From 1ae0306a3cf2ea27f60b2d205789994d260c2cce Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Christian Grothoff Date: Sun, 11 Oct 2020 13:29:45 +0200 Subject: add i18n FSFS --- .../fr/copyright-versus-community-2000.html | 1184 ++++++++++++++++++++ 1 file changed, 1184 insertions(+) create mode 100644 talermerchantdemos/blog/articles/fr/copyright-versus-community-2000.html (limited to 'talermerchantdemos/blog/articles/fr/copyright-versus-community-2000.html') diff --git a/talermerchantdemos/blog/articles/fr/copyright-versus-community-2000.html b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/copyright-versus-community-2000.html new file mode 100644 index 0000000..96f99a3 --- /dev/null +++ b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/copyright-versus-community-2000.html @@ -0,0 +1,1184 @@ + + + + + + +Copyright contre communauté à l'âge des réseaux informatiques - Projet GNU - +Free Software Foundation + + + +

Copyright contre communauté à l'âge des réseaux informatiques (2000)

+ +

+Transcription d'un enregistrement audio réalisé par Douglas Carnall en +juillet 2000. +

+ +

M. Stallman arrive quelques minutes après l'heure prévue du début de sa +conférence pour s'adresser à une assistance silencieuse et respectueuse. Il +parle avec une grande précision et presque sans hésitation avec un accent +prononcé de Boston.

+ +

RMS : Ceci est fait pour quelqu'un qui porte un étrangleur.

+ +

[il indique le micro à agrafe du système d'amplification de la salle de +conférence]

+ +

Je ne porte pas d'étrangleur, alors il n'y a pas de place pour le mettre.

+ +

[Il l'accroche à son T-shirt]

+ +

Moi : C'est bon pour le micro ?

+ +

RMS : Oui ! [irrité] Combien de personnes sont +censées me le demander ?

+ +

Bon, je suppose que je dois parler aujourd'hui

+ +

[longue pause]

+ +

sur « copyright contre communauté ». C'est trop fort.

+ +

[il indique le micro à agrafe]

+ +

Qu'est-ce que je peux faire ?

+ +

Voyons… il n'y a pas de contrôle de volume…

+ +

[il trouve la commande du volume sur la boîte radio du micro]

+ +

Ça paraît mieux.

+ +

OK. « Copyright1 +contre communauté à l'âge des réseaux informatiques ». Les principes de +l'éthique ne peuvent pas changer. Ils restent les mêmes dans toutes les +situations. Mais pour qu'ils s'appliquent quel que soit le sujet ou la +situation, on doit regarder les faits pour comparer les alternatives et voir +quelles en seront les conséquences. Un changement technologique ne change +jamais les principes de l'éthique, mais il peut modifier les conséquences de +choix identiques, ce qui peut affecter le résultat concret, comme cela s'est +produit dans le domaine du copyright. Nous sommes dans une situation où les +changements technologiques ont affecté les facteurs éthiques qui pèsent sur +les décisions concernant le droit du copyright, et ont modifié la politique +qui est la mieux adaptée à la société.

+

Ces lois, qui étaient par le passé judicieuses, sont maintenant nocives +parce qu'elles ont changé de contexte. Pour l'expliquer, il faudrait +remonter au début du monde antique où les livres étaient des œuvres écrites +à la main. C'était la seule manière de faire ; quiconque pouvait lire un +livre pouvait également en écrire une copie. Il est certain qu'un esclave +qui passait sa journée à faire de la copie était théoriquement capable de le +faire mieux qu'une personne qui n'en avait pas l'habitude, mais ça ne +faisait pas une énorme différence. Essentiellement, celui qui pouvait lire +les livres pouvait aussi les copier, à peu près aussi bien que par n'importe +quelle autre méthode.

+

Dans l'Antiquité, il n'y avait pas la nette distinction entre paternité et +copie qui tend à prévaloir aujourd'hui.

+ +

Il y avait un continuum. D'un côté vous pouviez avoir une personne qui, +disons, écrivait une pièce de théâtre. Comme vous pouviez avoir, à l'autre +extrême, quelqu'un qui faisait simplement des copies d'un livre. Mais entre +les deux, vous pouviez avoir quelqu'un qui, disons, copiait des passages +d'un livre en écrivant quelques mots de son cru, ou bien un commentaire ; +c'était très courant et tout à fait respectable. D'autres personnes +pouvaient copier certaines parties d'un livre, citer des passages de +longueurs variées de plusieurs œuvres différentes, et à partir de là +construire d'autres œuvres pour en parler davantage, ou s'y référer. Il y a +beaucoup d'œuvres anciennes – aujourd'hui perdues – dont certaines parties +ont survécu à travers ces citations dans d'autres livres, devenus plus +populaires que le livre dont provenait la citation originale.

+ +

Il y avait tout un spectre entre l'écriture d'une œuvre originale et sa +copie. Beaucoup de livres étaient partiellement copiés et partiellement +originaux. Je ne crois pas qu'il y ait eu une quelconque notion de copyright +pendant l'Antiquité. Et il aurait été plutôt difficile d'en imposer une, +parce que les livres pouvaient être copiés par qui pouvait les lire, +n'importe où, à condition de pouvoir se procurer un support d'écriture et +une plume pour écrire avec. Ainsi, c'était une situation simple, plutôt +claire.

+ +

Plus tard, l'imprimerie s'est développée et a considérablement changé la +situation. C'était un moyen beaucoup plus efficace de fabriquer des copies +de livres, pourvu qu'elles soient toutes identiques. Elle exigeait un +équipement spécialisé assez cher qu'un lecteur ordinaire ne pouvait pas +posséder. Elle a donc créé de fait une situation dans laquelle les copies +n'étaient réalisables que par des entreprises spécialisées, dont le nombre +était peu élevé. Il pouvait y avoir quelques centaines d'imprimeries dans un +pays où des centaines de milliers, voire des millions de gens savaient +lire. Ainsi le nombre d'endroits où des copies pouvaient être faites avait +considérablement diminué.

+ +

L'idée du copyright s'est développée avec la presse à imprimer. Je pense +qu'il peut y avoir… Je me rappelle avoir lu, il me semble, que +Venise, un centre important de l'impression au XVIe siècle, avait déjà une +sorte de copyright, mais je ne peux pas… je n'ai pas pu retrouver la +référence. Quoi qu'il en soit, le système du copyright s'accordait +naturellement avec l'imprimerie parce c'était de plus en plus rare qu'un +lecteur ordinaire fasse des copies. Cela arrivait encore, cependant ; les +gens très pauvres ou très riches possédaient des copies manuscrites de +livres. Les gens très riches voulaient étaler leur richesse : ils avaient +des manuscrits magnifiquement enluminés pour montrer qu'ils pouvaient se les +offrir. Et les gens pauvres recopiaient encore parfois les livres à la main +parce qu'ils ne pouvaient pas s'offrir d'exemplaires imprimés. Comme le dit +la chanson, « le temps n'est pas de l'argent quand c'est tout ce que vous +avez ». +Ainsi certaines personnes pauvres recopiaient des livres à la plume, mais +pour la plupart les livres étaient fabriqués à la presse par des +éditeurs. Le copyright en tant que système convenait bien à ce système +technologique. D'une part c'était indolore pour les lecteurs parce que de +toute façon ils ne faisaient plus de copies, sauf les gens très riches qui +pouvaient vraisemblablement les légitimer, ou les très pauvres qui n'en +faisaient qu'un exemplaire unique et que personne n'aurait poursuivi avec +des avocats. D'autre part le système était assez facile à faire appliquer +parce que, comme je vous l'ai dit, il n'y avait qu'un très petit nombre +d'endroits où il devait être appliqué : uniquement les imprimeries. Cela ne +nécessitait donc pas, cela n'impliquait pas de lutte contre le public. On ne +voyait pas la presque totalité de la population essayer de copier des livres +et être menacée d'arrestation pour ça.

