From 1ae0306a3cf2ea27f60b2d205789994d260c2cce Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Christian Grothoff Date: Sun, 11 Oct 2020 13:29:45 +0200 Subject: add i18n FSFS --- .../blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html | 500 +++++++++++++++++++++ 1 file changed, 500 insertions(+) create mode 100644 talermerchantdemos/blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html (limited to 'talermerchantdemos/blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html') diff --git a/talermerchantdemos/blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html new file mode 100644 index 0000000..ed91bc3 --- /dev/null +++ b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/luispo-rms-interview.html @@ -0,0 +1,500 @@ + + + + + + +Entretien : Richard M. Stallman - Projet GNU - Free Software Foundation + + + + +

Entretien : Richard M. Stallman

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+Entretien entre Louis Suarez-Potts et Richard M. Stallman. +

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+Richard M. Stallman est le praticien/théoricien le plus énergique et le plus +célèbre du logiciel libre [free +software], un terme qu'il a inventé. Free veut dire ici +« libre » comme dans « liberté d'expression » et non « gratuit » comme dans +« entrée libre ». La contribution la plus célèbre de Stallman au mouvement +du « logiciel libre » a sûrement été la licence publique générale GNU, ou GPL, que Stallman a créée aux alentours de 1985 pour en +faire une licence générale applicable à n'importe quel programme. Cette +licence codifie le concept de copyleft1, dont l'« idée centrale », d'après +Stallman, est de donner à « tout le monde le droit d'exécuter un programme, +de le copier, de le modifier et d'en distribuer des versions modifiées, mais +pas le droit d'y ajouter des restrictions de son cru. Par conséquent, les +libertés cruciales qui définissent un « logiciel libre » sont garanties à +quiconque en détient une copie ; elles deviennent des droits inaliénables » +(Stallman, « The GNU Operating System and the Free Software +Movement », dans Open Sources : Voices from the Open Source +Revolution2, +ed. DiBona et coll.) +

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+Chaque licence de logiciel libre publiée depuis lors doit probablement son +existence à la vision de Stallman, y compris les licences qui régissent le +code d'OpenOffice.org. Le travail de Stallman est, bien sûr, résolument +pratique. Une courte liste des programmes qu'il a codés inclurait Emacs +aussi bien que la plupart des composants du système GNU/Linux, qu'il a soit +écrit, soit aidé à écrire. En 1990, Stallman a reçu une bourse de la Fondation +McArthur ; il a utilisé les fonds qui lui ont été donnés pour parfaire +son travail sur le logiciel libre (voir Moody, Rebel Code, pour +avoir une bonne idée de la mission de Stallman). +

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+L'opportunité de cet entretien s'est présentée quand j'ai assisté à la +conférence de Stallman sur le campus de Sun à Cupertino, en mai dernier. À +ce moment-là, je lui ai proposé un entretien sous forme d'échange de +courriels. Il a donné son accord, et peu de temps après je lui soumettais la +série de questions ci-dessous, auxquelles il répondit, souvent en +détail. Cependant, mes efforts pour poursuivre cet entretien échouèrent. Par +conséquent, ce n'est qu'une première approximation dans laquelle je n'ai pas +été en mesure de poursuivre le débat contradictoire dans certaines voies +intéressantes. Par ailleurs, j'ai fourni autant de liens que possible se +rapportant au contexte de l'action politique de Stallman. Il va sans dire +que les vues de Stallman lui sont propres et ne reflètent pas nécessairement +les miennes ni celles d'OpenOffice.org. +

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+Pour plus d'informations, les lecteurs sont invités à visiter le site web de +GNU, ainsi que le site personnel de Stallman. +

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+ J'aimerais dans cet entretien que nous nous concentrions sur votre travail +actuel et sur la problématique du genre de société dans laquelle nous +aimerions vivre. Depuis dix-sept ans au moins, et encore actuellement, vous +vous attachez à rendre plus éthiques les dispositions sociales entourant +l'utilisation de logiciel. +

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+ Mais (brièvement), qu'entendez-vous par la notion de ce que j'appelle ici +une société plus éthique ? +

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+Nous avons besoin d'encourager l'esprit de coopération en respectant la +liberté des autres de coopérer et ne pas mettre en avant de projets destinés +à les diviser et à les dominer. +

