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+
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+<title>Conférence de Stallman au Model Engineering College sur les dangers des
+brevets logiciels - Projet GNU - Free Software Foundation</title>
+
+<!--#include virtual="/philosophy/po/stallman-mec-india.translist" -->
+<!--#include virtual="/server/banner.fr.html" -->
+<h2>Le danger des brevets logiciels (2001)</h2>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong></p>
+<p> <em>Conférence donnée au <cite>Model Engineering College</cite> du
+Gouvernement du Kerala (Inde) en 2001</em> (<a
+href="http://audio-video.gnu.org/audio/rms-mec-india.ogg">enregistrement
+audio</a>)</p>
+<hr class="thin" />
+
+<div><h3><a id="sommaire">Sommaire</a></h3>
+
+<p><a href="#intro">Présentation du conférencier</a></p>
+
+<p><a href="#conf">Conférence de Stallman</a></p>
+
+<ul>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf1">Il y a deux choses qui ne vont pas dans
+l'expression « propriété intellectuelle ».</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf2">Les copyrights et les brevets n'ont
+rien à faire ensemble.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf3">Comment marche le système de
+brevets.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf4">Vous devez travailler avec un
+juriste.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf5">Contourner le brevet.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf6">Obtenir une licence d'exploitation.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf7">Contester la validité du brevet.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf8">Personne ne peut réinventer
+complètement le domaine du logiciel.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf9">La relation entre brevets et produits
+varie suivant les spécialités.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf10">Le développement de programmes est
+freiné par les brevets logiciels.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf11">Que peut faire un pays pour éviter ce
+problème ?</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf12">C'est aux citoyens de l'Inde de
+préserver leur pays des brevets logiciels.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf13">Les entreprises doivent exiger
+l'opposition aux brevets logiciels.</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#conf14">C'est important que les pays se
+concertent pour agir contre cela.</a></li>
+</ul>
+
+<p><a href="#questions">Questions de l'auditoire</a></p>
+
+<ul>
+ <li><a class="nounderline" href="#questions1">Questions sur les brevets
+logiciels</a></li>
+ <li><a class="nounderline" href="#questions2">Questions sur le logiciel
+libre</a></li>
+</ul>
+</div>
+
+<!-- Summary -->
+<div><h3 id="intro"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Présentation du
+conférencier</h3>
+
+<p><strong>Le Professeur Jyothi John, responsable du département
+d'informatique, présente Stallman :</strong></p>
+
+<p> C'est pour moi un privilège d'accueillir et un devoir de vous présenter
+l'hôte le plus illustre qui ait jamais rendu visite à ce collège.</p>
+
+<p> M. Richard Matthew Stallman a lancé le développement du système
+d'exploitation GNU en 1984, dans le but de créer un système d'exploitation
+de type Unix qui soit complètement libre. L'organisation qui a été fondée en
+1985 pour servir cet objectif est la <cite>Free Software
+Foundation</cite>.<a id="TransNote1-rev" href="#TransNote1"><sup>a</sup></a></p>
+
+<p> Stallman est un visionnaire de l'informatique moderne. C'est le génie qui se
+cache derrière des programmes comme Emacs, GCC, le débogueur GNU et bien
+d'autres. Surtout, il est l'auteur de la licence publique générale GNU,
+licence sous laquelle plus de la moitié du logiciel libre est distribué et
+développé. L'association de GNU avec le noyau Linux, appelée « système
+d'exploitation GNU/Linux », a maintenant vingt millions d'utilisateurs dans
+le monde, selon les estimations.</p>
+
+<p> La manière dont Stallman conçoit le logiciel libre nous parle de liberté,
+plutôt que de prix.<a id="TransNote2-rev"
+href="#TransNote2"><sup>b</sup></a> Ses idées contribuent grandement à
+garantir le développement de logiciels destinés au bien-être de la société,
+par des programmeurs travaillant collectivement, sans « verrouiller » leur
+travail, mais au contraire en le laissant à la disposition des autres pour
+l'étudier, le modifier et le redistribuer.</p>
+
+<p> Stallman a reçu le prix Grace Hopper de l'<cite>Association for Computing
+Machinery</cite><a id="TransNote3-rev" href="#TransNote3"><sup>c</sup></a>
+en 1991, peu après s'être vu attribuer (en 1990) une bourse de la fondation
+MacArthur – parmi les autres lauréats de cette bourse prestigieuse, on
+trouve Noam Chomsky et Tim Berners-Lee. En 1996, il a reçu le titre de
+docteur honoris causa en technologie de l'Institut royal de Suède. En 1998,
+il a reçu le prix Pioneer de l'<cite>Electronic Frontier Foundation</cite>
+en même temps que Linus Torvalds, et en 1999 le prix créé en mémoire de Yuri
+Rubinski.</p>
+
+<p> Aujourd'hui, Stallman va nous parler du danger des brevets logiciels. De
+fait, c'est l'un des aspects les plus importants de la liberté de
+programmer, parce que les brevets logiciels font courir à tous les
+programmeurs le risque d'enfreindre la loi. Ils pourraient en effet, sans le
+savoir, être en train de violer quelques-uns des brevets détenus par une
+autre société.</p>
+
+<h3 id="conf"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Conférence de Stallman</h3>
+
+<p> Après cette introduction, je suis sûr que beaucoup d'entre vous veulent en
+savoir plus sur le logiciel libre. Mais malheureusement ce n'est pas de cela
+que je suis censé parler. En fait, la question que je vais aborder, celle
+des brevets logiciels, <em>n'est pas</em> liée très étroitement à celle du
+logiciel libre : les brevets logiciels sont un danger pour tous les
+programmeurs et pour tous les utilisateurs de l'informatique. Naturellement,
+c'est mon travail sur le logiciel libre qui m'en a fait prendre conscience,
+car les brevets logiciels sont un danger pour mon projet aussi bien que pour
+chacun des autres projets de développement logiciel dans le monde.</p>
+
+<h4 id="conf1"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Il y a deux choses qui
+ne vont pas dans l'expression « propriété intellectuelle ».</h4>
+
+<p> Il y a une expression très malencontreuse que vous avez probablement déjà
+entendue : « propriété intellectuelle ». Il y a deux choses qui ne vont pas
+dans cette expression.</p>
+
+<p> La première : elle préjuge d'une question politique primordiale, à savoir
+comment traiter telle ou telle catégorie d'idées, de pratiques, d'œuvres, ou
+de n'importe quoi d'autre. Elle suppose que toutes seront traitées comme une
+propriété quelconque. Pourtant, c'est une décision de politique publique et
+l'on doit pouvoir examiner les différentes alternatives pour choisir la
+meilleure. Ce qui veut dire qu'il ne faut pas désigner l'ensemble de ce
+sujet, désigner cette question, par un terme qui préjuge de quelle sorte de
+réponse on va lui donner.</p>
+
+<p> Deuxième problème, encore plus fondamental, cette expression est en réalité
+un fourre-tout pour des domaines du droit complètement différents comme les
+copyrights, les brevets, les marques déposées, les secrets de
+fabrication, etc. Pourtant, ils n'ont en réalité presque rien en commun. Le
