From 1ae0306a3cf2ea27f60b2d205789994d260c2cce Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Christian Grothoff Date: Sun, 11 Oct 2020 13:29:45 +0200 Subject: add i18n FSFS --- .../blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html | 319 +++++++++++++++++++++ 1 file changed, 319 insertions(+) create mode 100644 talermerchantdemos/blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html (limited to 'talermerchantdemos/blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html') diff --git a/talermerchantdemos/blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html new file mode 100644 index 0000000..a663189 --- /dev/null +++ b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/lessig-fsfs-intro.html @@ -0,0 +1,319 @@ + + + + + + +Introduction à « Free Software, Free Society » - Projet GNU - Free Software +Foundation + + + +

Introduction à Free +Software, Free Society: The Selected Essays of Richard +M. Stallman1

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+par Lawrence Lessig, professeur de droit, Stanford Law School +

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+Chaque génération a son philosophe, un écrivain ou un artiste qui capte +l'air du temps. Quelquefois, ces philosophes sont reconnus comme tels ; +souvent cela prend des générations avant qu'ils ne soient reconnus. Mais +reconnus ou pas, une époque reste marquée par les gens qui parlent de leurs +idéaux, dans le murmure d'un poème ou l'explosion d'un mouvement politique. +

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+Notre génération a un philosophe. Il n'est ni artiste, ni écrivain +professionnel. Il est programmeur. Richard Stallman a débuté son travail +dans les laboratoires du MIT, comme programmeur et architecte de systèmes +d'exploitation. Il a bâti sa carrière sur la scène publique comme +programmeur et architecte fondateur d'un mouvement pour la liberté, dans un +monde de plus en plus défini par le « code ». +

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+Le « code » est la technologie qui fait fonctionner les ordinateurs. Qu'il +soit inscrit dans le logiciel ou gravé dans le matériel, c'est un ensemble +d'instructions, d'abord écrites en mots, qui dirige la fonctionnalité des +machines. Ces machines – les ordinateurs – définissent et contrôlent de plus +en plus notre vie. Elles déterminent la manière dont se connectent les +téléphones et ce qui passe à la télé. Elles décident si une vidéo peut être +diffusée par liaison haut débit vers un ordinateur. Elles contrôlent ce +qu'un ordinateur renvoie à son constructeur. Ces machines nous +gouvernent. Le code gouverne ces machines. +

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+Quel contrôle de ce code devons-nous avoir ? Quelle compréhension ? Quelle +liberté doit-il y avoir pour rivaliser avec le contrôle qu'il autorise ? +Quel pouvoir ? +

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+Ces questions ont été le défi de la vie de Stallman. Par ses travaux et ses +paroles, il nous a ouvert les yeux sur l'importance de garder le code +free.2 +Non pas free au sens où les codeurs ne doivent pas être +rétribués, mais free (libre) au sens où le contrôle élaboré par +les codeurs est accessible à tous, et où tout un chacun a le droit de +prendre ce contrôle et de le modifier comme il ou elle l'entend. Voilà ce +qu'est le « logiciel libre » ; le « logiciel libre » est une réponse unique +à un monde fondé sur le code. +

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+Free. Stallman se plaint de l'ambiguïté de son propre terme. Il +n'y a pas de quoi se plaindre. Les énigmes forcent les gens à réfléchir et +le mot free remplit ce rôle d'énigme plutôt bien. Aux oreilles +de l'Américain moderne, free software sonne comme utopique, +impossible. Rien, pas même le déjeuner n'est free. Comment les +« mots » les plus importants faisant fonctionner les machines les plus +critiques qui gouvernent le monde pourraient-ils être free ? +Comment une société saine d'esprit pourrait-elle aspirer à un tel idéal ? +

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+Cependant, la drôle de résonance du mot free vient de nous, pas +du mot lui-même. Free a plusieurs sens différents dont un seul +se réfère au « prix ». Beaucoup plus fondamental, dit Stallman, est son sens +dans l'expression free speech (libre parole), ou peut-être +mieux dans l'expression free labor (travail libre). Pas le sens +de « gratuit », mais celui de « peu ou pas contrôlé par d'autres ». Le +logiciel libre est un contrôle transparent et ouvert au changement, de même +que les lois libres – les lois d'une « société libre » – sont libres quand +elles ouvrent leur contrôle à la connaissance et au changement. Le but du +« mouvement du logiciel libre » de Stallman est de rendre transparent et +modifiable le plus de code possible, en le rendant « libre ». +

