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Stallman, « Logiciel libre : liberté +et coopération », donné à <cite>New York University</cite> (campus de New +York, NY) le 29 mai 2001.</p></blockquote> + +<div class="announcement"> +<blockquote><p>Une version <a href="/philosophy/rms-nyu-2001-transcript.txt">texte</a> de +cette transcription et un <a +href="/philosophy/rms-nyu-2001-summary.txt">résumé</a> du discours sont +aussi disponibles en anglais.</p></blockquote> +</div> + +<p><strong>URETSKY</strong> : Je suis Mike Uretsky. Je travaille à la +<cite>Stern Business School</cite> (École de commerce Stern). Je suis aussi +l'un des codirecteurs du <cite>Center for Advanced Technology</cite> (Centre +pour la technologie de pointe). Et au nom de tout le département +d'informatique, je veux vous souhaiter la bienvenue. Je voudrais faire +quelques commentaires avant de passer la parole à Ed qui présentera +l'orateur.</p> + +<p>Le rôle d'une université est d'être un lieu de débats et de permettre des +discussions intéressantes. Et le rôle d'une grande université est d'offrir +des discussions particulièrement intéressantes. Cet exposé particulier, ce +séminaire, répond parfaitement à cet impératif. Je trouve la discussion sur +l'open source particulièrement intéressante. D'une certaine manière… +<i>[rires]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Je fais du logiciel libre. L'open source, c'est +un autre mouvement <i>[rires et applaudissements]</i>.</p> + +<p><strong>URETSKY</strong> : Quand j'ai commencé à travailler dans ce domaine +dans les années 60, en principe les logiciels étaient libres. Puis nous +sommes entrés dans un cycle. Au début ils étaient libres, puis les +fabricants de logiciels, pour étendre leur marché, les ont poussés dans +d'autres directions. Une grande partie du développement qui a eu lieu à +l'arrivée du PC a suivi exactement le même cycle.</p> + +<p>Il y a un philosophe français très intéressant, Pierre Lévy, qui parle d'un +mouvement dans cette direction et parle de l'entrée dans le cyberespace, non +seulement en relation avec la technologie, mais aussi avec la +restructuration sociale et politique, à travers un changement des types de +relations qui va améliorer le bien-être de l'humanité. Et nous espérons que +ce débat est un pas dans cette direction, que ce débat traverse de +nombreuses disciplines qui travaillent généralement en solo à +l'université. Nous espérons donc de très intéressantes discussions. Ed ?</p> + +<p><strong>SCHONBERG</strong> : Je suis Ed Schonberg du département +d'informatique de l'Institut Courant. Permettez-moi de vous souhaiter la +bienvenue pour cet événement. Les présentateurs sont, en général et en +particulier, un aspect inutile des présentations publiques, mais dans ce +cas, ils servent un but utile comme le propos de Mike vient facilement de le +prouver. Parce qu'un présentateur, par exemple par des commentaires +inappropriés, peut permettre à l'orateur de corriger <i>[rires]</i> et +préciser considérablement les paramètres du débat.</p> + +<p>Aussi permettez-moi de faire la présentation la plus brève possible de +quelqu'un qui n'en a pas besoin. Richard est le parfait exemple de quelqu'un +qui, agissant localement, commença à penser globalement en partant des +problèmes d'inaccessibilité du code source des pilotes d'imprimantes au +Laboratoire d'intelligence artificielle il y a bien des années. Il a +développé une philosophie cohérente qui nous a tous forcés à réexaminer nos +idées sur la façon dont le logiciel est produit, sur ce que signifie la +propriété intellectuelle et sur ce que représente la communauté du +logiciel. Bienvenue à Richard Stallman <i>[applaudissements]</i>.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Quelqu'un peut-il me prêter une montre ? +<i>[rires]</i> Merci. Bien, je voudrais remercier Microsoft de me donner +l'occasion aujourd'hui <i>[rires]</i> d'être ici. Ces dernières semaines, je +me sentais comme un auteur dont le livre a été fortuitement interdit quelque +part <i>[rires]</i>. Sauf que tous les articles le concernant mentionnent un +nom d'auteur erroné, parce que Microsoft décrit la GNU GPL comme une licence +open source et que la majorité de la couverture de presse a suivi. La +plupart des gens, en toute innocence bien sûr, ne se rendent pas compte que +notre travail n'a rien à voir avec l'open source et qu'en réalité nous en +avons fait la plus grande part avant même que le terme « open source » ne +soit inventé.</p> + +<p>Nous faisons partie du mouvement du logiciel libre et je vais vous parler de +ce qu'est ce mouvement, de ce qu'il signifie, de ce que nous avons fait, et +puisque nous sommes réunis par une école de commerce, je vous en dirai un +peu plus qu'à l'habitude sur les relations du logiciel libre avec l'économie +et avec d'autres champs de la vie en société.</p> + +<p>Certains d'entre vous n'écriront peut-être jamais de logiciels, mais vous +cuisinez peut-être. Et si vous cuisinez, à moins que vous ne soyez un grand +chef, vous utilisez probablement des recettes. Si vous utilisez des +recettes, il vous est probablement déjà arrivé de demander la copie d'une +recette à un ami, qui l'a partagée avec vous. Et il vous est probablement +arrivé – à moins d'être un complet néophyte – de changer cette recette. Vous +savez, il y a des choses que l'on n'est pas obligé de faire exactement : +vous pouvez laisser tomber certains ingrédients, ajouter des champignons +parce que vous aimez les champignons, mettre un peu moins de sel parce que +votre médecin vous a recommandé de manger moins salé, que sais-je ? Vous +pouvez même faire des changements plus importants selon vos talents. Si vous +avez fait des changements dans une recette et que vos amis l'ont appréciée, +l'un d'entre eux vous a peut-être dit : « Dis donc, je pourrais avoir la +recette ? » Et alors, qu'est-ce que vous faites ? Vous mettez par écrit +votre version modifiée et faites une copie pour votre ami. C'est une chose +qu'on fait naturellement avec des recettes de toute sorte.</p> + +<p>En fait, une recette ressemble beaucoup à un programme informatique. Un +programme informatique est comme une recette : une série d'étapes à mener +pour obtenir le résultat que vous attendez. Alors il est tout naturel de +faire la même chose avec un programme : donner une copie à un ami ; apporter +des modifications parce que le travail pour lequel il a été écrit n'est pas +tout à fait ce que vous voulez. Il a bien fonctionné pour quelqu'un d'autre, +mais votre travail est différent. Et une fois que vous avez changé le +programme, il est probable qu'il pourra servir à d'autres. Peut-être qu'ils +ont à faire un travail comme le vôtre, alors ils vous en demanderont une +copie, et si vous êtes gentil vous allez la leur donner. C'est comme ça +qu'on doit se comporter.</p> + +<p>Alors imaginez que les recettes soient enfermées dans des boîtes +noires. Vous ne pourriez pas savoir les ingrédients qu'elles utilisent, +encore moins les changer. Et imaginez, si vous faisiez une copie pour un +ami, qu'on vous traite de pirate et qu'on essaie de vous mettre en prison +pour des années. Ce serait un énorme tollé de la part de tous ceux qui sont +habitués à partager des recettes de cuisine. Mais c'est exactement ce qui se +passe dans le monde du logiciel privateur<a id="TransNote1-rev" +href="#TransNote1"><sup>1</sup></a> – un monde dans lequel on empêche et on +interdit un comportement correct envers les autres personnes.</p> + +<p>Maintenant, pourquoi ai-je remarqué cela ? Je l'ai remarqué parce que j'ai +eu la bonne fortune dans les années 70 de faire partie d'une communauté +d'informaticiens qui partageaient les logiciels. On pourrait faire remonter +ses racines aux origines de l'informatique, mais dans les années 70 c'était +plutôt rare de trouver une communauté où les gens partageaient du +logiciel. En fait c'était en quelque sorte un cas extrême parce que, dans le +laboratoire où je travaillais, l'ensemble du système d'exploitation avait +été développé par les gens de cette communauté et nous le partagions avec +n'importe qui. Tout un chacun était invité à venir y jeter un œil et à en +emporter une copie pour faire ce qu'il voulait avec. Il n'y avait pas d'avis +de copyright sur ces programmes. Et rien ne semblait menacer ce mode de +vie. Ce n'était pas le résultat d'une lutte, c'est comme ça que nous +vivions. Nous pensions que cela continuerait. Il y avait du logiciel libre, +mais pas de mouvement du logiciel libre.</p> + +<p>Mais ensuite notre communauté a été détruite par une série de calamités. À +la fin elle fut balayée. L'ordinateur PDP-10 que nous utilisions pour tout +notre travail fut abandonné. Notre système d'exploitation, le « système à +temps partagé incompatible » <cite>[Incompatible Timesharing System]</cite>, +écrit à partir des années 60, était en langage assembleur. C'est ce qu'on +utilisait pour écrire les systèmes d'exploitation dans les années +60. Naturellement, le langage assembleur est spécifique à un type +particulier d'architecture d'ordinateur ; si elle devient obsolète, tout le +travail tombe en poussière. Et c'est ce qui nous est arrivé. Les presque 20 +ans de travail de notre communauté sont tombés en poussière.</p> + +<p>Pourtant, avant que cela n'arrive, une expérience m'a préparé et m'a aidé à +voir ce qu'il fallait faire. Un jour, Xerox a donné au Laboratoire +d'intelligence artificielle, où je travaillais, une imprimante laser ; +c'était un beau cadeau car c'était la première fois qu'en dehors de Xerox +quelqu'un possédait une imprimante laser. Elle était très rapide, une page à +la seconde, excellente à bien des égards, mais elle n'était pas fiable parce +qu'en fait c'était un copieur rapide de bureau qui avait été modifié pour +devenir une imprimante. Vous savez, les copieurs font du bourrage de papier, +mais il y a sur place quelqu'un pour les débloquer. L'imprimante bourrait, +mais personne ne le remarquait aussi restait-elle hors service pendant +longtemps.</p> + +<p>Nous avions bien une idée pour résoudre ce problème : faire en sorte qu'à +chaque bourrage elle avertisse notre machine en temps partagé et les +utilisateurs qui attendaient une sortie d'imprimante. Car bien sûr, si vous +attendez une sortie d'imprimante et que vous savez qu'elle est en panne, +vous n'allez pas rester assis pour l'éternité, vous irez la débloquer.</p> + +<p>Mais à ce stade, nous étions dans une impasse totale du fait que le pilote +de l'imprimante n'était pas un logiciel libre. Il était livré avec, mais +c'était un programme binaire. Nous n'avions pas le code source. Xerox ne +nous avait pas autorisés à l'avoir. Si bien que malgré nos talents +d'informaticiens (nous avions écrit notre propre système d'exploitation en +temps partagé) nous étions complètement démunis pour ajouter cette fonction +au pilote d'imprimante.</p> + +<p>Nous pouvions seulement prendre notre mal en patience ; cela vous prenait +une ou deux heures pour avoir votre impression, car la machine était bloquée +la plupart du temps. De temps à autre vous attendiez une heure en vous +disant : « Je sais que ça va planter, je vais attendre une heure et aller +chercher mon texte. » Et alors vous vous aperceviez que la machine était +restée bloquée pendant tout ce temps-là et que personne d'autre ne l'avait +remise en état. Alors vous faisiez le nécessaire et attendiez une demi-heure +de plus. Ensuite vous reveniez et vous voyiez qu'elle s'était bloquée de +nouveau – avant même de commencer votre impression. Elle imprimait trois +minutes et se bloquait pendant 30 minutes. Frustration jusque-là ! Le pire +était de savoir que nous aurions pu la réparer, mais que quelqu'un, par pur +égoÏsme, nous mettait des bâtons dans les roues en nous empêchant +d'améliorer son programme. D'où notre ressentiment, évidemment…</p> + +<p>Et alors j'ai entendu dire que quelqu'un avait une copie de ce programme à +l'université Carnegie-Mellon. En visite là-bas un peu plus tard, je me rends +à son bureau et je dis : « Salut, je suis du MIT, pourrais-je avoir une +copie du code source de l'imprimante ? » Et il répond : « Non, j'ai promis +de ne pas vous donner de copie » <i>[rires]</i>. J'étais soufflé. J'étais +si… J'étais tellement en colère ! Je ne savais pas quoi faire pour +réparer cette injustice. Tout ce qui m'est venu à l'esprit, c'est de tourner +les talons et sortir de son bureau. Peut-être que j'ai claqué la +porte… <i>[rires]</i> Et j'y ai repensé plus tard parce que j'ai +réalisé que je n'étais pas simplement en face d'un fait isolé, mais d'un +phénomène de société qui était important et affectait beaucoup de gens.</p> + +<p>Pour moi par chance, ce n'était qu'un échantillon, mais d'autres gens +étaient obligés de vivre avec ça tout le temps. Et j'y ai repensé plus +longuement. Vous voyez, il avait promis de refuser de coopérer avec nous, +ses collègues du MIT. Il nous avait trahis. Mais il ne l'avait pas fait qu'à +nous. Il y a des chances qu'il vous l'ait fait à vous aussi <i>[pointant du +doigt un auditeur]</i>. Et je pense, probablement à vous aussi <i>[pointant +du doigt un autre auditeur – rires]</i> et à vous aussi <i>[pointant du +doigt un troisième auditeur]</i>. Et certainement à une bonne partie de ceux +qui sont dans cette salle, à l'exception de quelques-uns, peut-être, qui +n'étaient pas encore nés en 1980. Il avait promis de ne pas coopérer avec +l'ensemble de la population de la planète Terre, ou presque. Il avait signé +un accord de non-divulgation.</p> + +<p>C'était ma première confrontation avec un accord de non-divulgation et cela +m'a appris une importante leçon, une leçon qui est importante parce que la +plupart des programmeurs ne l'apprennent jamais. Vous voyez, c'était ma +première rencontre avec un accord de non-divulgation et j'en étais +victime. Moi et tout mon laboratoire, nous en étions victimes. Et la leçon +que j'ai apprise c'est que les accords de non-divulgation font des +victimes. Ils ne sont pas innocents, ils ne sont pas inoffensifs. La plupart +des programmeurs rencontrent un accord de non-divulgation lorsqu'ils sont +invités à en signer un et il y a toujours une sorte de tentation, un bonus +qu'ils auront s'ils signent. Alors ils s'inventent des excuses. Ils disent : +« De toute façon, il n'aura pas de copie, alors pourquoi ne rejoindrais-je +pas la conspiration pour l'en priver ? » Ils disent : « Ça se fait toujours +comme ça, qui suis-je pour m'y opposer ? » Ils disent : « Si je ne signe +pas, quelqu'un d'autre le fera. » Diverses excuses pour tromper leur +conscience.</p> + +<p>Mais quand on m'a invité à signer un accord de non-divulgation, ma +conscience était déjà en éveil. Elle se rappelait comme j'étais en colère +lorsque quelqu'un avait promis de ne pas m'aider, moi et mon labo, à +résoudre notre problème. Je ne pouvais pas retourner ma veste et faire la +même chose à quelqu'un qui ne m'avait fait aucun mal. Vous savez, si +quelqu'un me demandait de promettre de ne pas partager une information utile +avec un ennemi détesté je le ferais. Si quelqu'un a fait quelque chose de +mal il le mérite. Mais des étrangers… Ils ne m'ont fait aucun +mal. Comment pourraient-ils mériter un mauvais traitement de ce genre ? On +ne peut pas se permettre de mal se comporter avec tout un chacun, sinon on +devient un prédateur de la société. Alors j'ai dit : « Merci de m'offrir ce +beau logiciel, mais je ne peux l'accepter en bonne conscience aux conditions +que vous exigez, donc je vais m'en passer. Merci beaucoup. » Ainsi, je n'ai +jamais consciemment signé d'accord de non-divulgation pour de l'information +technique utile comme un programme.</p> + +<p>Cela dit, il y a des informations d'autre nature qui posent d'autres +problèmes éthiques. Par exemple, il y a les informations personnelles. Vous +savez, si vous voulez me parler de ce qui se passe entre vous et votre petit +ami et que vous me demandez de n'en parler à personne, je peux accepter de +garder le secret pour vous, parce que ce n'est pas une information technique +d'utilité générale. En fait, ce n'est probablement pas d'utilité générale +<i>[rires]</i>.