+contenu des lois change totalement quand on passe de l'un à l'autre. Leurs
+origines sont complètement indépendantes et les questions de politique
+publique qu'ils soulèvent sont complètement différentes. Aussi, la seule
+manière intelligente d'y réfléchir est de les examiner une à une ; d'y
+réfléchir séparément.</p>
+
+<p> La manière intelligente d'en parler est de ne jamais généraliser, mais au
+contraire de parler d'un domaine spécifique. Vous savez, parler des
+copyrights, ou bien parler des brevets, ou bien parler des marques déposées,
+mais ne jamais les mettre dans le même sac sous le nom de « propriété
+intellectuelle », parce que c'est la meilleure façon d'arriver à des
+conclusions simplistes. Il est presque impossible de réfléchir
+intelligemment à la propriété intellectuelle et je refuse de le faire. Je
+dis seulement aux gens pourquoi je pense que cette expression est erronée,
+et ensuite, s'ils me demandent mon opinion sur les copyrights ou mon opinion
+sur les brevets, cela me prendra une heure pour la leur donner. Mais ce sera
+deux opinions différentes, et mon opinion sur les marques déposées est
+encore quelque chose de complètement différent.</p>
+
+<h4 id="conf2"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Les copyrights et les
+brevets n'ont rien à faire ensemble.</h4>
+
+<p> Donc pour commencer, le plus important pour vous est de ne jamais mélanger
+le sujet des copyrights avec le sujet des brevets. Ils n'ont rien à faire
+ensemble. Permettez-moi de vous citer quelques-unes des différences
+fondamentales entre les copyrights et les brevets :</p>
+
+<ul class="blurbs">
+ <li> Un copyright s'applique à une œuvre particulière, la plupart du temps
+écrite, et il concerne les détails de cette œuvre. Les idées en sont
+complètement exclues. Les brevets, au contraire&hellip; Eh bien, un brevet
+couvre une idée. C'est aussi simple que ça. Décrivez-moi n'importe quelle
+idée, c'est une idée qu'un brevet pourrait vous empêcher de mettre en
+application.</li>
+
+ <li> Les copyrights ont à voir avec le plagiat ; si vous aviez écrit quelque
+chose qui soit mot pour mot identique à un certain roman à succès et que
+vous puissiez prouver que vous l'avez fait alors que vous étiez enfermé dans
+une pièce, sans avoir jamais vu ce roman, ce ne serait pas une infraction au
+copyright parce que ce n'est pas du plagiat. Mais un brevet est un monopole
+absolu sur l'utilisation d'une idée particulière. Même si vous pouviez
+démontrer que vous y avez pensé tout seul, ce serait considéré comme
+absolument non pertinent. Cela ne vous aiderait pas.</li>
+
+ <li> La mise sous copyright est automatique. Dès lors que l'on a écrit quelque
+chose, c'est sous copyright. Les brevets, par contre, sont octroyés à la
+suite d'un processus de demande qui coûte cher. Il y a des frais importants,
+et encore des dépenses supplémentaires pour payer les avocats, ce qui
+naturellement favorise les grosses sociétés. L'office des brevets dit qu'il
+n'octroie de brevets que pour des choses <em>non évidentes</em>. Mais en
+pratique, dans beaucoup d'offices de brevets, le critère est plutôt : « non
+évident pour une personne ayant un QI de 50 ». Et ils donnent toutes sortes
+d'excuses pour ignorer le fait qu'après avoir regardé le brevet, n'importe
+quel programmeur s'écrie : « C'est absurde, c'est évident ! » Ils
+répondent : « Bon, cela semble évident après coup. » Ainsi ils ont une
+excuse facile pour ignorer complètement le jugement de tout vrai
+programmeur.</li>
+
+ <li> Le copyright dure extrêmement longtemps. Aux États-Unis de nos jours, les
+copyrights peuvent durer près de 150 ans, ce qui est absurde. Les brevets,
+eux, ne durent pas aussi longtemps ; ils durent seulement longtemps – vingt
+ans, ce qui dans le monde du logiciel est long, vous l'imaginez bien.</li>
+</ul>
+
+<p> Il y a encore beaucoup d'autres différences. En fait ils diffèrent dans tous
+les détails. Aussi la pire chose que vous puissiez jamais faire si vous
+apprenez quelque chose à propos des copyrights, c'est de supposer que c'est
+vrai également pour les brevets. Non, il est plus probable que ce n'est pas
+vrai pour les brevets. Si c'est vrai pour les copyrights, ce n'est pas vrai
+pour les brevets ; voilà un meilleur principe, si vous ne savez pas.</p>
+
+<h4 id="conf3"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Comment marche le
+système de brevets.</h4>
+
+<p> La plupart du temps, les personnes qui décrivent comment marche le système
+de brevets sont des personnes qui ont un intérêt personnel dans le
+système. Et ainsi elles le décrivent du point de vue de quelqu'un qui veut
+obtenir un brevet, pour ensuite le braquer sur les programmeurs en leur
+disant : « File-moi ton argent. » C'est naturel, vous savez. Quand on vend
+des billets de loterie, on parle des gens qui gagnent, pas de ceux qui
+perdent. Naturellement, la plupart des gens perdent, mais les vendeurs de
+billets ne veulent pas que vous y pensiez, alors ils parlent des gens qui
+gagnent. C'est la même chose avec les brevets. Le système de brevets est une
+loterie très coûteuse pour les participants. Mais naturellement, les
+personnes qui le gèrent veulent que vous pensiez à la petite chance que vous
+avez de gagner.</p>
+
+<p> Aussi, pour rétablir l'équilibre, je vais vous expliquer à quoi ressemble le
+système de brevets du point de vue d'une personne qui pourrait en être
+victime, c'est-à-dire d'une personne qui veut développer du
+logiciel. Supposons que vous vouliez développer un programme et que vous
+soyez dans un pays qui a des brevets logiciels. Comment devez-vous aborder
+ce système ? </p>
+
+<p> Eh bien, d'abord, vous devez chercher à savoir comment les brevets
+pourraient éventuellement affecter votre champ d'activité. C'est impossible,
+car les brevets en cours d'examen par l'office des brevets sont
+confidentiels. D'accord, dans certains pays ils sont publiés dix-huit mois
+plus tard, mais cela leur laisse encore un temps appréciable pour rester
+secrets. Ainsi vous pourriez développer un programme cette année, qui serait
+parfaitement licite et sans danger, cette année. Et puis l'année prochaine,
+un brevet pourrait être accordé et tout d'un coup vous pourriez faire
+l'objet de poursuites. Cela arrive. Ou bien vos utilisateurs pourraient être
+poursuivis.</p>
+
+<p> Par exemple, en 1984 nous avons développé le programme Compress, et comme
+c'était un logiciel libre, il a été distribué par beaucoup de sociétés avec
+les systèmes Unix. Eh bien, en 1985, un brevet a été pris aux États-Unis sur
+l'algorithme de compression LZW utilisé par Compress, et après quelques
+années Unisys a commencé à soutirer de l'argent à diverses sociétés.</p>
+
+<p> Comme nous, au projet GNU, avions besoin d'un programme de compression de
+données et que nous ne pouvions plus utiliser Compress, nous avons commencé
+à chercher un autre programme de compression. Quelqu'un s'est présenté et a
+dit : « J'ai travaillé sur cet algorithme pendant un an et maintenant j'ai
+décidé de vous l'offrir. Voici le code. » Nous étions à une semaine de
+sortir ce programme quand je suis tombé par hasard sur un exemplaire du
+<cite>New-York Times</cite>, ce qui n'arrive pas très souvent. Il se trouve
+qu'il contenait justement la rubrique hebdomadaire des brevets ; je l'ai
+remarquée, et donc je l'ai lue. Elle disait que quelqu'un avait obtenu un
+brevet pour l'invention d'une nouvelle méthode, d'une meilleure méthode de
+compression. Bon, ce n'était pas vraiment le cas.
