas la +manière dont le programme est développé.</p> + +<p>Le logiciel libre n'est pas toujours imitateur, mais cela arrive souvent. Il +y a une bonne raison à ça : la liberté est le but principal, l'innovation +est secondaire.</p> + +<p>Notre but est de développer le logiciel libre de manière à pouvoir utiliser +les ordinateurs exclusivement avec du logiciel libre. En 1984, nous avons +commencé pratiquement à zéro (nous avions TeX, rien d'autre). Nous avions +beaucoup à rattraper, c'est donc ce que nous avons fait. Même si GNU/Linux +n'apportait pas d'innovation technique par rapport à Unix, il serait bien +supérieur, car il respecte la liberté des gens alors qu'Unix ne le fait pas.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Penses-tu que le logiciel libre ait rattrapé le +logiciel privateur ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : En grande partie, mais pas totalement.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Selon toi, est-ce que nous allons commencer à voir +beaucoup d'innovations techniques provenant du logiciel libre, maintenant +que le retard se comble ?</p> + +<p>C'est déjà le cas. Nous avons déjà vu des innovations techniques dans le +logiciel libre. Une grande partie d'entre elles sont des constituants du +web.</p> + +<h3>Internet</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Est-ce que l'importance de l'usage exclusif de +logiciel libre s'applique à Internet ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne comprends pas la question.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Le logiciel ne tourne pas seulement sur les +ordinateurs individuels, mais aussi sur les ordinateurs qui composent +Internet…</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il s'agit peut-être de ton +ordinateur. Si ton ordinateur est sur Internet, alors c'est l'un des +ordinateurs dont tu parles.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Tu as raison. Là, maintenant, mon ordinateur est une +partie d'internet. Et mon ordinateur est composé entièrement de logiciel +libre. Malgré tout il y a une multitude d'ordinateurs sur Internet qui ne +sont pas composés de logiciel libre.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je pense que tu voulais dire « qui +n'exécutent pas du logiciel complètement libre ». Il y a beaucoup +d'ordinateurs sur le net qui ne fonctionnent pas avec du logiciel libre et +ça signifie que les gens qui utilisent et possèdent ces ordinateurs ont +perdu ce pan de leur liberté. C'est un problème.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Considères-tu qu'il est approprié pour les gens qui +essaient de n'utiliser que du logiciel libre…</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : De se connecter à un serveur qui fait +tourner du logiciel privateur ?</p> + +<p>Je ne ressens pas le besoin de refuser de me connecter à un serveur +exécutant du logiciel privateur. C'est pourquoi je ne refuserai pas de taper +un texte sur un ordinateur qui fait tourner du logiciel privateur. Si +j'étais en visite chez toi pour un court moment et que tu avais une machine +Windows, je l'utiliserais si c'était important pour moi. Je ne voudrais pas +avoir Windows sur mon ordinateur et tu ne devrais pas l'avoir sur le tien, +mais je ne peux pas changer ça en refusant de toucher la machine.</p> + +<p>Si tu te connectes à un serveur qui exécute du logiciel privateur, ce n'est +pas toi dont la liberté est amputée. C'est le gestionnaire du serveur qui +perd sa liberté par suite des restrictions s'appliquant au logiciel qu'il +fait tourner. C'est malheureux, et j'espère qu'il passera au logiciel +libre ; nous nous y employons. Mais je ne pense pas que nous devions +boycotter son site jusqu'à ce qu'il le fasse. Il ne t'oblige pas à utiliser +du logiciel privateur.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Pour revenir à ma question précédente, pour citer un +exemple précis, utilises-tu des outils comme Google quand tu essaies de +trouver du contenu en ligne ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je n'ai rien contre le fait de +communiquer avec le serveur réseau de Google, mais j'espère pour eux que les +gens de Google ont la liberté d'étudier, modifier et redistribuer le +logiciel utilisé sur leur serveur. Avoir la liberté de le faire ne signifie +pas qu'ils en aient l'obligation. Ils ne sont pas tenus de modifier et +redistribuer le logiciel qu'ils utilisent, mais ils devraient avoir la +liberté de le faire, de la même manière que toi et moi devons être libre de +le faire avec le logiciel de nos machines.</p> + +<h3>Sur le lieu de travail</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Et si ton boulot exige que tu utilises du logiciel +privateur ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je donnerais ma démission. Est-ce que tu +participerais à quelque chose d'antisocial simplement parce que tu es payé +pour le faire ? Et si le travail implique de frapper les gens sur la tête +dans la rue et de prendre leur portefeuille ? Et si ça implique de répandre +la rumeur que les Démocrates doivent voter le mercredi au lieu du mardi ? +Certaines personnes prétendent sérieusement qu'on ne peut pas critiquer ce +que fait quelqu'un si cela fait partie de son travail. De mon point de vue, +le fait que quelqu'un soit payé pour faire quelque chose de mal n'est pas +une excuse.</p> + +<h3>Applications embarquées</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Les applications embarquées sont devenues de plus en +plus courantes dans la société. Est-il possible de complètement éviter le +logiciel privateur tout en restant en contact avec les technologies +actuelles ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas si c'est possible, mais +si ça ne l'est pas, c'est quelque chose que nous devons changer. Dès qu'un +système embarqué peut parler avec un réseau, ou que les utilisateurs y +chargent couramment du logiciel, son logiciel a besoin d'être libre. Par +exemple, s'il utilise du logiciel privateur pour parler au réseau, tu ne +peux pas être certain qu'il ne t'espionne pas.