+ +

Et de fait, non seulement cela ne limitait pas directement ce que pouvait +faire le lecteur, mais cela ne lui causait pas trop de désagrément. Le livre +coûtait un peu plus cher, mais il ne coûtait pas le double, de sorte que la +petite augmentation était indolore pour les lecteurs. Les actions limitées +par le copyright étaient des actions qu'on ne pouvait pas faire en tant que +lecteur ordinaire, et donc cela ne posait pas problème. C'est pourquoi il +n'y avait aucun besoin de dures sanctions pour convaincre les lecteurs de le +tolérer et d'obéir.

+ +

Le copyright jouait donc le rôle d'un règlement industriel. Il restreignait +les éditeurs et les auteurs mais ne limitait pas le grand public. C'était +comme de faire payer un billet pour une traversée en bateau de +l'Atlantique. Vous savez, il est facile de percevoir le prix du billet quand +les gens prennent le bateau pour des semaines, voire des mois.

+ +

Avec le temps, l'imprimerie est devenue plus efficace. Finalement, les gens +pauvres n'ont plus été obligés de recopier les livres à la main et cette +notion est à peu près tombée dans l'oubli. Je pense que c'est au XIXe siècle +que l'imprimerie est devenue suffisamment bon marché pour que la plupart +aient les moyens d'acheter des livres imprimés, aussi dans une certaine +mesure l'idée que des gens pauvres ait pu copier les livres à la main est +sortie de la mémoire collective. Je n'en ai entendu parler qu'il y a dix ans +environ quand j'ai commencé à interroger les gens à ce sujet.

+ +

En Angleterre à l'origine, le copyright, pour une part, a été voulu comme +une mesure de censure : les gens qui voulaient publier des livres devaient +obtenir l'autorisation du gouvernement. Mais les idées ont commencé à +changer et c'est une tout autre notion qui a été explicitement exprimée dans +la constitution des États-Unis. Quand la constitution américaine a été +écrite, on a proposé que les auteurs aient droit à un monopole sur la copie +de leurs livres. Cette idée a été rejetée. À la place, une idée différente +de la philosophie du copyright a été mise dans la constitution : l'idée que +le système du copyright pouvait être... l'idée que les gens possédaient un +droit naturel à copier, mais que le copyright en tant que frein artificiel à +la copie pouvait être autorisé dans l'intention de favoriser le progrès.

+ +

D'une manière ou d'une autre le système de copyright aurait été à peu près +le même, mais on avait là un exposé de l'objectif censé le justifier. Il est +explicitement défini comme un moyen de favoriser le progrès et non un droit +que posséderaient ses titulaires. Ce système est censé modifier le +comportement des titulaires de copyrights à l'avantage du public, avantage +qui se concrétise par l'écriture et la publication de plus de livres. La +finalité du système est de promouvoir le progrès de la civilisation, la +propagation des idées, et c'est en tant que moyen à cet effet que le +copyright existe. Il peut aussi être considéré comme un marché entre le +public et les auteurs, à savoir que le public renonce à son droit naturel de +faire des copies, en échange du progrès qu'apporte indirectement le fait +d'encourager un plus grand nombre de gens à écrire.

+ +

Cela dit, il peut sembler bizarre de demander : « Quel est le but du +copyright ? » Mais connaître le but d'une activité est une chose essentielle +pour décider si cette activité a besoin d'être modifiée, et comment. Si vous +perdez de vue son objectif, vous êtes sûr de vous tromper. Or, depuis que +cette décision a été prise, les auteurs, et plus près de nous les éditeurs +en particulier, ont essayé de la dénaturer et de la balayer sous le +tapis. Il y a eu des décennies de campagne pour tenter de répandre l'idée +qui a été rejetée dans la constitution des États-Unis, l'idée que le +copyright a été conçu comme un droit accordé à ses titulaires. Et vous +pouvez la retrouver dans presque tout ce qu'ils disent à ce sujet commençant +et se terminant par le mot « pirate » – mot utilisé pour donner l'impression +que faire une copie non autorisée est l'équivalent moral d'une attaque de +bateau et du kidnapping et du meurtre des personnes à bord.

+ +

Si vous regardez les déclarations qui sont faites par les éditeurs vous +trouverez un bon nombre de postulats de ce genre que vous devez mettre en +lumière et commencer à interroger.

+ +

Récents événements et problèmes

+

[il s'éclaire]

+ +

Quoi qu'il en soit, aussi longtemps qu'a duré l'âge de l'imprimerie, le +copyright était indolore, facile à faire appliquer, et c'était probablement +une bonne idée. Mais l'âge de l'imprimerie a commencé à évoluer il y a +quelques décennies quand des choses comme les machines Xerox et les +magnétophones sont apparues sur le marché ; plus récemment, quand les +réseaux informatiques sont devenus opérationnels, la situation a changé de +manière drastique. Nous sommes aujourd'hui dans une situation technologique +plus proche de celle de l'Antiquité, où quiconque pouvait lire quelque chose +pouvait aussi en faire une copie, dont la qualité n'avait rien à envier à +celles de n'importe qui d'autre,

+ +

[murmures dans l'assistance]

+ +

une situation où, à nouveau, les lecteurs ordinaires peuvent faire des +copies eux-mêmes. Il n'est plus nécessaire de passer par une production de +masse centralisée comme avec l'imprimerie. Ce changement technologique +modifie la situation dans laquelle le droit du copyright s'exerce. La +transaction se basait sur l'idée que le public cédait son droit de faire des +copies contre un avantage. Bon, une affaire peut être bonne ou mauvaise, +cela dépend de la valeur de ce à quoi on renonce et de la valeur de ce qu'on +obtient. À l'âge de l'imprimerie, le public a cédé une liberté dont il ne +pouvait pas faire usage.

+ +

C'est comme trouver un moyen de vendre de la merde : qu'avez-vous à perdre ? +Vous l'avez à disposition de toute manière. Si vous trouvez le moyen de la +négocier, cela ne peut pas être une mauvaise affaire.

+ +

[rires tièdes]

+ +

C'est comme accepter de l'argent en retour de votre promesse de ne pas +voyager vers une autre étoile. Vous n'allez pas le faire de toute façon,

+ +

[rires abondants]

+ +

du moins pas de votre vivant. Donc si quelqu'un vous paie pour que vous +promettiez de ne pas voyager vers une autre étoile, vous pouvez très bien +faire affaire. Mais si je vous offrais un astronef, vous pourriez ne plus +penser que c'était une bonne affaire. Lorsque vous découvrez un usage à la +chose inutile que vous vous aviez l'habitude de vendre, alors vous devez +remettre en question l'opportunité des anciennes transactions dont vous +tiriez avantage. Typiquement dans une telle situation vous décidez : « Je ne +vais plus tout vendre de ce que j'ai. Je vais en garder une partie et m'en +servir. » +Si vous aviez l'habitude de troquer une liberté dont vous ne pouviez rien +faire, mais qu'à présent vous pouvez l'exercer, vous aurez sans doute envie +de vous réserver au moins le droit de l'exercer partiellement. Vous pourriez +encore négocier une partie de cette liberté : il y a de nombreuses +alternatives, différentes transactions qui échangent une partie de la +liberté tout en la maintenant sur d'autres plans. Ainsi, ce que vous voulez +faire précisément exige une réflexion, mais dans tous les cas vous voudrez +remettre en question l'ancienne transaction et probablement vendre une +quantité moindre de ce vous vendiez auparavant.

+ +

Or les éditeurs essayent de faire exactement l'opposé. Au moment même où +l'intérêt du public est de se réserver une partie de liberté afin de +l'exercer, les éditeurs font passer des lois qui nous demandent d'y renoncer +davantage. Vous avez vu que le copyright n'a jamais été prévu pour être un +monopole absolu sur les utilisations d'une œuvre. Il couvrait quelques +utilisations et pas d'autres, mais ces derniers temps les éditeurs ont fait +pression pour l'étendre de plus en plus loin, pour finir dernièrement avec +des choses comme la loi sur le copyright du millénaire numérique +[Digital Millennium Copyright Act] aux États-Unis. Cette loi, +ils essayent aussi de la transformer en traité à travers l'Organisation +mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), une organisation +représentant essentiellement les détenteurs de copyrights et de brevets, qui +travaille à augmenter leur pouvoir en prétendant le faire au nom de +l'humanité plutôt qu'au nom de ces sociétés particulières.

