From 1ae0306a3cf2ea27f60b2d205789994d260c2cce Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Christian Grothoff Date: Sun, 11 Oct 2020 13:29:45 +0200 Subject: add i18n FSFS --- talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html | 1642 ++++++++++++++++++++ 1 file changed, 1642 insertions(+) create mode 100644 talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html (limited to 'talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html') diff --git a/talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html new file mode 100644 index 0000000..7292ffb --- /dev/null +++ b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/nit-india.html @@ -0,0 +1,1642 @@ + + + + + + +Discours de Stallman à l'Institut National de Technologie, Trichy (Inde), le +17 février 2004 - Projet GNU - Free Software Foundation + + + +

Institut National de Technologie, Trichy (Inde), le 17 février 2004

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+par Richard Stallman +

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Transcription du discours sur « le logiciel libre » donné par le +Dr Richard Stallman le 17 février 2004 à l'Institut National de Technologie, +Trichy, TN, Inde +

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[MOC] : Nous allons commencer avec la session de vidéo-conférence +dans un petit moment. Que l'assistance veuille bien noter que les questions +devront être inscrites sur un bout de papier et être remises au bureau du +MOC.1. Il y a des +bénévoles tout autour qui attentent avec du papier, aussi veuillez +l'utiliser pour poser vos questions. Le Dr Richard Stallman a un problème +d'audition et par conséquent ne sera pas à même de comprendre vos questions +orales. +

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Mesdames et Messieurs, je me sens privilégié d'avoir l'occasion de vous +accompagner lors de cette session matinale, qui lance la tendance de +plusieurs manières. C'est la première fois dans l'histoire du NIT de Trichy qu'une +vidéo-conférence va avoir lieu. Et l'association ECE2 est fière de prendre cette +initiative. Cela n'aurait pas été possible sans la vision d'avenir et le dur +labeur du personnel ces dernières années. Nous espérons que cette initiative +sera la première d'une longue série et que du bon travail s'ensuivra dans +les années qui viennent. +

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Le logiciel, produit de la révolution numérique, est un peu comme de la +magie. Des centaines de copies d'un logiciel peuvent être faites en touchant +un bouton. Des morceaux de code peuvent être copiés et utilisés dans un +autre programme sans beaucoup d'effort. Ceci et beaucoup d'autres propriétés +font de lui un animal entièrement différent, un animal sauvage qui ne se +plie pas aux lois conventionnelles du droit d'auteur. Mais certaines +personnes, dans leur propre égoïsme, ont apprivoisé cet animal et privé la +société de ses avantages. +

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Au milieu d'elle s'est dressé un homme qui a juré de rendre aux usagers de +l'informatique leur liberté perdue. Il a montré au monde, non pas avec des +mots mais par son action, qu'il est possible de produire du logiciel sans +que les utilisateurs renoncent à leur liberté. Un homme qui n'a pas besoin +d'être introduit mais doit néanmoins être présenté par pure formalité. En +1984, le Dr Richard Stallman a fondé le projet GNU, dans le but de +développer le logiciel d'exploitation libre GNU et ainsi redonner aux +utilisateurs de l'informatique la liberté que la plupart d'entre eux avaient +perdue. GNU est un logiciel libre. Chacun est libre de le copier, de le +redistribuer, comme d'y apporter des modifications, grandes ou petites. +

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Le Dr Richard Stallman est sorti d'Harvard en 1974 avec un BA en physique. Pendant ses années +d'université, il a également travaillé dans l'équipe des hackers du +laboratoire d'IA du MIT, apprenant au +passage le développement de systèmes d'exploitation. En 1984, il a +démissionné du MIT pour lancer le projet GNU. Pour son travail, il a reçu de +nombreux prix et récompenses qu'il n'est pas nécessaire de mentionner. +

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Aujourd'hui les systèmes basés sur Linux, variantes du système GNU basées +sur le noyau Linux développé par Linus Torvalds, sont largement utilisés. On +estime à environ 20 millions le nombre d'utilisateurs de systèmes basés sur +Linux aujourd'hui. Et ce nombre s'accroît à un rythme sans précédent. +

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Mesdames et Messieurs, rencontrez l'homme, le moteur du mouvement du +logiciel libre, le Dr Richard Stallman. [applaudissements] [silence] +

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[RMS] : Dois-je commencer ? [silence] +

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M'entendez-vous ? [silence] +

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Veuillez lever la main si vous ne pouvez pas m'entendre. [silence] Bon, si +les gens pouvaient être un peu plus silencieux s'il vous plaît, je pense que +je pourrais commencer. +

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[MOC] : Que l'assistance veuille bien garder le silence. Merci. +

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[RMS] : Ou peut-être que c'est juste le système qui génère du +bruit. Je ne peux pas dire, je ne peux pas entendre si ce sont les gens qui +parlent ou si c'est un artefact du système de communication. Dans ce qui me +parvient, il y a surtout beaucoup de bruit. Baissez juste un peu le volume, +je verrai comment faire. Il semble que je n'aie pas de commande pour ça. Ne +vous inquiétez pas. Ne l'arrêtez pas cependant. Baissez juste un peu. +

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Je veux savoir ce qu'il se passe dans la salle de manière à pouvoir vous +entendre, mais le volume semble juste un peu trop fort, du coup le bruit de +la pièce devient énorme. +

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OK. Voyons. [silence] Bien, je suppose que je vais commencer, si c'est ce +qu'il faut faire. Mon discours aujourd'hui… Bon, c'est le moment de +commencer ? Ou alors, les gens arrivent encore dans la salle, est-ce qu'il +faut que j'attende quelques minutes de plus ? +

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[MOC] : Monsieur, nous pouvons commencer. +

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[RMS] : Je vois des gens entrer. J'attendrai que ces personnes +entrent et s'asseyent. +

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[MOC] : Monsieur, il se fait tard, je pense que nous pouvons +commencer. +

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[RMS] : OK. Qu'est-ce que le logiciel libre ? Le logiciel libre est +un logiciel qui respecte la liberté des utilisateurs. Cela n'a rien à voir +avec le prix, tout du moins pas directement. Je ne parle pas d'un logiciel +gratuit. Je ne veux pas dire un logiciel que vous obtenez sans payer ; c'est +vraiment une question secondaire qui n'est pas particulièrement +pertinente.3 Je +veux dire un logiciel que vous pouvez utiliser en toute liberté, un logiciel +qui respecte les libertés de l'utilisateur. Je devrais être plus +précis. Quelles sont ces libertés dont je parle ? +

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Pour qu'un programme soit un logiciel libre, vous, en tant qu'utilisateur, +devez avoir quatre libertés spécifiques. Il y a la liberté zéro, celle +d'exécuter le programme, à n'importe quelle fin et de n'importe quelle +manière. Il y a la liberté 1, celle d'étudier le code source, pour voir ce +que le programme fait vraiment, et ensuite le modifier pour faire ce que +vous voulez. Il y a la liberté 2, celle d'en distribuer des copies à +d'autres, autrement dit la liberté d'aider votre voisin. Et enfin il y a la +liberté 3, celle d'aider à établir votre communauté, c'est-à-dire celle de +publier une version modifiée de sorte que d'autres puissent bénéficier de +votre contribution. +

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Toutes ces libertés sont essentielles. C'est une erreur d'y penser en termes +de niveaux de liberté, parce que toutes quatre doivent être présentes pour +que le logiciel soit légitime du point de vue éthique. +

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Pourquoi ces libertés particulières ? La liberté zéro est essentielle pour +que vous puissiez avoir le contrôle de votre propre ordinateur. Si vous +n'êtes pas libre d'utiliser le programme à n'importe quelle fin et de +n'importe quelle manière, l'utilisation de votre propre ordinateur est +restreinte. Mais la liberté zéro n'est pas suffisante pour avoir le contrôle +de votre ordinateur, parce que s'il n'y a rien de plus vous ne pouvez pas +contrôler ce que fait le programme. +

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La liberté 1 est essentielle. Elle vous permet de voir personnellement ce +que le programme fait vraiment et ensuite d'opérer des changements pour +qu'il fasse ce que vous voulez vraiment. Si vous n'avez pas la liberté 1, +alors vous ne contrôlez pas ce que fait votre ordinateur. Le développeur +contrôle ce que le programme va faire sur votre ordinateur et vous n'avez +aucun recours. +

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En fait, il n'est pas inhabituel pour un développeur d'intégrer des +dispositifs malveillants. Ce sont principalement les développeurs de +logiciels non libres qui le font, car ils supposent que vous ne pourrez pas +les enlever. Ils pensent qu'ils s'en tireront, puisque vous êtes +impuissant. Il est très courant que les programmes non libres espionnent +l'utilisateur. Et ils pensent que vous ne serez pas capables de dire qu'ils +vous espionnent parce que vous ne pouvez pas avoir le code source ; comment +sauriez-vous ce qu'ils rapportent sur vous ? Nous avons découvert quelques +cas de programmes espions. Par exemple, Windows. Il y a 3 ans il y a eu un +scandale parce que Microsoft avait configuré Windows pour qu'il rapporte ce +qui était installé sur votre disque dur. L'information était renvoyée à +Microsoft. Cela a fait scandale ; il y a eu un tel tollé que Microsoft a +enlevé cette fonctionnalité… puis l'a remise d'une manière déguisée. +

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Il y a environ un an, quelques développeurs… quelques chercheurs ont +découvert, ont compris que Windows XP, quand il réclame une mise à jour, +rapporte à Microsoft ce qui est installé sur votre disque. Et il le fait +secrètement. Il envoie la liste des fichiers de manière chiffrée, de sorte +qu'il est impossible aux gens de savoir facilement ce qui se passe. Les +chercheurs ont dû travailler dur4 pour déterminer quelle information +Windows renvoyait à Microsoft. Mais Windows n'est pas le seul logiciel – le +seul logiciel non libre – qui vous espionne.4 Windows Media Player vous espionne +également. Chaque fois que vous ouvrez un fichier, il envoie un rapport à +Microsoft pour dire ce que vous regardez. Real Player le fait +également. Ainsi Microsoft n'est pas le seul développeur de logiciel non +libre coupable de maltraiter ses utilisateurs de cette façon +particulière. Le TiVo5 vous espionne également. Certaines +personnes sont enthousiastes à propos du TiVo parce qu'il est basé sur GNU +et Linux dans une certaine mesure. +

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Mais il contient également du logiciel non libre. Et il est conçu pour vous +espionner et rapporter ce que vous regardez. On m'a dit qu'il y a beaucoup +d'autres programmes qui sont des « espiogiciels » +[spyware]. Ensuite, il existe des programmes qui font d'autres +choses déplaisantes. Par exemple il y a des programmes qui reconfigurent +votre ordinateur, qui par exemple vous afficheront des publicités tout le +temps. Et ils ne vous disent pas qu'ils installent ce programme qui +affichera ces publicités. Ils pensent que la plupart des utilisateurs ne +vont pas le remarquer, qu'ils ne seront pas capables de le comprendre. Ils +supposent que vous installerez plusieurs programmes sans savoir lesquels +auront changé la configuration de votre ordinateur, ou que vous ne saurez +pas comment les enlever. +Naturellement, si c'était du logiciel libre ça pourrait s'arranger – j'y +reviendrai dans un instant. Mais parfois c'est pire. Parfois les programmes +présentent des dispositifs conçus pour vous empêcher de faire certaines +choses. Les développeurs de logiciel parlent volontiers de la façon dont +leurs programmes pourraient faire des choses pour vous, mais parfois ils +conçoivent des programmes qui vous empêchent de faire certaines choses. On +appelle souvent ceci DRM (gestion numérique des restrictions) ; ces programmes +sont conçus pour vous refuser l'accès à des fichiers, pour refuser de vous +laisser les sauvegarder, ou les copier, ou les convertir. +