</p> + +<p>Il y a une petite chance, c'est possible, que vous puissiez me révéler une +merveilleuse nouvelle technique sexuelle <i>[rires]</i> et je me sentirais +moralement obligé <i>[rires]</i> de la révéler au reste de l'humanité pour +que chacun puisse en profiter. Donc je devrais mettre une condition à ma +promesse. Si ce sont juste des détails sur qui veut ceci et qui est en +colère contre untel, des choses comme ça, du feuilleton télé, cela je peux +le garder confidentiel… Mais une connaissance dont l'humanité +tirerait un énorme bénéfice, je ne dois pas la garder pour moi. Vous voyez, +le but de la science et de la technologie est de produire de l'information +utile pour l'humanité qui aidera les gens à vivre une vie meilleure. Si nous +promettons de cacher cette information, si nous la gardons secrète, nous +trahissons la mission de notre discipline. Et ceci, j'ai décidé de ne pas le +faire.</p> + +<p>Mais en attendant, ma communauté s'était effondrée et c'était terrible ; +cela me mettait en mauvaise posture. Vous voyez, le système à temps partagé +incompatible était obsolète parce que le PDP-10 était obsolète. Donc je ne +pouvais plus travailler en tant que développeur de systèmes d'exploitation +comme je l'avais fait. C'était conditionné à mon appartenance à la +communauté qui utilisait ce logiciel pour l'améliorer. Cela n'était plus +possible et cela m'amena à un dilemme moral. Qu'allais-je faire ? Parce que +la possibilité la plus évidente impliquait de faire le contraire de ce que +j'avais décidé. La possibilité la plus évidente était de m'adapter au +changement du monde ; accepter le fait que les choses étaient différentes, +que je n'avais qu'à abandonner ces principes et commencer à signer des +accords de non-divulgation pour des systèmes d'exploitation privateurs, et +probablement écrire des logiciels privateurs à mon tour. Mais j'ai réalisé +que, même si de cette façon j'avais un moyen de m'amuser à coder et de +gagner de l'argent en même temps, surtout si je faisais ça ailleurs qu'au +MIT, à la fin j'aurais dû me retourner sur ma carrière et dire : « J'ai +passé ma vie à construire des murs pour diviser les gens. » Et j'aurais eu +honte de ma vie.</p> + +<p>Alors j'ai cherché une alternative, et il y en avait une évidente : je +pouvais quitter l'informatique et faire autre chose. Je n'avais aucun autre +talent remarquable, mais je suis sûr que j'aurais pu être serveur +<i>[rires]</i>. Pas dans un restaurant chic, ils n'auraient pas voulu de moi +<i>[rires]</i>, mais j'aurais pu être serveur quelque part. De nombreux +programmeurs me disent : « Les employeurs exigent ceci, cela, si je ne le +fais pas je mourrai de faim. » C'est le mot exact qu'ils utilisent. Bon, +comme serveur je ne risquais pas de mourir de faim <i>[rires]</i>. En +réalité, les programmeurs ne courent aucun danger. Et c'est important +voyez-vous, car vous pouvez quelquefois vous justifier de faire quelque +chose qui blesse autrui en disant « sinon quelque chose de pire va +m'arriver ». Si vous êtes <em>vraiment</em> sur le point de crever de faim, +vous pouvez vous justifier d'écrire du logiciel privateur <i>[rires]</i> ; +et si quelqu'un vous menace d'une arme je dirais même que c'est pardonnable +<i>[rires]</i>. Mais j'avais trouvé une façon de survivre sans enfreindre +mon éthique, aussi cette excuse était-elle irrecevable. Cependant, je +réalisais qu'être serveur ne serait pas drôle pour moi et que ce serait +gâcher mes talents de programmeur. Je devais éviter de mal utiliser mes +talents. Écrire des logiciels privateurs aurait été mal utiliser mes +talents. Encourager les autres à vivre dans un monde de logiciels privateurs +aurait signifié mal utiliser mes talents. Aussi valait-il mieux les gâcher +que les utiliser à mauvais escient, mais ce n'était toujours pas la bonne +solution.</p> + +<p>C'est pourquoi j'ai cherché une autre possibilité. Que pouvait faire un +développeur de systèmes d'exploitation pour améliorer la situation, pour +rendre le monde meilleur ? J'ai réalisé qu'un développeur de systèmes +d'exploitation, c'était exactement ce qu'il fallait. Comme tous les autres, +j'étais placé devant un problème, un dilemme, parce que tous les systèmes +d'exploitation disponibles pour les ordinateurs modernes étaient +privateurs. Les systèmes d'exploitation libres étaient pour de vieux +ordinateurs obsolètes, n'est-ce pas ? Si vous vouliez un ordinateur moderne, +vous étiez obligé d'adopter un système d'exploitation privateur. Cependant, +si un développeur écrivait un autre système d'exploitation et disait « Venez +tous partager ceci, vous êtes les bienvenus », cela permettrait à chacun de +sortir du dilemme, cela offrirait une alternative. Je me suis alors rendu +compte que je pouvais faire quelque chose qui résoudrait le +problème. J'avais les talents requis, c'était la chose la plus utile que je +puisse faire de ma vie et c'était un problème que personne d'autre +n'essayait de résoudre. J'étais assis là, de plus en plus mal dans ma peau, +et j'étais seul. Alors un sentiment m'a envahi : « Je suis élu. C'est +là-dessus que je dois travailler. Si ce n'est pas moi, qui d'autre ? » J'ai +donc décidé de développer un système d'exploitation libre ou de +mourir… de vieillesse, bien sûr <i>[rires]</i>.</p> + +<p>Il fallait évidemment décider quelle sorte de système d'exploitation ce +serait, faire quelques choix techniques. J'ai décidé de rendre le système +compatible avec Unix pour plusieurs raisons. La principale, c'est que je +venais de voir un système que j'adorais devenir obsolète parce qu'il était +écrit pour un type particulier d'ordinateur et je ne voulais pas que cela se +reproduise. Nous avions besoin d'un système portable. Si je suivais le +schéma d'Unix, j'avais toute chance de faire un système portable et +utilisable. Mieux, [les deux systèmes devaient être] compatibles dans les +moindres détails. Les utilisateurs détestent en effet les changements +incompatibles. Si j'avais conçu le système de la façon que je préfère – ce +que j'aurais adoré, j'en suis sûr – j'aurais produit quelque chose +d'incompatible. Les détails auraient été différents. Donc, si j'avais conçu +le système ainsi les gens m'auraient dit : « Bon, c'est très joli, mais +c'est incompatible. Ça nous demandera trop de travail de changer. Nous ne +pouvons nous permettre tant d'efforts pour utiliser votre système à la place +d'Unix, alors nous garderons Unix. » Voilà ce qu'ils auraient dit.</p> + +<p>Si je voulais créer une communauté où il y aurait des gens, des gens +utilisant ce nouveau système et bénéficiant de la liberté et de la +coopération, je devais faire un système que les gens utiliseraient, qu'ils +trouveraient facile à adopter, qui ne serait pas en échec dès le +départ. Rendre ce système rétrocompatible avec Unix revenait en fait à +prendre les premières décisions concernant la conception du projet, parce +qu'Unix consiste en de nombreux morceaux et qu'ils communiquent à travers +des interfaces plus ou moins documentées. Alors si vous voulez être +compatible avec Unix, il vous faut remplacer chaque morceau, l'un après +l'autre, par un morceau compatible. Les décisions concernant la suite sont +contenues dans chacun des morceaux. Elles peuvent donc être prises plus tard +par quiconque décidera de l'écrire. Elles n'ont pas à être prises dès le +départ.</p> + +<p>Tout ce que nous avions à faire pour commencer le travail était de trouver +un nom pour le système. Nous, les hackers, cherchons toujours des noms +drôles ou méchants pour un programme, parce que penser aux gens qui +s'amusent du nom, c'est la moitié du plaisir de l'écriture <i>[rires].</i> +Nous avions aussi une tradition d'acronymes récursifs consistant à dire que +le programme créé est similaire à un programme existant. On peut lui donner +un nom récursif disant que celui-ci n'est pas celui-là. Par exemple, il y +avait beaucoup d'éditeurs de texte <abbr title="Text Editor and +COrrector">TECO</abbr> dans les années 60 et 70 et ils étaient généralement +appelés « quelque-chose-TECO ». À cette époque, un hacker malin appela le +sien TINT, pour <cite>Tint Is Not Teco</cite>, le premier acronyme +récursif. En 1975, j'ai développé le premier éditeur de texte Emacs et il y +eut de nombreuses imitations. Beaucoup s'appelaient quelque-chose-Emacs, +mais l'une d'elles était nommée FINE<a id="TransNote2-rev" +href="#TransNote2"><sup>2</sup></a> pour <cite>Fine is not +Emacs</cite>. Puis il y eut SINE pour <cite>Sine is not Emacs</cite>, et +EINE pour <cite>Eine Is Not Emacs</cite>, et il eut MINCE pour <cite>Mince +Is Not Complete Emacs</cite> <i>[rires]</i>, c'était une imitation +incomplète. Ensuite EINE fut complètement réécrit et la nouvelle version +s'appela ZWEI pour <cite>Zwei Was Eine Initially</cite><a +id="TransNote3-rev" href="#TransNote3"><sup>3</sup></a> <i>[rires]</i>.</p> + +<p>J'ai donc cherché un acronyme récursif pour <cite>Something is not +Unix</cite> (quelque chose n'est pas Unix). J'ai essayé les 26 lettres, mais +aucune ne donnait un mot <i>[rires]</i>. Hum, essayons autre chose. J'ai +fait une contraction. De cette façon, je pouvais avoir un acronyme de trois +lettres pour <cite>Something's Not Unix</cite>. J'ai essayé des lettres et +suis arrivé au mot <cite>GNU</cite> (gnou). C'est le plus drôle de la langue +anglaise <i>[rires]</i>. C'était ça ! Bien sûr, la raison de cette drôlerie +vient du fait que, selon le dictionnaire, il doit se prononcer +<cite>new</cite>.<a id="TransNote4-rev" href="#TransNote4"><sup>4</sup></a> +Vous voyez ? C'est pourquoi les gens l'utilisent pour de nombreux jeux de +mots. Laissez-moi vous dire que c'est le nom d'un animal d'Afrique. Et la +prononciation africaine a un clic à l'intérieur <i>[rires]</i>. Les +colonisateurs européens, quand ils arrivèrent là-bas, n'ont pas pris la +peine d'apprendre à prononcer le clic. Alors ils l'ont laissé de côté et ont +mis un <em>g</em> qui signifiait : « Il y a un autre son qui est censé être +là, mais que nous ne prononçons pas. » <i>[rires]</i> Ce soir, je pars pour +l'Afrique du Sud et je leur ai demandé de me trouver quelqu'un qui puisse +m'apprendre à prononcer les clics <i>[rires]</i>. Ainsi je saurai prononcer +correctement <cite>GNU</cite> quand il s'agit de l'animal.</p> + +<p>Mais en ce qui concerne le nom de notre système la prononciation correcte +est Gueu-nou, prononcez le <em>g</em> dur. Si vous parlez du <cite>new +operating system</cite><a id="TransNote5-rev" +href="#TransNote5"><sup>5</sup></a>, vous embrouillez l'esprit des gens, +parce que cela fait 17 ans que nous travaillons dessus et qu'il n'est plus +du tout <cite>new</cite> ! Mais il est toujours et sera toujours GNU ; peu +importe le nombre de gens qui l'appellent Linux par erreur <i>[rires]</i>.</p> + +<p>Ainsi en janvier 84, je quitte mon job au MIT pour commencer à écrire des +morceaux de GNU. Tout de même, ils ont été assez sympa pour me laisser +utiliser leurs installations. À cette époque, je croyais que j'écrirais tous +les morceaux du système GNU complet, que je dirais « Venez vous servir ! » +et que les gens commenceraient à l'utiliser. Ce n'est pas comme ça que ça +s'est passé. Les premiers morceaux que j'ai écrits étaient tout aussi bons +que les originaux, avec moins de bogues, mais ils n'étaient pas terriblement +excitants. Personne ne souhaitait particulièrement se les procurer pour les +installer. Mais en septembre 84, j'ai commencé à écrire GNU Emacs, qui était +ma seconde implémentation d'Emacs, et début 85 il fonctionnait. Je pouvais +l'utiliser pour mon travail d'édition, ce qui était un soulagement car je +n'avais aucune intention d'utiliser VI, l'éditeur d'Unix +<i>[rires]</i>. Avant cela, je faisais ce travail sur une autre machine et +je sauvegardais les fichiers sur le réseau pour pouvoir les tester. Mais +quand GNU Emacs a fonctionné assez bien pour que je puisse l'utiliser, +d'autres personnes ont voulu l'utiliser également.</p> + +<p>J'ai dû travailler les détails de la distribution. Naturellement, j'ai mis +une copie sur le FTP anonyme et c'était bien pour les gens qui étaient sur +le net (ils pouvaient télécharger un fichier tar), mais beaucoup de +programmeurs n'étaient pas sur le net en 85. Ils m'envoyaient des +courriels : « Puis-je en avoir une copie ? » Je devais décider quoi leur +répondre. J'aurais pu dire : « Je veux passer mon temps à écrire d'autres +logiciels GNU plutôt qu'à enregistrer des bandes ; trouvez-vous un ami avec +un accès au net qui vous le téléchargera et vous l'enregistrera sur bande. » +Et je suis sûr que les gens auraient trouvé ces amis tôt ou tard, vous +savez. Ils auraient eu des copies. Mais, j'étais sans emploi. En fait, je +n'ai eu aucun emploi depuis mon départ du MIT en 84. Je cherchais une façon +de gagner de l'argent par mon travail sur le logiciel libre et donc j'ai +fondé une entreprise de logiciel libre. J'ai annoncé : « Envoyez-moi 150 $ +et je vous posterai une bande d'Emacs. » Les commandes ont commencé à tomber +et vers le milieu de l'année il en pleuvait régulièrement.</p> + +<p>Je recevais 8 à 10 commandes par mois. J'aurais pu au besoin en vivre, parce +que j'ai toujours vécu simplement. En gros, je vis comme un étudiant. Et +j'aime ça car cela signifie que l'argent ne me dicte pas ce que je dois +faire ; je peux faire ce qui me paraît important. Cela m'a libéré pour faire +ce qui semble en valoir la peine. Alors faites un effort pour éviter d'être +englués dans les habitudes dispendieuses de l'<cite>American way of +life</cite>, parce qu'autrement ceux qui possèdent l'argent vous dicteront +quoi faire de votre vie et vous ne pourrez pas faire ce qui est réellement +important pour vous.</p> + +<p>Tout allait bien, mais les gens me disaient : « Qu'entendez-vous par +<cite>free software</cite> si cela coûte 150 $ ? » <i>[rires]</i> La raison +de cette question était la confusion induite par l'ambiguïté du mot anglais +<cite>free</cite>. Une des significations se réfère au prix et une autre se +réfère à la liberté. Quand je parle de logiciel libre, je me réfère à la +liberté et non au prix. Pensez à « libre expression » <cite>[free +speech]</cite>, pas à « bière gratuite » <cite>[free beer]</cite><a +id="TransNote6-rev" href="#TransNote6"><sup>6</sup></a> <i>[rires]</i>. En +tout cas je n'aurais pas passé autant d'années de ma vie pour faire gagner +moins d'argent aux programmeurs. Ce n'est pas mon but. Je suis moi-même +programmeur et je ne m'offusque pas de gagner de l'argent. Je ne passerais +pas ma vie à en gagner, mais je ne refuse pas d'en gagner. Et je ne suis pas +– l'éthique est la même pour tous – je ne suis pas contre le fait qu'un +autre programmeur en gagne. Je ne veux pas faire baisser les prix, ce n'est +pas du tout le problème. L'enjeu, c'est la liberté, la liberté de chaque +personne qui utilise un logiciel, qu'elle sache programmer ou non.</p> + +<p>À ce stade je dois vous donner une définition de ce qu'est le logiciel +libre. Je préfère aller au concret car dire simplement « Je crois en la +liberté » est vide de sens. Il y a tant de libertés différentes en +lesquelles croire, et qui sont en conflit l'une avec l'autre, que la vraie +question politique est : « Quelles sont les libertés importantes, celles +dont on doit s'assurer que tout le monde les possède ? »</p> + +<p>Maintenant je vais vous donner ma réponse dans ce domaine particulier qu'est +l'usage du logiciel. Un programme est libre pour vous, utilisateur +particulier, si vous bénéficiez des libertés suivantes :</p> + +<ul> +<li>d'abord, la liberté 0 : la liberté d'utiliser un logiciel pour n'importe +quel usage, à votre convenance ;</li> +<li>la liberté 1 : la liberté de vous aider vous-même en modifiant le programme +pour répondre à vos besoins ;</li> +<li>la liberté 2 : celle d'aider votre prochain en distribuant des copies du +programme ;</li> +<li>et la liberté 3 : celle d'aider à bâtir votre communauté en publiant une +version améliorée pour que les autres puissent bénéficier de votre travail.