+ +

Maintenant, qu'est-ce qui arrive lorsque le copyright commence à limiter des +activités que les lecteurs ordinaires peuvent faire ? Eh bien, d'une part ce +n'est plus un règlement industriel ; cela devient une exigence imposée au +public. D'autre part, et pour cette raison, vous verrez le public commencer +à s'y opposer. Vous savez, quand on demande à des gens ordinaires d'arrêter +de faire des choses qui sont naturelles dans leur vie, ils refusent +d'obéir. Ce qui signifie qu'il n'est plus aussi facile d'imposer le +copyright, et c'est pourquoi vous voyez des punitions de plus en plus dures +être adoptées par des gouvernements qui, essentiellement, servent les +éditeurs plutôt que le public.

+ +

On doit aussi se demander en quoi un système de copyright est encore +bénéfique. En gros, ce que nous avons donné en paiement a maintenant de la +valeur pour nous ; peut-être que la transaction est devenue une mauvaise +affaire. Tout ce qui rendait le copyright facilement compatible avec la +technologie de l'imprimerie le rend difficilement compatible avec les +technologies numériques. C'est comme si, au lieu de faire payer pour +traverser l'Atlantique en bateau, on faisait payer pour traverser la rue. Et +c'est très embêtant, parce que les gens traversent sur toute la longueur de +la rue, et les faire payer c'est plutôt galère.

+ +

Nouveaux types de copyright

+ +

Voyons maintenant quelques-uns des changements que nous pourrions apporter à +la loi sur le copyright pour l'adapter à la situation dans laquelle se +trouve le public. Un changement radical pourrait être de la supprimer, mais +ce n'est pas le seul choix possible. Il y a diverses situations dans +lesquelles nous pourrions réduire la puissance du copyright sans le +supprimer totalement, parce qu'il y a plusieurs actions différentes qu'on +peut faire avec un copyright et il y a diverses situations dans lesquelles +on peut les faire ; chacune d'entre elles est un sujet indépendant. Le +copyright doit-il les couvrir ou non ? En outre, il y a la question de +savoir pour combien de temps. +Le copyright, beaucoup plus court à l'époque que de nos jours dans sa +période ou sa durée, a été prolongé à plusieurs reprises au cours des +cinquante dernières années. Il apparaît maintenant que les détenteurs de +copyright ont en fait pour projet de continuer à l'étendre jusqu'à ce qu'il +n'expire plus jamais. La constitution des États-Unis dit que « le copyright +doit exister pour un temps limité » mais les éditeurs ont trouvé une manière +de la contourner : tous les vingt ans ils le prolongent de vingt ans, et de +cette façon aucun copyright n'expirera plus jamais. Dans mille ans, le +copyright pourrait durer 1200 années, en fait juste assez pour que le +copyright sur Mickey ne puisse pas expirer.

+ +

Parce que c'est la raison pour laquelle, à en croire les gens, le Congrès +américain a passé une loi pour prolonger le copyright de vingt ans. Disney +les a payés – et a payé le Président aussi, avec des fonds de campagne +évidemment – pour rendre ça légal. Voyez-vous, s'ils avaient juste payé en +liquide, cela aurait été une infraction, mais contribuer indirectement aux +campagnes est légal et c'est ce qu'ils font : acheter les +législateurs. C'est ainsi qu'ils ont adopté la loi « Sonny Bono » sur le +copyright. Maintenant ce qui est intéressant, c'est que Sonny Bono était +membre du Congrès et membre de l'Église de scientologie, qui utilise le +copyright pour supprimer l'information concernant ses activités. Ainsi, ils +ont leur petit chouchou au Congrès et ont fait une pression énorme pour +accroître les pouvoirs du copyright.

+ +

Quoi qu'il en soit, nous avons eu la chance que Sonny Bono décède, mais en +son nom ils ont passé la loi sur le copyright de Mickey, en 1998 je +crois. Elle est remise en question cela dit, en raison de l'existence d'une +possibilité juridique de voir les demandes d'extension de copyrights anciens +rejetées par la Cour suprême. En tout cas, il y a un tas de situations et de +cas différents où nous pourrions réduire la portée du copyright.

+ +

Examinons-en quelques-uns. Eh bien tout d'abord, il y a plusieurs contextes +différents pour la copie. Il y a d'un côté la vente commerciale de copies +dans des magasins, et de l'autre il y a la copie privée pour un ami de temps +à autre. Entre les deux il y a d'autres choses comme la radio- ou +télédiffusion, la publication sur le web, la distribution collective dans +une organisation. Certaines de ces choses peuvent être faites de façon +commerciale ou non commerciale. En effet, vous pouvez imaginer une +entreprise qui distribue des exemplaires à son personnel ou alors vous +pouvez imaginer une école ou quelque organisation privée non commerciale qui +le fasse – différentes situations que nous n'avons pas à traiter toutes de +la même manière. + +Aussi la façon dont nous pourrions récupérer le… En général, +pourtant, les activités qui sont les plus privées sont les plus importantes +pour notre liberté et notre façon de vivre, tandis que les plus publiques et +commerciales sont les plus utiles pour procurer quelque revenu aux +auteurs. C'est donc une situation naturelle de compromis dans lequel les +limites du copyright se placent quelque part entre les deux, de sorte qu'une +part substantielle de l'activité reste couverte et fournisse toujours un +revenu aux auteurs, tandis que celle qui relève le plus directement de la +vie privée des gens redevient libre. C'est ce genre de chose que je propose +de faire lorsque le copyright s'applique à des romans, des biographies, des +mémoires, des essais, etc. +Qu'au strict minimum, les gens aient toujours le droit de partager une copie +avec un ami. C'est quand les gouvernements doivent empêcher ce genre +d'activités qu'ils sont obligés de s'introduire dans la vie privée des gens +et user de punitions sévères. La seule façon d'empêcher les gens de partager +dans leur vie privée c'est avec un état policier, mais les activités +commerciales et publiques peuvent être réglementées de façon beaucoup plus +facile et indolore.

+ +

Maintenant, l'endroit où nous devons tracer ces limites dépend, je crois, du +type d'œuvre. Différentes œuvres répondent à différents besoins pour leurs +utilisateurs. Jusqu'à présent, nous avons eu un système de copyright qui +traitait presque tout de la même manière excepté la musique : il y a +beaucoup d'exceptions légales pour la musique, mais il n'y a aucune raison +de placer la simplicité au-dessus des conséquences pratiques. Nous pouvons +traiter les œuvres de différents types de manière différente. Je propose une +classification générale en trois types : les œuvres fonctionnelles, les +œuvres qui expriment une opinion personnelle et les œuvres essentiellement +esthétiques.

+ +

Les œuvres fonctionnelles comprennent : les logiciels, les recettes, les +manuels, les dictionnaires et autres ouvrages de référence, tout ce que vous +utilisez pour faire votre travail. Pour les œuvres fonctionnelles, je pense +que les gens ont besoin d'une liberté très étendue, y compris la liberté de +publier des versions modifiées. Aussi tout ce que je dirai demain à propos +des logiciels s'applique de la même façon aux autres sortes d'œuvres +fonctionnelles. Ce critère de la liberté – parce qu'il est nécessaire +d'avoir la liberté de publier une version modifiée – ce critère signifie que +nous devons nous débarrasser presque totalement du copyright. Mais le +mouvement du logiciel libre est en train de prouver que le progrès que veut +la société, la soi-disant justification du copyright, peut se produire d'une +autre manière. +Nous n'avons pas à renoncer à ces importantes libertés pour avoir le +progrès. Aujourd'hui, les éditeurs nous demandent toujours de poser en +principe qu'il n'y a aucune possibilité de progrès sans renoncer à ces +libertés fondamentales. Et la chose la plus importante pour le mouvement du +logiciel libre est, je pense, de prouver que leur postulat est injustifié.