+Quand j'ai vu ça, j'ai pensé que nous ferions mieux de nous procurer une
+copie de ce brevet pour voir s'il posait problème. Et il se trouve qu'il
+couvrait exactement l'algorithme que nous étions sur le point de
+publier. Ainsi ce programme a été tué une semaine avant sa sortie. Et en
+fait, la méthode que cette personne (le titulaire de ce brevet) avait
+inventée n'était pas meilleure, parce qu'elle n'était pas nouvelle. Mais
+cela n'a pas d'importance, il avait un monopole.</p>
+
+<p> Finalement nous avons trouvé un autre algorithme de compression, qui est
+maintenant utilisé dans le programme connu sous le nom de GZIP. Mais ceci
+illustre le danger auquel vous êtes confrontés : même si vous aviez des
+moyens illimités, vous ne pourriez pas découvrir tous les brevets
+susceptibles de mettre en danger votre projet. Mais vous pouvez vous
+renseigner sur les brevets existants parce qu'ils sont publiés par l'office
+des brevets. Donc en principe vous pourriez tous les lire et voir ce qu'ils
+restreignent, ce qu'ils vous empêchent de faire. En pratique, cependant, à
+partir du moment où il existe des brevets logiciels, il y en a tant que vous
+ne pouvez pas soutenir le rythme.
+Aux États-Unis il y en a plus de cent mille, peut-être deux cent mille à
+l'heure actuelle. C'est juste une estimation. Je sais qu'il y a dix ans ils
+en accordaient dix mille par an et je crois que le rythme s'est accéléré
+depuis. C'est trop pour que vous puissiez vous tenir au courant, à moins que
+ce ne soit votre travail à plein temps. Cela dit, vous pouvez rechercher
+ceux qui ont rapport avec ce que vous faites ; cela marche parfois. Si vous
+faites des recherches avec certains mots-clés ou suivez des liens, vous
+trouverez des brevets qui se rapportent à ce que vous faites. Mais vous ne
+les trouverez pas <em>tous</em>.</p>
+
+<p> Il y a quelques années, quelqu'un avait un brevet américain – peut-être
+a-t-il expiré depuis – sur le « recalcul<a id="TransNote4-rev"
+href="#TransNote4"><sup>d</sup></a> en ordre naturel » dans les
+tableurs. Maintenant, qu'est-ce que ça veut dire ? Cela signifie que les
+tableurs, à l'origine, recalculaient toujours de haut en bas. Ce qui veut
+dire que si jamais une cellule dépendait d'une autre cellule placée plus
+bas, elle n'était pas recalculée en une fois ; vous deviez faire un autre
+recalcul pour l'obtenir. C'est clair qu'il vaut mieux recalculer dans le bon
+sens, vous savez. Si A dépend de B, alors calculez B d'abord, puis calculez
+A. De cette façon, un seul recalcul rendra l'ensemble cohérent. Eh bien,
+c'est cela que le brevet couvrait.</p>
+
+<p> Si vous aviez fait une recherche sur le mot « tableur », vous n'auriez pas
+trouvé ce brevet parce que ce mot n'y figurait pas. L'expression « recalcul
+en ordre naturel » n'y figurait pas non plus. Cet algorithme (c'était bien
+l'algorithme qui était breveté, à peu près tous les moyens imaginables de le
+coder), cet algorithme est appelé « tri topologique », et cette expression
+n'apparaissait pas non plus dans le brevet. Il était présenté comme se
+rapportant à une technique de compilation. Ainsi une recherche raisonnable<a
+id="TransNote5-rev" href="#TransNote5"><sup>e</sup></a> ne l'aurait pas
+trouvé, mais malgré tout il aurait justifié des poursuites contre vous.</p>
+
+<p> En réalité vous ne pouvez pas savoir, même approximativement, ce qu'un
+brevet logiciel recouvre, à moins de l'étudier soigneusement. C'est
+différent des autres spécialités, parce que dans les autres spécialités
+quelque chose de physique se produit et les détails de cette chose physique
+vous donnent habituellement une sorte de point d'ancrage pour déterminer si
+le brevet concerne votre projet, ou non. Mais dans le logiciel, il n'y a
+rien de tel. Ainsi il arrive facilement que deux descriptions totalement
+différentes recouvrent, en fait, le même calcul. Il faut les étudier en
+détail pour s'en apercevoir. C'est pourquoi même l'office des brevets s'y
+perd. Ainsi il n'y a pas un, mais deux brevets sur la compression de données
+LZW. Le premier a été attribué en 1985 et le second, je pense, en 1989, mais
+ce dernier avait été demandé encore plus tôt. Un de ces brevets appartient à
+Unisys et l'autre à IBM.</p>
+
+<p> En réalité, ce type d'erreur n'est pas si rare. Celle-là n'est pas
+unique. Voyez-vous, les examinateurs des brevets n'ont pas beaucoup de temps
+à consacrer à chacun d'eux. Aux États-Unis, ils ont en moyenne 17 heures. Ce
+n'est pas suffisant pour étudier en détail tous les autres brevets de la
+même spécialité, pour voir si c'est vraiment la même chose. C'est pourquoi
+ils répéteront cette sorte d'erreur indéfiniment.</p>
+
+<h4 id="conf4"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Vous devez travailler
+avec un avocat.</h4>
+
+<p> Donc vous ne trouverez pas tous les brevets qui pourraient vous menacer,
+mais vous en trouverez quelques-uns. Alors, qu'est-ce que vous faites ? Vous
+devez essayer de déterminer précisément ce que ces brevets
+interdisent. C'est très difficile parce que les brevets sont rédigés dans un
+langage juridique tortueux qui est très difficile à comprendre pour un
+ingénieur. Il va vous falloir y travailler avec un avocat.</p>
+
+<p> Dans les années 80, le gouvernement australien a commandité une étude sur le
+système de brevets – le système de brevets en général, pas seulement les
+brevets logiciels. Cette étude concluait que l'Australie ferait mieux
+d'abolir ce système parce qu'il rendait très peu service à la société et
+causait beaucoup d'ennuis. La seule raison pour laquelle ils ne
+recommandaient pas de le faire était la pression internationale. Parmi les
+arguments, il y avait le fait que les brevets, pourtant censés divulguer
+l'information pour qu'elle ne reste pas secrète, ne servaient pas cet
+objectif en pratique. Les ingénieurs ne regardaient jamais les brevets pour
+essayer d'apprendre quoi que ce soit parce qu'ils sont trop difficiles à
+lire. Par exemple ils citaient un ingénieur qui disait : « Je n'arrive pas
+reconnaître mes propres inventions dans les brevets. » Et ce n'est pas
+seulement théorique.</p>
+
+<p> Il y a quelques années aux États-Unis, un ingénieur nommé Paul Heckel a
+poursuivi Apple. Il avait pris deux brevets à la fin des années 80 pour un
+logiciel. Puis il a vu HyperCard, et après l'avoir examiné il s'est dit :
+« Cela ne ressemble pas à mon programme. » Il n'y a plus pensé, mais plus
+tard son avocat lui a expliqué qu'en lisant son brevet avec attention, on
+constatait qu'HyperCard tombait dans le domaine interdit. Il a donc
+poursuivi Apple, supputant que ce serait peut-être l'occasion de gagner un
+peu d'argent. Eh bien, une fois, alors que je donnais une conférence comme
+celle-ci, il était dans l'assistance et a dit : « Oh non, ce n'est pas vrai,
+c'est seulement que je ne connaissais pas l'étendue de ma protection. » Et
+j'ai répondu : « Oui, c'est ce que je viens de dire. »</p>
+
+<p> Ainsi, vous allez devoir passer beaucoup de temps à travailler avec un
+avocat, à lui expliquer sur quels projets vous travaillez, pour que l'avocat
+puisse vous expliquer ce que les brevets impliquent. Cela va coûter cher. Et
+quand vous aurez fini, l'avocat vous dira à peu près ceci : « Si vous faites
+quelque chose dans ce domaine-ci, vous êtes presque sûr de perdre un