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+ Ceci nous amène à un point qui est très important et que, j'espère, vous +pourrez clarifier pour nos lecteurs. Le terme que vous préférez pour votre +éthique est free software (logiciel libre), où le mot +free signifie libre de contraintes et non libre de +prendre. Mais le terme que de plus en plus de gens utilisent est « open +source » (code source ouvert), un terme très récent (1998) et qui, selon +vous, est chargé de problèmes considérables. Des deux, c'est le terme +« logiciel libre » qui implique une éthique de vie et qui porte la promesse +d'une société plus juste ; l'autre, « open source », n'est pas porteur de ce +message. +

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+ Est-ce une présentation correcte ? Pourriez-vous traiter cette question et +clarifier les distinctions pour nos lecteurs ? +

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+C'est tout à fait exact. Quelqu'un l'a dit un jour de cette façon : « L'open +source est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est une +philosophie politique (ou un mouvement sociétal). » +

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+Le mouvement open source s'attache à +convaincre les entreprises qu'il peut être profitable de respecter la +liberté des utilisateurs de partager et modifier les logiciels. Nous, au mouvement du logiciel libre, apprécions ces +efforts, mais nous pensons qu'il y a un enjeu plus important : tous les +programmeurs ont l'obligation éthique de respecter ces libertés chez les +autres. Le profit n'est pas une mauvaise chose en soi, mais il ne peut +justifier de faire du tort aux autres. +

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+ Dans le même ordre d'idées, il y a toujours eu une grande confusion sur la +façon de désigner votre notion d'une société éthique. Par erreur, certains +affirmeraient que vous suggérez une forme de communisme. +

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+Quiconque critique certaines pratiques commerciales peut s'attendre à être +traité de « communiste » de temps à autre. C'est une manière de changer de +sujet et d'éluder la question. Si des gens croient à ces accusations, c'est +qu'ils n'ont pas vraiment écouté ce sur quoi portaient les critiques (il est +bien plus facile d'attaquer le communisme que d'attaquer les idées du +mouvement du logiciel libre). +

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Pekka Himanen, dans son récent ouvrage, Hacker Ethic3, a parfaitement +contré ces assertions. J'irais même plus loin : ce que vous suggérez est +proche de ce que des théoriciens politiques comme Amitai +Etzioni, décriraient comme du communautarisme (voir par exemple https://communitariannetwork.org/about). +Et le communautarisme n'est en aucun cas hostile à l'économie de marché que +la plupart des gens associent au capitalisme. C'est même tout +l'opposé. Est-ce que vous voudriez dire un mot de votre système éthique à ce +que nous pourrions appeler les politiques ?

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+Il y a place dans la vie pour le commerce, mais le commerce ne devrait pas +être autorisé à dominer la vie de chacun. À l'origine, le concept de +démocratie consistait à donner au plus grand nombre un moyen de contrôler le +pouvoir de la minorité nantie. +

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+Aujourd'hui, les entreprises (et leurs propriétaires) ont bien trop de +pouvoir politique, et cela mine la démocratie aux États-Unis et à +l'étranger. Les candidats aux élections risquent de voir les entreprises +leur opposer un veto de fait, aussi n'osent-ils pas leur désobéir. +

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+Le pouvoir de légiférer est transféré des législateurs, élus, à des entités +non démocratiquement élues telle que l'Organisation +mondiale du commerce, qui a été conçue pour +subordonner la santé publique, la protection de l'environnement, les +conditions de travail et les conditions de vie en général aux intérêts des +entreprises. À cause de l'ALÉNA, une société +canadienne condamnée au Mississippi pour pratiques anticoncurrentielles est +en plein procès afin d'obtenir une compensation fédérale pour les pertes +que cette condamnation lui a fait subir. Elle prétend que l'ALÉNA retire aux +États le droit de légiférer sur les pratiques anticoncurrentielles. +

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+Mais les entreprises ne sont pas encore satisfaites. Le projet de ZLÉA voudrait que +tous les gouvernements privatisent leurs [services publics], par exemple les +écoles, la distribution d'eau, les archives et même la sécurité +sociale. C'est ce que Bush veut que l'autorité fast +track fasse passer. +