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+Le mécanisme de cette transformation est un outil extraordinairement malin +nommé « copyleft » mis en œuvre au moyen d'une licence nommée GPL. Utilisant +la puissance de la loi sur le copyright, le « logiciel libre » garantit, non +seulement qu'il restera ouvert et modifiable, mais aussi que les autres +logiciels qui puisent dans le « logiciel libre » pour s'en servir (et sont +techniquement considérés comme « travaux dérivés ») doivent eux-mêmes être +libres. Si vous utilisez et adaptez un programme libre et que vous publiez +ensuite cette version adaptée, la version publiée doit être aussi libre que +la version de laquelle elle a été adaptée. Elle le doit, ou bien la loi sur +le copyright serait violée. +

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+Le « logiciel libre », comme les sociétés libres, a ses ennemis. Microsoft +est entrée en guerre contre la GPL, avertissant qui veut l'entendre que la +GPL est une licence « dangereuse ». Les dangers qu'elle cite, cependant, +sont grandement illusoires. D'autres s'opposent à la « coercition » que +représente selon eux l'insistance de la GPL pour que les versions modifiées +soient également libres. Mais une clause n'est pas une coercition. S'il ne +s'agit pas de coercition quand Microsoft refuse la permission aux +utilisateurs de distribuer des versions modifiées de son produit Office sans +lui verser (vraisemblablement) des millions, alors il ne s'agit pas de +coercition quand la GPL insiste pour que les versions modifiées de logiciels +libres le soient aussi. +

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+Il y a aussi ceux pour qui le message de Stallman est trop extrémiste. Mais +non, il n'est pas extrémiste. En effet, il tombe sous le sens que le travail +de Stallman est une simple traduction des libertés que notre tradition a +modelées dans le monde d'avant le code. Le « logiciel libre » garantirait +que le monde gouverné par le code soit aussi « libre » que la tradition qui +a bâti notre monde d'avant le code. +

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+Par exemple, une « société libre » est réglementée par la loi. Mais il y a +des limites que pose toute société libre à cette réglementation par la loi : +aucune société où les lois resteraient secrètes ne pourrait jamais être +qualifiée de libre. Aucun gouvernement qui cacherait à ses citoyens ses +règlements ne pourrait se maintenir dans notre tradition. La loi +contrôle. Mais elle ne le fait avec justice que lorsqu'elle est visible. Et +la loi n'est visible que lorsque ses termes sont connus et contrôlables par +ceux auxquels elle s'applique, ou par les représentants de ceux auxquels +elle s'applique (avocats, corps législatif). +

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+Cette condition imposée au droit s'étend au-delà du travail +législatif. Pensez à la pratique du droit dans les tribunaux américains. Les +avocats sont engagés par leurs clients pour défendre les intérêts de ces +derniers. Quelquefois, ces intérêts sont défendus au moyen d'un procès. Au +cours de ce procès, les avocats rédigent des conclusions. Ces conclusions en +retour affectent les avis rendus par les juges. Ces avis déterminent le +gagnant de tel procès ou la constitutionnalité de telle loi. +

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+Tous les documents de ce processus sont libres au sens où l'entend +Stallman. Les conclusions juridiques sont ouvertes et en libre accès. Les +arguments sont transparents (ce qui ne veut pas dire qu'ils sont bons) et le +raisonnement peut être repris sans la permission des avocats qui en sont à +l'origine. Les avis qu'ils produisent peuvent être cités dans de futures +conclusions. Ils peuvent être copiés et intégrés dans une autre conclusion +ou un autre avis. Le « code source » du droit américain est, par conception +et par principe, ouvert et libre pour que chacun en dispose. Et les avocats +ne s'en privent pas, car c'est un des critères d'une grande conclusion, +qu'elle assoit sa créativité sur la réutilisation de ce qui est arrivé +auparavant. La source en est libre ; c'est le socle sur lequel se construit +la créativité, mais aussi une économie. +

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+Cette économie du code libre (et ici j'entends le code juridique libre) +n'affame pas les avocats. Les cabinets d'avocats ont suffisamment de +motivation pour produire de grandes conclusions même si ce qu'ils +construisent peut être pris et copié par n'importe qui. L'avocat est un +artisan ; son produit est public. Cependant, l'artisanat n'est pas de la +charité. Les avocats sont payés ; le public n'exige pas un tel travail sans +qu'il ait un prix. Pourtant cette économie prospère, avec du neuf ajouté à +du vieux. +