+procès. Si vous faites quelque chose dans ce domaine-là, vous êtes
+considérablement en danger et si vous voulez vraiment être en sécurité vous
+feriez mieux d'en rester à l'écart. Et naturellement il y a un facteur
+chance considérable dans le résultat de toute procédure. » Alors, maintenant
+que vous avez un terrain prévisible pour mener vos affaires, qu'est-ce que
+vous allez faire ?</p>
+
+<p> Eh bien, vous devez envisager trois possibilités :</p>
+
+<ul>
+ <li>essayer de <a href="#conf5">contourner le brevet</a>,</li>
+ <li>essayer d'en <a href="#conf6">obtenir une licence d'exploitation</a></li>
+ <li>ou bien essayer d'en <a href="#conf7">contester la validité</a> devant les
+tribunaux.</li>
+</ul>
+
+<p> Chacune des trois est quelquefois une alternative viable, quelquefois elle
+ne l'est pas.</p>
+
+<h4 id="conf5"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Contourner le brevet.</h4>
+
+<p> Voyons d'abord comment contourner le brevet. Dans certains cas, c'est
+facile. Unisys, rappelez-vous, menaçait de son brevet les gens qui se
+servaient de la compression LZW. Eh bien, il nous a suffi de trouver un
+autre algorithme de compression et nous avons pu contourner ce brevet. Cela
+a été un peu difficile parce qu'il y avait beaucoup d'autres brevets
+couvrant un tas d'autres algorithmes de compression de données. Mais
+finalement nous en avons trouvé un qui n'était pas dans le domaine couvert
+par les brevets des autres ; finalement nous y sommes arrivés. Puis ce
+programme a été mis en œuvre. Il donnait en fait de meilleurs résultats de
+compression, et maintenant nous avons GZIP, que beaucoup de gens
+utilisent. Ainsi, dans ce cas précis, cela a demandé beaucoup de travail,
+mais nous avons pu le faire ; nous avons contourné le brevet.</p>
+
+<p> Mais dans les années 80, CompuServe avait défini un format d'image appelé
+GIF qui utilisait l'algorithme de compression LZW. Naturellement, lorsqu'ils
+ont eu vent du tumulte entourant ce brevet, des gens ont défini un autre
+format d'image utilisant un algorithme de compression différent. Ils se sont
+servi de l'algorithme GZIP. Ce format est appelé PNG, ce qui, je suppose,
+veut dire <cite>PNG is Not GIF</cite> (PNG N'est pas GIF).</p>
+
+<p> Mais il y avait un problème : beaucoup de gens avaient déjà commencé à se
+servir du format GIF et beaucoup de programmes pouvaient afficher le format
+GIF et produire du format GIF, mais ils ne pouvaient pas afficher le format
+PNG. Le résultat, c'est que les gens trouvaient trop difficile de changer de
+format. Vous voyez, quand vous avez un programme de compression utilisé par
+quelqu'un qui veut comprimer des données, si cette personne peut être
+poursuivie pour avoir utilisé un programme et que vous lui en donnez un
+autre, alors elle va migrer ; mais si ce qu'elle veut faire, c'est des
+images qui puissent être affichées par Netscape, alors elle ne peut pas
+migrer, à moins que Netscape ne commence à gérer le nouveau format&hellip;
+et ce n'était pas le cas.
+
+Il s'est passé des années, je pense, avant que Netscape gère le format
+PNG. Pour l'essentiel, les gens disaient : « Je ne peux pas changer, il faut
+que je&hellip; » Au final, la société avait tant investi dans ce seul format
+que l'inertie rendait le changement impossible, alors même qu'un autre
+format, supérieur, était disponible.</p>
+
+<p> Même quand un brevet couvre un domaine assez étroit, le contourner peut être
+très difficile. Les spécifications de PostScript incluent la compression LZW
+que nous ne pouvons pas utiliser dans notre implémentation de
+PostScript. Nous employons une autre sorte de compression, d'une manière peu
+orthodoxe bien qu'elle donne un résultat utilisable. Ainsi, même un brevet
+couvrant un domaine étroit n'est pas toujours possible à contourner en
+pratique.</p>
+
+<p> Quelquefois, c'est une fonctionnalité qui est brevetée. Dans ce cas, on peut
+contourner le brevet en enlevant cette fonctionnalité. Vers la fin des
+années 80, les utilisateurs du logiciel de traitement de texte XyWrite ont
+reçu par la poste une mise à jour dégradant le programme au lieu de
+l'améliorer. Ce logiciel avait une fonctionnalité qui permettait de définir
+un mot court, une suite de quelques lettres, comme abréviation. Quand on
+tapait ces quelques lettres, puis un espace, on obtenait le mot complet. On
+pouvait définir cette abréviation comme on voulait. Puis quelqu'un prit un
+brevet sur cette fonctionnalité et XyWrite décida de traiter le problème en
+l'enlevant. Ils m'ont contacté parce qu'en fait j'avais mis une
+fonctionnalité similaire dans la version originale de l'éditeur Emacs, dans
+les années 70 – de nombreuses années avant ce brevet. Ainsi il y avait une
+chance que je puisse leur donner des arguments qui leur auraient permis de
+lutter contre le brevet.</p>
+
+<p> Bon. Au moins, cela m'a montré que j'avais eu au moins une idée brevetable
+dans ma vie. Je le sais parce que quelqu'un d'autre a pris le
+brevet. Naturellement, vous pouvez réagir aux brevets qui couvrent des
+fonctionnalités en enlevant ces dernières. Mais quand plusieurs des
+fonctions que les utilisateurs recherchent commenceront à manquer dans votre
+programme, il pourrait ne plus être d'aucune utilité en tant que programme.</p>
+
+<p> Vous avez peut-être entendu parler de Photoshop. Nous avons un programme
+appelé « le Gimp » qui est plus puissant et d'application plus générale que
+Photoshop. Mais il y a une fonctionnalité importante dont il est dépourvu,
+c'est le système Pantone de correspondance des couleurs, très important
+lorsqu'on veut effectivement imprimer des images sur papier avec des
+résultats reproductibles. Cette fonctionnalité a été omise parce qu'elle est
+brevetée. Il s'ensuit que le programme est déficient pour un groupe
+important d'utilisateurs.</p>
+
+<p> Si vous regardez les programmes actuels, vous verrez que souvent ils ont de
+nombreuses fonctionnalités ; les utilisateurs les réclament. Si l'une des
+fonctions importantes manque, eh bien, on peut facilement la laisser de
+côté, mais les résultats sont parfois très mauvais.</p>
+
+<p> Bien sûr, il arrive qu'un brevet couvre un domaine si étendu qu'il est
+impossible de le contourner. Le chiffrement à clé publique est essentiel
+pour préserver la vie privée des utilisateurs de l'informatique. L'ensemble
+de ce domaine était breveté. Ce brevet a expiré il y a juste quatre ans ;
+jusque-là, il ne pouvait pas y avoir de logiciel libre aux États-Unis pour
+le chiffrement à clé publique : plusieurs programmes libres et non libres
+avaient été anéantis par les titulaires du brevet. Et de fait tout ce
+domaine de l'informatique a été retardé pendant plus d'une décennie malgré
+le grand intérêt qu'il suscite.</p>
+
+<h4 id="conf6"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Obtenir une licence
+d'exploitation.</h4>
+
+<p> Voilà donc la possibilité de contourner le brevet. Une autre option
+quelquefois disponible est d'obtenir une licence d'exploitation. Cependant
+le titulaire n'est pas obligé de vous offrir une licence. Cela dépend de son
+caprice ; le titulaire du brevet peut dire : « Je ne donne pas de licence
+pour ceci, votre boîte est coulée, point final ! »</p>
+
+<p> À la <cite>League for Programming Freedom</cite><a id="TransNote6-rev"
+href="#TransNote6"><sup>f</sup></a>, nous avons entendu parler au début des