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Encore plus bizarre, il y a un dispositif malveillant dans Kazaa, le +programme de partage de musique, au moyen duquel la société… les +développeurs vendent du temps de calcul sur votre ordinateur. Ainsi, +d'autres personnes paieront Kazaa pour qu'ils puissent exécuter leurs +programmes sur votre ordinateur. Ils ne vous payent pas vous. En fait, +c'était tenu secret. Les développeurs de Kazaa n'ont pas dit aux +utilisateurs : « À propos, nous allons vendre du temps sur votre +ordinateur. » Les gens ont dû le découvrir par eux-mêmes. +

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Je vous donne les exemples dont j'ai entendu parler. Mais vous ne savez +jamais, quand il s'agit d'un autre programme non libre, s'il contient +quelque dispositif secret malveillant. Le problème, c'est que vous ne pouvez +pas obtenir le code source. Sans la liberté 1, la liberté de vous aider +vous-même, d'étudier le code source et de le modifier pour faire ce que vous +voulez, vous ne pouvez pas dire ce que le programme fait vraiment. Vous ne +pouvez que faire confiance aveuglément au développeur. Le développeur dit : +« Le programme fait ça. » Vous pouvez le croire, ou non. +

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Naturellement, tous les développeurs de logiciel non libre n'y mettent pas +de dispositifs malveillants. Certains font vraiment sincèrement leur +possible pour y mettre des fonctionnalités qui satisferont +l'utilisateur. Mais ils sont tous humains et ils font tous des erreurs. Ces +erreurs s'appellent des bogues. Bon, nous les développeurs de logiciels +libres, nous sommes également humains et nous faisons aussi des erreurs. Nos +programmes présentent aussi des bogues. La différence, c'est que si vous +avez la liberté d'étudier le code source ; vous pouvez trouver tout ce qui +ne va pas dans le programme, notamment si c'est un dispositif malveillant +délibéré ou un accident. Dans les deux cas vous pouvez le trouver et +arranger le programme pour vous en débarrasser. Vous pouvez améliorer le +programme. Avec du logiciel non libre vous êtes complètement impuissant, +mais avec du logiciel libre vous avez le pouvoir sur votre ordinateur ; vous +le contrôlez. +Mais la liberté 1 n'est pas suffisante – c'est la liberté d'étudier +personnellement le code source et ensuite de le modifier pour faire ce que +vous voulez, c'est la liberté de vous aider vous-même. Pourtant la liberté 1 +n'est pas suffisante. Non seulement elle ne suffit pas aux millions de +personnes qui utilisent des ordinateurs sans savoir programmer (ils ne +savent pas comment étudier personnellement le code source et le modifier +pour faire ce qu'ils veulent), mais elle n'est pas suffisante non plus pour +nous, les programmeurs, parce qu'il y a tellement de programmes que personne +n'a le temps de les étudier tous, de tous les maîtriser, pour pouvoir opérer +des changements sur chacun d'eux. +

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Aussi nous devons pouvoir travailler ensemble. Et la liberté 3 est là pour +ça. C'est la liberté d'aider à établir votre communauté en publiant une +version modifiée. Ainsi d'autres gens peuvent utiliser votre version. C'est +ce qui nous permet à tous de travailler, ensemble, à prendre le contrôle de +nos ordinateurs et de nos logiciels. +

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Supposons qu'il y a un million d'utilisateurs et que tous veulent un certain +changement dans un certain programme, pour qu’il fonctionne de telle ou +telle manière. Eh bien, parmi ce million de personnes, par chance, il y en +aura mille qui sauront programmer. Tôt ou tard une dizaine d’entre elles +liront le code source du programme, opéreront le changement et publieront la +version modifiée qui fera ce qu'elles veulent. Et il y a un million d'autres +personnes qui voudront la même chose et utiliseront la version +modifiée. Elles obtiendront toutes le changement qu'elles veulent, car +certaines d'entre elles l'auront fait. +

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Avec la liberté 3, une poignée de gens peut faire le changement qui devient +alors disponible pour beaucoup d'autres. Et de cette façon, n'importe quelle +collectivité d'utilisateurs peut prendre le contrôle du logiciel. Que se +passe-t-il si un groupe de personnes veut un changement, mais qu'aucune +d'elles ne sait programmer ? Supposez qu'il y ait seulement 500 personnes +et, parmi elles, aucun programmeur. Maintenant, supposez qu'elles soient +10 000, mais que ce soit des commerçants qui ne savent pas programmer. Bien, +avec le logiciel libre ils peuvent toujours se servir des libertés 1 et 3. À +eux tous, ils peuvent collecter une certaine somme d'argent. Et celle-ci une +fois rassemblée, ils peuvent aller voir un programmeur ou une entreprise et +demander : « Combien prenez-vous pour faire ce changement particulier et +quand pouvez-vous le faire ? » +

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Et s'ils n'aiment pas ce que cette entreprise particulière propose, ils +peuvent aller en voir une autre et demander : « Combien prenez-vous pour +faire ce changement et quand pouvez-vous le faire ? » Ils peuvent choisir +avec qui ils vont traiter. Et ceci montre que logiciel libre signifie marché +libre pour toutes sortes de services, comme de forcer le programme à faire +ce que vous voulez. Avec le logiciel non libre, le support technique est un +monopole parce que seul le développeur possède le code source et peut opérer +un changement, quel qu'il soit. +

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Si vous n'aimez pas ce que fait le programme, vous devez aller voir le +développeur et le supplier : « Oh, s'il vous plaît, développeur, faites ce +changement pour moi s'il vous plaît. » Et le développeur dira probablement : +« Vous n'êtes pas assez important. Pourquoi m'intéresser à vous ? Il y en a +seulement une centaine de milliers comme vous, pourquoi devrais-je m'en +occuper ? » Mais avec le logiciel libre, il y a un marché libre pour le +support technique. Si le développeur ne s'intéresse pas à votre demande, +quelqu'un d'autre le fera, particulièrement si vous avez de quoi payer. +

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Il y a des utilisateurs de logiciel qui considèrent un support technique de +qualité comme essentiel et ils sont disposés à payer pour l'obtenir. En +général, puisque le support du logiciel libre est un marché libre, ces +utilisateurs peuvent s'attendre à un meilleur rapport qualité prix pour ce +service s'ils utilisent du logiciel libre. +

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Paradoxalement, quand vous avez le choix entre plusieurs programmes non +libres pour faire le même travail et que, quel que soit votre choix, le +support est toujours par la suite un monopole, vous avez un choix au départ, +mais après vous êtes coincé. C'est le paradoxe du choix entre des +monopoles. En d'autres termes vous avez le choix de qui sera votre +maître. Mais le choix d'un maître n'est pas la liberté. Avec le logiciel +libre, vous n'avez pas à choisir de maître. Vous choisissez la liberté et +vous n'avez pas à choisir entre des monopoles. Au lieu de ça, vous continuez +d'avoir la liberté, car tant que vous continuez à utiliser ce programme vous +l'utilisez en toute liberté. +

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Je viens donc d'expliquer les libertés zéro, 1 et 3. Elles sont toutes +nécessaires pour que vous puissiez avoir le contrôle de votre ordinateur. La +liberté 2 est un sujet différent. C'est la liberté d'aider votre voisin en +distribuant des copies des programmes aux autres. Elle est essentielle pour +une raison éthique fondamentale, pour que vous puissiez vivre une vie +honnête où vous aidez les autres. +

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La ressource la plus importante dans toute société est l'esprit de bonne +volonté, la disposition à aider vos voisins. Naturellement, personne ne +passe 100 % de son temps à aider ses voisins, personne ne fait à 100% ce que +les autres demandent. Et c'est très bien ainsi parce que vous devez prendre +soin de vous-même également. Mais seuls les gens extrêmement mauvais ne font +rien pour aider leurs voisins. Et en fait normalement, dans la société, ces +niveaux d'aide oscillent entre une valeur qui n'est pas nulle et une valeur +qui n'est pas 100 %. Ces niveaux peuvent augmenter ou diminuer selon le +changement social. Par la façon dont nous organisons la société, nous +pouvons donner plus ou moins d'incitations aux gens pour qu'ils aident leur +voisin et qu'ils s'entraident, et ces changements de niveaux font la +différence entre une société vivable et une jungle où chacun +s'entre-dévore. Ce n'est pas par accident que les principales religions du +monde, depuis un millier d'années, incitent les gens à aider leurs voisins +en encourageant un esprit de bienveillance, de bonne volonté envers leurs +compagnons les êtres humains. +

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Qu'est-ce que ça signifie quand de puissantes institutions de la société se +mettent à dire que le partage avec votre voisin est mauvais ? Elles +découragent les gens de s'entraider en réduisant le niveau de +coopération. Elles empoisonnent cette ressource essentielle. Qu'est-ce que +ça signifie quand elles annoncent que vous êtes un pirate lorsque vous aidez +votre voisin ? Elles disent que partager avec votre voisin est l'équivalent +moral d'une attaque de bateau. La morale est à l'envers, parce qu'attaquer +des bateaux est vraiment, vraiment mauvais alors qu'aider votre voisin est +bon et doit être encouragé. Qu'est-ce que ça signifie quand elles mettent en +place de dures punitions pour les gens qui partagent avec leurs voisins ? +Quel degré de peur faudra-t-il atteindre pour empêcher les gens d'aider +leurs voisins ? Vous voulez vivre dans une société plombée par ce niveau de +terreur ? La seule façon d’appeler ce qu'elles sont en train de faire, c'est +« campagne de terreur ». Dans deux pays (jusqu'à présent), en Argentine et +ensuite en Allemagne, ces entreprises – les développeurs de logiciel non +libre – ont lancé des menaces publiques de viol en prison pour l'usage de +copies illicites de logiciels. La seule façon d'appeler ça, quand des gens +en menacent d'autres de viol, c'est « campagne de terreur ». Nous devons +mettre fin à ce terrorisme, immédiatement. +