</li> +</ul> + +<p>Si vous avez toutes ces libertés, le programme est un logiciel libre… +<em>pour vous</em> ; c'est crucial, c'est pourquoi je le formule de cette +façon. J'expliquerai pourquoi plus tard quand je parlerai de la licence +publique générale GNU, mais pour le moment j'en suis à une question plus +basique, la définition du logiciel libre.</p> + +<p>La liberté 0 est assez évidente. Si vous n'êtes même pas autorisé à faire +fonctionner le programme comme vous le souhaitez, c'est un programme +sacrément restrictif ! La plupart des programmes vous donnent la liberté 0 +et la liberté 0 découle, juridiquement, des libertés 1, 2 et 3 ; c'est de +cette façon que fonctionne le droit du copyright. Ainsi les libertés qui +distinguent le logiciel libre du logiciel ordinaire sont les libertés 1, 2 +et 3 ; je vais donc en parler plus en détail et je dirai en quoi elles sont +importantes.</p> + +<p>La liberté 1 est celle de modifier le logiciel pour l'adapter à vos +besoins. Cela peut signifier corriger des bogues. Cela peut signifier +ajouter de nouvelles fonctionnalités. Cela peut signifier porter le logiciel +sur un autre système informatique. Cela peut signifier traduire tous les +messages d'erreur en navajo. Vous devez pouvoir apporter toutes les +modifications que vous voulez, librement.</p> + +<p>Il est évident que les programmeurs professionnels peuvent utiliser cette +liberté de façon très effective, mais ils ne sont pas les seuls. N'importe +quelle personne d'intelligence normale peut apprendre un peu de +programmation. Vous savez, il y a des travaux difficiles et des travaux +faciles. Tout le monde n'apprend pas suffisamment pour faire les travaux +difficiles, mais beaucoup peuvent apprendre assez pour faire des travaux +faciles, de la même façon qu'il y a 50 ans, beaucoup, vraiment beaucoup +d'Américains apprenaient à réparer une voiture, ce qui a permis aux +États-Unis d'avoir une armée motorisée pendant la seconde guerre mondiale et +de gagner. Alors, chose très importante, avoir beaucoup de bricoleurs.</p> + +<p>Et si vous refusez d'apprendre la technologie, cela veut dire que vous avez +probablement beaucoup d'amis et que vous êtes doué dans l'art de les obliger +à vous rendre service <i>[rires]</i>. Certains d'entre eux sont probablement +informaticiens. Alors vous pouvez demander à l'un de vos amis +informaticiens : « Pourrais-tu changer ceci pour moi ? Ajouter cette +fonction ? » Beaucoup de gens peuvent donc bénéficier de la liberté 1.</p> + +<p>Si vous n'avez pas cette liberté, cela cause un préjudice pratique, matériel +à la société ; cela fait de vous un prisonnier de votre logiciel. J'ai +expliqué comment c'était dans le cas de l'imprimante laser. Vous savez, elle +marchait mal et nous ne pouvions la réparer parce que nous étions +prisonniers de notre logiciel.</p> + +<p>Mais cela affecte aussi le moral des gens. Si l'ordinateur est constamment +frustrant et qu'ils l'utilisent, leurs vies vont devenir frustrantes. Et +s'ils l'utilisent dans leur métier, leur métier va devenir frustrant ; ils +vont détester leur métier. Vous savez, les gens se protègent de la +frustration en décidant de s'en moquer. Ils en arrivent à dire : « Bon, j'ai +fait acte de présence au boulot, c'est tout ce que j'ai à faire. Si je ne +peux pas progresser ce n'est pas mon affaire, c'est l'affaire du patron. » +Et quand ça arrive, c'est mauvais pour eux et c'est mauvais pour la société +toute entière. C'est la liberté 1, la liberté de s'aider soi-même.</p> + +<p>La liberté 2 est celle d'aider votre prochain en distribuant des copies du +programme. Pour des êtres qui pensent et qui s'instruisent, partager un +savoir utile est un acte fondamental d'amitié. Quand ces êtres utilisent des +ordinateurs, cet acte d'amitié prend la forme d'un partage de logiciel. Les +amis partagent entre eux, les amis s'aident mutuellement. C'est la nature de +l'amitié. Et de fait, l'esprit d'entraide – la disposition à vouloir aider +son prochain volontairement – est la ressource la plus importante de la +société. Elle fait la différence entre une société vivable et une jungle où +chacun s'entredévore. Cette importance a été reconnue par les grandes +religions du monde depuis des milliers d'années et elles essaient +explicitement d'encourager cette attitude.</p> + +<p>Quand j'allais à la maternelle, les institutrices essayaient de nous +apprendre cette attitude, l'esprit de partage, en nous la faisant +pratiquer. Elles pensaient qu'on apprend en faisant. Alors elles disaient : +« Si tu apportes des bonbons à l'école, tu ne peux pas tout garder pour toi, +tu dois les partager avec les autres enfants. » En nous éduquant, la société +a fait en sorte de nous apprendre cet esprit de coopération. Et pourquoi +faut-il faire cela ? Parce que les gens ne sont pas totalement +coopératifs. C'est un aspect de la nature humaine, mais il y en a +d'autres. Il y en a beaucoup. Alors, si vous voulez une société meilleure, +vous devez travailler à encourager l'esprit de partage. Vous savez, ce ne +sera jamais à 100%. Ça se comprend, les gens doivent aussi prendre soin +d'eux-mêmes. Mais si nous le rendons plus fort, nous nous en porterons tous +mieux.</p> + +<p>De nos jours, selon le gouvernement des États-Unis, les enseignants sont +censés faire exactement le contraire. « Oh Johnny, tu as apporté un +programme à l'école ! Eh bien, ne le partage pas. Oh non ! Le partage c'est +mal ; le partage, ça veut dire que tu es un pirate. »</p> + +<p>Qu'entendent-ils par le mot « pirate » ? Qu'aider son voisin est +l'équivalent moral d'une attaque de bateau <i>[rires]</i>.</p> + +<p>Que diraient Jésus et Bouddha à ce sujet ? Prenez vos chefs religieux +favoris. Je ne sais pas, peut-être Manson aurait dit quelque chose de +différent <i>[rires]</i>. Qui sait ce que L. Ron Hubbard aurait dit, +mais…</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : <i>[inaudible]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Bien sûr, il est mort. Mais ils ne l'admettent +pas. Quoi ?</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Les autres aussi sont +morts. <i>[rires]</i>. Charles Manson aussi est mort <i>[rires]</i>. Ils +sont morts, Jésus est mort, Bouddha est mort…</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oui, c'est vrai <i>[rires]</i>. De ce point de +vue Ron Hubbard n'est pas pire que les autres <i>[rires]</i>. De toute +façon… <i>[inaudible]</i></p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : L. Ron utilisait du logiciel libre ; ça l'a +libéré de Zanu <i>[rires]</i>.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Bon, quoi qu'il en soit, je pense que c'est +vraiment la raison la plus importante pour laquelle les logiciels doivent +être libres. Nous ne pouvons nous permettre de polluer la ressource la plus +importante de la société. C'est vrai que ce n'est pas une ressource physique +comme l'air propre et l'eau propre. C'est une ressource psychosociale, mais +c'est tout aussi réel et cela fait une formidable différence pour nos vies. +Les actions que nous menons influencent les pensées des autres. Quand nous +clamons alentour « Ne partagez pas avec les autres ! », s'ils nous entendent +nous avons eu un effet sur la société, et pas un bon effet. C'est la +liberté 2, celle d'aider son voisin.</p> + +<p>Oh, j'oubliais, si vous n'avez pas cette liberté, cela ne cause pas +seulement un préjudice à cette ressource psychosociale, c'est du gâchis – un +préjudice pratique, matériel. Si le programme a un propriétaire et que le +propriétaire s'arrange pour que chaque utilisateur doive payer pour s'en +servir, certaines personnes diront : « Pas d'importance, je m'en passerai. » +Et c'est du gâchis, du gâchis délibéré. Ce qui est intéressant avec les +logiciels c'est que ce n'est pas parce que vous avez moins d'utilisateurs +que vous devez en produire moins. Si moins de gens achètent des voitures, +vous fabriquerez moins de voitures. Là il y a une économie. Il y a des +ressources à allouer ou non à la fabrication des voitures. Aussi vous pouvez +dire qu'avoir un prix pour une voiture est une bonne chose. Cela évite que +les gens ne gaspillent leurs ressources dans l'achat de voitures dont ils +n'ont pas vraiment besoin. Mais si fabriquer une voiture supplémentaire +n'utilisait aucune ressource, on n'aurait aucun intérêt à économiser sur la +fabrication des voitures. Ainsi, pour les objets physiques, comme les +voitures, il faudra toujours des ressources pour en faire un de plus – pour +chaque exemplaire supplémentaire.</p> + +<p>Mais pour les logiciels ce n'est pas vrai. N'importe qui peut en faire une +copie et c'est presque banal de le faire. Cela ne consomme aucune ressource +sauf un tout petit peu d'électricité. Il n'y a rien à économiser ; aucune +ressource ne serait mieux utilisée si nous appliquions cette désincitation +financière à l'usage du logiciel. Vous trouvez souvent des gens qui prennent +les conséquences d'un raisonnement économique valable pour les autres +activités et prétendent les transposer au logiciel – où les prémisses de ce +raisonnement ne s'appliquent pas – tout en supposant que les résultats +resteront valables, bien que l'argument n'ait aucune base dans le domaine du +logiciel. Les prémisses ne marchent pas dans ce cas-là. C'est très important +de voir comment on arrive à une conclusion et de quelles prémisses elle +dépend pour voir si elle est valide. Donc, liberté 2, la liberté d'aider son +voisin.</p> + +<p>La liberté 3 est celle d'aider à bâtir votre communauté en publiant une +version améliorée du logiciel. Au début les gens me disaient souvent : « Si +le logiciel est gratuit, personne ne sera payé, alors pourquoi +travailler ? » Naturellement, ils confondaient les deux significations de +<cite>free</cite>, donc leur raisonnement était basé sur un +malentendu. Aujourd'hui nous pouvons comparer cette théorie avec les faits +empiriques et constater que des centaines de gens sont payés pour faire du +logiciel libre et que plus de 100 000 le font bénévolement. Il y a plein de +gens qui font des logiciels libres pour différentes raisons.</p> + +<p>Quand j'ai publié le premier GNU Emacs – le premier morceau de GNU que les +gens ont réellement voulu utiliser – et qu'il a commencé à avoir des +utilisateurs, après un certain temps j'ai eu un message disant : « Je pense +que j'ai vu un bogue dans le code source et voici une solution. » Et j'ai eu +un autre message : « Voici du code pour ajouter une nouvelle fonction. » Et +une nouvelle correction, et une nouvelle fonction. Et une autre, et une +autre, jusqu'à ce qu'elles se déversent sur moi si vite qu'utiliser toute +cette aide devenait un gros travail. Microsoft n'a pas ce problème +<i>[rires]</i>.</p> + +<p>En fin de compte, des gens ont remarqué ce phénomène. Vous voyez, dans les +années 80, beaucoup parmi nous pensaient que le logiciel libre ne serait +peut-être pas aussi bon que le non libre parce que nous n'aurions pas assez +d'argent pour payer des gens. Et bien sûr, les gens qui comme moi accordent +de la valeur à la communauté et à la liberté ont dit : « Nous utiliserons +des logiciels libres tout de même. » Cela vaut le coup de faire un petit +sacrifice au niveau de la simple commodité technique pour avoir la +liberté. Mais ce que les gens ont constaté vers 1990, c'est que nos +logiciels étaient en fait meilleurs, qu'ils étaient plus puissants et plus +fiables que les alternatives privatrices.</p> + +<p>Au début des années 90 quelqu'un a trouvé un moyen de mesurer +scientifiquement la fiabilité d'un logiciel. Voilà ce qu'il a fait. Il a +pris plusieurs logiciels qui faisaient les mêmes tâches, exactement les +mêmes tâches, sur différents systèmes. Parce qu'il y a certains utilitaires +de base sur tous les systèmes Unix. Et les tâches qu'ils effectuent, nous le +savons, se ressemblent beaucoup, ou bien elles suivent les spécifications +POSIX. Les logiciels étaient donc tous les mêmes en termes de tâche +effectuée, mais ils étaient écrits et maintenus par des gens différents, et +développés séparément ; leur code était différent. Le chercheur a décidé +d'introduire des données aléatoires dans ces programmes et de mesurer quand +ils plantaient ou se bloquaient. Il a fait les mesures, et les programmes +les plus fiables étaient les programmes GNU. Toutes les alternatives +privatrices étaient moins fiables. Alors il a publié ça et l'a dit à tous +les développeurs, et quelques années plus tard il a fait la même expérience +avec les dernières versions et a obtenu le même résultat : les versions GNU +étaient les plus fiables. Vous savez, il y a des cliniques pour le cancer et +des services d'urgence <cite>[911]</cite> qui utilisent le système GNU parce +qu'il est très fiable et que la fiabilité est très importante pour eux.</p> + +<p>Quoi qu'il en soit, il y a même un groupe de gens qui se concentrent sur cet +avantage particulier et en font la raison la plus importante pour que les +utilisateurs puissent faire ces diverses choses et avoir ces libertés. Si +vous m'avez écouté, vous aurez noté, vous aurez vu que lorsque je parle du +mouvement du logiciel libre, je parle d'enjeux éthiques et du type de +société où nous voulons vivre, de ce qui fait une bonne société, autant que +des avantages matériels. Les deux sont importants. C'est cela le mouvement +du logiciel libre.</p> + +<p>Cet autre groupe de gens, qui est appelé mouvement open source, ne parle que +d'avantages pratiques. Ils refusent d'en faire une question de principe. Ils +ne considèrent pas comme un droit que les gens aient la liberté de partager +avec leur prochain, de voir ce que le programme fait et de le modifier s'il +ne leur plaît pas. Ils disent cependant que c'est utile que les gens aient +ces droits. Alors ils vont voir des entreprises et leur disent : « Vous +savez, vous pourriez gagner plus d'argent si vous laissiez les gens faire +tout ça. » Ainsi vous voyez que, jusqu'à un certain point, ils mènent les +gens dans la même direction, mais pour des raisons philosophiques +complètement, fondamentalement différentes.</p> + +<p>Parce que sur l'enjeu de fond, l'enjeu éthique, les deux mouvements ne sont +pas d'accord. Dans le mouvement du logiciel libre on dit : « Vous avez droit +à ces libertés ; personne ne doit vous empêcher de faire ces choses. » Dans +le mouvement open source on dit : « Oui, on peut vous les interdire, mais +nous allons essayer de les convaincre de daigner vous les laisser faire. » +D'accord, ils ont apporté leur contribution, ils ont convaincu un certain +nombre d'entreprises d'apporter des logiciels importants à la communauté du +libre. Le mouvement open source a donc contribué à notre communauté de +manière considérable. Nous travaillons ensemble sur des projets pratiques, +mais philosophiquement il y a un désaccord énorme.</p> + +<p>Malheureusement, c'est le mouvement open source qui reçoit le plus d'aide de +l'industrie. Beaucoup d'articles sur notre travail le décrivent comme open +source et beaucoup de gens pensent innocemment que nous faisons tous partie +du mouvement open source. C'est pour cela que je mentionne cette +distinction, je veux que vous soyez conscients que le mouvement du logiciel +libre, qui a amené notre communauté à l'existence et développé le système +d'exploitation libre, est toujours là, et que nous défendons toujours cette +philosophie éthique. Je tiens à ce que vous le sachiez pour éviter que vous +ne désinformiez quelqu'un d'autre sans vous en apercevoir.</p> + +<p>Mais c'est aussi pour que vous puissiez vous situer.</p> + +<p>Vous savez, c'est à vous de voir quel mouvement vous soutenez. Vous serez +peut-être d'accord avec le mouvement du logiciel libre et avec mes +vues. Vous serez peut-être d'accord avec le mouvement open source. Vous +serez peut-être en désaccord avec les deux. C'est à vous de décider quelle +est votre position sur ces enjeux politiques.</p> + +<p>Mais si vous êtes d'accord avec le mouvement du logiciel libre – si vous +voyez qu'il y a là un enjeu, que les gens dont les vies sont contrôlées et +dirigées par cette décision ont aussi leur mot à dire – alors j'espère que +vous exprimerez votre accord avec le mouvement du logiciel libre. Une façon +de le faire est d'utiliser le terme « logiciel libre », ne serait-ce que +pour aider les gens à savoir qu'il existe.