+années 90 d'une personne dont l'entreprise familiale fabriquait des jeux de
+casino, informatisés naturellement. Cette personne avait été menacée par
+quelqu'un qui avait un brevet sur une catégorie très large de jeux de casino
+sur ordinateur. Le brevet couvrait un réseau dans lequel il y a plus d'une
+machine, chaque machine permettant de jouer à plus d'un type de jeu et
+d'afficher le déroulement de plus d'un jeu simultanément.</p>
+
+<p> Maintenant, il y a une chose dont vous devez vous rendre compte : l'office
+des brevets pense que c'est vraiment génial. Si vous voyez que d'autres ont
+mis en œuvre une opération et que vous décidez de mettre en œuvre deux
+opérations ou plus – vous savez, s'ils ont construit un système qui permet
+de jouer à un jeu et que vous le rendez capable de jouer à plus d'un jeu –
+c'est une invention. Si le système peut afficher un jeu et que vous faites
+en sorte d'afficher deux jeux à la fois, c'est une invention. S'il le fait
+avec un ordinateur et que vous le faites avec un réseau de plusieurs
+ordinateurs, c'est une invention, de leur point de vue. Ils pensent que ces
+étapes sont vraiment géniales.</p>
+
+<p> Naturellement nous savons, nous qui sommes dans l'informatique, qu'il y a
+une règle de base : si l'on fait une opération quelconque une fois, on peut
+généraliser et la faire plus d'une fois. Il n'y a pas de principe plus
+évident. Chaque fois que vous écrivez un sous-programme, c'est ce que vous
+faites. Voilà donc une des raisons récurrentes pour lesquelles le système de
+brevets produit, puis confirme, des brevets dont nous dirions tous qu'ils
+sont ridiculement évidents. On ne peut pas partir du principe qu'ils ne
+tiendraient pas devant un tribunal pour la simple raison qu'ils sont
+ridiculement évidents. Ils peuvent être valides juridiquement bien que
+totalement stupides.</p>
+
+<p> Ainsi, cette personne était confrontée à ce brevet, et son titulaire ne lui
+a même pas donné la possibilité d'acheter une licence. « Ferme boutique ! »
+Voilà ce qu'a dit le titulaire du brevet, et c'est ce qu'elle a fait en fin
+de compte. Elle n'avait pas les moyens de se battre.</p>
+
+<p> Cependant, beaucoup de titulaires de brevets vous permettront d'obtenir une
+licence, mais cela vous coûtera cher. Les propriétaires du brevet sur le
+recalcul en ordre naturel exigeaient cinq pour cent des ventes brutes de
+chaque tableur, et l'on m'a dit que c'était le tarif réduit d'avant le
+procès. Si vous alliez jusqu'à la bataille judiciaire, le tarif
+augmentait. Vous pourriez, je suppose, acheter une licence comme celle-là
+pour un brevet, vous pourriez le faire pour deux, vous pourriez le faire
+pour trois. Mais supposez que votre programme utilise, disons, vingt
+brevets, et que chaque titulaire de brevet demande cinq pour cent des ventes
+brutes ? Et s'il y en a vingt-et-un ? Alors vous êtes sacrément dans la
+mouise. Mais de fait, les chefs d'entreprise me disent que deux ou trois de
+ces brevets seraient une charge si lourde que pratiquement ils conduiraient
+la société à la faillite, même si théoriquement elle aurait pu s'en tirer.</p>
+
+<p> Donc, une licence d'exploitation n'est pas nécessairement praticable, et
+pour nous, développeurs de logiciel libre, c'est encore pire parce que nous
+ne pouvons même pas compter les exemplaires d'un programme. Comme la plupart
+des licences exigent une redevance par poste, cela nous est absolument
+impossible d'utiliser une de ces licences. Vous savez, si une licence
+coûtait un millionième de roupie par exemplaire, il nous serait impossible
+de nous y conformer parce que nous ne pouvons pas les compter. Peut-être que
+j'ai assez d'argent dans ma poche, mais je ne peux pas compter ce que
+j'achète, donc je ne peux pas le payer. C'est pourquoi c'est
+particulièrement difficile pour nous par moment.</p>
+
+<p> Pourtant il existe une catégorie d'organisations pour lesquelles les
+licences de brevets marchent très bien, ce sont les grandes
+multinationales ; en effet elles possèdent elles-mêmes de nombreux brevets
+qui leur servent à forcer la négociation de licences croisées. Qu'est-ce que
+cela veut dire ? Eh bien, la dissuasion est pour ainsi dire la seule défense
+contre les brevets : vous devez posséder des brevets à vous, ensuite vous
+espérez que si quelqu'un vous vise avec un brevet, vous pourrez le viser en
+retour avec un des vôtres en disant : « Ne me fais pas de procès, parce
+qu'alors je t'en fais un. »</p>
+
+<p> Cependant, la dissuasion ne marche pas aussi bien avec les brevets qu'avec
+les armes nucléaires, parce que chaque brevet pointe dans une direction
+fixe. Il interdit certaines activités spécifiques. Le résultat, c'est que la
+plupart des sociétés qui essaient d'obtenir des brevets pour se défendre
+n'ont aucune chance d'y arriver. Peut-être qu'elles en obtiendront
+quelques-uns, vous savez. Elles pourraient obtenir un brevet qui pointe par
+ici, un qui pointe par là. OK, alors si quelqu'un là-bas menace cette
+société, que va-t-elle faire ? Elle n'a pas de brevet pointant de ce
+côté-là, donc elle est sans défense.</p>
+
+<p> Entre-temps, un jour ou l'autre, quelqu'un d'autre va venir se promener dans
+les parages et le dirigeant de la société va penser : « Ho, ho, nous ne
+sommes pas aussi profitables que je le souhaiterais, pourquoi ne pas lui
+soutirer un peu d'argent ? » Donc ils commencent par dire qu'ils prennent ce
+brevet pour leur défense, mais souvent ils changent d'avis par la suite
+quand une victime alléchante passe à proximité.</p>
+
+<p> Ceci, incidemment, montre à quel point est fallacieuse la légende que le
+système de brevets « protège » le « petit inventeur ». Permettez-moi de vous
+raconter cette légende, celle du génie affamé. Prenez quelqu'un qui a
+travaillé dans l'isolement pendant des années en crevant de faim, et qui a
+une idée novatrice brillante pour faire une chose ou l'autre. Alors il crée
+son entreprise et il a peur qu'une grande société comme IBM lui fasse
+concurrence. Il prend donc un brevet qui va le « protéger ».</p>
+
+<p> Naturellement, ce n'est pas comme cela que ça se passe dans notre
+spécialité. Les gens ne font pas ce genre d'innovation dans l'isolement. Ils
+travaillent avec d'autres, ils parlent avec les autres, d'habitude pour
+développer un logiciel. Donc ce scénario ne tient pas la route, et de plus,
+s'il était si bon informaticien, il n'aurait pas eu besoin de crever de
+faim. Il aurait pu trouver un travail n'importe quand s'il avait voulu.</p>
+
+<p> Mais admettons que cela se soit vraiment produit, et admettons qu'il ait
+obtenu son brevet et qu'il dise : « IBM, tu ne peux pas me faire concurrence
+parce que j'ai obtenu ce brevet. » Mais voici ce que répond IBM : « Bon,
+super, voyons un peu ton produit. Hum, je possède ce brevet-ci, ce brevet-là
+et encore celui-là, et celui-là, et celui-là, que ton produit est en train
+de violer. Pourquoi ne ferions-nous pas pas un accord de licences
+croisées ? » Et le génie affamé répond : « Hum, je n'ai pas assez de
+nourriture dans l'estomac pour lutter contre ces choses-là, je ferais mieux
+de céder. » Et donc ils signent un accord de licences croisées. Maintenant,
+devinez quoi&hellip; IBM peut lui faire concurrence. Il n'est pas du tout
+protégé !</p>
+
+<p> IBM peut faire cela parce qu'elle a un tas de brevets. Elle a des brevets