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Pourquoi ai-je dit que la liberté 2, la liberté d'aider votre voisin, est +nécessaire pour vivre une vie honnête ? Parce que si vous avez accepté une +licence sur un programme non libre, vous avez dans une certaine mesure +participé au mal. Vous vous êtes mis en mauvaise passe du point de vue +moral. En utilisant un programme qui ne vous donne pas la liberté 2, la +liberté d'aider votre voisin, vous vous êtes potentiellement placé devant un +dilemme moral. Cela peut ne jamais se produire, mais dès que quelqu'un +viendra vous demander « Je pourrais en avoir une copie ? », vous serez pris +dans un dilemme moral où vous devrez choisir entre deux maux. L'un est de +faire une copie pour aider votre voisin, mais alors vous violez la licence, +et l'autre est de respecter la licence, mais alors vous êtes un mauvais +voisin. +Tous deux sont mauvais, donc vous devez choisir le moindre mal. Le moindre +mal à mon avis, c'est de partager avec votre voisin et de violer la licence, +puisque votre voisin le mérite ; à supposer que cette personne n'ait rien +fait de mal, ne vous ait pas maltraité, elle mérite votre coopération. Par +contre celui qui a toujours essayé de vous séparer de vos voisins fait +quelque chose de très, très mal et ne mérite pas votre coopération. Alors, +si vous devez faire quelque chose de mal, autant le faire à quelqu'un qui le +mérite. +

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Cependant, une fois que vous aurez reconnu ça, une fois que vous aurez +réalisé qu'utiliser ce programme non libre vous expose à choisir entre deux +maux, ce que vous devriez vraiment faire, c'est refuser de vous placer dans +cette situation, en refusant d'utiliser ce programme non libre, en refusant +de posséder ce programme non libre. Si vous êtes déterminé à n'utiliser et à +ne posséder que du logiciel libre, alors vous ne vous placerez jamais devant +ce dilemme moral. Puisque si jamais votre ami vous demande une copie du +programme, vous pourrez dire  « Bien sûr ! » et cela ne sera pas mal, parce +que « logiciel libre » signifie que vous pouvez en distribuer des +copies. Cela signifie que vous n'avez pas promis de refuser de partager avec +les autres. Vous pouvez partager et il n'y a rien de mauvais +là-dedans. Ainsi, une fois que vous avez compris qu'utiliser et posséder un +programme non libre signifie se placer potentiellement devant un dilemme +moral, vous lui dites non. De cette façon vous évitez le dilemme moral et +vous restez en position de pouvoir vivre une vie honnête ; vous n'allez pas +vous retrouver obligé de faire quelque chose de mal. +

+ +

Une fois, j'assistais à une conférence de John Perry Barlow. Il a demandé à +ceux qui n'avaient aucune copie illicite de logiciel de lever la main. Et +une seule personne dans l'assistance a levé la main, c'était moi. Voyant ça, +il a dit : « Oh, vous naturellement. » Il savait que toutes mes copies +étaient des copies licites, autorisées, parce que les programmes étaient +tous du logiciel libre. Les gens qui faisaient des copies de mes programmes +étaient tous autorisés à les faire et à me donner une copie des leurs. Et +toutes mes copies étaient licites. +

+ +

La police de l'information, qui essaie de mettre des gens en prison quand +ils ont des copies illicites, fait quelque chose de mal. Ce qu'elle fait est +illégitime, ce que heu… ceux qu'on appelle… NASSCOM, ce qu'ils font est mal, mais en même temps je ne +veux pas avoir à ramper furtivement pour vous donner des copies de +logiciel. J'utiliserai plutôt du logiciel libre et je pourrai rester debout, +même si la police me regarde. Je peux vous en donner une copie et je n'ai +pas à être effrayé. En choisissant le logiciel libre, nous ne vivons pas +dans la crainte. Voilà donc le pourquoi des quatre libertés qui définissent +le logiciel libre. La liberté zéro, c'est la liberté d'exécuter le programme +comme vous le souhaitez, la liberté 1, celle de vous aider vous-même en +étudiant le code source et en le modifiant pour faire ce que vous voulez, la +liberté 2, celle de distribuer des copies à d'autres, et la liberté 3, celle +d'établir votre communauté en publiant une version améliorée afin d'aider +les autres utilisateurs. +

+ +

Cela dit, aucune n'a à voir avec le prix. « Libre » ne signifie pas que vous +pouvez obtenir le logiciel gratuitement. En fait, il est parfaitement +légitime que les gens en vendent des copies ; c'est un exemple de la +liberté 2. La liberté 2, c'est la liberté de faire des copies et de les +distribuer à d'autres ; ça inclut de les vendre si vous le souhaitez. Vous +êtes libre de faire des copies et de les vendre. Il est vrai que typiquement +les gens ne paieront pas cher leurs copies parce qu'ils savent qu'ils +peuvent trouver ailleurs quelqu'un qui leur en donnera une. Ils pourraient +payer un certain prix, vous savez, si le prix est assez bas, s'il est plus +facile pour eux de payer que d'aller chercher ailleurs et se donner du mal +pour se procurer une copie gratuite. Il y a des gens qui vendent des copies +et qui gagnent de l'argent avec. +Mais ils ne peuvent généralement pas rançonner les utilisateurs en leur +extorquant beaucoup d'argent dur à gagner, parce qu'à ce moment-là les +utilisateurs se redistribueront les copies entre eux. Ils feront cet +effort. Donc le logiciel libre ne peut pas être utilisé pour extorquer +l'argent des autres au point de nuire à la société. Mais cela ne signifie +pas que l'argent ne change jamais de main. Cela ne signifie pas la +gratuité. Parfois en Inde, les gens se réfèrent au logiciel +Mukth ou Swatantra pour souligner que nous ne +parlons pas de gratuité. Mais c’est vrai, l'économie que les utilisateurs +peuvent faire en n'étant pas obligés de payer la licence peut être +suffisante pour les encourager à utiliser l'ordinateur dans un pays qui +compte beaucoup de gens pauvres, parce que les copies licites des logiciels +peuvent coûter plus cher que l'ordinateur. +

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L'ordinateur peut coûter ceci et les copies licites des logiciels peuvent +coûter cela. Bon nombre de gens en Inde auraient peut-être les moyens de se +payer un ordinateur, mais probablement pas les logiciels parce qu'ils +peuvent tout juste se permettre de payer l'ordinateur. Aussi, en Inde, le +logiciel libre peut faire une grande différence en ce qui concerne le nombre +de personnes qui peuvent posséder un ordinateur et le faire +fonctionner. Nous ne le voyons pas encore, parce que bon nombre de gens en +Inde utilisent des copies illicites. Je ne pense pas que ce soit mal, mais +nous pouvons voir que les développeurs de logiciel non libre tentent de +rendre ceci impossible. Ils ont deux manières différentes de le faire. L'une +est leur campagne de terreur – vous savez, la menace de violer les gens en +prison. L'autre, les changements techniques qui peuvent empêcher les copies +non autorisées de fonctionner, autrement dit l'obligation de s'inscrire pour +que le logiciel fonctionne. Vous pouvez le voir dans Windows XP et il va y +avoir davantage de mesures de ce type à l'avenir. +Alors, ce à quoi nous pouvons nous attendre, c'est qu'il va devenir de plus +en plus difficile de s'en tirer en utilisant des copies illicites. Et ça +veut dire que l'usage de l'informatique en Inde court au désastre, comme les +utilisateurs eux-mêmes. Leur train est sur une voie qui mène à la +catastrophe. Ce que l'Inde doit faire, c'est s'efforcer de s'engager sur une +autre voie, la voie du logiciel libre, la voie qui échappe à ce +problème. Aussi chaque institution sociale en Inde, chaque organisme +gouvernemental,6 +chaque école, chaque organisation, doit travailler aussi vite que possible à +faire passer les gens de la voie non libre à la voie libre. +

+ +

Mais ce n'est pas ce qu'ils font. Et vous pouvez voir aisément, si vous +regardez simplement autour de vous, qu'en Inde les organismes +gouvernementaux utilisent la plupart du temps du logiciel non libre, et que +les écoles en font autant. C'est une erreur terrible. C'est une politique +idiote et désastreuse. Les gouvernements méritent à l'évidence d'utiliser du +logiciel libre. Chaque utilisateur d'ordinateur mérite d'avoir les quatre +libertés, et cela inclut les organismes gouvernementaux qui utilisent le +logiciel. Mais quand il s'agit d'un de ces organismes, il a la +responsabilité, le devoir de choisir du logiciel libre. Puisqu'il fait de +l'informatique pour le public, c'est sa responsabilité de garder le contrôle +de ses ordinateurs pour s'assurer que l'informatique qu'il fait est +correcte. Il ne doit pas, ne peut pas légitimement permettre que le +traitement des données tombe entre les mains du privé, laissant ainsi le +privé prendre le contrôle de ce que font ses ordinateurs. +

+ +

Je vois un grand nombre de gens qui se déplacent par ici, que se +passe-t-il ?… Que se passe-t-il ?… Je ne peux pas vous +entendre, le son est éteint apparemment… +

+ +

[MOC] : Monsieur, nous recueillons les questions. +

+ +

[RMS] : De toute façon j'espère que c'est fini maintenant. Je vais +continuer. Ainsi les organismes gouvernementaux ont le devoir de s'assurer +qu'ils continuent d’avoir le contrôle. +

+ +

Ah je vois que vous recueillez déjà les questions. Mais je n'ai pas encore +fini ! De toute façon… J'en suis probablement à la moitié. Bon, +maintenant je comprends. Je vais continuer. +

+ +

Parce que, souvenez-vous, si vous utilisez un programme non libre, vous ne +savez pas vraiment ce qu'il fait et vous n'avez aucun contrôle sur ce qu'il +fait vraiment. Vous ne pouvez pas dire s'il y a une porte dérobée +[backdoor]. Il y a des gens qui suspectent Microsoft d'avoir +mis une porte dérobée dans Windows ou d'autres logiciels. Nous ne savons +pas, parce que nous ne pouvons pas voir le code source. Il n'y a aucun moyen +de découvrir s'il y en a une. Et il est possible aussi que les employés de +Microsoft l'aient fait sans qu'on le leur ait demandé. J'ai entendu dire que +certaines personnes travaillant sur Windows XP ont été arrêtées, accusées de +travailler pour une organisation terroriste et accusées d'avoir tenté de +placer une porte dérobée. Cela veut dire que si vous utilisez du logiciel +non libre, vous devez avoir peur que l'entreprise, c'est-à-dire le +développeur, y mette une porte dérobée, et vous devez également avoir peur +que certains développeurs y mettent secrètement une porte dérobée sans que +l'entreprise le sache. En effet, puisque vous ne pouvez pas obtenir le code +source, ni l'étudier ou le changer, vous êtes impuissants dans les deux cas. +

+ +

Microsoft a fait une chose vraiment stupide, vraiment absurde. Ils ont +soi-disant offert à divers gouvernements l'accès au code source. Mais ils +l'ont fait d'une manière frauduleuse. Par exemple, ils ont offert au +gouvernement indien l'accès au code source de Windows. Mais, cela ne +signifie pas qu'ils ont offert une copie du code source au gouvernement +indien. Oh que non ! Ils ont offert l'accès à un emplacement spécial du +serveur, où quelques personnes choisies pourront se loguer et explorer les +programmes pas à pas, pour soi-disant voir ce qui se passe dans le code +source. Mais en aucune manière elles ne pourraient garantir que le code +source qu'elles regardent sur le serveur est celui qui fonctionne sur leurs +propres machines. Aussi tout cela est-il une supercherie, une +plaisanterie. À part que la plaisanterie serait le fait du gouvernement +indien s'il disait oui à ce projet. +

+ +

Et de toute façon, même en admettant qu'une organisation obtienne l'accès au +code source, si la vôtre n'y a pas accès, cela ne vous aide pas. +