+ +

Que dans tous ces domaines on puisse apporter le progrès sans stopper les +gens avec les restrictions du copyright,2 je ne peux pas dire que j'en sois sûr, +mais ce que nous avons prouvé, c'est que nous avons une chance. Ce n'est pas +une idée ridicule ; elle ne doit pas être écartée. Le public ne doit pas +partir du principe que la seule façon d'obtenir le progrès est d'avoir le +copyright. Mais même pour ce type d'œuvres il peut y avoir certains systèmes +intermédiaires de copyright qui donnent aux gens la liberté de publier des +versions modifiées. +Regardez par exemple, la GNU Free Documentation License +(licence GNU de documentation libre) utilisée pour rendre les livres +libres. Elle permet à n'importe qui de faire une version modifiée et d'en +vendre des copies, mais elle exige de donner crédit aux auteurs et éditeurs +d'origine d'une façon qui leur donne un avantage commercial, et ainsi, je +crois, rende possible la publication commerciale de manuels libres. Et ça +fonctionne, les gens se mettent à l'appliquer au commerce. La Free +Software Foundation a vendu un bon nombre d'exemplaires de divers +livres libres pendant presque quinze ans maintenant ; pour nous, cela a été +un succès, bien que les éditeurs commerciaux commencent à peine à essayer +cette approche particulière. Mais je crois que même pour les œuvres +fonctionnelles où la liberté de publier des œuvres modifiées est +essentielle, un genre de copyright intermédiaire peut être négocié, qui +laisse à chacun cette liberté.

+ +

Pour les œuvres des autres types, les questions d'éthique s'appliquent +différemment, parce que ces œuvres sont utilisées différemment. La seconde +catégorie est celle des œuvres qui expriment la position de quelqu'un, ou +ses points de vue, ou son expérience. Par exemple, essais, propositions +commerciales, déclarations de point de vue juridique, mémoires, tout ce qui +dit – dont le sujet est de dire – ce que vous pensez, ce que vous voulez ou +ce que vous aimez. Les revues littéraires, les revues gastronomiques sont +aussi dans cette catégorie : elles expriment une opinion personnelle, un +point de vue. +Pour ce type d'œuvres, faire une version modifiée n'est pas utile. Aussi, je +ne vois aucune raison que les gens aient la liberté de publier des versions +modifiées de ces œuvres. Il est suffisant que les gens aient la liberté d'en +faire une copie intégrale [verbatim]. C'est pourquoi nous +pouvons envisager que la liberté de distribuer des copies ne s'applique que +dans certaines situations. Par exemple, si c'était limité à la distribution +non commerciale ce ne serait pas mal, je pense. La vie des citoyens +ordinaires ne serait plus affectée, mais les éditeurs seraient toujours +soumis au copyright.

+ +

[il boit de l'eau]

+ +

Cela dit, je pensais que peut-être il serait suffisant de permettre aux gens +la redistribution occasionnelle de copies en privé. Je pensais que peut-être +ce serait acceptable que toute la redistribution publique de ces œuvres +continue à être limitée par le copyright, mais l'expérience de Napster m'a +convaincu que non : elle a montré que beaucoup, beaucoup de gens veulent +redistribuer publiquement – redistribuer publiquement mais pas +commercialement – et que c'est très utile. Et si c'est si utile, c'est une +erreur d'empêcher les gens de le faire. Mais il serait encore acceptable je +pense, de limiter la redistribution commerciale de ces œuvres, parce que ce +serait juste une réglementation industrielle et ça ne bloquerait pas les +activités utiles que les gens devraient avoir la possibilité de faire avec +ces œuvres.

+ +

Ah oui, les articles scientifiques… ou les articles érudits en +général, tombent également dans cette catégorie parce que la publication de +versions modifiées n'est pas une bonne chose : cela revient à falsifier le +document ; ils devraient donc être distribués uniquement dans leur +intégralité. Les articles scientifiques devraient être redistribuables +librement par n'importe qui, parce que nous devrions encourager leur +redistribution ; j'espère que vous n'accepterez jamais de publier un article +scientifique d'une façon qui limiterait sa redistribution intégrale sur le +net. Dites à la revue que vous refusez de faire cela.

+ +

Les revues scientifiques sont en effet devenues un obstacle à la diffusion +des résultats scientifiques. Elles en étaient un mécanisme nécessaire, +maintenant elles ne sont rien d'autre qu'une entrave. Et ces revues qui +limitent l'accès et limitent la redistribution doivent être +supprimées. Elles sont les ennemies de la diffusion de la +connaissance ; elles sont les ennemies de la science, et cette pratique doit +cesser.

+ +

Voyons maintenant la troisième catégorie d'œuvres, qui est celle des œuvres +esthétiques, dont l'utilisation principale est d'être appréciée : romans, +pièces de théâtre, poésies, dessins très souvent, ainsi que la plus grande +partie de la musique. Elles sont typiquement faites pour être +appréciées. Elles ne sont pas fonctionnelles ; les gens n'ont pas besoin de +les modifier ni de les améliorer, comme c'est le cas avec les œuvres +fonctionnelles. Aussi c'est une question difficile : est-ce essentiel que +les gens aient la liberté de publier des versions modifiées d'une œuvre +esthétique ? D'une part vous avez des auteurs qui font preuve de pas mal +d'égotisme et disent :

+ +

[accent anglais, gestuelle dramatique]

+ +

« Oh, c'est ma création. »

+ +

[retour à Boston]

+ +

« Qui oserait en changer une ligne ? » D'un autre côté, vous avez le +processus folklorique qui prouve qu'une série de personnes modifiant un +travail de façon séquentielle, ou peut-être même en parallèle et en +comparant alors les versions, peut produire quelque chose d'extrêmement +riche. De cette manière ont été produites non seulement de belles chansons +et de courtes poésies, mais même de longues épopées. Il fut un temps, avant +que la mystique de l'artiste créateur – figure semi-divine – ait tant de +pouvoir, où même de grands écrivains ont retravaillé des histoires qui +avaient été écrites par d'autres. Certaines pièces de Shakespeare nouent des +intrigues tirées d'autres pièces écrites souvent quelques décennies +auparavant. Si les lois contemporaines sur le copyright avaient été +effectives, ils auraient appelé Shakespeare « pirate » pour avoir écrit +ainsi une partie de son œuvre magnifique. Naturellement vous auriez entendu +les autres auteurs :

+ +

[accent anglais]

+ +

« Comment ose-t-il changer une ligne de ma création. Il est impossible de +faire mieux. »

+ +

[rire étouffé de l'assistance]

+ +

Vous entendrez des gens ridiculiser l'idée exactement dans ces +termes. Bien. Je ne suis pas sûr de ce que nous pourrions faire à propos de +la publication de versions modifiées des œuvres esthétiques. Une des +possibilités est de faire comme dans la musique, où n'importe qui peut +réarranger et jouer un morceau. On peut avoir à payer pour ça, mais on n'a +pas à demander la permission de l'exécuter. Peut-être que pour la +publication commerciale de ces œuvres, modifiées ou non, si on gagne de +l'argent avec, on pourrait devoir payer une certaine somme. C'est une +possibilité. C'est une question difficile que de savoir quoi faire au sujet +de la publication de versions modifiées de ces œuvres esthétiques, et je +n'ai pas de réponse dont je sois entièrement satisfait.

+ +

Membre de l'assistance n° 1 (MA1) : question inaudible.

+ +

RMS : Permettez-moi de répéter la question parce qu'il l'a +dite tellement vite que vous ne pouviez sûrement pas la comprendre. Il a dit +« Dans quelle catégorie rentrent les jeux d'ordinateur ? » Bien, je dirais +que le moteur de jeu est fonctionnel et que le scénario est esthétique.

+ +

MA1 : Et les graphismes ?