+pointant par ici, par là, par là, dans toutes les directions. Ainsi,
+quiconque attaque IBM, de n'importe où ou presque, s'expose à une
+confrontation. Une petite société ne peut pas faire cela, mais une grande
+peut le faire.</p>
+
+<p> IBM a écrit un article. C'était dans la revue <cite>Think</cite> – c'est la
+revue interne d'IBM – numéro cinq de 1990 je crois, un article sur son
+portefeuille de brevets. La société disait qu'elle avait deux manières de
+tirer profit de ses 9 000 brevets américains en état de validité. La
+première était de collecter des royalties. Mais la deuxième, la plus
+rentable, était d'avoir accès à des choses brevetées par d'autres – la
+permission, par le biais de licences croisées, de ne pas être attaquée par
+d'autres au moyen de leurs brevets. Et l'article disait que le second profit
+était supérieur au premier d'un ordre de grandeur. Autrement dit, l'avantage
+que tire IBM de travailler librement, sans être poursuivie, est dix fois
+supérieur à ce qu'elle gagne avec tous ses brevets.</p>
+
+<p> Cela dit, le système de brevets ressemble beaucoup à une loterie, dans le
+sens que ce qu'il advient d'un brevet particulier est essentiellement le
+fruit du hasard ; la plupart ne rapportent rien à leurs titulaires. Mais IBM
+est si grande que, sur l'ensemble de cette société, les choses s'équilibrent
+en moyenne. Donc on peut dire qu'IBM donne une bonne idée de la moyenne. Ce
+qu'on observe – et ceci est un peu subtil – c'est que l'avantage pour IBM de
+pouvoir utiliser les idées brevetées par d'autres contrebalance le mal que
+le système de brevets lui aurait fait s'il n'y avait pas de licences
+croisées – s'il lui était vraiment interdit d'utiliser les idées brevetées
+par d'autres.</p>
+
+<p> Autrement dit, les dommages que causerait le système de brevets sont dix
+fois supérieurs, en moyenne, aux bénéfices qu'il procure. Dans le cas d'IBM,
+cependant, ces dommages n'existent pas, parce qu'elle possède effectivement
+9 000 brevets et ainsi peut forcer des accords de licences croisées pour
+éviter le problème. Mais si vous êtes petit, alors vous ne pouvez pas éviter
+le problème de cette façon et vous serez vraiment confronté à dix fois plus
+d'ennuis que de profits. En tout cas, c'est la raison pour laquelle les
+grosses multinationales sont en faveur des brevets logiciels et font du
+lobbying auprès des gouvernements tout autour de la planète pour qu'ils les
+adoptent, en disant des choses naïves comme : « C'est une nouvelle sorte de
+monopole pour les développeurs de logiciel et ce doit être bon pour eux,
+n'est-ce pas ? »</p>
+
+<p> Bon. Aujourd'hui, après avoir écouté ma conférence, j'espère que vous
+comprenez pourquoi ce n'est pas vrai. Pour voir si les brevets logiciels
+sont bons ou mauvais, on doit regarder en détail comment ils affectent les
+développeurs. Mon but est de vous l'expliquer.</p>
+
+<h4 id="conf7"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Contester la validité du
+brevet.</h4>
+
+<p> Voilà donc la possibilité d'obtenir une licence d'exploitation. La troisième
+option possible est d'aller au tribunal pour contester la validité du
+brevet.</p>
+
+<p> Le résultat de cette procédure va dépendre pour une large part de détails
+techniques, c'est-à-dire essentiellement de données aléatoires, vous
+savez. Les dés ont été jetés il y a plusieurs années ; vous pouvez chercher
+à savoir ce que les dés ont décidé, et alors vous découvrirez si vous avez
+une chance, ou non. Ainsi, c'est essentiellement un accident historique qui
+détermine si un brevet est valide ; l'accident historique qui détermine si
+des gens ont publié des choses, ou plus précisément quelles choses ils ont
+publiées, et quand.</p>
+
+<p> Il y a donc quelquefois une possibilité de faire invalider un
+brevet. Cependant, même s'il est ridiculement trivial, on a parfois une
+bonne chance de le faire invalider, parfois non.</p>
+
+<p> On ne peut pas compter sur les tribunaux pour reconnaître qu'un brevet est
+trivial, parce que leurs standards sont généralement bien inférieurs à ce
+que nous considérerions comme raisonnable. De fait, c'est une tendance
+persistante aux États-Unis. J'ai vu une décision de la Cour suprême rendue
+aux alentours de 1954, qui donnait une longue liste de brevets qu'elle avait
+invalidés depuis le XIXe siècle. Et ils étaient totalement ridicules, comme
+de faire des poignées de porte d'une certaine forme en caoutchouc, alors que
+jusque-là on les avait faites en bois. Cette décision reprochait au système
+de brevets d'avoir dérivé loin, très loin des standards adéquats. Et ils
+continuent.</p>
+
+<p> Ainsi vous ne pouvez pas vous attendre à des résultats sensés, mais il
+existe des situations où, si vous regardez l'historique, vous verrez qu'il y
+a une chance d'invalider un brevet particulier. Cela vaut la peine
+d'essayer, au moins de se renseigner. Mais la procédure elle-même risque de
+coûter extrêmement cher.</p>
+
+<p> Il y a quelques années, un défendeur a perdu son procès et a dû payer
+13 millions de dollars qui, en majorité, allèrent aux avocats des deux
+parties. Je pense que le titulaire du brevet a remporté 5 millions de
+dollars seulement ; les avocats ont donc empoché 8 millions.</p>
+
+<h4 id="conf8"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Personne ne peut
+réinventer complètement le domaine du logiciel.</h4>
+
+<p> Voilà donc vos options. À ce stade, naturellement, vous devez écrire le
+programme. Et là, le problème, c'est que vous n'êtes pas confronté à cette
+situation une seule fois, mais qu'elle se répète, encore et encore, parce
+que de nos jours les programmes sont compliqués. Regardez un logiciel de
+traitement de texte ; vous y verrez un tas de fonctionnalités, beaucoup de
+choses différentes dont chacune peut être brevetée par quelqu'un, ou dont
+chaque combinaison de deux d'entre elles peut être brevetée par
+quelqu'un. British Telecom a un brevet aux États-Unis sur la combinaison de
+deux techniques : suivre des liens hypertexte et permettre à un utilisateur
+d'appeler le serveur par un accès téléphonique. Ces deux choses sont bien
+distinctes, mais la combinaison des deux est brevetée.</p>
+
+<p> Cela veut dire que si vous avez cent éléments dans votre programme, il y a,
+potentiellement, à peu près cinq mille paires d'éléments qui pourraient déjà
+être brevetées par quelqu'un. Et il n'y a pas non plus de loi interdisant de
+breveter une combinaison de trois d'entre eux. Il ne s'agit que des
+fonctionnalités, vous savez. Vous allez vous servir de beaucoup de
+techniques en écrivant un programme, beaucoup d'algorithmes qui pourrait
+être brevetés également. Donc il y a des tas et des tas de choses qui
+pourraient être brevetées. Le résultat, c'est que le développement d'un
+programme devient comme la traversée d'un champ de mines. Bien sûr, vous
+n'allez pas marcher sur un brevet à chaque pas, à chaque étape de la
+conception du programme. Il y a des chances que ce soit sans danger. Mais
+traverser tout le champ devient dangereux.</p>
+
+<p> La meilleure manière pour un non-programmeur de comprendre à quoi ça
+ressemble est de comparer l'écriture de ces grands programmes à un autre
+domaine dans lequel les gens écrivent quelque chose de très grand : les
+symphonies. Imaginez que les gouvernements européens du XVIIIe siècle aient