+ +

Chaque école d'Inde doit utiliser du logiciel libre. Ceci pour que leur +éducation fasse des enfants d'Inde des utilisateurs du libre. Vous voyez, +former ces enfants à devenir des utilisateurs de logiciels non libres les +met sur la voie de la catastrophe. Aussi les écoles doivent-elles éduquer +ces enfants à l'utilisation du libre. +

+ +

Cela ne devrait pas vous surprendre que Microsoft offre des copies gratuites +de Windows aux écoles d'Inde. Ils le font pour la même raison que les +fabricants de cigarettes offraient des paquets gratuits aux enfants. Ils +essaient de rendre les enfants dépendants. Ils ne le font pas pour être +utiles à quiconque, ils le font pour avoir plus d'emprise sur ces +enfants. Ainsi, ils demandent aux écoles de devenir les instruments du +maintien de cette emprise. Ceci ne devrait pas vous étonner. Si vous +comparez Microsoft à d'autres formes de colonialisme, vous y verrez beaucoup +de similitudes. Parce que, voyez-vous, le logiciel non libre est un système +colonialiste. Au lieu d'avoir un pays qui colonise les autres, ce sont +diverses sociétés qui tentent de coloniser le monde entier. Elles utilisent +pour cela des tactiques de division et de conquête, en maintenant l'usager +dans la division et l'impuissance. +Et si vous y réfléchissez, c'est ce que fait un programme non libre. Il +maintient les utilisateurs dans la division et l'impuissance. Division parce +qu'on vous interdit de distribuer des copies aux autres, on vous interdit +d'aider votre voisin. Et impuissance, parce qu'on ne peut pas obtenir le +code source ni le modifier. Avec cette politique de division et de conquête, +vous constatez aussi l'utilisation systématique des [élites]7 locales pour +maintenir tous les autres dans le droit chemin. Par exemple, Microsoft fait +des offres tarifaires spéciales à ceux qui semblent être particulièrement +influents, pour obtenir d'eux qu'ils utilisent Windows et ainsi maintenir +tout le monde dans le droit chemin. Les gouvernements sont utilisés de cette +façon. Et les écoles sont utilisées de cette façon. Les écoles d'Inde +doivent rejeter le logiciel non libre, refuser d'être utilisées pour +maintenir la population dans le « droit chemin » de la domination des +développeurs de logiciel non libre. +

+ +

Mais il y a deux raisons encore plus fondamentales pour lesquelles les +écoles d'Inde doivent exiger du logiciel libre. La première raison, c'est la +pédagogie. Quand les enfants atteindront l'adolescence, certains vont être +fascinés par les ordinateurs. Ils vont vouloir tout apprendre sur ce qui se +passe à l'intérieur. Ils vont vouloir apprendre comment le programme +marche. S'ils utilisent du logiciel non libre, le professeur devra leur +dire : « Désolé, vous ne pouvez pas apprendre ça, je ne peux pas l'apprendre +non plus. C'est un secret. Personne n'a le droit d'apprendre ça. » Le +logiciel non libre interdit l'éducation. Mais avec le logiciel libre, le +professeur peut dire : « Allez-y. Voici le code source de ce +programme. Lisez-le. Vous pouvez apprendre. Alors, maintenant que vous avez +lu le code source, essayez de faire une modification, essayez de faire une +petite modification dans ce programme. Puis essayez d'en faire +d'autres. Essayez de modifier ce programme. » Et de cette façon, les élèves +qui sont fascinés par les ordinateurs apprendront à écrire de bons +logiciels. +

+ +

Pour autant que je sache, certains sont nés avec une aptitude pour la +programmation ; ils sont nés avec une intelligence qui se développe dans le +sens d'une aptitude à programmer. Ce seront des programmeurs naturels. Mais +écrire un logiciel compréhensible, clair, est quelque chose qui +s'apprend. C'est une question de jugement. On l'acquiert en lisant beaucoup +de code source et en modifiant bon nombre de programmes. On apprend ainsi ce +qui rend un programme facile à comprendre et facile à modifier. Chaque fois +que vous essayez de lire un programme et que celui-ci présente une partie +difficile à comprendre, vous apprenez que ce n'est pas la bonne façon +d'écrire un code clair. Le logiciel non libre ne vous aide pas à faire +ça. Le logiciel non libre vous maintient dans l'obscurité. Mais si les +écoles d'Inde passaient au logiciel libre, alors elles pourraient donner aux +élèves l'occasion d'apprendre à être de bons programmeurs ; d'apprendre de +la même manière que je l'ai fait moi-même. +Dans les années 70, j'ai eu une opportunité particulière. J'ai travaillé au +laboratoire d'IA du MIT. Et là, nous avions notre propre système +d'exploitation en temps partagé, qui était du logiciel libre. Nous +partagions avec tout le monde. En fait, nous étions enchantés chaque fois +que quelqu'un était intéressé par une partie de ce système. Nous étions +enchantés chaque fois que quelqu'un voulait nous rejoindre en l'utilisant, +puis en aidant à le développer. Et ainsi j'ai eu l'occasion de lire tous ces +différents programmes – qui faisaient partie du système – et de les +modifier. Et en faisant ça encore et encore, pendant des années, j'ai appris +à être un bon programmeur. J'ai dû aller dans un endroit particulier sur +terre pour en avoir l'opportunité, qui était très peu courante, très +rare. Aujourd'hui n'importe quel PC fonctionnant avec le système +d'exploitation GNU + Linux vous la donnera. Chaque école d'Inde équipée d'un +ordinateur peut donner à ses étudiants cette même opportunité que je n'ai pu +avoir qu'au MIT. +

+ +

Les écoles doivent donc utiliser du logiciel libre dans l'intérêt de la +pédagogie. Mais il y a une raison encore plus sérieuse : les écoles ne sont +pas censées enseigner seulement des faits ou des techniques, mais sur un +plan plus fondamental elles sont censées enseigner l'esprit de bonne +volonté, l'habitude de coopérer avec les autres. Ainsi les écoles doivent +avoir une règle : « Si tu apportes un logiciel en classe, tu n'as pas le +droit de le garder pour toi. Tu dois laisser les autres enfants le copier. » +Une règle de bonne citoyenneté. Naturellement, l'école doit la mettre +elle-même en pratique. Donc l'école ne doit introduire en classe que du +logiciel libre. Les logiciels qui tournent sur les ordinateurs de la classe +doivent tous être libres, et de cette façon les écoles pourront enseigner la +bonne citoyenneté. +

+ +

Il y a trois semaines – non, c'était il y a deux semaines – quand j'ai +rencontré le Dr Kalam et que je lui ai expliqué pourquoi il faut que les +écoles se servent de logiciel libre et à quel point le logiciel non libre +est un système colonial, j'ai été vraiment enchanté parce qu'il l'a compris +immédiatement. Il a reconnu l'analogie. Il a compris comment les puissances +coloniales ont essayé de recruter les élites comme auxiliaires afin de +maintenir le reste de la population dans le droit chemin. Et le plus +délicieux était que plusieurs personnes de chez Microsoft attendaient pour +le voir juste après. Je suis sûr que, lorsqu'il a parlé avec elles, cette +comparaison lui est venue à l'esprit pendant qu'elles essayaient de le +convaincre de faire telle ou telle chose en lui offrant quelque pot-de-vin +pour qu'il contribue à maintenir l'Inde dans le droit chemin. +Ce qui s'est passé au cours de cette réunion, naturellement je ne le sais +pas ; parce que je n'étais pas là, à sa réunion avec Microsoft. Mais je suis +sûr que cette analogie lui a traversé l'esprit. Cela aura eu un certain +effet. En tout cas j'espère que ça aura un certain effet sur vous ; j'espère +que si quelqu'un vous invite, en tant qu'élite du peuple indien, à +contribuer au maintien de l'Inde dans le droit chemin, vous comprendrez +qu'il est de votre devoir de dire non ; j'espère que si quelqu'un vous +invite à rejoindre le mouvement du logiciel libre – où ensemble, nous +tissons notre propre code – vous comprendrez que c'est une façon de mettre +un terme au colonialisme. +

+ +

Quand vous entendrez quelqu'un vous dire « Quoi ?! Nous avons un bureau en +Inde ; nous avons dépensé un million de dollars par an pour payer quelques +personnes en Inde. Est-ce que ça ne rend pas légitime le fait de coloniser +le reste de l'Inde ? » vous reconnaîtrez à quel point c'est stupide – Les +Britanniques employaient aussi des gens en Inde, mais ça n'a pas fait du +colonialisme une bonne chose, ça ne l'a pas rendu légitime ni éthique. Parce +que chaque utilisateur d'ordinateur mérite la liberté. +

+ +

Je viens d'expliquer pourquoi il faut que le logiciel soit libre. Que +faisons-nous pour ça ? Je pensais à ces questions en 1983 et j'étais arrivé +à la conclusion que le logiciel devait être libre ; que la seule manière de +vivre dans la liberté était d'exiger du logiciel libre. Mais qu'est-ce que +je pouvais faire pour ça ? Si vous voulez faire tourner l'ordinateur que +vous venez de vous procurer, c'est d'un système d'exploitation que vous avez +besoin en premier lieu. Et en 1983, tous les systèmes d'exploitation pour +ordinateurs modernes étaient non libres. Ils étaient privateurs8. Qu'est-ce que je +pouvais donc faire ? La seule façon de faire fonctionner l'ordinateur +moderne qu'on s'était procuré était de signer un contrat où l'on promettait +de trahir ses voisins. Quelle alternative pouvait-il y avoir ? La seule +façon d'avoir une alternative, la seule manière d'utiliser un ordinateur en +toute liberté, était d'écrire un logiciel d'exploitation libre. +Alors j'ai décidé de le faire. J'étais développeur de systèmes +d'exploitation, j'avais les qualifications pour entreprendre ce projet. J'ai +donc décidé que j'écrirais un système d'exploitation libre ou que je +mourrais en essayant – vraisemblablement de vieillesse, parce qu'à ce +moment-là le mouvement du logiciel libre n'en était qu'à ses débuts et +n'avait aucun ennemi ; nous avions juste beaucoup de travail devant +nous. J'ai décidé de développer un système d'exploitation libre qui serait +semblable à Unix, pour qu'il soit portable et que les utilisateurs d'Unix +trouvent facile de migrer vers ce système qui leur donnait la liberté. +