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+Nous pourrions imaginer une pratique juridique qui soit différente – des +conclusions et des arguments qui seraient gardés secrets ; des décisions qui +annonceraient un résultat mais pas le raisonnement lui-même. Des lois que la +police ferait appliquer mais qui ne seraient connues de personne +d'autre. Une réglementation qui fonctionnerait sans expliquer ses règles. +

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+Nous pourrions nous représenter cette société, mais nous n'aurions pas +l'idée de la qualifier de « libre ». Que dans une telle société les +incitations soient, ou non, mieux ou plus efficacement réparties, elle ne +pourrait pas être reconnue comme libre. Plutôt que l'efficacité, les idéaux +de liberté, de vie dans une société libre, exigent l'ouverture et la +transparence. Ces contraintes sont le cadre dans lequel se construisent les +systèmes juridiques ; ce ne sont pas des options à la discrétion des +dirigeants. Il ne doit pas en être autrement pour la vie régentée par le +code logiciel. +

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+Écrire du code n'est pas de la procédure. C'est meilleur, plus riche, plus +productif. Mais l'exemple évident du droit montre que la créativité et les +incitations ne dépendent pas d'un contrôle total sur les produits +créés. Tout comme le jazz, les romans ou l'architecture, le droit se +construit sur ce qui a été construit auparavant. Ces ajouts et changements +sont ce qu'a toujours été la créativité. Et une société libre est une +société qui garantit que ses ressources les plus importantes demeurent +libres, précisément dans ce sens. +

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+Ce livre rassemble pour la première fois les écrits et conférences de +Richard Stallman d'une manière qui rend leur subtilité et leur force +évidentes. Ces essais couvrent un large panorama, du copyright à l'histoire +du mouvement du logiciel libre. Ils recèlent beaucoup d'arguments peu +connus, et parmi ceux-ci une explication particulièrement perspicace des +changements de situation qui rendent le copyright suspect dans le monde +numérique. Ils serviront de ressource à ceux qui essaient de comprendre la +pensée de cet homme puissant – puissant dans ses idées, sa passion et son +intégrité, même s'il est sans pouvoir de toute autre manière. Ils en +inspireront d'autres qui puiseront dans ces idées et en construiront de +nouvelles. +

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+Je ne connais pas bien Stallman. Je le connais suffisamment pour savoir +qu'il est difficile à apprécier. Il est volontaire, s'emporte souvent. Sa +colère peut éclater à l'encontre de ses amis aussi facilement que de ses +adversaires. Il est intransigeant et obstiné, mais avec patience. +

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+Pourtant, quand notre monde comprendra enfin la puissance et le danger du +code – quand il comprendra finalement que le code, comme les lois ou comme +le gouvernement, doit être transparent pour être libre – alors il regardera +rétrospectivement ce programmeur intransigeant et obstiné et reconnaîtra la +vision pour laquelle il s'est battu pour la rendre tangible : la vision d'un +monde où la liberté et le savoir survivent au compilateur. Et nous nous +rendrons compte qu'aucun homme, de par ses actes et ses paroles, n'en aura +autant fait pour rendre possible la liberté que cette future société +pourrait avoir. +

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+Nous n'avons pas encore gagné cette liberté. Nous ne réussirons peut-être +pas à l'obtenir. Mais que nous réussissions ou non, dans ces essais est +brossé un tableau de ce que la liberté pourrait être. Et dans la vie qui a +produit ces actes et ces paroles, il y a l'inspiration pour qui veut, comme +Stallman, se battre pour créer cette liberté. +

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+Lawrence Lessig
+professeur de droit, Stanford Law School +

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Notes de traduction
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  1. « Logiciel libre, société libre : essais choisis de +Richard M. Stallman ». Il n'existe pas de version française de ce livre, +mais tous les articles qu'il rassemble sont traduits et publiés sur +gnu.org. 
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  3. Le mot anglais free a deux significations +fréquentes, « libre » et « gratuit », d'où la discussion qui suit. Le mot +français « libre » n'a pas cette ambiguïté car « entrée libre » est à peu +près le seul cas où l'on peut lui donner le sens de « gratuit ». 
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