+voulu promouvoir le progrès de la musique symphonique en adoptant un système
+de brevets musicaux, de sorte que toute idée descriptible par des mots
+puisse être brevetée si elle semblait nouvelle et originale. Ainsi on aurait
+pu breveter, disons, un motif mélodique de trois notes, trop court pour être
+placé sous copyright mais néanmoins brevetable. Ou peut-être on aurait pu
+breveter une certaine progression d'accords, ou encore une certaine
+combinaison d'instruments jouant en même temps, ou n'importe quelle autre
+idée pouvant être décrite par quelqu'un.</p>
+
+<p> Eh bien, vers 1800 il y aurait eu des milliers de ces brevets sur les idées
+musicales. Et alors imaginez que vous êtes Beethoven et que vous voulez
+écrire une symphonie. Pour écrire une symphonie complète, vous allez devoir
+faire un tas de choses différentes, et à n'importe quelle étape vous
+pourriez être en train d'utiliser une idée brevetée par quelqu'un
+d'autre. Bien sûr, si vous faites cela, il dira : « Oh ! Tu es juste un
+voleur, pourquoi ne peux-tu pas écrire quelque chose d'original ? »
+Beethoven avait plus que sa part d'idées musicales originales, mais il a
+utilisé beaucoup d'idées existantes dans sa musique. Il fallait qu'il le
+fasse, car c'était le seul moyen de la rendre reconnaissable. Si l'on ne
+fait pas ça, les gens refusent d'écouter. Pierre Boulez pensait qu'il allait
+réinventer complètement le langage musical. Il a essayé, mais les gens ne
+l'écoutent pas car toutes ces idées qui leur sont familières, il ne les
+utilise pas.</p>
+
+<p> Donc vous devez utiliser les vieilles idées inventées par d'autres. Personne
+n'est assez génial pour réinventer complètement le domaine du logiciel, pour
+faire des choses utiles sans rien apprendre de qui que ce soit. Si ces
+personnes – les titulaires de brevets et leurs avocats – nous accusent de
+tricher, c'est en fait parce que nous ne réinventons pas ce domaine
+complètement à partir de rien. Pour progresser, nous devons construire sur
+la base des travaux précédents, et c'est exactement ce que le système de
+brevets nous interdit de faire. Et nous devons fournir aux utilisateurs les
+fonctionnalités dont ils ont l'habitude et qu'ils peuvent reconnaître,
+autrement ils trouveront nos logiciels trop difficiles à utiliser, quelle
+que soit leur qualité.</p>
+
+<h4 id="conf9"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> La relation entre
+brevets et produits varie suivant les spécialités.</h4>
+
+<p> Les gens me demandent quelquefois pourquoi le logiciel est différent des
+autres spécialités. Parfois, bien sûr, ils le demandent de manière assez
+méchante. « Les autres spécialités peuvent composer avec les brevets,
+pourquoi le logiciel ferait-il exception ? » disent-ils. C'est une manière
+méchante de poser la question, car elle suppose que c'est mal de vouloir
+échapper à un problème. J'imagine que je pourrais répondre : « Eh bien,
+d'autres personnes peuvent avoir un cancer, pourquoi pas vous ? » Il est
+évident que, si c'est un problème, permettre à une spécialité d'y échapper
+est une bonne chose, quelle que soit cette spécialité. Mais voici une bonne
+question, une question importante : est-ce que ces autres spécialités sont
+dans la même situation que le logiciel ? Est-ce que les brevets les
+affectent toutes de la même façon ? Est-ce qu'une règle qui est bonne pour
+le logiciel est bonne également pour les moteurs d'automobiles, ou pour les
+médicaments, ou pour les procédés chimiques ? Vous savez, c'est une question
+importante et cela vaut la peine de s'y intéresser.</p>
+
+<p> Quand on l'examine, on se rend compte que la relation entre les brevets et
+les produits varie suivant les spécialités. À l'un des extrêmes, il y a les
+médicaments où, typiquement, un brevet couvre une formule chimique
+complète. Alors, si vous sortez un nouveau médicament, il ne peut pas être
+breveté par quelqu'un d'autre. À l'autre extrême, il y a le logiciel où,
+lorsque vous écrivez un nouveau programme, vous combinez des dizaines ou des
+centaines d'idées dont on ne peut pas attendre qu'elles soient toutes
+nouvelles. Même un programme innovant, qui comporte quelques idées
+nouvelles, utilise aussi des tas et des tas d'idées anciennes. Et entre les
+deux on trouve les autres spécialités. Même dans ces dernières, les brevets
+peuvent conduire à des impasses.</p>
+
+<p> Quand les États-Unis sont entrés dans la première guerre mondiale, personne
+aux États-Unis ne pouvait construire d'avion moderne. Les avions modernes
+utilisaient en effet plusieurs techniques différentes qui étaient brevetées
+par diverses sociétés dont les propriétaires se détestaient. Ainsi personne
+ne pouvait obtenir de licence pour utiliser tous ces brevets. Eh bien, le
+gouvernement américain a décidé que cet état de choses était
+inacceptable. En gros, il a payé une somme forfaitaire aux titulaires des
+brevets, puis il a dit : « Nous avons nationalisé ces brevets. Et
+maintenant, tous tant que vous êtes, allez construire des avions pour
+nous ! »</p>
+
+<p> Mais le nombre de fois où cela se produit, la fréquence et la gravité de ces
+impasses, dépendent du nombre d'idées différentes utilisées dans la
+fabrication d'un produit. Cela dépend du nombre de points de vulnérabilité
+aux brevets qui existent dans ce produit. Et sous ce rapport, le logiciel
+est un cas extrême.</p>
+
+<p> Il n'est pas rare de voir quelques personnes écrire en deux ou trois ans un
+programme contenant des millions de parties, de parties différentes, ce qui
+représente peut-être, disons 300 000 lignes de code. Concevoir un système
+physique qui contient des millions de pièces différentes est un projet
+énorme, c'est très rare. Cela dit, il arrive souvent que des gens fabriquent
+un objet physique avec des millions de pièces, mais typiquement ce sont de
+nombreuses copies de la même sous-unité, et la conception en est beaucoup
+plus facile – il n'y a pas des millions de pièces à concevoir.</p>
+
+<p> Pourquoi est-ce comme cela ? C'est parce que dans les autres spécialités les
+gens doivent composer avec la perversité de la matière. Quand on conçoit des
+circuits, des voitures ou des produits chimiques, on est confronté au fait
+que ces substances physiques feront toujours ce qu'elles font, pas ce
+qu'elles devraient faire. Dans le logiciel, nous n'avons pas ce problème, ce
+qui rend les choses immensément plus faciles. Nous concevons une collection
+de pièces mathématiques idéales qui ont des définitions. Leur comportement
+est exactement celui qui est prévu par leur définition.</p>
+
+<p> Ainsi, il y a beaucoup de problèmes que nous n'avons pas. Par exemple, si
+nous mettons une condition <code>if</code> à l'intérieur d'une boucle
+<code>while</code>, nous n'avons pas à nous inquiéter de savoir si
+<code>if</code> va recevoir assez d'énergie pour fonctionner à la vitesse
+voulue. Nous n'avons pas à craindre que la boucle tourne à une vitesse
+pouvant générer des interférences d'ondes radioélectriques qui induiraient
+des valeurs erronées dans d'autres parties des données. Nous n'avons pas à
+craindre qu'elle tourne à une vitesse susceptible de la faire entrer en
+résonance, et que finalement la condition <code>if</code> vibre contre la
+boucle <code>while</code> au point que l'une d'elles se casse.