+ +

RMS : Ceux-ci font probablement partie du scénario. Les +images spécifiques font partie du scénario ; elles sont esthétiques, tandis +que le logiciel pour visualiser les scènes est fonctionnel. Ainsi je dirais +que si l'on combine l'esthétique et le fonctionnel en une seule et même +chose continue, alors le logiciel doit être traité comme fonctionnel. Mais +si l'on est disposé à séparer le moteur du scénario alors il serait légitime +de dire, eh bien, que le moteur est fonctionnel mais le scénario esthétique.

+ +

Copyright : les solutions possibles

+ +

Voyons maintenant combien de temps le copyright devrait durer. Eh bien de +nos jours la tendance dans l'édition est, en ce qui concerne les livres, de +sortir du copyright de plus en plus vite. Aujourd'hui aux USA, la plupart +des livres publiés sont épuisés en moins de trois ans. Ils ont été soldés et +retirés de la vente. Ainsi il est clair qu'on n'a pas vraiment besoin que le +copyright dure, disons, 95 ans ; c'est ridicule. En fait, il est clair qu'un +copyright de dix ans serait suffisant pour que l'activité de l'édition +tienne le coup ; mais dix ans à partir de la date de publication. On +comprendrait que puisse être accordée une période additionnelle avant la +publication, ce qui amènerait au-delà des dix ans ; comme vous le voyez, +aussi longtemps que le livre n'a pas été publié, son copyright ne limite pas +le public. Cela revient juste à donner à l'auteur le temps de le faire +publier. Mais je pense qu'une fois le livre publié, le copyright devrait +opérer pendant environ dix ans, et c'est tout.

+ +

Cela dit, j'ai proposé ça une fois dans un débat où les autres personnes +étaient toutes des auteurs. Et l'un d'entre eux a dit : « Dix ans de +copyright ? Mais c'est ridicule ! Tout ce qui dépasse cinq ans est +intolérable. » C'était un auteur primé de science-fiction, qui se plaignait +de la difficulté de « retrouving », de retirer – c'est drôle, des mots de +français s'infiltrent dans mon anglais – de, de récupérer ses droits auprès +de l'éditeur qui avait laissé ses livres s'épuiser pour des raisons +pratiques, mais qui traînait des pieds pour obéir au contrat stipulant que +quand un livre est épuisé, les droits retournent à l'auteur.

+ +

Les éditeurs traitent les auteurs de façon épouvantable, il faut le +savoir. Ils exigent toujours plus de pouvoir au nom des auteurs ; ils +emmènent avec eux un petit nombre d'auteurs à grand succès, très connus +– qui ont tant de poids dans la négociation qu'ils peuvent obtenir des +contrats très favorables – pour confirmer que ce pouvoir est vraiment dans +leur intérêt. En attendant, la plupart des auteurs qui ne sont pas célèbres, +ne sont pas riches et n'ont pas de poids particulier, sont traités de façon +épouvantable par l'industrie de l'édition, et c'est encore pire dans la +musique. Je recommande à tous de lire l'article de Courtney Love ; il est +dans le magazine Salon, c'est ça ?

+ +

MA2 : (Membre de l'assistance n° 2) Oui

+ +

RMS : Elle commence en appelant les maisons de disque +« pirates » pour la façon dont elles traitent les musiciens. Quoi qu'il en +soit, nous pouvons raccourcir le copyright plus ou moins. Nous pourrions +essayer diverses durées, nous pourrions regarder, nous pourrions découvrir +empiriquement quelle durée de copyright est nécessaire pour que la +publication reste vigoureuse. Puisque la plupart des livres sont épuisés au +bout de dix ans, il me semble évident que dix ans devraient être +suffisant. Mais il n'en est pas nécessairement de même pour tous les types +d'œuvres. Par exemple, peut-être que certains aspects du copyright sur les +films pourraient durer plus longtemps, comme les droits de vendre tout cet +attirail de produits utilisant les images et les personnages. Vous savez, +c'est tellement grossièrement commercial que cela ne fait rien si c'est +limité à une seule société dans la plupart des cas. Pour les films +eux-mêmes, il est peut-être légitime que le copyright dure vingt ans. +En attendant, pour le logiciel, je pense qu'un copyright de trois ans serait +suffisant. Vous voyez, si chaque version d'un programme conserve un +copyright pendant trois ans après sa sortie, à moins que la société ne soit +en très mauvaise posture, elle devrait avoir une nouvelle version avant que +les trois ans ne soient écoulés et il devrait y avoir beaucoup de gens +désireux de l'utiliser. Donc, si les anciennes versions devenaient +automatiquement libres, elle continuerait quand même à faire des affaires +avec la nouvelle. Cela dit, tel que je le vois, c'est un compromis parce que +c'est un système où tous les logiciels ne sont pas libres. Mais ce serait un +compromis acceptable après tout, si nous devions attendre trois ans dans +certains cas pour que les logiciels deviennent libres… Bon, ce ne +serait pas un désastre. Utiliser des logiciels vieux de trois ans n'est pas +un désastre.

+ +

MA3 : Ne pensez-vous pas que c'est un système qui +encouragerait l'inflation de fonctionnalités inutiles ?

+ +

RMS : [désinvolte] Ah, c'est OK. C'est un effet +secondaire mineur, comparé au fait que cela favorise la liberté. Chaque +système entraîne quelques déviations artificielles dans ce que font les +gens, et notre système actuel favorise certainement diverses sortes de +déviations artificielles dans l'activité couverte par le copyright. Si donc +un système, parce qu'il change, favorise aussi quelques déviations +secondaires, ce n'est pas une grosse affaire, je dirais.

+ +

MA4 : Le problème avec ce changement des lois sur le +copyright pour le ramener à trois ans, c'est que vous n'obtiendriez pas les +sources.

+ +

RMS : Exact. Il y aurait là aussi une condition : une loi +qui dirait que pour pouvoir vendre des exemplaires d'un logiciel au public, +le code source doit être déposé quelque part de sorte que trois ans plus +tard il puisse être libéré. Ainsi il pourrait être déposé à la bibliothèque +du Congrès aux États-Unis ; et je pense que d'autres pays ont des +établissements semblables où des exemplaires des livres publiés prennent +place. Ils pourraient également accueillir le code source et après trois +ans, le publier. Et naturellement, si le code source ne correspondait pas à +l'exécutable il y aurait fraude. En fait si cela correspond vraiment, on +doit pouvoir très facilement le vérifier dès que le travail est +publié. Ainsi, vous publiez le code source et quelqu'un par là-bas dit : +« Très bien ; ./configure ; make » et voit si cela +produit les mêmes exécutables, et hue.

+ +

Mais vous avez raison, éliminer le copyright ne rendrait pas le logiciel +free.

+ +

MA5 : Heu… « libre ».3

+ +

RMS : Exact. C'est dans ce seul sens que j'emploie le +terme. Cela n'aurait pas cet effet, parce que le code source pourrait ne pas +être disponible, ou bien ils pourraient tenter d'user de contrats pour +restreindre les utilisateurs. Libérer le logiciel n'est pas aussi simple que +de mettre fin au copyright sur le logiciel : c'est une situation plus +complexe que ça. En fait, si le copyright sur le logiciel était simplement +supprimé, nous ne pourrions plus utiliser le copyleft pour protéger le +statut libre d'un programme. Entre-temps, les « privatifieurs » de logiciel +[software privateers] pourraient utiliser d'autres méthodes +– des contrats ou des dissimulations de la source – pour rendre le logiciel +privateur.4 Ça +pourrait signifier que, si nous publions un programme libre, quelque bâtard +avide pourrait en faire une version modifiée et n'en publier que les +binaires, puis obliger les gens à signer des accords de +non-divulgation. Nous n'aurions plus les moyens de les arrêter. Donc, si +nous voulions changer la loi pour que tout logiciel publié devienne libre, +nous devrions le faire de façon encore plus complexe. Pas simplement en +changeant le copyright sur le logiciel.