</p> + +<p>La liberté 3 est donc très importante pratiquement et sur le plan +psychosocial. Si vous n'avez pas cette liberté, cela cause un préjudice +pratique et matériel parce que la communauté ne se développe pas et que nous +ne pouvons pas faire de logiciels puissants et fiables. Mais cela cause +aussi un préjudice psychosocial qui affecte l'esprit de coopération +scientifique – l'idée que nous travaillons ensemble à l'avancement du savoir +humain. Vous savez, le progrès scientifique dépend de façon cruciale de la +capacité des gens à travailler ensemble. Et pourtant, même de nos jours, +vous voyez souvent chaque petit groupe de scientifiques agir comme s'il +était en guerre avec chacun des autres gangs de scientifiques et +d'ingénieurs. Et s'ils ne partagent pas les uns avec les autres, c'est un +frein pour tous.</p> + +<p>Nous venons de voir les trois libertés qui distinguent le logiciel libre du +logiciel ordinaire. La Liberté 1 est celle de s'aider soi-même, d'apporter +des changements en fonction de ses besoins propres. La liberté 2 est celle +d'aider son prochain en distribuant des copies. Et la liberté 3 est la +liberté d'aider à construire sa communauté en apportant des modifications et +en les publiant à l'usage des autres. Si vous avez toutes ces libertés, ce +logiciel est libre pour vous. Maintenant pourquoi est-ce que je définis cela +en termes d'utilisateur particulier ? Est-ce que c'est du logiciel libre +pour vous (<i>en désignant un membre du public</i>) ? Est-ce que c'est du +logiciel libre pour vous (<i>en désignant un autre membre du public</i>) ? +Est-ce que c'est du logiciel libre pour vous (<i>en désignant encore un +autre membre du public</i>) ? Oui ?</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Pouvez-vous expliquer un peu la différence entre +les libertés 2 et 3 ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Eh bien, elles sont certainement liées. Parce +que si vous n'avez pas la liberté de redistribuer vous avez encore moins la +liberté de distribuer une version modifiée. Mais ce sont des activités +différentes.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Oh.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : La liberté 2 c'est, vous le savez, lisez-le, que +vous pouvez faire une copie exacte et la donner à vos amis de sorte que vos +amis puissent l'utiliser. Ou bien vous faites des copies exactes et vous les +vendez à tout un tas de gens pour qu'ils puissent les utiliser.</p> + +<p>La liberté 3, c'est quand vous apportez des améliorations ou du moins quand +vous pensez que c'est des améliorations et que d'autres personnes sont +d'accord avec vous. Voilà, c'est cela la différence. Oh, j'oubliais un point +essentiel. Les libertés 1 et 3 dépendent de l'accès au code source. Parce +que modifier un programme binaire c'est extrêmement difficile <i>[rires]</i> +– même des changements très insignifiants comme d'utiliser quatre chiffres +pour la date <i>[rires]</i>, si vous n'avez pas le source. Aussi pour des +raisons pratiques l'accès au code source est une condition préalable, un +prérequis du logiciel libre.</p> + +<p>Pourquoi définir le logiciel libre comme logiciel libre <em>pour vous</em> ? +La raison en est que le même programme peut être libre pour certaines +personnes et non libres pour d'autres. Cela pourrait sembler paradoxal, mais +laissez-moi vous donnez un exemple de cette situation. Un très grand +exemple, peut-être le plus grand exemple de ce problème, est le système +X Window qui a été développé au MIT et publié sous une licence qui en a fait +un logiciel libre. Si vous aviez la version MIT avec la licence MIT, vous +aviez les libertés 1, 2 et 3. C'était du logiciel libre pour vous. Mais +parmi ceux qui avaient des copies, il y avait divers fabricants +d'ordinateurs qui distribuaient des systèmes Unix. Ils ont fait les +changements nécessaires pour que X fonctionne sur leurs systèmes ; vous +savez, probablement quelques centaines de lignes sur les centaines de +milliers de lignes de X. Ensuite ils l'ont compilé, ils ont placé les +binaires dans leur système Unix et ils ont distribué le tout avec la même +clause de non-divulgation. Alors des milliers de gens ont eu ces copies. Ils +avaient le système X Window, mais aucune de ces libertés. Ce n'était pas du +logiciel libre <em>pour eux</em>.</p> + +<p>Il y avait donc un paradoxe : qu'X soit libre ou non dépendait de l'endroit +où l'on faisait la mesure. Si vous faisiez la mesure à la sortie du groupe +de développeurs, vous disiez : « J'ai observé toutes ces libertés, c'est du +logiciel libre. » Si vous faisiez la mesure parmi les utilisateurs, vous +disiez : « Hum, la plupart des utilisateurs n'ont pas ces libertés, ce n'est +pas du logiciel libre. » Les gens qui développaient X n'y voyaient aucun +problème, car leur principal souci était essentiellement la popularité, +l'ego. Ils voulaient un grand succès professionnel. Ils voulaient pouvoir se +dire : « Aah, un tas de gens utilisent nos logiciels ! » Et c'était vrai, un +tas de gens utilisaient leurs logiciels, mais ils n'avaient pas la liberté.</p> + +<p>Au projet GNU en revanche, ce serait un échec si la même chose arrivait à un +logiciel GNU, car notre but n'est pas simplement d'être populaires. Notre +but est de donner aux gens la liberté, d'encourager la coopération et de +permettre aux gens de coopérer. Souvenez-vous, ne forcez jamais personne à +coopérer, mais faites en sorte que chacun(e) ait la permission de coopérer, +que chacun(e) ait la liberté de le faire si il ou elle le souhaite. Si des +millions de personnes utilisaient des versions non libres de GNU, ce ne +serait pas du tout un succès, l'ensemble aurait été perverti et détourné de +son but.</p> + +<p>J'ai donc cherché un moyen d'empêcher que cela n'arrive. La méthode que j'ai +trouvée est appelée « copyleft ». Ça s'appelle copyleft car c'est un peu +comme prendre un copyright et le retourner <i>[rires]</i>. Juridiquement le +copyleft fonctionne sur la base du copyright. Nous utilisons le droit du +copyright tel qu'il existe, mais nous l'utilisons pour atteindre un but très +différent. Voici ce que nous faisons. Nous disons : « Ce programme est sous +copyright. » Et bien sûr, par défaut, cela signifie qu'il est interdit de le +copier, de le distribuer et de le modifier. Mais alors nous disons : « Vous +êtes autorisé à en distribuer des copies. Vous êtes autorisé à le +modifier. Vous êtes autorisé à en distribuer des copies modifiées et +étendues. Changez-le comme vous le souhaitez. »</p> + +<p>Mais il y a une condition. Cette condition est évidemment la raison pour +laquelle nous nous sommes donnés tout ce mal – pour pouvoir +l'introduire. Cette condition dit : « Chaque fois que vous distribuez +quelque chose qui contient un morceau de ce programme, vous devez distribuer +le tout aux mêmes conditions, ni plus, ni moins. Vous pouvez donc modifier +le programme et le distribuer, mais les gens qui l'auront reçu de vous +bénéficieront de toute la liberté que vous avez reçue de nous. Pas seulement +pour certaines parties de ce programme – les extraits que vous avez pris – +mais aussi pour tous les autres morceaux du programme qu'ils ont reçu de +vous. L'intégralité de ce programme doit être libre pour eux. »</p> + +<p>Les libertés de redistribuer et de modifier le programme deviennent des +droits inaliénables – un concept hérité de la Déclaration d'indépendance<a +id="TransNote7-rev" href="#TransNote7"><sup>7</sup></a> ; des droits dont +nous nous assurons qu'ils ne peuvent vous être retirés. Et bien sûr la +licence spécifique qui incarne l'idée du copyleft est la « licence publique +générale GNU » (GNU <abbr title="General Public License">GPL</abbr>), une +licence controversée car elle a la force de dire non à ceux qui voudraient +parasiter notre communauté.</p> + +<p>Il y a beaucoup de gens qui n'apprécient pas nos idéaux de liberté. Ils +seraient très contents de prendre le travail que nous avons fait, d'en faire +une base pour la distribution de logiciel non libre et d'inciter les gens à +abandonner leur liberté. Le résultat, si nous les laissions faire, serait +que nous ne développerions des programmes libres que pour être constamment +concurrencés par des versions améliorées de nos propres programmes. Ça ne +serait pas drôle.</p> + +<p>Et beaucoup de gens penseraient : « Je suis volontaire pour donner de mon +temps afin de contribuer à ma communauté, mais pourquoi contribuer à un +programme privateur de telle ou telle société ? » Vous savez, certaines +personnes ne trouvent pas ça forcément mal, mais elles veulent être +rétribuées si elles le font. Moi, je préférerais ne pas le faire du tout.</p> + +<p>Mais les deux groupes de gens – ceux qui comme moi disent « Je ne veux pas +aider un programme non libre à prendre pied dans notre communauté » et ceux +qui pensent « Je veux bien améliorer un programme non libre, mais ils ont +intérêt à me payer » – ont une bonne raison d'utiliser la licence GPL. Parce +que cela dit à ces sociétés « Vous ne pouvez pas juste prendre mon travail +et le redistribuer sans la liberté », ce que permettent les licences sans +copyleft comme la licence de X Windows.<a id="TransNote8-rev" +href="#TransNote8"><sup>8</sup></a></p> + +<p>C'est ça la grande distinction entre les deux catégories de logiciel libre ; +elle porte sur la licence. Il y a les programmes placés sous copyleft afin +que la licence défende la liberté du logiciel pour chaque utilisateur, et il +y a les programmes sans copyleft, pour lesquels des versions non libres sont +permises. Quelqu'un <em>a la possibilité</em> de prendre ces programmes et +d'en ôter la liberté ; on peut donc les obtenir dans une version non libre.</p> + +<p>Et ce problème persiste. Il existe encore des versions non libres de +X Windows qui sont utilisées sur nos systèmes d'exploitation libres. Il y a +même des matériels qui ne sont gérés que par des versions non libres et +c'est un problème majeur dans notre communauté. Cependant, je ne dirais pas +que X Windows soit une mauvaise chose ; je dirais que les développeurs n'ont +pas fait du mieux qu'ils pouvaient, mais ils ont <em>effectivement</em> +publié une grande quantité de logiciel que nous pouvons tous utiliser.</p> + +<p>Il y a une grande différence entre imparfait et mauvais, vous savez. Il y a +de nombreux degrés entre le bien et le mal. Nous devons résister à la +tentation de dire : « Si vous n'avez pas fait absolument du mieux possible, +vous ne valez rien. » Les gens qui ont développé X Windows ont fait une +grande contribution à notre communauté, mais ils auraient pu mieux +faire. Ils auraient pu mettre des morceaux du programme sous copyleft et +cela aurait empêché ces versions non libres d'être distribuées par d'autres.</p> + +<p>Cela dit, le fait que la GPL défende votre liberté – utilise le droit du +copyright pour défendre cette liberté – est la raison pour laquelle +Microsoft l'attaque aujourd'hui. Voyez, Microsoft voudrait vraiment prendre +tout ce code que nous avons écrit et le mettre dans des programmes +privateurs. Faire ajouter quelques améliorations ou simplement des +changements incompatibles par quelqu'un, cela suffirait. <i>[rires]</i>.</p> + +<p>Vous savez, avec leur puissance marketing, les gens de chez Microsoft n'ont +pas vraiment besoin de faire une version meilleure pour nous supplanter. Ils +ont juste besoin de la rendre différente et incompatible, et ensuite de la +mettre sur le bureau de tout le monde. Donc ils n'aiment pas du tout la GPL, +parce que la GNU GPL ne leur permet pas de le faire. Elle n'autorise pas la +stratégie de la pieuvre <cite>[embrace and extend]</cite>. Elle dit : « Si +vous voulez vous servir de notre code dans vos programmes, vous pouvez, mais +vous devrez aussi partager, et partager à l'identique. Les changements que +vous avez faits devront pouvoir être partagés. » C'est une coopération dans +les deux sens, une vraie coopération.</p> + +<p>Beaucoup d'entreprises, même de grosses sociétés comme IBM et HP, sont +d'accord pour utiliser nos logiciels dans cet esprit. IBM et HP contribuent +à de substantielles améliorations des logiciels GNU et développent d'autres +logiciels libres. Mais Microsoft ne veut pas de ça. Ils prétendent que le +business est incompatible avec la GPL. Eh bien, si le business n'inclut pas +IBM, et HP, et SUN, peut-être qu'ils ont raison <i>[rires]</i>. J'en dirai +plus ultérieurement sur le sujet.</p> + +<p>Je dois d'abord terminer l'exposé historique. En 1984 nous avons entrepris, +non seulement d'écrire du logiciel libre, mais de faire quelque chose de +plus cohérent : développer un système d'exploitation libre qui ne comprenne +que des logiciels libres. Cela signifiait que nous devions l'écrire morceau +par morceau. Bien sûr, nous cherchions en permanence des raccourcis. C'était +un tel travail que les gens disaient que nous ne pourrions pas y arriver. Je +pensais qu'il y avait tout de même une chance, mais que ça valait la peine +d'essayer des raccourcis. Alors nous avons continué à chercher. Y a-t-il un +programme déjà écrit que nous pouvons adapter et intégrer, de sorte qu'il +n'ait pas à être réécrit en entier ? Par exemple le système X Window. C'est +vrai qu'il n'était pas sous copyleft, mais il était libre et donc nous +pouvions l'utiliser.</p> + +<p>En fait j'ai toujours voulu inclure un système de fenêtrage. J'en avais +écrit deux quand j'étais au MIT, avant de commencer GNU. C'est pourquoi, +bien qu'en 1984 Unix n'ait pas été doté d'un système de fenêtrage, j'ai +décidé que GNU en aurait un. Mais nous n'avons jamais eu l'occasion de +l'écrire, car X Window est arrivé et j'ai dit : « Super ! Un gros travail +que nous n'aurons pas à faire. Utilisons X et nous ferons marcher les autres +morceaux de GNU avec X le moment venu. » Nous avons aussi trouvé d'autres +logiciels qui avaient été écrits par d'autres personnes, comme le formateur +de texte TeX et une bibliothèque provenant de Berkeley. En ce temps-là il y +avait l'Unix de Berkeley, mais ce n'était pas un logiciel libre. Cette +bibliothèque venait d'un autre groupe de Berkeley, qui faisait des +recherches sur la virgule flottante. Nous avons donc agencé ces morceaux.</p> + +<p>En octobre 85, nous avons fondé la <cite>Free Software Foundation</cite> +(Fondation pour le logiciel libre). Veuillez donc noter que le projet GNU +est venu avant. La FSF est venue après, presque deux ans après l'annonce du +projet. La FSF est une fondation à but non lucratif qui lève des fonds pour +promouvoir la liberté de partager et modifier les logiciels. Dans les +années 80, une des choses principales que nous avons faites avec nos fonds +fut de recruter des gens pour écrire des morceaux de GNU. Des programmes +essentiels comme le shell et la bibliothèque C ont été écrits comme cela, +ainsi que des parties d'autres programmes. Le programme <code>tar</code>, +qui est absolument essentiel bien que pas du tout passionnant, fut écrit +comme ça <i>[rires]</i>. Je crois que GNU grep a été écrit comme ça +également. Si bien que nous approchions du but.</p> + +<p>Vers 1991, il ne manquait plus qu'un morceau essentiel, le noyau. Pourquoi +ai-je tardé à m'occuper du noyau ? Probablement parce que l'ordre dans +lequel vous mettez les choses n'a pas d'importance, du moins +techniquement. Il faut tout faire de toute façon. Et aussi parce que nous +pensions trouver un début de noyau ailleurs. C'est ce qui s'est passé. Nous +avons trouvé Mach qui avait été développé à Carnegie-Mellon. Ce n'était pas +le noyau complet mais sa moitié inférieure, son socle. Il nous fallait +écrire la partie supérieure, des choses comme le système de fichiers, le +code réseau, etc. Fonctionnant au-dessus de Mach comme programmes +utilisateur, ils étaient en principe plus faciles à déboguer. On pouvait +utiliser un vrai débogueur de code source qui s'exécutait en même temps. Je +pensais qu'ainsi nous serions capables de faire cette partie supérieure en +peu de temps. Mais cela n'a pas marché comme prévu. Ces processus +asynchrones et <cite>multi-threads</cite>, s'envoyant des messages les uns +aux autres, se sont révélés très difficiles à déboguer et le système basé +sur Mach, sur lequel nous démarrions, possédait un environnement de débogage +calamiteux. Il n'était pas fiable et avait divers problèmes. Cela nous a +pris des années et des années pour faire fonctionner le noyau GNU.