+ +

Je me suis dit qu'en le rendant compatible avec un système populaire +existant, nous aurions plus d'utilisateurs et qu'ainsi la communauté du +libre, le « monde du Libre », se développerait davantage. Et j'ai donné au +système le nom de GNU, qui signifie « GNU N'est pas Unix » [GNU's Not +Unix]. C'est une manière humoristique de donner crédit aux idées +d'Unix. C'est un acronyme récursif, une façon traditionnelle pour les +programmeurs de s'amuser et de donner crédit en même temps. De plus, le mot +GNU est utilisé dans bon nombre de jeux de mots. C'est un mot auquel est +associé pas mal d'humour, ce qui fait de lui le meilleur mot possible pour +tous les usages. Je dois expliquer que GNU (gnou) est le nom d'un animal +d'Afrique. Cet animal est notre symbole. Donc, si vous voyez un animal à +cornes souriant associé à nos logiciels, c'est un gnou. +Il y a vingt ans et un mois, en janvier 1984, j'ai cessé mon travail au MIT +et commencé à développer le système GNU. Je n'ai pas tout fait moi-même, +naturellement ; j'ai aussi essayé de recruter d'autres gens pour m'aider. Et +progressivement, au cours des années, de plus en plus de gens m'ont +rejoint. Pendant les années 80, nous n'avions que quelques morceaux du +système GNU. Certains de ces morceaux étaient de grande qualité, alors les +gens les prenaient et les installaient sur leurs systèmes non libres. Par +exemple l'éditeur de texte GNU Emacs et le compilateur C de GNU. C'était des +programmes que les gens faisaient tourner même sur leur système Unix non +libre. Mais notre but véritable n'était pas simplement d'avoir quelques +programmes de grande diffusion. Le but était de faire un système complet, +afin de pouvoir rejeter les systèmes non libres ; rejeter le logiciel non +libre, nous sortir de l'esclavage du logiciel non libre. Ainsi nous avons +continué à combler les brèches du système, et au début des années 90 il ne +restait plus qu'une seule lacune importante, le noyau. +

+ +

En 1991 en Finlande, un étudiant d'université a écrit un noyau libre et l'a +publié sous le nom de Linux. En fait, en 1991 il n'était pas libre. Au +commencement il a été publié sous une licence un peu trop restrictive qui ne +répondait pas aux critères du libre. Mais en 1992, l'auteur a changé sa +licence et l'a rendu libre. À ce moment-là il est devenu possible de prendre +le noyau et de l'adapter à la brèche du système GNU pour faire un système +complet, le système qui est une combinaison de GNU et de Linux. Le système +d'exploitation GNU + Linux a maintenant des dizaines de millions +d'utilisateurs. +

+ +

Malheureusement la plupart d'entre eux ne savent pas qu'à la base c'est le +système GNU. Ils pensent que le système entier est Linux. C'est le résultat +d'une confusion. Les gens qui ont associé Linux et le système GNU ne se sont +pas rendu compte qu'ils avaient utilisé Linux pour combler cette brèche. Ils +pensaient qu'ils partaient de Linux et lui ajoutaient tous les autres +composants dont ils avaient besoin pour en faire un système complet. Tous +ces autres composants étaient pour l'essentiel le système GNU, mais ils ne +l'ont pas compris. Ils ont pensé qu'ils partaient de Linux et qu'ils le +transformaient en système complet. Ils ont ainsi commencé à parler du +système entier en l'appelant Linux, alors qu'en réalité c'était plus GNU +qu'autre chose. Le résultat, c'est la confusion que vous voyez +aujourd'hui. Beaucoup de gens, quand ils parlent du système GNU, l'appellent +Linux. De fait, si vous entendez quelqu'un parler de Linux, à moins qu'il ne +parle d'un système embarqué, il est à peu près sûr qu'il désigne le système +GNU avec Linux en plus. Mais parfois il parle d'un système embarqué, et là +peut-être qu'il désigne effectivement Linux, puisque dans ces systèmes les +gens utilisent parfois Linux tout seul, sans le reste du système +d'exploitation. Vous n'avez pas besoin d'un système d'exploitation complet +dans un ordinateur embarqué. +

+ +

Donc il y a beaucoup de confusion. Quand les gens disent Linux, ils +désignent parfois un système d'exploitation complet que vous pourriez faire +tourner sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, et parfois le noyau +seul, qui suffit à un simple ordinateur embarqué. Donc, si vous voulez +éviter de jeter la confusion dans la tête des gens, vous devez distinguer +les deux, utiliser différents noms pour différentes choses. Quand vous +parlez du noyau, s'il vous plaît appelez-le « Linux ». Il a été écrit par +une personne qui l'a nommé Linux. Nous devons utiliser le nom qu'il a +choisi. Quand vous parlez du système d'exploitation, c'est surtout GNU. Et +quand j'ai commencé à le développer, je l'ai nommé GNU. Je vous serais donc +reconnaissant d'appeler cette combinaison GNU + Linux. Tout ce que je +demande, c'est une mention équivalente pour les principaux développeurs du +système, le projet GNU. Nous avons écrit la plus grande partie du système et +nous avons eu la vision d'ensemble de ce travail. Donnez-nous mention +équivalente, je vous en prie. Nous en avons besoin. Nous en avons besoin +pour pouvoir propager notre philosophie. Apprenez aux gens les raisons +éthiques, les questions sociales et politiques qui sont en jeu ici, +apprenez-leur pourquoi il faut que le logiciel soit libre. +

+ +

Une dernière chose. On m'a suggéré de parler des questions relatives au +matériel. Parfois, les gens demandent si le matériel doit également être +libre. Eh bien, la question n'est pertinente qu'en partie. Parce que +voyez-vous, qu'est-ce que ça signifie pour le logiciel, d'être libre ? Cela +veut dire que vous êtes libre de l'utiliser si vous le souhaitez, d'étudier +ce qu'il fait, de le modifier, de le copier et d'en distribuer des copies, y +compris des copies modifiées. Mais voyez-vous, les utilisateurs ordinaires +de matériel ne peuvent pas le copier. Il n'existe pas de copieur. Si je suis +un utilisateur ordinaire de logiciel, je peux le copier, puisque chaque +ordinateur est un copieur de logiciel. Et je n'ai besoin d'aucun équipement +spécial pour pouvoir étudier les plans et les changer. J'ai juste à +comprendre la programmation ; alors je peux lire le code source aussi +longtemps que le développeur me laissera en avoir une copie. +Mais le matériel n'est pas fabriqué par copie. Vous ne faites pas des +ordinateurs en les mettant dans un copieur universel. Vous savez, si +quelqu'un vous donne un puce de CPU (unité centrale), vous ne pouvez pas copier ce morceau de +CPU pour faire un autre morceau identique. Personne ne peut faire ça. Il +n'existe pas de copieur. Maintenant que diriez-vous de le modifier ? +Personne ne peut modifier une puce. Une fois qu'elle est fabriquée, elle est +fabriquée. Il y a des puces qui sont personnalisables, mais entrer dedans +réellement et modifier le matériel de la puce, c'est impossible. Pour ce qui +est des puces personnalisables… Supposez que ce soit une puce +programmable par microcode ou un réseau de portes programmables. Le +microcode est un logiciel, ce n'est pas du matériel. Le modèle de circuit de +portes qu'on met dans une puce contenant un réseau de portes programmables +est logiciel ; ce modèle peut être facilement modifié et peut facilement +être copié parce que c'est un logiciel. +

+ +

Cela va vous aider à comprendre comment ces questions se rattachent à +diverses situations. Le modèle que vous chargez dans quelque chose est du +logiciel. L'objet physique en revanche, c'est le matériel. L'objet physique +ne peut pas être simplement copié, il doit être fabriqué dans une usine. +

+ +

Mais parfois, il y a une question différente qui est pertinente pour le +matériel : est-ce que les spécifications sont disponibles ? Vous savez, +est-ce que le public peut obtenir des copies des plans pour découvrir ce que +fait le matériel ? Eh bien, c'est nécessaire dans certains cas pour que vous +puissiez rechercher les dispositifs malveillants. C'est un problème assez +nouveau. Dans le passé, au niveau du contrôleur de disque – vous savez c'est +une carte, vous la placez dans votre ordinateur – vous n'aviez pas trop à +vous inquiéter de savoir s’il y avait un danger que ce contrôleur de disque +soit muni d'un dispositif malveillant, Parce qu'il n'y avait pas vraiment de +danger. Il n'y avait pas beaucoup de possibilités d'y mettre un dispositif +malveillant. Comment auraient-ils envoyé une commande à votre contrôleur de +disque dans ce cas ? Ce n'était pas vraiment faisable. Mais maintenant que +le matériel devient de plus en plus puissant, il peut être placé dans des +endroits de plus en plus petits. Il est devenu possible à quelqu'un de +mettre des portes dérobées dans votre contrôleur de disque, dans votre unité +centrale, dans votre carte réseau. Comment savez-vous que votre carte réseau +n'est pas équipée pour recevoir quelque message secret qui va lui dire de se +mettre à vous espionner d'une façon ou d'une autre ? +

+ +

Ainsi ces problèmes commencent à prendre de l'importance. À mesure que le +matériel devient suffisamment puissant, nous devons exiger de pouvoir +contrôler ce qui est vraiment à l'intérieur. Mais vous l'avez remarqué, pas +mal de choses à l'intérieur de ce prétendu matériel sont en fait du +logiciel. Beaucoup de contrôleurs de périphériques de nos jours comportent +des ordinateurs. Il y a des logiciels à télécharger dans cet ordinateur. Et +ils devraient être libres. C'est la seule façon de pouvoir leur faire +confiance, de pouvoir dire qu'ils ne contiennent pas une porte dérobée pour +nous espionner. Ce doit être des logiciels libres. +

+ +

Donc, pour répondre d'une manière générale à la question « Cela +s'applique-t-il aux ordinateurs embarqués ? »… Après réflexion j'en +suis arrivé à la conclusion que si de nouveaux logiciels peuvent être +chargés dans cet appareil, c'est manifestement un ordinateur. C'est vraiment +un ordinateur pour vous, l'utilisateur. Et ça veut dire que vous devez avoir +la liberté d'en contrôler les logiciels. Mais plus récemment a surgi une +autre question : si l'appareil peut parler au réseau, que ce soit Internet +ou le réseau de téléphonie mobile ou quoi que ce soit d'autre, s'il peut +parler à d'autres personnes, vous ne savez pas s'il n'est pas en train de +vous espionner. Aussi doit-il être équipé de logiciel libre. Considérez par +exemple les téléphones portables. Vous ne devez pas utiliser de portable à +moins que son logiciel ne soit libre. Il y a vraiment des fonctionnalités +malveillantes dangereuses dans les téléphones portables. +Il y en a en Europe dans lesquels un dispositif permet à quelqu'un +d’ordonner à distance au téléphone de vous écouter. C'est vraiment un +dispositif espion dans le sens le plus classique. Et si vous avez un +portable, est-ce que vous savez qui pourrait vous espionner à tout moment ? +Vous ne le savez pas, à moins que le logiciel à l'intérieur ne soit +libre. Aussi, devons-nous exiger du logiciel libre dans ces +téléphones. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne m'en servirai +jamais – parce que le réseau de téléphonie mobile est un dispositif de +surveillance. Il peut enregistrer là où vous allez. Il peut garder une trace +permanente des endroits où vous avez été à chaque instant. Et je pense que +c'est une telle menace contre notre liberté que nous devons refuser d'avoir +ces téléphones. Ils sont dangereux, c'est du poison. +

+ +

Quoi qu'il en soit, je voudrais vous renvoyer pour plus d'information au +site web du projet GNU, www.gnu.org et également au site web de +la Free Software Foundation of India, qui est +FSFIndia. Non désolé… Non, c'est… C'est +gnu.org.in. C'est ça, gnu.org.in. Si vous voulez +aider le logiciel libre en Inde, contactez s'il vous plaît la +FSF-India pour que vous puissiez unir vos efforts avec d'autres +et, ensemble, vous battre pour la liberté. +