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+À +Québec, des manifestants pacifiques contre la ZLÉA ont été violemment +attaqués par la police, qui a alors rejeté la responsabilité des +violences sur les manifestants. Un manifestant qui se tenait dans la rue a +été atteint à la gorge par un balle en plastique tirée d'une distance de +6 mètres. Il est estropié à vie et cherche à porter plainte pour tentative +de meurtre… si les flics révèlent qui lui a tiré dessus. +

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+Un organisateur de la manifestation a été attaqué dans la rue par une bande +de malfrats sortis d'une camionnette, qui l'ont jeté à terre et +tabassé. Quand ses amis sont venus à son secours, les malfrats se sont +révélés être des policiers sous couverture qui l'ont emmené avec eux. +

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+Si la démocratie survit aux traités de la mondialisation, elle sera +probablement écrasée par les actions visant à réprimer toute opposition +à ces derniers. +

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+La critique la plus immédiate à votre insistance sur l'éthique serait que +l'éthique du logiciel libre est bonne, mais inadaptée au monde réel des +affaires. +

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+Avec plus de la moitié des sites web dans le monde exécutant GNU/Linux et Apache, il s'agit évidemment de FUD.4 Vous ne devez pas +donner de crédibilité à de tels mensonges en paraissant les prendre +vous-même au sérieux. +

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+Je pense qu'il est pire de ne pas répondre à des mensonges implicites que de +s'attaquer à eux directement. L'idée directrice de mon argument était que +Microsoft, par exemple, affirmerait et affirme effectivement que le logiciel +libre ne rapporte pas d'argent et qu'il en fait plutôt perdre. Ils +soutiennent que cette idée est mauvaise sous tous ses aspects. Je ne pense +pas qu'il faille ignorer Microsoft, pas plus qu'il ne faut ignorer l'OMC. Mais ma question avait +pour but de suggérer une réfutation à ce qui est évidemment du FUD, pas de +donner crédit aux erreurs des autres. +

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+ Donc, je reformule ma question : Microsoft a taxé la GPL de folie +commerciale qui est également mauvaise pour l'« Amérique » (quoi que cela +puisse signifier). Ils ne se préoccupent pas d'éthique +communautaire. Comment dans ce cas contrez-vous leur FUD ou, d'ailleurs, le +FUD de ceux qui partagent leurs vues ? +

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+ Stallman n'a pas répondu à cette requête de clarification, mais il se trouve +que dans une conférence +donnée récemment à l'Université de New York, il répond à la propagande de +Microsoft. La Free Software Foundation a également présenté une +défense du logiciel libre. +

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+ [Revenons à l'entretien…] +

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+ Sur un plan plus individuel, que répondriez-vous à la critique d'une +personne qui voudrait suivre vos standards éthiques mais qui sent qu'elle ne +pourra pas, car elle veut gagner de l'argent avec son travail intellectuel ? +

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+Cette personne hypothétique semble croire que le développement de logiciel +libre est incompatible avec une rémunération. Si c'est le cas, elle est mal +renseignée ; des centaines de personnes sont maintenant payées pour +développer des logiciels libres. Certaines d'entre elles travaillent pour +Sun. Elle nous défie de résoudre un problème qui n'existe pas réellement. +

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+Mais que dire si elle n'obtient pas l'un de ces postes dans le logiciel +libre ? Cela pourrait arriver ; tout le monde ne peut pas les obtenir +aujourd'hui. Mais cela n'est pas une excuse pour développer des logiciels +privateurs.5 Un +désir de profit n'est pas mauvais en soi, mais ce n'est pas le genre de +cause prioritaire qui pourrait excuser de faire du tort aux autres. Les +logiciels privateurs divisent les utilisateurs et les laissent impuissants, +et ce n'est pas bien. Personne ne doit faire ça. +

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+Alors, que doit-elle faire à la place ? N'importe quoi d'autre. Elle +pourrait trouver du travail dans un autre domaine. Mais elle n'a pas besoin +d'aller jusque-là… la majeure partie du développement logiciel +concerne des logiciels faits à la demande, qui ne sont pas destinés à être +publiés, ni comme logiciels libres, ni comme logiciels privateurs. Dans la +plupart des cas, elle peut le faire sans que cela soulève de problème +éthique. Ce n'est pas de l'héroïsme, mais ce n'est pas une infamie non plus. +

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+ Mais le copyright peut être vu comme un ami de l'auteur. +