</p> + +<p>Mais heureusement notre communauté n'a pas eu à attendre le noyau GNU, parce +qu'en 1991 Linus Torvalds développa un autre noyau libre appelé Linux. Il +utilisait le vieux schéma du noyau monolithique et il se trouve qu'il +réussit à le faire marcher beaucoup plus vite que nous le nôtre. C'est +probablement une erreur que j'ai faite, le choix de cette architecture. De +toute façon, au début on ne savait rien de Linux, car il ne nous a jamais +contacté pour en parler bien qu'il ait été au courant du projet GNU. Mais il +l'a annoncé à d'autres gens et à d'autres endroits sur le net. Alors +d'autres gens ont fait le travail de combiner Linux avec le reste du système +GNU pour en faire un système d'exploitation libre complet ; essentiellement +pour faire la combinaison GNU plus Linux.</p> + +<p>Toutefois ils l'ont fait sans s'en rendre compte. « Vous voyez, » +disaient-ils, « nous avons un noyau. Allons à la recherche de morceaux qui +puissent s'assembler avec lui. » Alors ils ont regardé partout, et +surprise… tout ce dont ils avaient besoin était disponible ! « Quelle +bonne fortune, » dirent-ils, <i>[rires]</i> « tout est là. Il y a tout ce +dont nous avons besoin. Prenons simplement tous ces morceaux et mettons-les +ensemble, ainsi nous aurons un système complet. »</p> + +<p>Ils ne savaient pas que la plus grande partie de ce qu'ils trouvaient, +c'était des morceaux du système GNU. Ils n'ont pas compris qu'ils plaçaient +Linux dans le dernier trou du système GNU. Ils pensaient qu'ils prenaient +Linux et qu'ils en faisaient un système. Alors ils l'ont appelé « système +Linux ».</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : <i>[inaudible]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Vous entends pas… Quoi ?</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : <i>[inaudible]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Bien je crois que ce n'est pas vraiment… +C'est provincial, vous savez.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Mais c'est plus une bonne fortune que de trouver +X et Mach ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Exact. La différence, c'est que les gens qui ont +développé X et Mach n'avaient pas pour but de faire un système +d'exploitation libre complet. Nous étions les seuls à avoir ce but et c'est +notre travail acharné qui a fait que le système existe. Nous avons en +réalité fait plus de travail que n'importe quel autre projet. Ce n'est pas +une coïncidence car ces gens… ils ont écrit des parties utiles du +système, mais ne l'ont pas fait parce qu'ils voulaient finir le système. Ils +avaient d'autres raisons.</p> + +<p>Les gens qui ont développé X pensaient que de mettre au point un système de +fenêtrage sur le réseau serait une bonne chose, et ça l'était. Et il se +trouve que cela nous a aidé à faire un bon système d'exploitation +libre. Mais ils n'y pensaient même pas ; c'était un accident, un bonus +fortuit. Je ne dis pas que ce qu'ils ont fait était mauvais, ils ont fait un +grand projet libre. C'est une bonne chose, mais ils n'avaient pas la vision +ultime. C'est le projet GNU qui avait cette vision.</p> + +<p>Et donc, nous sommes ceux… tous les morceaux qui n'ont pas été faits +par d'autres, nous les avons faits. Sinon nous n'aurions pas eu un système +complet. Même quand ils étaient parfaitement fastidieux et pas du tout +romantiques comme <code>tar</code> ou <code>mv</code> <i>[rires]</i>, nous +les avons faits. Ou <code>ld</code> ; vous savez, il n'y a rien de très +passionnant dans <code>ld</code>, mais j'en ai fait un <i>[rires]</i>, et je +me suis donné du mal pour qu'il utilise un minimum d'entrées-sorties sur +disque afin qu'il soit plus rapide et qu'il gère de plus gros +programmes. Vous voyez, j'aime bien faire du bon boulot, j'aime bien +améliorer différentes choses du programme pendant que je le réalise. Mais la +raison pour laquelle je l'ai fait n'est pas que j'avais des idées brillantes +pour un meilleur <code>ld</code>. La raison était que j'avais besoin d'un +<code>ld</code> qui soit libre. Et nous ne pouvions attendre de personne +d'autre qu'il le fasse. Il nous fallait donc le faire ou trouver quelqu'un +pour le faire.</p> + +<p>Aussi, bien qu'à ce stade des milliers de gens impliqués dans différents +projets aient contribué à ce système, il doit son existence à un seul +projet, qui est le projet GNU. <em>C'est</em> fondamentalement le système +GNU, avec d'autres choses ajoutées par la suite.</p> + +<p>Quoi qu'il en soit, le fait d'appeler ce système Linux a fait du mal au +projet GNU, car d'habitude nous ne sommes pas reconnus pour le travail que +nous avons fait. Je pense que Linux, le noyau, est un logiciel libre très +utile et je n'ai que de bonnes choses à en dire. Bon, en fait, je pourrais +trouver un peu de mal à en dire <i>[rires]</i>, mais pour l'essentiel j'en +dis du bien. Toutefois, appeler le système GNU « Linux » est juste une +erreur. Je vous demanderai de faire le petit effort nécessaire pour appeler +ce système « GNU/Linux », et ainsi nous aider à en partager le crédit.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Vous avez besoin d'une mascotte ! Trouvez-vous +un animal en peluche ! <i>[rires]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Nous en avons un.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Ah bon ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Nous avons un animal : un gnou +<i>[rires]</i>. Alors, oui, lorsque vous dessinez un manchot, dessinez un +gnou à côté <i>[rires]</i>. Mais gardons les questions pour la fin. Je dois +encore avancer.</p> + +<p>Pourquoi est-ce que je me préoccupe tant de cela ? Pourquoi est-ce que je +pense que cela vaut la peine de vous ennuyer et peut-être de vous donner une +piètre opinion de moi-même <i>[rires]</i> pour poser le problème de la +reconnaissance ? Parce que certaines personnes, quand je parle de ça, +certaines personnes pensent que je le fais pour nourrir mon ego. Bien sûr, +je ne vous demande pas de l'appeler « Stallmanix », n'est-ce pas ? <i>[rires +et applaudissements]</i></p> + +<p>Je vous demande de l'appeler GNU parce que je veux que le projet GNU en ait +le crédit. Il y a une raison très particulière, beaucoup plus importante que +le simple fait d'être reconnu. Vous voyez, de nos jours – regardez autour de +vous dans notre communauté – la plupart des gens qui en parlent ou écrivent +à son sujet ne mentionnent même pas GNU, ni ses objectifs de liberté, ni +d'ailleurs ses idéaux politiques et sociétaux. Parce que c'est de GNU que +tout cela provient.</p> + +<p>Les idées associées à Linux… leur philosophie est très +différente. C'est fondamentalement la philosophie apolitique de Linus +Torvalds. Ainsi quand les gens pensent que l'ensemble du système est Linux, +ils tendent à penser : « Oh, c'est Linus Torvalds qui a dû mettre tout ça en +route. C'est sa philosophie que nous devons examiner attentivement. » Et +quand ils entendent parler de la philosophie GNU ils disent : « Mon Dieu, +que c'est idéaliste ! Cela semble bien peu réaliste. Je suis un utilisateur +de Linux, pas de GNU. » <i>[rires]</i></p> + +<p>Quelle ironie ! Si seulement ils savaient ! S'ils savaient que le système +qu'ils apprécient et dans certains cas aiment à la folie, c'est notre +philosophie politique idéaliste devenue réalité.</p> + +<p>Ce n'est pas qu'ils devraient être d'accord avec nous, mais au moins ils +verraient une raison de la prendre un peu au sérieux, de l'examiner +attentivement, de lui donner une chance. Ils verraient comme c'est lié à +leur vie. Vous savez, s'ils se disaient « J'utilise le système GNU, voici la +philosophie GNU, c'est <em>grâce à cette philosophie</em> que le système que +j'apprécie existe », ils la considéreraient avec un esprit beaucoup plus +ouvert. Ça ne veut pas dire que tout le monde serait d'accord. Chacun a ses +idées. C'est bien, Les gens doivent se faire leur propre opinion. Mais je +veux que cette philosophie soit créditée des résultats qu'elle a obtenus.</p> + +<p>Si vous regardez autour de vous dans notre communauté, vous verrez que +presque partout les institutions appellent notre système Linux. Les +journalistes l'appellent le plus souvent Linux. Ce n'est pas juste, mais ils +le font. Les entreprises qui mettent le système sous forme de paquets +installables le font la plupart du temps. La plupart de ces journalistes, +quand ils écrivent des articles, ne l'envisagent pas comme un sujet +politique ni un sujet de société. Ils l'envisagent habituellement du point +de vue économique ou s'intéressent au succès plus ou moins grand des +entreprises, ce qui est une question mineure pour la société. Et si vous +regardez les entreprises qui empaquettent le système GNU/Linux pour les +utilisateurs, la plupart d'entre elles l'appellent Linux et elles y ajoutent +<em>toutes</em> des logiciels non libres.</p> + +<p>Voyez, la GNU GPL stipule que si vous prenez du code d'un programme sous GPL +et que vous lui ajoutez du code pour en faire un programme plus grand, +l'ensemble de ce programme devra être publié sous GPL. Mais vous pourriez +mettre d'autres programmes séparés sur le même disque (soit disque dur, soit +CD) et ils pourraient être sous d'autres licences ; c'est considéré comme +une simple agrégation. Pour l'essentiel, nous n'avons rien à redire au fait +de simplement distribuer deux programmes à quelqu'un en même temps. Donc, en +fait ce n'est pas vrai – j'aimerais quelquefois que ça soit vrai – que si +une entreprise utilise un programme sous GPL dans un produit, l'ensemble du +produit doive être du logiciel libre. Ça ne va pas jusque-là. Il s'agit de +l'ensemble du <em>programme</em>. S'il y a deux programmes séparés qui +communiquent l'un avec l'autre à bout de bras, par exemple en s'envoyant des +messages, ils sont en général juridiquement séparés. Ainsi ces entreprises, +en ajoutant des logiciels non libres au système, donnent aux utilisateurs +une très mauvaise idée, philosophiquement et politiquement. Elles disent aux +utilisateurs : « C'est bien d'utiliser des logiciels non libres. Nous les +ajoutons même en prime. »</p> + +<p>Si vous regardez les magazines sur l'utilisation du système GNU/Linux, la +plupart ont un titre comme « Linux ceci » ou « Linux cela ». Ainsi la +plupart du temps, ils appellent le système « Linux ». Et ils sont remplis de +publicités pour des programmes non libres que vous pouvez faire fonctionner +sur le système GNU/Linux. Ces publicités ont un message commun : « Le +logiciel non libre est bon pour vous, tellement bon que vous pourriez même +<em>payer</em> pour l'avoir. » <i>[rires]</i></p> + +<p>Ils donnent à ces choses le nom de « paquets à valeur ajoutée », ce qui en +dit long sur leurs valeurs. Ils disent : « Accordez de la valeur au côté +pratique, pas à la liberté. » Je n'adhère pas à ces valeurs, aussi je les +appelle « paquets à liberté soustraite » <i>[rires]</i>. Parce que si vous +avez installé un système d'exploitation libre, vous vivez maintenant dans le +monde du libre. Vous bénéficiez de la liberté que nous avons travaillée +pendant tant d'années à vous donner. Ces paquets vous donnent l'occasion de +vous attacher à une chaîne.</p> + +<p>Si vous regardez les expositions commerciales autour du système GNU/Linux, +elles s'appellent toutes « Linux »-expo. Et elles sont remplies de stands +exposant des logiciels non libres, donnant le sceau de l'approbation à du +logiciel non libre. Ainsi, où que vous regardiez dans notre communauté, à +peu de choses près, les institutions renforcent le logiciel non libre, niant +totalement l'idée de liberté pour laquelle GNU a été développé. La seule +occasion qu'ont les gens de rencontrer l'idée de liberté est la référence à +GNU et l'utilisation du terme « logiciel libre ». C'est pourquoi je vous +demande d'appeler le système « GNU/Linux ». S'il vous plaît, faites prendre +conscience aux gens de l'origine et de la raison d'être du système.</p> + +<p>Bien sûr, en utilisant simplement ce nom vous ne donnerez pas une +explication historique. Vous pouvez taper quatre lettres supplémentaires et +écrire « GNU/Linux ». Vous pouvez dire deux syllabes de plus. GNU/Linux, +c'est moins de syllabes que Windows 2000 <i>[rires]</i>. Vous n'en dites pas +vraiment beaucoup, mais vous les préparez pour le jour où ils entendront +parler de GNU et de ce qu'il représente. Ils verront alors comment ça se +rattache à leur vie. Et cela, indirectement, fait une différence +énorme. Alors s'il vous plaît, aidez-nous.</p> + +<p>Vous noterez que Microsoft qualifie la GPL de « licence open source ». Ils +ne veulent pas que les gens pensent en termes de liberté. Ils incitent les +gens à penser étroitement, en tant que consommateurs (et en plus pas très +rationnels, comme consommateurs, s'ils choisissent les produits +Microsoft). Mais ils ne veulent pas que les gens pensent en tant que +citoyens ou hommes d'État. Ça leur est défavorable, du moins c'est +défavorable à leur modèle économique actuel.</p> + +<p>Je peux vous expliquer comment le logiciel libre est lié à notre société. Un +sujet secondaire, qui pourrait intéresser certains d'entre vous, c'est son +rapport à l'économie. En réalité, le logiciel libre est <em>extrêmement</em> +utile à l'économie. Après tout, la plupart des entreprises utilisent du +logiciel dans les pays avancés, mais seule une minuscule fraction en +développe.</p> + +<p>Le logiciel libre offre un avantage considérable à toute entreprise qui +utilise des logiciels, car cela veut dire que c'est elle qui en a le +contrôle. En gros, un logiciel est libre si l'utilisateur a le contrôle de +ce que fait le programme, soit individuellement soit collectivement, à +condition de s'y intéresser suffisamment. N'importe quelle personne qui s'y +intéresse peut exercer quelque influence. Si cela ne vous intéresse pas, +vous n'achetez pas, alors vous utilisez ce que d'autres préfèrent. Mais si +vous vous y intéressez, alors vous avez votre mot à dire. Avec les logiciels +privateurs, pour l'essentiel, vous n'avez rien à dire.</p> + +<p>Avec le logiciel libre vous pouvez modifier ce que vous voulez. Et peu +importe qu'il n'y ait pas de programmeur dans votre entreprise, ça marche +quand même. Vous savez, si vous voulez bouger les cloisons de votre +appartement, vous n'avez pas besoin d'être une entreprise de maçonnerie, +vous n'avez qu'à trouver un maçon et lui demander « Combien prenez-vous pour +faire ce travail ? » Et si vous voulez changer les logiciels que vous +utilisez vous n'avez pas besoin d'être une entreprise d'informatique, il +vous suffit d'aller dans une entreprise d'informatique et de leur dire : +« Combien demandez-vous pour mettre en œuvre ces fonctionnalités ? Et pour +quand pouvez-vous le faire ? » Et si la réponse ne vous convient pas, vous +allez voir quelqu'un d'autre.</p> + +<p>Il y a un marché libre pour le service. Alors une entreprise qui s'intéresse +au service trouvera un avantage énorme dans le logiciel libre. Dans le +logiciel privateur, le service est un monopole. Parce qu'une seule société +possède le code source, ou peut-être quelques sociétés qui ont payé des +sommes faramineuses, si c'est un <cite>shared source</cite> de +Microsoft. Mais elles sont très peu nombreuses. Par conséquent vous n'avez +pas mille prestataires de service à votre disposition. Cela veut dire, sauf +si vous êtes un géant, qu'ils n'en ont rien à faire de vous. Votre +entreprise n'est pas assez importante pour qu'ils tiennent à vous avoir +comme client. Une fois que vous utilisez le programme, vous êtes obligé de +passer par eux pour l'assistance, parce que migrer vers un autre logiciel +est un travail énorme. Alors vous finissez par payer pour avoir le privilège +de signaler un bogue <i>[rires]</i>. Et une fois que vous avez payé ils vous +disent : « OK, nous avons noté le bogue. Dans quelques mois vous pourrez +acheter une mise à jour et vous verrez si nous l'avons réparé. » +<i>[rires]</i></p> + +<p>Les sociétés de service dans le logiciel libre ne peuvent pas s'en tirer +comme ça. Elles doivent satisfaire les consommateurs. Bien sûr vous pouvez +avoir beaucoup d'assistance gratis. Vous posez votre problème sur Internet +et vous pouvez recevoir une réponse le lendemain. Mais ça n'est bien sûr pas +garanti. Si vous voulez être sûr, vous avez intérêt à conclure un accord +avec une société et à la payer. Et c'est naturellement l'une des façons dont +l'économie du logiciel libre fonctionne.