+ +

Maintenant, je vais prendre les questions. +

+ +

Oh là là, que j'ai envie de dormir ! +

+ +

[MOC] : Monsieur, nous allons lire les questions recueillies dans +l'assistance une à une, et… alors vous pourrez y répondre. +

+ +

[RMS] : OK, si une personne pose des questions multiples, s'il vous +plaît posez-les moi une seule à la fois. +

+ +

[MOC] : Oui, Monsieur. +

+ +

La première question vient de H. Sundar Raman. Voici sa question : « Quelle +est la différence entre le logiciel open source et le logiciel libre ? » +

+

[RMS bâille] +

+ +

[RMS] : Je dois d'abord expliquer que logiciel libre et open source +ont chacun deux sens liés. +

+ +

Je suis en train de regarder une image de moi en miroir, alors il m'est +difficile de savoir où mettre les mains. +

+ +

Chacun se rapporte à une catégorie de logiciel et chacun se rapporte à un +mouvement philosophique. Donc il y a le logiciel libre – le logiciel libre +est une catégorie de licences. Et il y a le mouvement du logiciel libre qui +est une philosophie. De même l'open source est une catégorie de licences et +une philosophie. Pour pouvoir comparer le mouvement du logiciel libre et le +mouvement open source – pardon – nous pouvons comparer le logiciel libre +comme catégorie de logiciel à l'open source comme catégorie de logiciel. Et +nous pouvons comparer la philosophie du mouvement du logiciel libre à la +philosophie open source. Et ce qu'on constate, c'est qu'en tant que +catégories de logiciel ils sont très proches. L'open source est une +catégorie de licences tout comme le logiciel libre. Ces deux catégories sont +définies par un langage très différent, mais jusqu'ici, sur le plan +pratique, elles sont assez semblables. Il y a quelques licences qui +respectent les critères de l'open source, mais pas ceux du logiciel +libre. Elles ne sont cependant pas souvent utilisées. Alors, si vous savez +qu'un programme est open source et que vous ne savez rien d'autre, vous ne +pouvez pas être sûr que ce soit un logiciel libre, mais c'en est +probablement un. +

+ +

Dans le même temps, il y a deux mouvements et leurs philosophies ; et elles +sont très éloignées l'une de l'autre. Dans le mouvement du logiciel libre +nous avons une philosophie basée sur la liberté et l'éthique. Nous disons +que vous devez exiger le logiciel libre pour pouvoir vivre une vie honnête +et avoir la liberté d'aider les autres. Le mouvement open source a été +précisément formé pour éviter de dire ça, pour rejeter nos principes +éthiques. Les gens du mouvement open source ne disent pas que vous devez +exiger le logiciel open source. Ils disent qu'il peut être commode ou +avantageux. Ils n'ont en vue que les valeurs pratiques. Ils disent qu'ils +ont une conception supérieure… pardon, un modèle supérieur de +développement, supérieur dans un sens technique, superficiel, c'est-à-dire +qu'il produit habituellement un logiciel techniquement meilleur. +Mais c'est tout ce qu'ils vous diront. Ils ne diront pas que c'est un +impératif éthique ; que le code source du logiciel doit être ouvert ; que le +logiciel à source fermée est une tentative de vous coloniser et que vous +devez vous en échapper. Ils ne diront rien de ce genre. De fait, la raison +d’être de leur mouvement, c'est précisément de ne pas le faire, de le +dissimuler. Et quand on en revient à la base philosophique, ce qu'ils disent +et ce que nous disons est aussi différent que le jour et la nuit. C'est +pourquoi je suis toujours très malheureux quand on m'associe, moi ou mon +travail, à l'open source. +

+ +

Les gens qui ont développé le mouvement open source, les gens dont c'est la +motivation, contribuent d'habitude à notre communauté parce que leur +logiciel est habituellement libre. Et ce peut être une bonne +contribution. Mais je suis complètement en désaccord avec leur +philosophie. Je pense qu'elle est superficielle et je suis très malheureux +quand les gens me collent leur slogan comme étiquette en donnant +l'impression que je suis d'accord avec cette philosophie. +

+ +

Question suivante, s'il vous plaît ! +

+ +

[MOC] : La question suivante vient d'Advait Thumbde. Sa question +est : « La liberté de copier peut ne pas générer assez d'argent, qui est +essentiel pour financer le développement technologique. Là où tant +d'entreprises concurrentes… » +

+ +

[interruption de RMS ] : Non. C'est faux. C'est faux ! L'argent n'est +pas essentiel pour le développement technologique, pas dans le secteur du +logiciel. C'est sans doute le cas dans d'autres secteurs, parce qu'ils sont +beaucoup plus difficiles. Cela coûte beaucoup d'argent d'installer une usine +pour construire du matériel. Oui, cela exige un investissement. Mais nous +avons prouvé dans le mouvement du logiciel libre, nous avons montré que nous +pouvions développer un large éventail de logiciels sans aucun +investissement. Nous l'avons prouvé en le faisant. Il y a environ un million +de personnes qui contribuent au logiciel libre et la plupart d'entre elles +sont bénévoles. De grands programmes ont été développés par des bénévoles, +ce qui montre qu'il n'est pas nécessaire de lever des fonds importants. Il +n'est pas nécessaire d'avoir de l'argent. +Cela dit, je suppose que ces bénévoles ont de quoi manger, qu'ils ne sont +pas à la rue. Ils doivent avoir un travail. Je ne sais pas en quoi consiste +ce travail, mais souvenez-vous que si vous considérez l'emploi en +informatique, seule une petite fraction concerne la programmation. Il s'agit +essentiellement de concevoir des logiciels personnalisés, dont seule une +petite fraction est destinée à être publiée, à être mise à la disposition du +public. Donc il y a beaucoup d'emplois qui permettent aux gens de gagner +leur vie. Ainsi ils peuvent passer une partie de leur temps libre à +développer notre logiciel libre. Cela ne pose pas de problème du moment que +nous en développons beaucoup. Et c'est ce que nous faisons. De fait, nous +savons que ce n'est pas un problème. +

+ +

Ainsi, les gens qui disent que le logiciel libre ne fonctionnera pas parce +que nous ne pouvons pas mobiliser de fonds sont comme ceux qui disent que +les avions ne voleront pas parce que l'antigravité n'existe pas. Eh bien, +les avions volent, ce qui prouve que nous n'avons pas besoin de +l'antigravité. Je devrais également préciser qu'il y a aussi des personnes +qui sont payées pour développer des logiciels libres. L'argent provient de +diverses sources. Parfois ces personnes adaptent des programmes libres +existants pour satisfaire des demandes de clients. Parfois elles obtiennent +des financements des universités ou des gouvernements. +

+ +

Les gouvernements financent une grande partie du développement logiciel dans +le monde. Sauf cas exceptionnel où le logiciel doit être tenu secret, ce +pourrait tout aussi bien être du logiciel libre. Ainsi nous devons propager +cette idée dans le milieu universitaire : quand vous avez le projet de +développer un logiciel, ce doit être un logiciel libre. C'est une exigence +éthique que de le rendre libre. +

+ +

Enfin, j'ajouterai que vous pouvez très bien souhaiter gagner de l'argent en +faisant quelque chose ; vous pouvez souhaiter une activité lucrative. En +soi, ce n'est pas mauvais. Mais si cette activité elle-même est mauvaise, +vous ne pouvez pas la justifier en disant : « Je vais gagner de l'argent. » +Vous savez, les [escrocs]9 gagnent de l'argent, mais ce n'est pas +une excuse pour voler les gens. Le logiciel non libre est un poison du point +de vue de l'éthique. C'est une magouille pour maintenir les gens divisés et +impuissants, c'est une forme de colonisation et c'est mal. Ainsi, quand +quelqu'un me dit « Je vais rendre mon programme privateur pour pouvoir +gagner de l'argent et travailler à plein temps pour développer le +programme », je lui réponds « C'est comme de dire que vous allez voler des +gens pour pouvoir gagner de l'argent, ce qui vous permettra de voler à plein +temps. C'est très mal et vous ne devez pas le faire. » +

+ +

Je crois que des gens qui contribuent à la société ont… Eh bien, les +gens qui apportent une contribution à la société, c'est une bonne idée si +nous les récompensons pour ça. Et les gens qui font des choses nuisibles à +la société, c'est une bonne idée si nous trouvons des moyens de les +punir. Cela encouragera les gens à faire des choses qui contribuent à la +société et à ne pas faire de choses qui lui nuisent. Et donc les gens qui +développent du logiciel libre devraient être récompensés et ceux qui +développent du logiciel non libre devraient être punis, puisque le logiciel +libre est une contribution à la société, mais que le logiciel non libre est +une magouille pour la coloniser. Et cela mérite une punition, pas une +récompense. +Une autre manière d’envisager la question est de se rendre compte +qu'utiliser un programme non libre revient à être idiot, ou à manquer +d'éthique, ou les deux. Ce qui signifie que, pour moi, ce programme non +libre pourrait aussi bien n'être rien, parce que je ne vais pas +l'utiliser. Les gens qui ont une éthique, les gens qui tiennent à vivre une +vie honnête vont le rejeter de toute façon. Ainsi, ce programme ne sera +utile qu’aux nigauds qui n'ont pas une conscience très développée. Qu’est-ce +qu’il y a de bon là-dedans ? Supposons qu'une personne me dise : « Je peux +seulement développer ce programme si je le rends privateur ; c'est la seule +manière pour moi de gagner assez d'argent pour passer du temps à le +développer. » Je ne vais pas lui répondre que ça ne peut pas être vrai, +parce que je ne connais pas sa situation. +Si elle dit qu'il n'y a aucun moyen de développer ce programme à moins +d'être payée à plein temps et qu'elle ne sait pas comment faire autrement +que de le rendre privateur, je ne vais pas lui répondre que c'est faux, +parce qu'elle connaît sa propre situation. Voici ce que je lui répondrai : +« Je vous en prie, ne développez pas le programme. Développer le programme +de cette façon serait mauvais ou serait nocif. Ainsi ça serait mieux si vous +ne le faisiez pas du tout. Faites autre chose puisque dans quelques années, +tôt ou tard, quelqu'un d'autre sera dans une situation différente, quelqu'un +qui pourra écrire ce programme sans exercer de domination sur les +utilisateurs. Et nous pouvons nous permettre d'attendre quelques années pour +garder notre liberté. La liberté vaut bien un petit sacrifice. Nous pouvons +attendre quelques années. » +

+ +

Bien, question suivante. +

+ +

[MOC] : Sa question suivante est : « Toutes les œuvres +intellectuelles, les livres par exemple, sont privatrices. N'est-ce pas +justifié dans le cas du logiciel ? » +