+ +

Ainsi, globalement je recommande que nous examinions les divers types +d'œuvres et leurs divers usages pour chercher un autre endroit où tracer la +limite : celui qui donnerait au public les libertés essentielles pour se +servir des œuvres de chaque type, tout en maintenant si possible une sorte +de copyright indolore pour le grand public qui soit toujours un avantage +pour les auteurs. De cette façon, nous pouvons adapter le système du +copyright au contexte dans lequel nous nous trouvons et faire qu'il n'exige +pas de mettre des gens en prison pour des années parce qu'ils auront partagé +avec leurs amis, tout en continuant à encourager de diverses manières les +auteurs à écrire plus. Nous pouvons également, je crois, chercher d'autres +façons d'encourager l'écriture, d'autres façons de faciliter la rémunération +des auteurs. +Par exemple, supposez que la reproduction intégrale d'une œuvre soit +autorisée et supposez que cette œuvre soit fournie avec un dispositif de ce +style : lorsque vous êtes en train de jouer l'œuvre, ou de la lire, il y a +une boîte de dialogue sur le côté qui dit : « Cliquez ici pour envoyer un +dollar à l'auteur ou au musicien, ou autre. » Je pense que dans les parties +les plus riches du monde beaucoup de gens enverraient ce dollar parce que +souvent les gens adorent les auteurs ou les musiciens qui ont créé ce qu'ils +ont aimé lire ou écouter. Notez que la part des royalties qui leur revient +actuellement est si faible que si vous payez vingt dollars, ils n'en +obtiendront pas plus d'un de toute façon.

+ +

On aura ainsi un système bien plus efficace. Et le bonus, c'est que lorsque +les gens redistribueront ces copies, ils aideront l'auteur en faisant ce qui +revient à de la publicité pour lui, en diffusant autour d'eux les raisons de +lui envoyer un dollar. Actuellement, la raison principale pour laquelle il +n'y a pas plus de gens qui envoient de l'argent directement aux auteurs, +c'est que c'est embêtant. Qu'allez-vous faire ? Envoyer un chèque ? Alors à +qui allez-vous l'expédier ? Il va falloir dénicher leur adresse, ce qui +n'est peut-être pas facile. Mais avec un système commode de paiement par +Internet qui rende efficace l'envoi d'un dollar à quelqu'un, un système que +nous pourrions mettre dans tous les exemplaires de l'œuvre, alors je pense +qu'on aurait un mécanisme viable. +Cela peut prendre cinq à dix ans pour que l'idée se popularise, parce que +c'est culturel vous savez. Au départ, les gens pourraient être un peu +surpris mais une fois que cela serait devenu naturel, ils s'habitueraient à +envoyer de l'argent. Ça ne représenterait pas beaucoup, comparé à ce que +cela coûte d'acheter des livres aujourd'hui.

+ +

[il boit]

+ +

Aussi je pense que cette méthode pourrait connaître le succès pour les +œuvres d'expression, et peut-être les œuvres esthétiques. Mais cela ne +marchera pas pour les œuvres fonctionnelles. Et la raison, c'est que, si une +personne après l'autre fait une version modifiée et la publie, sur quoi les +boîtes de dialogue devront-elles pointer ? Et combien d'argent devra-t-on +envoyer ? Vous savez, il est facile de faire ça quand l'œuvre a été publiée +une seule fois, par un auteur déterminé ou un groupe d'auteurs déterminé, et +qu'ils peuvent convenir ensemble de ce qu'ils vont faire avec la boîte de +dialogue. Si personne ne publie de version modifiée, alors chaque exemplaire +contiendra la même, avec une même URL dirigeant l'argent vers les mêmes +personnes. Mais quand vous avez différentes versions sur lesquelles +différentes personnes ont travaillé, il n'y a pas de façon simple et +automatique de calculer qui doit recevoir quelle part de ce que tel +utilisateur donne, pour cette version-ci ou cette version-là. + +Il est philosophiquement difficile de décider de l'importance de chaque +contribution, et toutes les manières simples d'essayer de la mesurer sont +à l'évidence mauvaises dans certains cas. Il est clair qu'elles +ferment les yeux sur une partie importante des faits. Aussi est-il probable, +je pense, que ce genre de solution n'est pas praticable lorsque tout le +monde est libre de publier des versions modifiées. Mais pour les types +d'œuvres où il n'est pas crucial d'avoir la liberté de publier des versions +modifiées, alors cette solution pourra être appliquée très simplement, une +fois que nous aurons un système pratique de paiement sur Internet pour lui +servir de base.

+ +

En ce qui concerne les œuvres esthétiques, s'il y avait un système où ceux +qui redistribuent commercialement – voire ceux qui publient une version +modifiée – devaient négocier le partage des paiements avec le producteur de +la version originale, alors ce genre d'arrangement pourrait être étendu +aussi à ces œuvres, même si des versions modifiées étaient autorisées. Il +pourrait y avoir une certaine formule standard qui pourrait être renégociée +dans certains cas. Je pense que ce genre de paiement volontaire serait même +envisageable dans certains cas avec un système qui permette de publier des +versions modifiées des œuvres esthétiques.

+ +

Il y a, je crois, des gens qui essayent d'installer un système de paiement +volontaire de ce style. J'ai entendu parler de quelque chose comme « le +protocole de l'artiste de rue ». Je n'en connais pas les détails. Et je +crois qu'il y a un truc appelé GreenWitch.com [note du transcripteur : +URL incertaine]. Je crois que ces gens essayent d'installer quelque +chose de plus ou moins semblable. Ce qu'ils espèrent faire, il me semble, +c'est rassembler les paiements que vous effectuez à diverses personnes, pour +finalement débiter votre carte de crédit une fois que la somme est assez +importante pour rendre la transaction efficace. +Il n'est pas certain que ce genre de système fonctionne assez bien en +pratique pour qu'ils le mettent en place, ni qu'il soit adopté assez +largement pour devenir une pratique culturelle normale. Il est possible que +pour que ces paiements volontaires deviennent vraiment courants, nous ayons +besoin d'un certain genre de… On a besoin de voir l'idée partout pour +que de temps à autre… « Ouais, il faudrait que je paie ! » On verra.

+ +

Il y a des preuves que des idées comme celles-là ne sont pas +déraisonnables. Regardez par exemple la radio publique aux USA, qui est la +plupart du temps soutenue par les dons de ses auditeurs. Vous avez, je +crois, des millions de personnes qui donnent. Je ne sais pas combien +exactement, mais il y a beaucoup de stations de radio publiques qui sont +soutenues par leurs auditeurs, et il semble qu'elles trouvent plus facile +d'obtenir des dons au fil des ans. Il y a dix ans, pendant six semaines par +an peut-être, elles passaient la majeure partie du temps à demander aux gens +« S'il vous plaît, envoyez-nous un peu d'argent, ne pensez-vous pas que nous +sommes assez importants ? » et ainsi de suite 24 heures sur 24. Et +maintenant beaucoup d'entre elles ont constaté qu'elles peuvent obtenir ces +contributions en envoyant des courriels aux gens qui leur ont envoyé des +dons auparavant ; elles n'ont pas à passer leur temps d'antenne à faire de +la retape pour les dons.

+ +

Fondamentalement, le but déclaré du copyright, encourager l'écriture, est un +but valable, mais nous devons chercher des façons d'y parvenir qui ne soient +pas si dures et pas si restrictives pour l'utilisation des œuvres dont nous +avons encouragé l'éclosion. Je crois que la technologie numérique nous +fournit des solutions à ce problème, après avoir créé un contexte qui +nécessite sa solution. C'est donc la fin de cette conférence. Y a-t-il des +questions ?

+ +

Questions et discussion

+

Tout d'abord, à quelle heure est la prochaine conférence ? Quelle heure +est-il maintenant ?

+ +

Moi : Il est trois heures et quart.

+ +

RMS : Oh vraiment ? Donc je suis déjà en retard ? Bon, +j'espère que Mélanie me permettra d'accepter quelques questions.

+ +

MA6 : Qui décidera dans lesquelles de vos trois catégories +une œuvre rentrera ?