</p> + +<p>Un des autres avantages du logiciel libre pour les entreprises, c'est la +sécurité et la protection de la vie privée (cela s'applique aussi aux +particuliers, mais je me suis placé dans le contexte des entreprises). Quand +un programme est privateur, vous voyez, on ne peut pas dire ce qu'il fait +vraiment.</p> + +<p>Il pourrait avoir des fonctionnalités, implantées délibérément, que vous +n'aimeriez pas si vous étiez au courant de leur existence. Par exemple il +pourrait avoir une « porte dérobée » <cite>[backdoor]</cite> pour laisser le +développeur rentrer dans votre machine. Elle pourrait vous espionner et lui +renvoyer des informations. Ce n'est pas inhabituel. Certains programmes de +Microsoft le faisaient, mais pas seulement ceux de Microsoft. Il y a +d'autres programmes privateurs qui espionnent l'utilisateur et vous ne +pouvez même pas le savoir. Et, bien sûr, à supposer même que le développeur +soit parfaitement honnête, tout programmeur peut commettre des erreurs. Il +pourrait y avoir des bogues qui affectent votre sécurité, ce qui n'est la +faute de personne. Mais le point important est que si ce n'est pas du +logiciel libre, vous ne pouvez pas trouver les erreurs ni les réparer.</p> + +<p>Personne n'a le temps de vérifier le code source de chaque programme qu'il +utilise. Ce n'est pas vous qui allez le faire. Mais, avec les logiciels +libres il y a une grande communauté. Dans cette communauté il y a des gens +qui vérifient et vous bénéficiez de leurs vérifications, parce que s'il y a +un bogue accidentel (et il y en a de temps en temps dans n'importe quel +programme), ils pourront le trouver et le corriger. Il est donc peu probable +que quelqu'un place délibérément un cheval de Troie ou une fonction +d'espionnage dans le programme s'il pense qu'il peut être découvert. Les +développeurs de logiciel privateur pensent qu'ils ne seront pas pris, que +cela passera sans être détecté. Mais un développeur du libre devra se dire +que les gens rechercheront ce genre de chose et le trouveront. De même, dans +notre communauté nous ne pouvons pas faire avaler aux utilisateurs une +fonction qu'ils n'aimeraient pas, car nous savons que s'ils ne l'aiment pas +ils feront une version modifiée sans cette fonction, puis ils se mettront +tous à utiliser la version modifiée.</p> + +<p>En fait nous sommes tous capables de réfléchir et de nous projeter +suffisamment pour ne pas introduire cette fonction. Après tout, si vous +écrivez un programme libre, vous voulez que les gens apprécient votre +version. Vous ne voulez pas y mettre quelque chose que les gens vont +détester et voir une version modifiée prendre le dessus. Vous comprenez que +l'utilisateur est roi, dans le monde du libre. Dans le monde privateur par +contre, l'utilisateur <em>n'est pas</em> roi. Il n'est qu'un consommateur, +il n'a pas son mot à dire sur le logiciel qu'il utilise.</p> + +<p>De ce point de vue, le logiciel libre est un nouveau mécanisme +démocratique. Le professeur Lessig, qui est maintenant à Stanford, a +remarqué que le code fonctionne comme une sorte de loi. Celui qui écrit un +code dont presque tout le monde se sert à toutes fins utiles écrit les lois +qui régissent la vie des gens. Avec le logiciel libre, ces lois sont écrites +d'une façon démocratique. Pas comme la démocratie traditionnelle – il n'y a +pas de grand référendum où l'on demande : « Comment voulez-vous implémenter +cette nouvelle fonctionnalité ? » <i>[rires]</i> À la place nous disons : +« Que ceux qui veulent travailler à mettre en œuvre telle fonctionnalité, de +telle façon, le fassent ; et si vous voulez le faire autrement, allez-y. » +Et cela se fait d'une manière ou d'une autre. Si beaucoup de gens veulent le +faire de cette façon, c'est comme cela que ça se fait. Ainsi, tout le monde +contribue à la décision de la société simplement en avançant dans la +direction où l'on veut aller.</p> + +<p>Et vous êtes, personnellement, libre d'aller aussi loin que vous voulez. Une +entreprise est libre d'avancer dans une direction autant qu'elle le +veut. Après, vous additionnez toutes ces choses et cela donne la direction +où va le logiciel.</p> + +<p>C'est souvent très utile de pouvoir prendre des morceaux d'un programme +existant, de gros morceaux la plupart du temps, et ensuite d'écrire une +certaine quantité de code de votre cru pour créer un programme qui fasse +exactement ce dont vous avez besoin, et qui vous aurait coûté les yeux de la +tête à développer vous-même de zéro si vous n'aviez pu cannibaliser de gros +morceaux d'un programme libre existant.</p> + +<p>Un autre résultat de la puissance de l'utilisateur, c'est que nous tendons à +être bons en matière de normalisation et de compatibilité. Pourquoi ? Parce +que les utilisateurs aiment ça ! Les utilisateurs rejetteront +vraisemblablement un programme qui est délibérément incompatible avec les +autres. Cela dit, certains groupes d'utilisateurs ont besoin d'une certaine +incompatibilité, et ils l'obtiennent ; c'est très bien. Mais quand le +souhait des utilisateurs est de respecter une norme, nous les développeurs +devons la respecter. Nous le savons et nous le faisons. Par contre, si vous +regardez les développeurs de logiciel privateur, ils trouvent souvent +avantage à <em>ne pas</em> respecter de norme, délibérément – pas parce +qu'ils pensent que cela bénéficiera à l'utilisateur, mais plutôt pour +s'imposer à lui, pour l'enfermer. Vous en trouverez même qui modifient leurs +formats de fichiers de temps à autre, juste pour obliger les utilisateurs à +se procurer la dernière version.</p> + +<p>Les archivistes ont un problème actuellement parce que des fichiers écrits +sur ordinateur il y a des années ne sont plus accessibles. Ils ont été +écrits avec des programmes privateurs qui sont maintenant perdus, ou tout +comme. S'ils avaient été écrits avec des logiciels libres, ces programmes +pourraient être mis à jour et fonctionner. Et ces choses, ces archives, ne +seraient plus inaccessibles. Il y a eu des gens pour s'en plaindre sur NPR<a +id="TransNote9-rev" href="#TransNote9"><sup>9</sup></a> récemment et pour +citer le logiciel libre comme solution. Donc en réalité, en utilisant un +logiciel privateur pour stocker vos données, vous mettez la tête dans un +nœud coulant.</p> + +<p>J'ai donc parlé de la façon dont le logiciel libre affecte la majeure partie +de l'économie. Mais comment affecte-t-il le domaine plus particulier de +l'industrie du logiciel ? Eh bien, la réponse est : pratiquement pas. Et la +raison, c'est que 90% de l'industrie du logiciel (d'après ce que j'entends +dire) développe du logiciel sur mesure, du logiciel qui n'est pas destiné à +la diffusion. Pour le logiciel sur mesure, la question éthique, libre ou +privateur, ne se pose pas. Vous voyez, la question est de savoir si, en tant +qu'utilisateur, vous pouvez modifier et redistribuer le logiciel. S'il n'y a +qu'un utilisateur et qu'il a ces droits, il n'y a pas de problème. Cet +utilisateur <em>est libre</em> de faire tout ça. Par conséquent un programme +<em>sur mesure</em> qui a été développé par une entreprise pour usage +interne est un logiciel libre, du moins s'ils ont assez de bon sens pour +réclamer le code source avec tous les droits.</p> + +<p>Cet enjeu n'existe pas pour un logiciel embarqué dans une montre ou un four +à microonde, ou dans le système d'allumage d'une voiture, parce que ce ne +sont pas des endroits où l'on télécharge des logiciels pour les +installer. Du point de vue de l'utilisateur, ce ne sont pas de vrais +ordinateurs. Les questions éthiques ne les concernent pas suffisamment pour +qu'ils soient un enjeu important. Donc, pour l'essentiel, l'industrie du +logiciel continuera comme auparavant. Ce qui est intéressant c'est que, la +plupart des emplois étant dans cette fraction de l'industrie, même s'il +n'était pas possible d'avoir une économie du libre les développeurs de +logiciel libre pourraient quand même trouver un emploi dans le sur mesure +<i>[rires]</i>. Il y en a tellement, une si grande proportion !</p> + +<p>Mais il se trouve qu'il existe une industrie du logiciel libre. Il y a des +entreprises de logiciel libre. À la conférence de presse que je vais faire, +des représentants de quelques-unes d'entre elles vont se joindre à nous. Et +naturellement, il y a des sociétés qui <em>ne sont pas</em> des entreprises +de logiciel libre, mais qui néanmoins développent et publient des logiciels +libres très utiles en quantité considérable.</p> + +<p>Comment travaille l'industrie du libre ? Eh bien, certains vendent des +copies. On est libre de copier un programme, mais ils arrivent quand même à +vendre des centaines d'exemplaires par mois. Et d'autres vendent de +l'assistance et des services variés. Personnellement dans les années 80, +j'ai vendu de l'assistance sur les logiciels libres. En gros, pour 200 $ de +l'heure je changeais ce que vous vouliez dans les programmes GNU que j'avais +écrits. Oui, c'était un tarif élevé, mais c'était pour des programmes que +j'avais écrits et les gens pensaient que j'y passerais moins de temps +<i>[rires]</i>. Et j'ai gagné ma vie avec ça. En fait, j'ai gagné plus que +jamais auparavant. J'ai aussi enseigné. J'ai continué jusqu'en 1990 où j'ai +obtenu une récompense importante ; alors je n'ai plus eu à le faire.</p> + +<p>C'est en 1990 que la première entreprise de logiciel libre a été formée, +<cite>Cygnus Support</cite>. Leur travail était essentiellement le même que +le mien. J'aurais certainement pu travailler pour eux si j'en avais eu +besoin. Comme ce n'était pas le cas, j'ai pensé qu'il était bon pour le +mouvement que je reste indépendant. De cette façon je pouvais dire du bien +et du mal des différentes entreprises de logiciel, libre ou non, sans +conflit d'intérêt. Je pensais que cela servirait mieux le mouvement. Mais si +j'avais dû en vivre j'aurais travaillé pour eux. C'est un travail éthique, +il n'y aurait eu aucune raison d'en avoir honte. Et cette société a été +rentable dès la première année. Elle a été fondée avec très peu de capital, +juste l'argent de ses trois fondateurs. Elle a grossi chaque année et est +restée rentable jusqu'à ce qu'ils soient trop cupides et cherchent des +investisseurs extérieurs ; alors ils se sont plantés. Mais elle a eu +plusieurs années de succès avant qu'ils ne soient trop gourmands.</p> + +<p>Cela illustre une des choses intéressantes sur le logiciel libre : on n'a +pas besoin de lever du capital pour le développer. J'admets que c'est utile, +que cela <em>peut</em> aider ; si vous levez du capital, vous pouvez +recruter des gens et leur faire écrire un tas de logiciel. Mais vous pouvez +faire beaucoup avec peu de gens. Et en fait, la formidable efficacité du +processus de développement du logiciel libre est une des raisons pour +lesquelles il est important que le monde passe au libre. De plus, cela +démentit ce que dit Microsoft quand ils prétendent que la GNU GPL est +mauvaise parce qu'elle leur rend difficile l'appel au capital pour +développer du logiciel non libre – prendre notre logiciel libre puis mettre +notre code dans leurs programmes qu'ils ne partageront pas avec nous. En +réalité nous n'avons pas besoin qu'ils lèvent du capital de cette +manière. Nous ferons le travail de toute façon. Nous sommes en train de le +faire.</p> + +<p>Les gens disaient que nous ne pourrions jamais faire un système +d'exploitation libre complet. Maintenant nous l'avons fait, et beaucoup plus +encore. Je dirais que nous sommes à peu près à un ordre de grandeur de +couvrir l'ensemble des besoins de la planète en développement de logiciels +publiés d'usage courant, et ceci dans un monde où 90% des utilisateurs ne se +servent pas encore de nos logiciels libres ; ceci dans un monde où – bien +que ce soit dans certains secteurs de l'économie – plus de la moitié des +serveurs web tournent sous GNU/Linux avec Apache.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : <i>[inaudible]</i> Qu'avez-vous dit avant +Linux ?…</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : J'ai dit GNU/Linux.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Ah bon ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oui, si je parle du noyau je dis Linux. Comme +vous savez, c'est son nom. Le noyau a été écrit par Linus Torvalds et nous +devons l'appeler du nom qu'il a choisi, par respect pour l'auteur.</p> + +<p>Mais la plupart des utilisateurs professionnels ne s'en servent généralement +pas et la plupart des particuliers n'utilisent pas encore notre +système. Lorsqu'ils l'utiliseront, nous devrions avoir automatiquement dix +fois plus de bénévoles et dix fois plus de clients pour l'industrie du +logiciel libre qui existera alors. Ainsi nous obtiendrons cette croissance +d'un ordre de grandeur. Au point où nous en sommes, je suis très confiant +dans le fait que nous <em>pouvons</em> y arriver.</p> + +<p>C'est très important, parce que Microsoft nous demande de céder au +désespoir. Ils disent : « La seule façon d'avoir des logiciels à faire +fonctionner, la seule façon d'avoir des innovations, c'est de nous donner le +pouvoir. Laissez-nous vous dominer. Laissez-nous contrôler ce que vous +pouvez faire avec les programmes que vous utilisez de façon à pouvoir vous +soutirer beaucoup d'argent, utiliser une certaine fraction de cet argent +pour développer et garder le reste comme profit. »</p> + +<p>Eh bien nous ne devons pas être aussi désespérés. Il ne faut pas être +désespéré au point d'abandonner sa liberté. C'est très dangereux.</p> + +<p>Un autre problème, c'est que Microsoft… en fait pas seulement +Microsoft, les gens qui n'encouragent pas le logiciel libre adoptent en +général un système de valeurs où seuls comptent les bénéfices à court +terme : « Combien d'argent gagnerons-nous cette année ? Quel travail puis-je +faire aujourd'hui ? » Pensée à court terme et pensée étroite. Ils estiment +ridicule d'imaginer que quiconque puisse jamais faire un sacrifice pour la +liberté.</p> + +<p>Pas plus tard qu'hier, beaucoup de gens faisaient des discours sur les +Américains qui ont fait des sacrifices pour la liberté de leurs +compatriotes, de grands sacrifices pour certains. Ils ont été jusqu'à +sacrifier leur vie pour ces libertés dont tout le monde dans notre pays a au +moins entendu parler (du moins dans certains cas ; je suppose qu'il faut +oublier la guerre du Vietnam).</p> + +<p><i>[Note de l'éditeur : la veille, c'était le Memorial Day aux États-Unis, +le jour où l'on commémore les héros des guerres.]</i></p> + +<p>Mais heureusement, garder notre liberté dans l'utilisation des logiciels +n'exige pas de grands sacrifices. Juste de petits sacrifices minuscules, +comme apprendre à utiliser la ligne de commande si l'on n'a pas encore +d'interface graphique. Comme faire le travail de cette façon-ci parce qu'on +n'a pas encore de logiciel libre pour le faire de cette façon-là. Comme +payer une société pour développer tel logiciel libre pour que nous puissions +en disposer dans quelques années. Divers petits sacrifices que nous pouvons +tous faire. Et dans le long terme, nous en tirerons même avantage ! En +réalité c'est plus un investissement qu'un sacrifice. Il nous faut seulement +voir assez loin pour réaliser qu'il est bon de travailler à l'amélioration +de la société, sans compter les centimes et les francs du retour sur +investissement ni se préoccuper de qui en bénéficie.</p> + +<p>Maintenant j'ai à peu près fini.