+ +

[RMS] : Eh bien, il fait erreur. Il y a beaucoup de livres libres +aussi. En fait, de plus en plus, le mouvement se propage aux livres pour les +rendre libres ; libres comme en liberté, je veux dire. Nous avons commencé à +le faire dans les années 80. Tous les manuels des logiciels GNU qui ont été +développés dans le cadre du projet GNU sont libres dans le sens où vous êtes +libres de les copier. Ils ne sont pas gratuits, du moins pas toujours. Nous +imprimons des copies et nous les vendons ; et nous les vendons plus chères +que le coût de production parce que nous essayons de récolter des +fonds. Vous savez, bien sûr, que ce surcoût provient de ce que nous essayons +de récolter des fonds substantiels avec ces livres. Mais vous êtes libres de +les copier et de les modifier. Et vous pourriez même obtenir le code source +par Internet, le code source des livres. +Et nous ne sommes plus les seuls. Il y a maintenant un mouvement pour les +manuels libres. En fait, il y a des projets en Inde et ailleurs pour +développer du matériel pédagogique libre et le mettre à disposition des +écoles. Du matériel pédagogique libre pour un cycle d'étude complet . Parce +que le matériel pédagogique doit être libre. Aussi je suggère que vous +regardiez le site gnowledge.org. C'est +comme knowledge, mais orthographié avec un « g » au lieu d'un +« k ». Et vous verrez l'une de ces initiatives mise en œuvre par le +Pr Nagarjuna à Mumbai. +

+ +

En outre, je dois mentionner l'encyclopédie libre Wikipédia. C'est la plus +grande encyclopédie de l'Histoire. Je crois qu'il y a maintenant plus de +cent soixante mille rubriques, bien plus que n'importe quelle autre +encyclopédie ait jamais eues ; environ deux fois plus. Et ceci a été fait en +quelques années seulement ; par le public. +

+ +

Donc, si nous devions croire à ces menaces… Quand les gens disent que +la seule manière de développer ces choses, la seule manière d'écrire et de +mettre à jour une encyclopédie est privatrice, ils brandissent une +menace. Ils disent que si vous n'acceptez pas de renoncer à votre liberté, +vous n'aurez pas d'encyclopédie, vous n'aurez pas de logiciel. Ils nous +demandent de nous sentir impuissants et désespérés. C'est vraiment stupide. +

+ +

[RMS bâille] +

+ +

Question suivante. +

+ +

[MOC] : La question suivante est de Ganapathy. Il dit : « Je crois +que le plus grand défi pour le logiciel libre est d'obtenir des logiciels de +qualité, ce qui signifie des développeurs de qualité. Mais ils doivent avoir +suffisamment de motivation pour y consacrer du temps et de la +réflexion. Aussi que suggérez-vous pour avoir des développeurs +enthousiastes ? » +

+ +

[interruption de RMS] : Ce n'est pas vrai. +

+ +

Vous savez, je n'arrête pas de recevoir des questions de gens qui croient à +des choses manifestement fausses, de gens qui font des suppositions sur +notre communauté et qui font des suppositions erronées. +

+ +

En réalité, le logiciel libre a une réputation de haute qualité. C'est +justement pour ça que le système d'exploitation GNU + Linux a commencé à +percer à la fin des années 90. Les gens ont découvert qu'il fonctionnait +pendant des mois. Ils constataient que le seul moment où le système +plantait, c'était quand l'alimentation tombait en panne. Et ceci diffère du +logiciel non libre, qui souvent est assez peu fiable. On voit constamment +des gens faire l'hypothèse idiote que le logiciel libre ne peut pas +fonctionner. Ils ne savent rien, mais ils inventent tout. Pourquoi ça ? +D'après moi, c'est que le logiciel non libre est si courant qu'ils supposent +qu'il doit bien fonctionner. +

+ +

Pensez-vous que les gens utilisent Windows parce qu'il est bon ? Quelle idée +ridicule. Ils utilisent Windows parce que les autres utilisent Windows et +c'est la seule raison. En fait non, ce n'est pas la seule raison… Ils +utilisent Windows parce qu'il vient avec leurs ordinateurs. Ce sont les deux +raisons. La seule raison pour laquelle… une solution de rechange +survit, c'est qu'elle est meilleure. Le logiciel libre doit être deux fois +meilleur pour que les gens qui ont l'esprit pratique le +choisissent. Naturellement, vous pouvez entendre mon mépris dans le terme +« esprit pratique ». Ce sont des gens qui ne donnent pas de valeur à leur +liberté. +Ce sont des idiots. Un idiot et sa liberté se séparent très vite. Mais il y +a beaucoup d'idiots, en particulier dans de nombreuses organisations où les +gens croient qu'ils ne sont pas censés prêter attention à l'éthique ni à la +liberté ; qu'ils sont seulement censés prêter attention aux aspects +pratiques à court terme, ce qui est une recette pour prendre de mauvaises +décisions, pour causer du tort à la société. Mais c'est comme ça qu'ils +sont. Alors pourquoi ces mêmes personnes choisissent-elles parfois le +logiciel libre ? Parce qu'il a des avantages pratiques. Par exemple, il est +puissant et il est fiable. +

+ +

Question suivante. +

+ +

[MOC] : La question suivante est de Subramani : « Distribuer le +logiciel sous forme d'exemplaires gratuits [free] est favorable +à l'utilisateur. Mais est-ce favorable aux entreprises ? Ne pensez-vous pas +que cela déséquilibrera l'équilibre économique dans le logiciel ? » +

+ +

[RMS] : C'est tout à fait idiot. Tout d'abord, +rappelez-vous, j'ai expliqué que le logiciel libre est une question de +liberté, pas de prix. « Libre » ne signifie pas que le logiciel est +gratuit. Mais parfois il l'est. D'autre part, vous pouvez quelquefois avoir +du logiciel non libre gratuit. Cela ne le rend pas légitime sur le plan +éthique, parce qu'il piétine toujours votre liberté. Il vous maintient +toujours divisés et impuissants, même si vous n'avez pas à payer. Les écoles +d'Inde peuvent se procurer Windows gratuitement, mais il reste +nuisible. Ainsi la question n'est pas le prix. La question est de savoir si +le logiciel respecte votre liberté. Et ce… cette… idée qu'il y +a un certain type d'équilibre… Je ne sais pas du tout de quoi il veut +parler, mais rappelez-vous que si une entreprise gagne de l'argent en +mettant les gens sous sa coupe, elle est mauvaise. Cela doit prendre fin. +Il y a beaucoup d'entreprises qui fonctionnent en maltraitant les gens. Ces +entreprises sont mauvaises ; elles n'ont pas le droit de poursuivre leur +activité ; tout ce qu'elles méritent, c'est qu'on y mette un terme. Je ne +dirai pas que le logiciel non libre soit le plus grave des problèmes. Parce +que, vous savez, le travail des enfants est très courant, mais je pense que +la plupart du temps il ne consiste pas à développer du logiciel libre ; je +pense qu'il s'agit d'autre chose. Il y a de nombreuses façons pour une +entreprise de nuire à la société par son activité. Et nous devons mettre un +terme à cela. +

+ +

Ou prenez Coca-Cola, qui empoisonne les gens tout en asséchant leur +approvisionnement en eau. Et pas seulement ça : ils assassinent les +organisateurs de syndicats en Colombie. C'est pourquoi il y a un boycott +mondial de la société Coca-Cola. La société est d'ailleurs poursuivie aux +États-Unis pour des accords avec des paramilitaires pour ces assassinats en +Colombie.10 Alors +rejoignez le boycott. N'achetez pas de Coke. +

+ +

J'ai dit ça surtout pour illustrer le fait qu'il y a de nombreuses façons +pour une entreprise de ne pas se conduire de manière éthique. Et les +entreprises qui font ça n'ont pas le droit de continuer. Elles ne sont pas +légitimes et elles ne doivent pas être traitées comme telles. Le +développement de logiciel non libre en est un exemple car, quoi que fasse le +programme, la licence met les utilisateurs sous contrôle, et ce n'est pas +bien. +

+ +

Question suivante. +

+ +

[MOC] : Windows gère les langues régionales et ça aide le +peuple d'Inde, mais GNU n'a pas cette fonctionnalité. Quelle est votre +suggestion à cet égard ? +

+ +

[RMS] : Il se trompe. Vous savez, je n'ai jamais donné de discours +avec autant de questions dont les énoncés sont faux et critiquent le +mouvement du logiciel libre de manière inexacte. Vous savez, je peux +comprendre qu'on ne sache pas. Chacun d'entre nous est né complètement +ignorant. Et chacun d'entre nous, sur chacun des sujets particuliers, +commence sans rien savoir. Mais pourquoi les gens d'ici sont-ils si prêts à +faire des suppositions quand ils ne savent pas ? Pourquoi ne pas admettre +que vous ne savez pas ? Pourquoi ces gens croient-ils des choses qui sont +fausses ? Ils n'ont clairement aucune bonne preuve pour ça. +

+ +

En réalité, Windows… ne gère pas toutes les langues indiennes. Par +contre, le logiciel libre le fait. Et ce n'est pas seulement Windows +d'ailleurs, il y a beaucoup d'autres logiciels non libres. Et « non libres » +signifie que vous ne pouvez pas les modifier, alors qu'avec le logiciel +libre vous pouvez le faire. Si vous voulez qu'un programme gère votre langue +préférée et qu'il n'est pas libre, vous devez mendier et supplier le +développeur de s'occuper de votre problème. Mais si le programme est un +logiciel libre, vous n'avez pas besoin de prier quiconque. Vous pouvez +simplement le faire vous-même. Et c'est ce qui se produit. En Inde, les gens +adaptent GNU/Linux aux diverses langues indiennes. S'ils ne l'ont pas encore +fait pour votre langue préférée, vous pouvez lancer le projet. Vous n'êtes +pas impuissants. Lancez le projet pour soutenir votre langue préférée. Vous +savez, même les tribus peuvent traduire le système dans leur langue. Vous +n'êtes pas obligés d'avoir celui d'une des langues identifiées comme +principales. Pour obtenir du support dans le logiciel libre, vous devez +juste être volontaire pour faire le travail. +

+ +

Question suivante s'il vous plaît. +

+

[MOC] : Monsieur, nous voudrions savoir combien de temps nous pouvons +continuer cette session de question/réponse ? +

+

[RMS] : Eh bien, j'ai certainement encore quinze minutes. +

+

[MOC] : Oui Monsieur. +

+

[RMS] : Oh, je vous en prie, ne m'appelez pas Monsieur. Je crois à +l'égalité. Et c'est en quelque sorte mauvais pour moi que vous m'appeliez +Monsieur. Ça pourrait m'inciter à me surestimer en voyant à quel point je +suis important. Et ce serait mauvais pour moi comme pour vous. +

+

La chose importante ici c'est la liberté. Je suis juste son représentant. +

+

[MOC] : La question suivante est de Vijay Anand. La voici : « Il y a +beaucoup de distributions incompatibles GNU/Linux. Est-ce un désavantage +pour le mouvement du logiciel libre ? » +