+ +

RMS : Je ne sais pas. Je suis sûr qu'il y a diverses +manières de décider. Vous pouvez probablement reconnaître un roman quand +vous en voyez un. Je subodore que les juges peuvent aussi reconnaître un +roman quand ils en voient un.

+ +

MA7 : Des commentaires sur le chiffrement ? Et sur +l'interaction des dispositifs de chiffrement avec les contenus sous +copyright ?

+ +

RMS : Eh bien, le chiffrement est employé en tant que moyen +pour contrôler le public. Les éditeurs essayent d'imposer divers systèmes de +chiffrement au public afin de l'empêcher de copier. Ils appellent ces choses +des méthodes technologiques, mais en fait elles s'appuient toutes sur des +lois interdisant aux gens de les contourner, car sans ces lois aucune de ces +méthodes n'atteindrait son but. Ainsi elles sont toutes basées sur +l'intervention directe du gouvernement pour que les gens arrêtent de +copier. Je m'y oppose très fortement et je n'accepterai pas ces supports +d'enregistrement. Si en pratique les moyens de copier quelque chose ne sont +pas à ma disposition, je ne l'achèterai pas. Et j'espère que vous ne +l'achèterez pas non plus.

+ +

MA8 : En France nous avons une loi qui dit que même si le +support est protégé vous avez le droit de le recopier pour le sauvegarder.

+ +

RMS : Oui, c'était aussi comme ça aux USA il y a encore +deux ans.

+ +

MA8 : Très souvent vous signez un accord qui est illégal en +France… le contrat que vous êtes censé signer avec une souris…

+ +

RMS : Eh bien, peut-être qu'il ne l'est pas.

+ +

MA8 : Comment pouvons-nous le contester ?

+ +

RMS : [avec emphase] Vous allez le contester ? Ça +coûte de l'argent, il faut se donner du mal ; et pas seulement ça, comment +allez-vous faire ? Bon, vous pourriez toujours aller au tribunal et dire : +« Ils n'ont aucun droit de demander aux gens de signer ce contrat parce que +qu'il n'est pas valide. » Mais ça pourrait être difficile si le distributeur +est aux USA ; la loi française disant ce qu'est un contrat valide ne +pourrait pas servir à les arrêter aux USA. D'autre part vous pourriez +également dire : « J'ai signé ce contrat, mais il n'est pas valable en +France, aussi je désobéis publiquement et je les défie de me poursuivre. » +Ceci, vous pourriez envisager de le faire. Si vous aviez raison et que ces +lois ne soient pas valables en France, alors l'affaire serait rejetée. Je ne +sais pas. Peut-être que c'est une bonne idée. Je ne sais pas quels en +seraient les effets politiques. +Je sais qu'il y a juste deux ans une loi a été votée en Europe pour +interdire un certain type de copie privée pour la musique ; les maisons de +disque ont tanné quelques musiciens célèbres très populaires pour qu'ils +fassent pression en faveur de cette loi, et ils l'ont obtenue. Aussi, il est +clair qu'ils ont beaucoup d'influence là aussi, et il est possible qu'ils en +obtiennent davantage, qu'ils fassent simplement voter une autre loi pour +changer ça. Nous devons penser à une stratégie politique pour construire un +électorat qui puisse s'opposer à de tels changements. Et les actions que +nous menons devraient être conçues pour y arriver. Cela dit, je n'ai pas +d'avis autorisé sur la manière d'y parvenir en Europe, mais c'est ce à quoi +les gens devraient réfléchir.

+ +

MA6 : Que dites-vous de la protection de la correspondance +privée ?

+ +

RMS : Eh bien, si vous n'êtes pas publié, c'est +une question complètement différente.

+ +

MA6 : Non, mais si j'envoie un courriel à quelqu'un, il est +automatiquement sous mon copyright.

+ +

RMS : [énergiquement] C'est complètement sans +objet, en réalité.

+ +

MA6 : Non, je n'accepte pas cette réponse. S'il le publie +dans un journal, pour le moment mon recours est mon copyright.

+ +

RMS : Eh bien, vous ne pouvez pas le forcer à en garder le +contenu secret et, je n'en suis pas vraiment sûr, je veux dire qu'à mon avis +il y a de l'injustice là-dedans. Si par exemple vous envoyez une lettre à +quelqu'un menaçant de le poursuivre en justice, et qu'ensuite vous lui dites +« Tu ne peux dire à personne que c'est moi qui ai fait ça parce que ma +menace est sous copyright », ce serait assez détestable et je ne suis pas +sûr que cela tienne devant un tribunal.

+ +

MA6 : Bon, il y a des circonstances où je veux correspondre +avec des gens et garder ma réponse, et la leur, entièrement privées.

+ +

RMS : Si vous vous entendez avec eux pour la maintenir +privée, alors c'est une question entièrement différente. Je suis désolé que +les deux questions ne puissent pas être reliées. Je n'ai pas le temps d'en +discuter aujourd'hui, il y a une autre conférence qui va bientôt +commencer. Mais je pense que c'est une complète erreur d'appliquer le +copyright à de telles situations. L'éthique de ces situations est +complètement différente de l'éthique des œuvres publiées. Elles devraient +être traitées d'une manière appropriée, totalement différente.

+ +

MA6 : C'est assez raisonnable, mais pour l'instant le seul +recours qu'on a est le copyright…

+ +

RMS : [il interrompt] Non, vous avez tort. Si les +gens sont d'accord pour garder quelque chose dans la sphère privée, alors +vous avez un autre recours. En Europe il y a des lois sur la vie privée. Et +l'autre chose, c'est que vous n'avez pas le droit de forcer quelqu'un à +garder des secrets pour vous. Tout au plus pourriez-vous le forcer à +paraphraser, parce qu'il a le droit de dire aux gens ce que vous avez fait.

+ +

MA6 : Oui, mais en supposant que de chaque côté les deux +personnes soient suffisamment d'accord.

+ +

RMS : Alors ne dites pas que le copyright est votre seul +recours. S'il est d'accord il ne va pas le donner à un journal, si ?

+ +

MA6 : Non, heu, vous évitez ma question au sujet de +l'interception.

+ +

RMS : Oh, l'interception. C'est complètement +différent… [âprement] non vous n'avez pas posé de question à +propos de l'interception. C'est la première fois que vous avez mentionné +l'interception…

+ +

MA6 : Non c'est la deuxième fois.

+ +

MA9 : [murmure son assentiment à MA6]

+ +

RMS : [toujours irrité] Je ne vous avais pas +entendu avant… c'est totalement idiot… c'est comme essayer +de… Oh, à quoi puis-je comparer ?… C'est comme essayer de tuer +un éléphant avec un moule à gaufres, je veux dire qu'ils n'ont rien à faire +l'un avec l'autre.

+ +

[un silence ininterprétable tombe]

+ +

MA10 : Vous avez pensé aux changements [inaudible, dans +le domaine du secret industriel ?]

+ +

RMS : Hmm, oui : le secret industriel s'est développé dans +une direction très inquiétante et très dangereuse. Autrefois, cela +signifiait que vous vouliez maintenir secrète une certaine chose, donc que +vous ne l'aviez dite à personne. Plus tard, la pratique s'est établie dans +les affaires de dire à quelques personnes seulement une chose sur laquelle +elles devaient accepter de garder le secret. Mais maintenant, ça prend une +tournure où les personnes du grand public sont obligées de garder des +secrets de fabrication, même si elles n'ont jamais convenu de quelque façon +que ce soit de garder ces secrets. On fait pression sur elles. +Ainsi, à ceux qui prétendent que le secret industriel représente la mise en +œuvre de certains de leurs droits, ce n'est simplement plus vrai. Ils +obtiennent l'aide explicite du gouvernement en forçant les autres à garder +leurs secrets. Et nous pourrions nous demander si les accords de +non-divulgation doivent d'une manière générale être considérés comme des +contrats légitimes, à cause de la nature antisociale du secret +industriel. On ne devrait pas considérer comme automatiquement contraignante +la simple promesse de garder un secret.