</p> + +<p>Je voudrais mentionner qu'il existe une autre approche de l'économie du +logiciel libre qui a été proposée par Tony Stanco et qu'il appelle +<cite>Free Developers</cite> (les développeurs libres). Elle implique une +certaine structure économique qui espère un jour verser un certaine partie +de ses profits à chacun des auteurs de logiciels libres qui auront rejoint +cette organisation. Et ils espèrent m'obtenir de grands contrats publics de +développement logiciel en Inde, parce qu'ils vont utiliser des logiciels +libres là-bas, ce qui leur fera faire des économies de coût considérables.</p> + +<p>Je vais donc maintenant passer aux questions.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : <i>[inaudible]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Pourriez-vous parler plus fort s'il vous plaît ? +Je ne peux vraiment pas vous entendre.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Comment une société comme Microsoft +pourrait-elle inclure un contrat pour du logiciel libre ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Eh bien en réalité, Microsoft prévoit de +transformer beaucoup de ses activités en services. Et ce qu'ils nous +préparent, c'est un sale coup et c'est dangereux. En effet ils veulent +associer les services aux programmes, dans une sorte de zig-zag, vous +voyez ? Si bien que pour utiliser tel service, vous devrez utiliser tel +programme Microsoft, ce qui veut dire que vous aurez besoin d'utiliser ce +service dédié pour faire tourner le programme Microsoft ; ainsi tout est +lié. Voilà leur projet.</p> + +<p>Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que vendre ces services n'engage pas la +question éthique du logiciel libre ou non libre. Ça pourrait être très bien +de proposer cette activité aux entreprises qui vendent leurs services sur le +net. Mais ce qu'ils essaient d'obtenir avec ce système, c'est un +verrouillage encore plus fort, un renforcement de leur monopole sur les +logiciels et les services. Cela a été décrit récemment dans un article, de +<cite>Business Week</cite>, je crois. Et d'autre ont dit que cela allait +transformer le net en « Microsoft-Ville ».</p> + +<p>C'est pertinent car, vous le savez, au procès antitrust contre Microsoft le +tribunal a recommandé de couper la société en deux – mais d'une certaine +manière cela n'a pas de sens, cela ne donnerait rien de bon du tout – une +partie système d'exploitation et une partie applications.</p> + +<p>Mais ayant lu cet article, je vois une autre façon, efficace celle-là, de +diviser Microsoft. On mettrait d'un côté les services et de l'autre le +logiciel et on les obligerait à garder leurs distances. La division services +devrait publier ses interfaces afin que n'importe qui puisse écrire un +programme client pour ces services. Je suppose qu'on devrait payer pour ces +services. Rien à dire contre ça, il s'agit d'un problème tout à fait +différent.</p> + +<p>Si Microsoft est divisée en deux de cette façon […] services et +logiciel, ils ne pourront pas utiliser leurs logiciels pour écraser la +concurrence avec leurs services et ils ne pourront pas utiliser les services +pour écraser la concurrence avec les logiciels Microsoft. Ainsi nous +pourrons faire des logiciels libres, que vous autres utiliserez peut-être +pour accéder aux services de Microsoft sans que nous y trouvions à redire.</p> + +<p>Parce qu'après tout, bien que Microsoft soit la société de logiciel +privateur qui a sous sa coupe le plus de monde, si les autres n'en ont pas +autant ce n'est pas faute d'avoir essayé <i>[rires]</i>. Simplement ils +n'ont pas si bien réussi. Donc le problème n'est pas Microsoft et uniquement +Microsoft. Microsoft est seulement le plus grand exemple du problème que +nous voulons résoudre, à savoir que le logiciel privateur éloigne les +utilisateurs de la liberté de coopérer et de former une société +éthique. Aussi ne faut-il pas trop se focaliser sur Microsoft. Vous savez, +bien qu'ils m'aient donné l'occasion d'être ici, ça ne les rend pas plus +importants. Ils ne sont pas l'alpha et l'oméga.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Plus tôt, vous avez expliqué les différences +entre le logiciel open source et le logiciel libre. Que pensez-vous de la +tendance actuelle des distributions GNU/Linux à se limiter à la plateforme +Intel ? Et du fait que, semble-t-il, de moins en moins de programmeurs +programment correctement et font des logiciels qui compilent partout ? Et +font des logiciels qui fonctionnent seulement sur les systèmes Intel ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Je ne vois pas là d'enjeu éthique, bien qu'en +fait les sociétés qui fabriquent des ordinateurs réalisent parfois des +portages de GNU/Linux. HP semble avoir fait cela récemment. Ils n'ont pas +cherché à porter Windows car cela aurait coûté trop cher, mais adapter +GNU/Linux était l'affaire de cinq ingénieurs pendant quelques mois, je +crois. C'était tout à fait faisable.</p> + +<p>Maintenant, bien sûr, j'encourage les gens à utiliser <code>autoconf</code>, +un logiciel GNU qui vous aide à rendre vos programmes portables. Je les y +encourage. Ou bien si quelqu'un corrige le bogue qui empêche de compiler sur +cette version du système et vous envoie le correctif, vous devriez +l'incorporer. Mais je ne vois pas là d'enjeu éthique.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Deux commentaires. Primo : récemment vous avez +parlé au MIT. J'ai lu la transcription. Quelqu'un vous a interpellé sur les +brevets et vous avez dit : « Les brevets sont un tout autre problème ; je +n'ai pas de commentaire là-dessus. »</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Exact. En réalité j'ai beaucoup à dire sur les +brevets. Ça prendrait une heure <i>[rires]</i>.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Je voulais dire ceci. Il me semble qu'il y a un +problème. Il y a une raison pour que les entreprises appellent les brevets +et le copyright quelque chose comme de la « propriété concrète ». Elles +veulent utiliser le pouvoir de l'État pour leur assurer un monopole. Ce +qu'il y a de commun n'est pas que ces sujets tournent autour des mêmes +enjeux, mais que la motivation des entreprises à leur égard ne soit pas +vraiment le service public, mais plutôt l'intérêt privé des sociétés dans +l'obtention d'un monopole.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Je comprends. Mais bon, il ne reste pas beaucoup +de temps, alors tant qu'à faire je voudrais répondre à ça.</p> + +<p>Vous avez raison de dire que c'est ce qu'elles veulent. Mais il y a une +autre raison pour qu'elles veuillent utiliser le terme « propriété +intellectuelle », c'est qu'elles ne veulent pas que les gens réfléchissent +convenablement sur les questions du copyright ou sur les questions des +brevets. Parce que le droit du copyright n'est pas du tout le même que le +droit des brevets. Leurs effets sur le logiciel sont totalement différents.</p> + +<p>Les brevets logiciels sont des restrictions pour les programmeurs qui leur +interdisent d'écrire certaines sortes de programmes, tandis que le copyright +ne fait pas cela. Avec le copyright, du moins si vous les avez écrits +vous-même, vous pouvez les distribuer. Donc il est terriblement important de +séparer ces deux questions.</p> + +<p>Elles ont un petit quelque chose en commun à un très bas niveau et tout le +reste est différent. Alors, s'il vous plaît, pour rendre la discussion plus +claire, discutez du copyright ou discutez des brevets, mais ne parlez pas de +« propriété intellectuelle ». J'ai des opinions sur le copyright, et sur les +brevets, et sur le logiciel.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Vous avez mentionné au début les travaux +fonctionnels, comme les recettes et les programmes d'ordinateurs. C'est +évidemment un peu différent des autres sortes de travaux créatifs. Ceci pose +aussi problème dans le cas des DVD.<a id="TransNote10-rev" +href="#TransNote10"><sup>10</sup></a></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong>: Les problèmes sont en partie similaires, mais +aussi en partie différents, pour des choses qui ne sont pas de nature +fonctionnelle. Une partie est commune aux deux, mais pas +tout. Malheureusement, il faudrait une heure de plus pour en parler. Je n'ai +pas le temps de rentrer dans les détails, mais je dirais que les œuvres +fonctionnelles devraient être libres dans le même sens que les +logiciels. Vous savez, les cours, les manuels, les dictionnaires, les +recettes, etc.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Je m'interrogeais sur la musique en ligne. Il y +a des similarités et des différences à travers toute la création.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Exact. Je dirais que la liberté minimum, celle +dont nous devons disposer pour toute information publiée, est le droit de la +redistribuer non commercialement, sous forme de copie intégrale. Pour les +œuvres fonctionnelles, nous avons besoin de la liberté d'en redistribuer +commercialement des versions modifiées, parce que c'est extrêmement utile à +la société. Quant aux œuvres non fonctionnelles, vous savez, les choses +destinées à être divertissantes ou esthétiques, ou à refléter les vues d'une +personne, peut-être qu'elles ne doivent pas être modifiées. Et cela veut +peut-être dire que c'est justifié d'avoir un copyright qui couvre toute +distribution commerciale.</p> + +<p>Rappelez-vous que selon la Constitution des États-Unis, la raison d'être du +copyright est de bénéficier au public, de modifier la conduite de certaines +entités privées pour qu'elles publient plus de livres. Le bénéfice, c'est +que le public se mette à discuter des différentes questions et à +s'instruire. Ainsi nous avons la littérature, nous avons les écrits +scientifiques. Le but est d'encourager cela. Le copyright n'a pas été créé +pour les auteurs ni les éditeurs, mais pour les lecteurs et tous ceux qui +bénéficient de la transmission d'information qui se produit quand des gens +écrivent et d'autres lisent. Et cet objectif, je l'approuve !</p> + +<p>Mais à l'âge des réseaux informatiques la méthode n'est plus appropriée, +parce qu'elle exige des lois draconiennes qui envahissent l'intimité de +chacun et terrorisent tout le monde. Vous savez, des années de prison pour +avoir partagé avec son voisin. Ce n'était pas la même chose du temps de la +presse à imprimer. Le copyright était alors une réglementation industrielle +qui s'appliquait aux éditeurs. Maintenant, c'est une restriction imposée par +les éditeurs au public. Ainsi la relation de pouvoir a viré à 180°, bien que +ce soit la même loi.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Ainsi on peut avoir la même chose – comme +lorsqu'on fait de la musique à partir d'une autre musique ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Exact. C'est intéressant…</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Et unique. De nouvelles œuvres, c'est encore +beaucoup de coopération.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Tout à fait. Et je suppose que cela demande une +sorte de concept d'« usage raisonnable » <cite>[fair use]</cite>.<a +id="TransNote11-rev" href="#TransNote11"><sup>11</sup></a> Certainement +faire un sample de quelques secondes et l'utiliser pour faire une œuvre +musicale, ce doit être un usage raisonnable. Même l'idée ordinaire d'usage +raisonnable renferme cela, si vous y réfléchissez. Je ne sais pas si les +tribunaux seraient d'accord, mais ils le devraient. Ce ne serait pas un vrai +changement du système tel qu'il existe.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Que pensez-vous de la publication des données +publiques dans des formats privateurs ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oh, c'est à proscrire. L'État ne doit jamais +exiger des citoyens qu'ils utilisent un programme non libre pour accéder aux +services publics ou pour communiquer avec eux, que ce soit en émission ou en +réception, quel qu'en soit le moyen.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Je suis, comment diriez-vous, un utilisateur de +GNU/Linux…</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Merci <i>[rires]</i>.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : … depuis quatre ans. La seule chose qui +m'ait parue problématique et qui est quelque chose d'essentiel, je crois, +pour nous tous, c'est de surfer sur le web.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oui.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Une chose qui est décidément une faiblesse de +GNU/Linux est la navigation sur le web, parce que le principal outil pour +cela, Netscape…</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : … n'est pas un logiciel libre.</p> + +<p>Laissez-moi répondre à cela. Je veux mettre les choses au point. Donc oui, +il y a une tendance déplorable chez les utilisateurs de GNU/Linux à utiliser +Netscape Navigator sur leur système GNU/Linux. Et en fait les distributions +commerciales viennent avec. Voilà bien une situation ironique : nous avons +travaillé dur pour faire un système d'exploitation libre, et maintenant, si +vous allez dans un magasin, vous pouvez trouver des versions de GNU/Linux +(la plupart d'entre elles appelées Linux) qui ne sont pas libres, du moins +en partie. Il y a Netscape Navigator et peut-être d'autres logiciels non +libres. Donc il est très difficile de trouver un système libre, sauf si vous +savez ce que vous faites. Ou bien naturellement vous pouvez ne pas installer +Netscape Navigator.</p> + +<p>Cela dit, il y a des navigateurs libres depuis de nombreuses années. Il y en +a un que j'utilise et qui s'appelle Lynx. Il n'est pas graphique, il est en +mode texte. Il a l'extraordinaire avantage de ne pas afficher les publicités +<i>[rires et applaudissements]</i>.</p> + +<p>Mais de toute façon il y a un projet libre de navigateur graphique appelé +Mozilla, qui est pratiquement au point. Et je l'utilise à l'occasion.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Konqueror 2.01 est très bon aussi.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Très bien. Voila donc un autre navigateur +graphique libre. Donc nous sommes finalement en train de résoudre ce +problème, je suppose.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Pouvez-vous me parler de la différence +philosophique ou éthique entre le logiciel libre et l'open source ? +Pensez-vous que les deux soient irréconciliables ? […]</p> + +<p><i>[la fin de la question et le début de la réponse ont sauté au changement +de cassette.]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : […] à une liberté et à une éthique, ou +bien si on dit seulement : « Eh bien, j'espère que vous, les entreprises, +déciderez qu'il est plus profitable de nous autoriser à faire tout ça. »</p> + +<p>Mais comme je le disais, dans une grande partie du travail concret, les +opinions de chacun ne comptent pas. Quand une personne offre son aide au +projet GNU, nous ne lui disons pas : « Vous devez être d'accord avec notre +politique. » Nous disons que dans un paquet GNU il faut appeler le système +« GNU/Linux » et le paquet lui-même « logiciel libre ». Ce que vous dites à +l'extérieur du projet GNU, ça vous regarde.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : IBM a commencé une campagne adressée aux +services de l'État pour vendre leurs nouvelles grosses machines en utilisant +Linux comme argument de vente, en disant « Linux ».</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oui, bien sûr c'est en réalité le système +GNU/Linux <i>[rires]</i>.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : C'est vrai. Eh bien le responsable des ventes, +il n'y connaît rien à GNU.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Je dois le dire à qui ?</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Au responsable des ventes.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oh oui. Le problème c'est qu'ils ont déjà +préparé soigneusement ce qu'ils voulaient mettre en avant comme arguments de +vente. Et la question de savoir ce qu'est une description précise, juste ou +correcte n'est pas primordiale pour une société comme celle-là. Dans une +petite entreprise, oui, il y a un patron. Si le patron est enclin à +réfléchir sur ce genre de choses, il peut prendre une décision de cette +façon. Mais pas une société géante. C'est dommage, vous savez.