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+À l'âge de la presse à imprimer, c'était vrai : le copyright +était une restriction pour les maisons d'édition, car il leur imposait de +payer l'auteur d'un livre. Mais il ne restreignait pas les lecteurs, parce +que seuls les éditeurs pouvaient effectuer les actions qu'il restreignait. +

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+Mais cela n'est plus vrai à présent. Maintenant, le copyright est une +restriction pour le public au profit des éditeurs, lesquels donnent aux +auteurs une petite aumône pour acheter leur soutien contre le public. +

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+ Dans la situation actuelle alors, qui bénéficie le plus du copyright ? +

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+Les éditeurs. +

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+ Si je travaillais à nouveau en indépendant, je ne voudrais pas publier mes +travaux sans une sécurité minimale de rémunération pour mon travail, ce que +le copyright permet d'avoir. +

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+Vous pourriez le faire sans copyright. Cela fait partie des transactions que +vous faites avec le magazine pour lequel vous écrivez. +

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+Mais, veuillez le noter, je ne dis pas que le copyright doit être totalement +aboli. Vous pouvez être en désaccord avec ce que je dis, mais cela n'a pas +de sens de m'attaquer pour des choses que je n'ai pas dites. Ce que j'ai dit +dans ma conférence, c'est que les logiciels publiés devaient être libres. +

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+ Pour un compte-rendu plus détaillé de l'avis de Stallman sur l'application +du copyright à d'autres domaines que le logiciel, les lecteurs sont invités +à se rendre sur le site web de GNU et sur le site personnel de Stallman. En +particulier, ils consulteront avec profit « Copyright et +mondialisation à l'âge des réseaux informatiques », conférence donnée à +l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT) à Cambridge, Mass., le +19 avril 2001. En discutant de ses idées sur le copyright appliqué à +d'autres domaines que le logiciel, Stallman a mentionné dans l'entretien : +« Ce sont des idées qui me sont venues après avoir travaillé quelques années +sur le logiciel libre. Des gens m'ont demandé comment appliquer ces idées à +d'autres types d'information. Alors, dans les années 90, j'ai commencé à y +réfléchir. Cette conférence donne mon avis sur la question ». +

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+Autre sujet : récemment, l'Argentine est devenue le premier pays à envisager +l'obligation pour toutes les administrations d'utiliser des logiciels libres +(voir par exemple https://archive.wired.com/techbiz/media/news/2001/05/43529). +

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+Je pense que cette réglementation est toujours en cours de discussion. Elle +n'est pas encore adoptée. +

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+ Pour autant que je sache c'est toujours le cas… Cependant, que la +législation ait été mise en œuvre ou non, cette information n'en reste pas +moins encourageante, car le logiciel libre est considéré sérieusement comme +une option légitime. Qu'est-ce que cette information (et d'autres) suggère +concernant vos futurs efforts ? Autrement dit, allez-vous promouvoir votre +cause avec plus d'insistance auprès des pays en voie de développement ? +

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+Oui. Je vais partir en Afrique du Sud dans deux semaines [à partir du moment +où j'écris, mi-mai], et une Fondation du logiciel libre se lance en Inde. Le +Brésil s'y intéresse beaucoup également. +

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+ Un dernier point. Le mouvement open source est dans l'ensemble dénué +d'humour. Ce n'est pas le cas du mouvement du logiciel libre. Vous-même, +dans vos conférences et vos chansons, êtes d'un humour +rafraîchissant. J'aimerais finir en vous demandant : qu'est-ce que ça vous +apporte ? +

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+De la bonne humeur. C'est l'esprit du hacker. Ha ha, sérieusement. +

+ +
+ + +
Notes de traduction
    +
  1.   +Copyleft peut se traduire par « gauche d'auteur » par +opposition au copyright qui se traduit en « droit +d'auteur ».
  2. +
  3.   +« Le Système d'exploitation GNU et le mouvement du logiciel libre », dans +Sources ouvertes : voix de la révolution open source.
  4. +
  5.   +L'Éthique du hacker.
  6. +
  7.   +FUD : Fear Uncertainty and Doubt (peur, incertitude et +doute). Sorte de rumeur destinée à semer la confusion dans les esprits.
  8. +
  9.   +Autre traduction de proprietary : propriétaire.
  10. +
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