+ +

Peut-être que dans certains cas on devrait, et dans d'autres non. S'il y a +un avantage clair pour le public à connaître le secret, alors peut-être que +ça devrait invalider le contrat. Ou peut-être devrait-il être valide quand +il est signé avec des clients. Ou peut-être entre une société et un… +Peut-être que ça devrait être légitime quand une entreprise fournit des +secrets à ses fournisseurs, mais à ses clients, non.

+ +

Il y a diverses possibilités auxquelles chacun peut réfléchir, mais le point +de départ est que quiconque n'a pas accepté volontairement de garder ces +secrets ne devrait pas être lié par le secret industriel. C'était comme ça +il n'y a pas si longtemps encore. Peut-être que c'est toujours comme ça en +Europe, je ne suis pas sûr.

+ +

MA11 : Est-ce acceptable qu'une entreprise le demande à +ses…

+ +

RMS : employés ?

+ +

MA11 : Non non

+ +

RMS : fournisseurs ?

+ +

MA11 : Oui, fournisseurs. Et si le client est un autre +fournisseur ?

+ +

[blanc pendant que le minidisque est changé]

+ +

RMS : Commençons par ne pas l'encourager.

+ +

MA12 : J'ai une question concernant votre avis sur le +travail scientifique publié dans les revues et les manuels. Dans ma +profession, au moins une revue officielle et un manuel sont disponibles en +ligne. Ils gardent le copyright, mais il y a un libre accès aux ressources +pourvu qu'on ait accès à Internet.

+ +

RMS : Eh bien, c'est parfait. Mais il y a beaucoup de +revues où ce n'est pas comme ça. Par exemple, les revues de l'ACM5 auxquelles on ne peut accéder que si +l'on est abonné : elles sont bloquées. Aussi je pense que les revues +devraient toutes commencer à ouvrir un accès sur le web.

+ +

MA12 : Alors quel impact cela a-t-il sur l'importance du +copyright pour le public, que fondamentalement vous n'interfériez pas avec +la mise en libre accès sur le web ?

+ +

RMS : Eh bien, tout d'abord je suis en désaccord. Les sites +miroir sont essentiels. Ainsi, la revue devrait non seulement offrir un +accès libre mais devrait également donner à chacun la liberté d'installer +des sites miroirs avec des copies intégrales de ces articles. Sinon, il y a +un risque qu'ils se perdent. Diverses sortes de calamités pourraient causer +leur perte, vous savez : désastres naturels, désastres politiques, désastres +techniques, désastres bureaucratiques, désastres fiscaux… toutes +sortes de choses qui pourraient provoquer la disparition de ce site +particulier. Ainsi, ce que la communauté scientifique devrait logiquement +faire, c'est mettre tout son soin à créer un large réseau de sites miroirs +en s'assurant que chaque article soit disponible sur chaque continent, +depuis la côte jusqu'aux régions les plus reculées de l'intérieur. Et vous +savez, c'est exactement le genre de chose que les principales bibliothèques +considéreraient comme leur mission, si seulement on ne les en empêchait pas.

+ +

Aussi, ces revues devraient faire un pas de plus en avant. Non seulement +elles devraient dire que tout le monde peut accéder au site, mais également +que chacun peut installer un site miroir. Même si elles disaient « Vous +devez publier cette revue entièrement, y compris nos annonces +publicitaires », au moins cela réussirait à rendre la disponibilité +redondante, pour qu'elle ne soit pas en danger. Alors d'autres +établissements installeraient des sites miroirs, et je prévois que vous +auriez dans dix ans un système officieux très bien organisé pour coordonner +les sites miroirs et s'assurer que rien n'est oublié. +À l'heure actuelle, installer le site miroir d'une revue pour des années +coûte si peu que cela n'exige pas de financement spécial ; personne n'a à +travailler très dur, il suffit de laisser les bibliothécaires le faire. Quoi +qu'il en soit, oh, il y avait une autre question que ça soulevait… et +je ne me rappelle pas ce que c'était. Oh, bon, n'en parlons plus.

+ +

MA13 : Le problème de financement pour les œuvres +esthétiques… pensez-vous que la dynamique pourrait être… +[inaudible] bien que je comprenne les problèmes de… Je veux +dire qui contribue ? Et qui sera récompensé ? Est-ce que l'esprit du +logiciel libre [inaudible]

+ +

RMS : Je ne sais pas. Cela suggère certainement l'idée à +des gens. Nous verrons, je n'ai pas les réponses. Je ne sais pas comment +nous allons y arriver, j'essaye de réfléchir à l'endroit où nous devons +aller. Je ne sais pas comment nous pourrons y arriver. Les éditeurs sont si +puissants qu'ils peuvent faire exécuter leurs ordres par les +gouvernements. Comment allons-nous construire un monde où le public refuse +de tolérer ça plus longtemps, je ne sais pas. Je pense que la première chose +à faire est de rejeter clairement le mot « pirate » et les points de vue qui +vont avec. Toutes les fois que nous entendons cela, nous devons faire +entendre notre voix, dire que c'est de la propagande, qu'il n'est pas +mauvais pour les gens de partager ces œuvres publiées avec les autres, que +c'est comme de partager avec un ami, et que c'est bien. Et que partager avec +un ami est plus important que l'argent gagné par ces éditeurs. Que la +société ne devrait pas être façonnée selon leurs intérêts. + +Nous devons continuer… Parce que vous voyez, l'idée qu'ils ont +répandue – que tout ce qui réduit leur revenu est immoral et que donc les +gens doivent être restreints dans leurs activités par tous les moyens, pour +garantir qu'ils seront payés entièrement, c'est ce principe de base que nous +devons attaquer en premier. En général, la tactique des gens est de se +concentrer sur des questions secondaires, vous savez… Quand les +éditeurs exigent plus de pouvoir, les gens disent habituellement que cela +causera une certaine sorte de préjudice secondaire, et basent leurs +arguments là-dessus. Mais vous trouvez rarement quelqu'un (excepté moi) qui +dise que la raison d'être du changement est mauvaise, que c'est une erreur +de poser ce genre de restrictions, qu'il est légitime pour les gens de +vouloir modifier les copies et que ça devrait leur être permis. Nous +devrions être plus nombreux à le dire. Nous devons commencer à couper la +racine de leur empire et pas simplement taillader quelques feuilles.

+ +

MA14 : [inaudible] ce qui est important, c'est de +se concentrer sur le système de dons pour la musique.

+ +

RMS : Oui. Malheureusement, cette technique est couverte +par des brevets qui semblent très probablement utilisables.

+ +

[rires, on crie « non » dans l'assistance]

+ +

RMS : Cela peut mettre dix ans avant qu'on puisse le faire.

+ +

MA15 : On prendra seulement les lois françaises.

+ +

RMS : Je ne sais pas. Je pense que je devrais rendre la +parole à Mélanie dont la conférence devait commencer à trois heures. Et +hue ! donc.

+ +

RMS reste debout en silence. Il y a une pause avant le déclenchement des +applaudissements. RMS se tourne pour applaudir le gnou bourré de tissu qu'il +a placé sur le rétroprojecteur au début de la conférence.

+ +
+ + +
Notes de traduction
    +
  1. Le copyright américain est l'équivalent du droit +d'auteur français, mais il y a des différences significatives du point de +vue juridique, c'est pourquoi nous ne traduisons pas ce terme. 
  2. +
  3. La phrase originale est : I can't say I'm sure +that in all of these areas we can't produce progress without copyright +restrictions stopping people … Son sens est manifestement +contraire à l'argument exposé. Nous supposons que l'enregistrement audio +ayant servi de base à la transcription n'était pas clair, et que can't +produce doit se lire can produce
  4. +
  5. En français dans le texte. 
  6. +
  7. Autre traduction de proprietary : +propriétaire. 
  8. +
  9. Association pour le développement des outils +informatiques. 
  10. +
+ + + + + + + + + -- cgit v1.2.3