</p> + +<h3>SCO</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Quelle est ta réaction aux récentes accusations de SCO +en rapport avec le noyau Linux ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : La nature vague et hésitante de leurs +déclarations, et aussi le constat que les seuls faits précis qu'ils aient +produits se soient révélés faux, suggèrent que leur affaire n'est pas +recevable.</p> + +<p><strong>JA</strong> : D'après toi, comment cela risque-t-il d'affecter le +logiciel libre ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne m'attends pas à un effet +significatif parce que je ne pense pas qu'ils aient des arguments +valables. Ils essaient de semer la crainte, l'incertitude et le doute, ce +qui peut effrayer certaines personnes timorées.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu t'attends à ce que cela amène la GPL +devant le tribunal ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Est-ce un souci pour toi ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous pensons que la GPL tiendra le coup +devant le tribunal, mais aucune personne raisonnable n'aime aller à la +bataille, même si elle pense être assez armée et qu'elle gagnerait +probablement.</p> + +<p>L'argumentation de SCO est risible et absurde, au point de faire penser +qu'ils n'ont aucun argument valable et cherchent seulement à semer le doute.</p> + +<p><strong>JA</strong> : À quelle fin ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ils espèrent que certaines sociétés vont +leur donner de l'argent ; Microsoft l'a déjà fait.</p> + +<p>Pour les gens qui ne connaissent à peu près rien de la législation sur le +copyright, n'importe quoi semble plausible. Quand ils entendent ce que dit +SCO, ils ne savent pas à quel point c'est ridicule. Donc ils pensent « SCO +dit ceci, IBM dit cela, comment puis-je savoir qui a raison ? »</p> + +<p><strong>JA</strong> : Qu'y a-t-il dans les tuyaux pour la licence publique +générale GNU (GPL) ? Y a-t-il des projets pour une version 3 ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, mais nous ne sommes pas tout à fait +sûrs de ce qui va changer. Ce que nous pouvons dire, c'est que ce seront des +changements de détail.</p> + +<h3>S'impliquer</h3> + +<p><strong>JA</strong> : Y a-t-il un autre sujet d'actualité dont tu voudrais +discuter ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : La FCC a décidé l'année dernière +d'exiger des dispositifs de gestion numérique des restrictions dans tous les +téléviseurs numériques. Et non seulement ça, mais aussi d'exiger qu'ils +soient non modifiables par l'utilisateur. Je pense qu'ils n'ont pas encore +décidé si ce dispositif doit être contrôlé par logiciel. S'ils optent pour +le contrôle par logiciel, alors, pour la première fois, il y aura une +réglementation de l'État fédéral interdisant explicitement le logiciel libre +pour une tâche que des millions de personnes vont vouloir faire.</p> + + +<p><strong>JA</strong> : Es-tu optimiste à ce sujet ?</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas. Je suis pessimiste de +nature. Beaucoup de gens ne peuvent continuer à se battre que s'ils +s'attendent à gagner. Je ne suis pas comme ça, je m'attends toujours à +perdre. Je me bats quand même, et parfois je gagne.</p> + +<p>Je ne suis pas le leader principal de cette bataille +particulière. L'<cite>Electronic Frontier Foundation</cite> se +bat. <cite>Public Knowledge</cite> se bat. Les gens doivent s'impliquer +politiquement. À ce stade, ils doivent aller sur le site de l'EFF et sur +celui de Public Knowledge, et continuer à le faire durant les prochaines +semaines pour voir comment ils peuvent s'impliquer dans cette campagne à +venir. Il faudra beaucoup de monde et que chacun y passe, disons au moins +vingt minutes. Si vous êtes suffisamment attachés à votre liberté pour lui +consacrer vingt minutes de votre temps, si vous pouvez vous extraire du +petit travail qui vous occupe cette semaine, la semaine prochaine, les +suivantes… Consacrez un peu de temps à la défense de votre liberté et +nous pourrons gagner.</p> + +<p><strong>JA</strong> : Merci.</p> + +<p><strong>Richard Stallman</strong> : <cite>Happy hacking!</cite></p> + +<div class="translators-notes"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.--> + </div> +</div> + +<!-- for id="content", starts in the include above --> +<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" --> +<div id="footer"> +<div class="unprintable"> + +<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a +href="mailto:gnu@gnu.org"><gnu@gnu.org></a>. Il existe aussi <a +href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens +orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a +href="mailto:webmasters@gnu.org"><webmasters@gnu.org></a>.</p> + +<p> +<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph, + replace it with the translation of these two: + + We work hard and do our best to provide accurate, good quality + translations. However, we are not exempt from imperfection. + Please send your comments and general suggestions in this regard + to <a href="mailto:web-translators@gnu.org"> + + <web-translators@gnu.org></a>.</p> + + <p>For information on coordinating and submitting translations of + our web pages, see <a + href="/server/standards/README.translations.html">Translations + README</a>. --> +Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne +qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. 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