</p> + +<p>Il y a un autre question plus tangible à propos de ce que fait IBM. Ils +disent qu'ils mettent un milliard de dollars dans « Linux ». Mais peut-être +faut-il aussi mettre « dans » entre guillemets. Parce qu'une partie de cet +argent sert à payer des gens pour faire des logiciels libres ; c'est +réellement une contribution à notre communauté. Mais une autre partie sert à +créer du logiciel privateur ou à porter des logiciels privateurs vers +GNU/Linux et ce n'est <em>pas</em> une contribution à notre +communauté. Cependant IBM mélange tout ça. Il pourrait y avoir une part de +publicité, qui est une contribution même si elle est en partie fausse. Donc +c'est une situation compliquée. Une partie de ce qu'ils font est une +contribution, une autre non et une troisième est entre les deux. On ne peut +pas mélanger tout ça et penser « Ouah ! Un milliard de dollars d'IBM ! » +<i>[rires]</i> C'est simplifier à outrance !</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Pouvez-vous en dire plus sur la pensée qui +sous-tend la licence publique générale ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong>: Bon, voici le… Je suis désolé, je suis en +train de répondre à sa question <i>[rires]</i>.</p> + +<p><strong>SCHONBERG</strong>: Voulez-vous réserver du temps pour la conférence +de presse ? Ou souhaitez-vous continuer ici ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong>: Qui est ici pour la conférence de presse ? Pas +beaucoup de journalistes. Oh, trois… OK. Est-ce que cela vous dérange +si nous… si je continue à répondre aux questions pendant encore dix +minutes ? Parfait. Donc nous continuons à répondre aux questions de tout le +monde.</p> + +<p>La pensée qui sous-tend la licence GNU GPL ? C'est en partie que je voulais +protéger la liberté de la communauté des phénomènes que j'ai décrits à +propos de X Windows et qui se sont produits avec d'autres logiciels +libres. En fait, quand j'ai pensé à cette question, X Windows n'était pas +encore sorti, mais j'avais vu le problème se poser avec d'autres programmes +libres, par exemple TeX. Je voulais être sûr que les utilisateurs auraient +tous la liberté. Je me suis rendu compte que, sinon, je pourrais écrire un +programme que peut-être beaucoup de gens utiliseraient, mais qu'ils +n'auraient pas la liberté. Alors à quoi bon ?</p> + +<p>Mais l'autre raison, c'est que je voulais donner le sentiment à la +communauté qu'elle n'était pas un paillasson, le sentiment qu'elle ne serait +pas la proie du premier parasite venu. Si vous n'utilisez pas le copyleft, +vous dites en substance : <i>[voix mièvre]</i> « Prenez mon code. Faites ce +que vous voulez. Je ne dis pas non. » Alors n'importe qui peut arriver en +disant : <i>[voix très ferme]</i> « Aah ! je veux en faire une version non +libre. Je le prends. » Puis il va très probablement faire quelques +améliorations. Ces versions non libres intéresseront les utilisateurs et +remplaceront les versions libres. Au final, qu'est-ce que vous aurez +accompli ? Vous aurez simplement fait une donation à un projet de logiciel +privateur.</p> + +<p>Et quand les gens verront ce qui s'est produit, quand des gens verront que +les autres prennent et ne donnent jamais, ça peut les démoraliser. Ce n'est +pas pure spéculation, je l'ai constaté. Cela a participé à la disparition de +l'ancienne communauté dont je faisais partie dans les années 70. Certaines +personnes sont devenues non coopératives et nous avons supposé qu'elles en +tiraient profit. En tout cas elles agissaient comme si elles pensaient +qu'elles en tiraient profit. Et nous nous sommes rendu compte qu'on pouvait +coopérer à sens unique : prendre sans rien donner en retour. Nous ne +pouvions rien y faire, c'était très décourageant. Nous qui ne suivions pas +la tendance, nous en avons discuté et ne sommes pas arrivés à trouver une +idée pour arrêter ça.</p> + +<p>Donc la GPL est conçue pour éviter cela. Elle dit : « Vous êtes invité à +vous joindre à la communauté et à utiliser ce code. Vous pouvez l'utiliser +de toutes les façons possibles, mais si vous publiez une version modifiée, +vous devez la publier pour notre communauté, comme participation à notre +communauté, au monde du libre. »</p> + +<p>En fait, il reste bien des façons pour les gens de profiter de notre travail +sans y contribuer, comme ne pas écrire de logiciels. Bien des gens utilisent +GNU/Linux et n'écrivent pas de logiciels. Il n'y a aucune obligation à faire +quelque chose pour nous, mais si vous faites certaines choses vous devez +contribuer. Ça signifie que notre communauté n'est pas un paillasson. Et je +pense que cela donne aux gens un sentiment de force : « Oui, nous ne serons +pas piétinés par n'importe qui. Nous tiendrons. »</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Oui, ma question portait sur le logiciel libre, +mais sans copyleft. Puisque tout le monde peut le prendre et en faire du +logiciel privateur, n'est-il pas également possible de le prendre, de faire +quelques modifications et de le placer sous GPL ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Oui, c'est possible.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Ça placerait toutes les copies futures sous GPL.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : À partir de cette branche. Mais voici pourquoi +nous ne le faisons pas.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Hein ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Nous ne faisons pas cela +généralement. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Oui d'accord.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Nous pourrions si nous le voulions prendre +X Windows, faire une copie sous GPL et faire des modifications. Mais il y a +un groupe beaucoup plus important de gens qui travaillent à son amélioration +et qui ne veulent <em>pas</em> le placer sous GPL. Si nous faisions cela +nous créerions une branche, et ce n'est pas très sympa vis-à-vis d'eux. Ils +<em>font partie</em> de notre communauté ; ils contribuent à notre +communauté.</p> + +<p>Deuxièmement, cela se retournerait contre nous, parce qu'ils ont fait +beaucoup plus de travail sur X que nous n'en ferions. Notre version serait +inférieure à la leur et les gens ne l'utiliseraient pas, alors à quoi bon ?</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Mmm hmm.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Alors quand une personne apporte une +amélioration à X, je dis à cette personne : coopérez avec l'équipe de +développement de X Windows. Envoyez-leur votre travail et laissez-les s'en +servir, parce qu'ils développent un logiciel libre très important. C'est bon +pour nous de coopérer avec eux.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Sauf que, si on considère X en particulier, il y +a deux ans le Consortium X qui était allé très loin dans l'open source non +libre…</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : En fait ce <em>n'était pas</em> vraiment open +source. Ils ont peut-être dit que ça l'était, je ne peux pas me rappeler +s'ils l'ont dit ou non. Mais ce n'était pas open source, Il y avait des +restrictions. On ne pouvait pas distribuer commercialement, je crois. Ou on +ne pouvait pas distribuer commercialement une version modifiée, ou quelque +chose comme ça. Il y avait une restriction considérée comme inacceptable à +la fois par la Free Software Foundation et par le mouvement Open Source.</p> + +<p>Oui, c'est à cela que mène l'utilisation d'une licence sans copyleft. En +fait, le consortium X avait une politique très rigide. Ils disaient : « Si +votre programme est sous copyleft, nous ne le distribuerons pas du +tout. Nous ne le mettrons pas dans notre distribution. »</p> + +<p>Alors un grand nombre de personnes ont été poussées à ne pas utiliser le +copyleft. Le résultat, c'est que tous leurs logiciels étaient grands +ouverts. Après avoir demandé aux gens d'être trop permissifs, ils ont dit : +« Maintenant nous pouvons mettre des restrictions. » Ce n'était pas très +éthique de leur part.</p> + +<p>Mais, la situation étant ce qu'elle est, allons-nous gaspiller des +ressources pour maintenir une version GPL de X ? Ça n'aurait aucun sens. Il +y a tant d'autres choses à faire. Laissons-les faire plutôt. Nous pouvons +coopérer avec les développeurs de X.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Avez-vous un commentaire, GNU est-il une marque +déposée ? Et est-ce faisable de l'inclure dans une partie de la licence +publique générale GNU autorisant les marques ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Nous cherchons effectivement à déposer GNU comme +marque, mais cela n'aurait rien à voir avec la GPL ; c'est une longue +histoire d'expliquer pourquoi.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : Vous pourriez exiger que la marque déposée soit +affichée dans les programmes sous GPL.</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Non, je ne pense pas. Les licences ne couvrent +que les programmes individuels, et quand un programme fait partie du projet +GNU personne ne cherche à le cacher. Mais le nom du système dans son +ensemble, c'est une autre question. C'est un à-côté, cela ne vaut pas la +peine d'en discuter plus longtemps.</p> + +<p><strong>QUESTION</strong> : S'il y avait un bouton qui forçait toutes les +sociétés à libérer leurs logiciels, l'utiliseriez-vous ?</p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Je ne l'utiliserais que pour les logiciels +publiés. Vous savez, je pense que les gens ont le droit d'écrire des +logiciels privés et de les utiliser, et cela inclut les entreprises. C'est +une question de vie privée. Il peut y avoir des moments, c'est vrai, où il +est mal de garder par-devers soi quelque chose de très utile à +l'humanité. Mais c'est une autre sorte de préjudice, même si cela concerne +le même secteur.</p> + +<p>Mais oui, je pense que tout logiciel publié doit être libre. Et +rappelez-vous, quand ce n'est pas un logiciel libre, c'est à cause de +l'intervention du gouvernement. Le gouvernement intervient pour faire du non +libre. Il crée des pouvoirs juridiques particuliers qu'il délègue aux +propriétaires de programmes, de sorte qu'ils puissent se servir de la police +pour nous empêcher d'utiliser les programmes de certaines façons. Je +voudrais mettre un terme à cela, c'est certain. </p> + +<p><strong>SCHONBERG</strong> : Les interventions de Richard génèrent +invariablement une quantité énorme d'énergie intellectuelle. Je suggère +qu'une partie soit consacrée à utiliser des logiciels libres, et peut-être à +en écrire.</p> + +<p>Nous allons bientôt nous interrompre. Je voulais dire que Richard a injecté +dans la profession, qui est connue dans le public pour son attitude +apolitique, un niveau de discussion morale et politique sans précédent. Et +nous lui devons beaucoup pour cela. Je voudrais signaler au public qu'il y a +maintenant une pause.</p> + +<p><i>[applaudissements]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong> : Vous êtes libres de sortir quand vous voulez +<i>[rires]</i>. Je ne vous retiens pas prisonniers ici, vous savez.</p> + +<p><i>[Le public sort…]</i></p> + +<p><i>[Conversations diffuses…]</i></p> + +<p><strong>STALLMAN</strong>: Un dernier mot, notre site web : www.gnu.org.</p> + +<div class="translators-notes"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.--> +<hr /><b>Notes de traduction</b><ol> +<li id="TransNote1"><cite>Proprietary software</cite> se traduit souvent par +« logiciel propriétaire ». « Privateur » est un néologisme inventé par RMS +pour exprimer la notion que les logiciels propriétaires privent +l'utilisateur de ses libertés. <a href="#TransNote1-rev" +class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote2">Traduction : Bien ! <a +href="#TransNote2-rev">↑</a></li> +<li id="TransNote3">Zwei était Eine à l'origine. <a href="#TransNote3-rev" +class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote4">Prononcer « nou » ; traduction : nouveau. <a +href="#TransNote4-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote5">Nouveau système d'exploitation. <a +href="#TransNote5-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote6">Le mot français « libre » n'a pas cette ambiguïté car +« entrée libre » est à peu près le seul cas où l'on peut lui donner le sens +de « gratuit ». On constate malgré tout que le logiciel libre est souvent +assimilé (par erreur) à du logiciel gratuit. <a href="#TransNote6-rev" +class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote7">Déclaration d'indépendance <em>américaine</em>. <a +href="#TransNote7-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote8">« X Windows » est une abréviation de « système X +Window ». Cela n'a rien à voir avec un système d'exploitation privateur bien +connu. <a href="#TransNote8-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote9">Anciennement <cite>National Public Radio</cite> : +fédération de radios locales non commerciales, produisant des programmes +culturels ou d'actualité diffusés sur tout le territoire des États-Unis. <a +href="#TransNote9-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote10">L'enregistrement de ce paragraphe était probablement +difficile à comprendre, ce qui a donné une transcription à peu près +intraduisible. Nous en avons fait une interprétation très libre. <a +href="#TransNote10-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote11">Un concept juridique propre au copyright américain. <a +href="#TransNote11-rev" class="nounderline">↑</a></li> +</ol></div> +</div> + +<!-- for id="content", starts in the include above --> +<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" --> +<div id="footer"> +<div class="unprintable"> + +<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a +href="mailto:gnu@gnu.org"><gnu@gnu.org></a>. Il existe aussi <a +href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens +orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a +href="mailto:webmasters@gnu.org"><webmasters@gnu.org></a>.</p> + +<p> +<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph, + replace it with the translation of these two: + + We work hard and do our best to provide accurate, good quality + translations. However, we are not exempt from imperfection. + Please send your comments and general suggestions in this regard + to <a href="mailto:web-translators@gnu.org"> + + <web-translators@gnu.org></a>.</p> + + <p>For information on coordinating and submitting translations of + our web pages, see <a + href="/server/standards/README.translations.html">Translations + README</a>. --> +Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne +qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. 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For web pages, it is ok to list just the latest year the + document was modified, or published. + + If you wish to list earlier years, that is ok too. + Either "2001, 2002, 2003" or "2001-2003" are ok for specifying + years, as long as each year in the range is in fact a copyrightable + year, i.e., a year in which the document was published (including + being publicly visible on the web or in a revision control system). + + There is more detail about copyright years in the GNU Maintainers + Information document, www.gnu.org/prep/maintain. --> +<p>Copyright © 2001, 2005, 2006, 2014, 2015, 2016 Richard M. Stallman</p> + +<p>Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence <a +rel="license" +href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/deed.fr">Creative +Commons attribution, pas de modification, 4.0 internationale (CC BY-ND +4.0)</a>.</p> + +<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" --> +<div class="translators-credits"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.--> +Traduction : Xavier Dumont.<br />Révision : <a +href="mailto:trad-gnu@april.org">trad-gnu@april.org</a></div> + +<p class="unprintable"><!-- timestamp start --> +Dernière mise à jour : + +$Date: 2018/11/03 21:59:49 $ + +<!-- timestamp end --> +</p> +</div> +</div> +</body> +</html> |