+

[RMS] : Bon, ne surévaluons pas les conséquences de leur +incompatibilité. Au niveau du code source ils sont presque tous… ils +sont compatibles pour l'essentiel, à moins que vous ne fassiez des choses +très particulières. Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter des différentes +versions quand vous écrivez du code source. Il donnera des binaires +différents et des paquets différents, mais ce n'est pas un gros problème. Ma +réponse est donc : non ce n'est pas un inconvénient majeur. Naturellement +vous savez, avoir différentes versions d'un système peut être bon si +différents utilisateurs les veulent. Maintenant voyez le contraste entre ça +et le genre d'incompatibilité que nous avons, que nous trouvons dans le +monde non libre. Vous constaterez que Microsoft fabrique des +incompatibilités monstrueuses dans chaque version de ses systèmes. Ils +fabriquent délibérément des formats incompatibles avec tous les autres et +des protocoles incompatibles avec tous les autres. Ils essayent toutes +sortes de manières d'empêcher les autres d'interopérer avec eux. Et chaque +version d'un logiciel de Microsoft est susceptible d'être incompatible avec +la version précédente. +

+ +

Ils imposent l'incompatibilité parce qu'ils sont puissants et qu'ils pensent +pouvoir s'en tirer avec ça. Au contraire, dans le monde du logiciel libre, +nous les développeurs, nous n'avons pas le pouvoir. Si je prends une +décision que vous n'aimez pas, vous n'êtes pas coincé. Puisque vous avez le +code source, vous pouvez le changer ; vous pouvez changer n'importe laquelle +de mes décisions. À supposer que je prenne la décision de vous imposer +l'incompatibilité, vous pourriez changer mon programme. Vous pourriez le +prendre et le modifier pour le rendre compatible avec tout ce que vous +voulez. Même si je prenais une décision que vous n'aimez pas pour une autre +raison, vous pourriez toujours le modifier. Quelle que soit la raison pour +laquelle j'aurais pris la décision, quelle que soit la raison pour laquelle +vous ne l'aimez pas ; vous pouvez le changer. Je n'ai donc aucun pouvoir sur +vous quand je développe du logiciel libre. Vous, les utilisateurs, vous êtes +aux commandes de votre logiciel. Ainsi il fera généralement plus ou moins ce +que vous voulez. Mais les développeurs de logiciel non libre, eux, ont du +pouvoir sur vous et vous êtes coincés par leurs décisions. +

+ +

Question suivante s'il vous plaît. +

+ +

[MOC] : La question suivante est de Rakesh : « Puisque le +code source du logiciel libre est disponible, il est possible à un cracker +d'introduire un code malveillant dans le programme et de distribuer des +binaires de manière à ce qu'il ressemble à l'original. Est-ce un +inconvénient pour le mouvement du logiciel libre ? » +

+ +

[RMS] : Eh bien, nous avons des moyens de nous protéger +contre ça. Par exemple vous pouvez obtenir vos copies d'un distributeur +sûr. Nous utilisons des signatures numériques pour signer notre code et nous +utilisons… vous savez, une clé de chiffrement avec une somme de +contrôle [checksum]11. De sorte que vous pouvez voir la +somme de contrôle que le développeur publie et ainsi obtenir l'assurance que +la version que vous avez est la bonne. +

+

[silence]

+ +

[MOC] : La question suivante est de Krishnan. Voici la question : +« Quand pensez-vous que GNU HURD sera disponible au public pour un usage +normal ? » +

+ +

[RMS] : J'ai appris que je ne devais pas tenter de le prévoir. Il y a +quelques mois les développeurs de HURD ont conclu qu'ils devaient vraiment +changer pour un autre micronoyau. Et ça va demander une somme de travail +considérable. Je suis… Je suis déçu par ce retard. Mais apparemment +ça veut dire qu'il y aura un certain retard. +

+ +

Question suivante s'il vous plaît.

+ +

[MOC] : La question suivante est de Manu Méta… +Métallurgie. Voici la question : « Est-ce que développer du logiciel libre +sur des systèmes d'exploitation non libres est mauvais ? »

+ +

[RMS] : Eh bien, ce n'est pas exactement mauvais. Mais il est idiot +d'utiliser un système d'exploitation non libre, parce que vous ne pouvez pas +vivre en liberté aussi longtemps que vous le ferez. Et votre logiciel, bien +qu'il soit libre, n'est pas une contribution au monde du Libre s'il ne +fonctionne pas sur un système d'exploitation libre.

+ +

Et en particulier vous devez vous méfier de la plateforme Java de +Sun. N'utilisez jamais cette plateforme pour développer du logiciel. Du +moins pas pour développer du logiciel libre, parce que le programme Java de +Sun n'est pas libre. Il y a les plateformes Java libres, mais elles n'ont +pas toutes les possibilités de celle de Sun. Aussi le danger, si vous +utilisez cette plateforme, c'est que vous pourriez utiliser certaines +fonctionnalités que nous n'avons pas encore sans même le savoir. Vous ne le +remarquerez pas parce que ça marchera. Ça marchera sur la plateforme de +Sun. Si bien que, plusieurs mois plus tard, vous essayerez le programme sur +notre plateforme et vous constaterez que vous avez effectué pendant des mois +un travail basé sur une fonctionnalité que nous n'avons pas. Et vous direz : +« Oh ! Ça demanderait tellement de travail pour le refaire que je ne peux +pas. » +Si bien que votre programme ne fonctionnera sur aucune plateforme libre. Du +moins pas avant des années, pas avant que nous ayons implémenté une solution +de rechange pour cette fonctionnalité. Ainsi vous devriez utiliser notre +plateforme Java libre pour développer. Utilisez la plateforme Java de GNU, +le compilateur Java de GNU et la bibliothèque GNU Classpath. N'utilisez pas +les bibliothèques Java de Sun, elles ne sont pas libres. De cette façon, si +vous commencez à utiliser une fonctionnalité standard de Java que nous +n'avons pas, vous le découvrirez immédiatement. Et vous pourrez choisir une +autre manière de résoudre le problème sans perdre de temps.

+ +

Question suivante s'il vous plaît.

+ +

[MOC] : « Quel est pour vous le plus grand obstacle pour les +logiciels libres en Inde ? Comment détruire ces obstacles ? »

+ +

[RMS] : Je dirais que le plus grand obstacle pour les logiciels +libres en Inde, en ce moment, c'est la tendance des organismes +gouvernementaux et des écoles à utiliser du logiciel non libre. Il est +essentiel de convaincre les écoles d'enseigner aux enfants de l'Inde à se +développer en liberté. Quand Windows… Microsoft offre gratuitement +aux écoles des copies de Windows, les écoles doivent dire : « Nous n'allons +pas les accepter. Nous n'allons pas contribuer à inculquer la dépendance à +nos gamins. »

+ +

Question suivante s'il vous plaît.

+ +

[MOC] : La question suivante est de Pankaj. Voici la question : +« Est-ce que la disponibilité du code source le rend plus vulnérable aux +attaques ? »

+ +

[RMS] : Eh bien, en pratique, c'est exactement l'inverse. Notre +logiciel est beaucoup plus sécurisé. Les gens font diverses spéculations +autour du pourquoi de cet état de fait. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est +ce que les gens observent.

+ +

Question suivante.

+ +

[MOC] : C'est la dernière question de cette conférence.

+ +

[RMS] OK.

+ +

[MOC] : Voici la question : « Il y a eu une récente polémique à +propos de la GFDL. De quoi s'agissait-il ? »

+ +

[RMS] : Désolé, polémique à propos de quoi ?

+ +

[MOC] : La GFDL, la licence.

+ +

[RMS] : Ah, il y a des gens qui n'aiment pas certaines des +dispositions de la GFDL. La GFDL a introduit des sections non techniques ; +des sections qui donnent vos opinions à propos de… de votre secteur +d'activité, etc. et qui sont invariantes. Elles ne peuvent pas être +modifiées ni enlevées. La GFDL dit en fait que le contenu principal de +l'œuvre est conçu pour des manuels ; et aussi que la documentation qui +l'accompagne doit être libre, mais que vous pouvez également avoir des +sections exposant une opinion ; ces dernières n'ont aucune documentation, +mais donnent votre avis à propos de l'éthique de votre secteur d'activité, +etc. Elles doivent être conservées et ne peuvent pas être modifiées. Il y a +des gens qui pensent que c'est une mauvaise chose. Je pense qu'ils sont trop +rigides dans leur compréhension des libertés. Les gens ont besoin de la +liberté de modifier la substance technique de l'œuvre et la GFDL leur donne +cette liberté. Mais avoir l'opinion de l'auteur quelque part n'interfère pas +avec votre utilisation d'une œuvre technique et n'interfère pas avec votre +modification de l'œuvre pour faire un travail technique différent.

+ +

C'était donc la dernière question, alors que je suppose que nous avons fini.

+ +

[MOC] : Nous vous remercions, Monsieur, pour cette session motivante +et intéressante…

+ +

[RMS interrompt] : S'il vous plaît, ne m'appelez pas Monsieur.

+ +

[MOC] : Nous vous remercions, Richard pour cette session motivante et +intéressante. Vous nous avez apporté un immense savoir sur le logiciel libre +et levé de nombreux doutes concernant le mouvement. Nous comprenons +maintenant parfaitement l'importance d'utiliser le logiciel libre. Nous +sommes sûrs que cela vous aura gagné de nombreux disciples dans la +communauté des étudiants de notre université. Nous nous trouvons +nous-même…

+ +

[RMS interrompt] : Joyeux hacking et bonne nuit.

+ +

[MOC] : Très bonne nuit à vous, Monsieur.

+ +

[applaudissements]

+ +
+

Contributeurs (par ordre alphabétique) : Krishnan, Saravana Manickam, Vijay +Kumar, Vimal Joseph.

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+ + +
Notes des relecteurs
    +
  1. MOC : ce sigle signifie probablement Maintenance +Operations Center, la régie audio/vidéo. 
  2. +
  3. « L'association ECE » organise entre autres des +conférences et des séminaires techniques inter-départements destinés à des +écoles d'ingénieurs disséminées sur tout le territoire de l'Inde, d'où +l'utilité de la vidéo-conférence. 
  4. +
  5. En anglais, le mot free veut dire libre, +mais aussi gratuit, d'où la confusion possible. 
  6. +
  7. Il y a une incertitude à cet endroit de la +transcription. 
  8. +
  9. Le « TiVo » est un enregistreur vidéo numérique pour les +programmes de télévision, qui fonctionne aux États-Unis et dans plusieurs +autres pays. 
  10. +
  11. Government agency. Il en existe dans chaque +État indien aussi bien qu'au niveau fédéral. La traduction communément +admise, « organisme gouvernemental », a cours au Québec. C'est une entité +juridique distincte, relevant d'un ministère, chargée d'une mission +d'intérêt public et financée au moins en partie (sauf exception) sur fonds +publics. Il est toutefois probable que RMS voulait aussi parler des services +gérés directement par les ministères, ce qui correspondrait à la notion +française d'« administration publique » (relevant de la comptabilité +publique). 
  12. +
  13. Il manque un mot à cet endroit de la transcription. Nous +l'avons remplacé par « élite ». Ce mot semble revenir plusieurs fois dans la +suite du discours, avec la même incertitude. 
  14. +
  15. Autre traduction de proprietary : +propriétaire. 
  16. +
  17. Ici encore, il manque un mot dans la transcription. 
  18. +
  19. Il y a une incertitude à cet endroit de la +transcription. 
  20. +
  21. Cette phrase est très approximative, la transcription +étant incomplète à cet endroit. 
  22. +
+ + + + + + + + -- cgit v1.2.3