+Nous n'avons pas à craindre que les produits chimiques de l'environnement
+pénètrent dans l'interface entre <code>if</code> et <code>while</code>,
+causant de la corrosion, puis un mauvais contact. Nous n'avons pas à
+craindre que d'autres produits chimiques les contaminent et produisent un
+court-circuit. Nous n'avons pas à nous demander si la chaleur dégagée par la
+condition <code>if</code> peut se dissiper à travers la boucle
+<code>while</code> qui l'entoure. Nous n'avons pas à nous demander si la
+boucle <code>while</code> causerait une chute de tension telle que la
+condition <code>if</code> ne fonctionnerait plus correctement. Quand vous
+testez la valeur d'une variable, vous n'avez pas à vous demander si vous
+avez référencé cette variable de si nombreuses fois que sa limite de
+sortance <cite>[fan-out]</cite> est dépassée. Vous n'avez pas à vous
+demander quelle est la capacité électrique d'une certaine variable et
+combien de temps il faudra pour l'amener à sa valeur.</p>
+
+<p> Toutes ces choses sont définies, le système est défini pour fonctionner
+d'une certaine façon et c'est ce qu'il fait toujours. L'ordinateur physique
+peut être en panne, mais ce n'est pas la faute du programme. Aussi, du fait
+que nous n'avons pas à traiter tous ces problèmes, notre spécialité est
+immensément plus facile.</p>
+
+<p> Supposons que l'intelligence des programmeurs soit la même que
+l'intelligence des ingénieurs mécaniciens, des ingénieurs électriciens, des
+ingénieurs chimistes, etc. Qu'est ce qui va se passer ? Ceux d'entre nous
+qui sont dans une spécialité en principe plus facile vont la pousser plus
+loin. Nous construisons des choses de plus en plus grandes, et finalement
+cela redevient difficile. Voilà pourquoi nous pouvons développer des
+systèmes beaucoup plus grands que les gens travaillant dans d'autres
+spécialités. C'est seulement qu'ils ont en permanence ces problèmes
+difficiles à traiter. Dans les autres spécialités, il peut être nécessaire
+de « développer » une idée : on a une idée, mais ensuite il arrive qu'on
+doive l'essayer de nombreuses manières différentes avant qu'elle ne commence
+à fonctionner. Dans le logiciel, ce n'est pas comme ça ; on a une idée, puis
+on écrit un programme qui la met en application. Ensuite les utilisateurs
+peuvent l'apprécier ou non. Et s'ils ne l'apprécient pas, on peut
+probablement se contenter de corriger quelques détails et ça marche.</p>
+
+<p> Il y a un autre problème dont nous n'avons pas à nous occuper : la
+fabrication de copies. Quand nous mettons cette condition <code>if</code>
+dans la boucle <code>while</code>, nous n'avons pas à nous demander comment
+<code>if</code> va être insérée dans <code>while</code> lorsqu'une copie
+sera fabriquée. Nous n'avons pas non plus à faire en sorte que la condition
+<code>if</code> soit accessible, au cas où elle grillerait et qu'on devrait
+la remplacer. Tout ce que nous avons à faire, c'est de taper
+<code>copy</code> ; et il s'agit d'une commande universelle pouvant copier
+n'importe quoi. Les gens qui fabriquent des appareils et des produits
+physiques ne peuvent pas faire ça, ils doivent les fabriquer un par un à
+chaque fois.</p>
+
+<p> Pour eux, au final, la conception d'un ensemble d'une certaine complexité
+peut coûter cette somme (geste), et l'installation de l'usine, cette
+somme. Les coûts additionnels qu'entraîne le système de brevets, ils peuvent
+s'en accommoder. Pour nous, la conception coûte ceci (geste) et la
+fabrication, ceci ; en comparaison, les frais additionnels qu'entraîne ce
+système sont écrasants.</p>
+
+<p> Voici une autre façon de voir les choses : puisque nous pouvons
+(quelques-uns d'entre nous le peuvent) créer un ensemble beaucoup plus
+grand, il y a beaucoup plus de points de vulnérabilité où quelqu'un pourrait
+avoir déjà breveté quelque chose. Nous devons parcourir une longue distance
+à travers le champ de mine alors qu'ils n'ont que quelques mètres à
+faire. Ainsi le système est beaucoup plus dangereux pour nous que pour eux.</p>
+
+<h4 id="conf10"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Le développement de
+programmes est freiné par les brevets logiciels</h4>
+
+<p> Vous devez comprendre que l'objectif affiché du système de brevets est de
+promouvoir le progrès. On l'oublie souvent parce que les sociétés qui tirent
+profit des brevets aimeraient détourner votre attention de ce détail. Elles
+aimeraient vous convaincre que les brevets ont été créés parce qu'elles
+méritent un traitement spécial. Mais ce n'est pas ce que dit le système de
+brevets. Le système de brevets dit : mon but est de promouvoir le progrès au
+bénéfice de la société en encourageant certains comportements comme de
+publier les idées nouvelles, pour qu'après un certain temps – à l'origine,
+c'était un temps assez court – tout le monde puisse les utiliser.</p>
+
+<p> Naturellement la société, de son côté, paie un certain prix, et nous devons
+nous poser la question : quel est le plus grand, le bénéfice ou le
+prix. Bon, dans les autres spécialités, je ne suis pas sûr. Je ne suis pas
+expert dans les autres spécialités de l'ingénierie, je ne les ai jamais
+étudiées et je ne sais pas si les brevets sont bons pour le progrès dans ces
+spécialités.</p>
+
+<p> J'ai commencé à travailler dans le logiciel avant que les brevets logiciels
+n'existent, et je sais qu'ils font beaucoup de mal et presque pas de
+bien. Autrefois, les idées allaient et venaient. Ou bien des personnes
+travaillant à l'université avaient une idée, ou bien quelqu'un avait une
+idée alors qu'il travaillait au développement d'un logiciel. Dans les deux
+cas, ces idées étaient publiées et ensuite tout le monde pouvait les
+utiliser. Cela dit, pourquoi les éditeurs de logiciels publiaient-ils ces
+idées ? Parce qu'ils savaient que le gros du travail était d'écrire le
+programme.</p>
+
+<p> Ils savaient qu'en publiant les idées ils obtiendraient la reconnaissance de
+la communauté, et que pendant ce temps-là quiconque voudrait leur faire de
+la concurrence devrait de toute façon écrire un programme, ce qui représente
+le gros du travail. Aussi, typiquement, ils gardaient secrets les détails du
+programme (naturellement, quelques-uns d'entre nous pensent que c'est mal,
+mais c'est une autre question), ils gardaient secrets les détails du
+programme et publiaient les idées. En même temps, le développement logiciel
+(parce que le développement logiciel suivait son cours) alimentait ce
+domaine avec un flot continu d'idées, de sorte que les idées n'étaient pas
+le facteur limitant. Le facteur limitant était l'écriture de programmes qui
+fonctionnent et que les gens apprécient.</p>
+
+<p> Donc en réalité, l'application du système de brevets au logiciel s'efforce
+de faciliter une étape qui n'est pas le facteur limitant, tout en créant des
+difficultés à une étape qui est le facteur limitant. Vous voyez, les brevets
+logiciels encouragent quelqu'un à avoir une idée, et en même temps ils
+encouragent les gens à restreindre son utilisation. De fait, nous sommes
+plus mal lotis maintenant en termes d'idées utilisables : autrefois les gens
+publiaient leurs idées, ainsi nous pouvions nous en servir, alors que
+maintenant ils prennent des brevets dessus, et nous ne pouvons pas nous en
+servir pendant vingt ans. En attendant, le vrai facteur limitant – qui est
+de développer les programmes – est gêné par les brevets logiciels à cause
+d'autres dangers que je vous ai expliqués dans la première moitié de cette
+conférence.</p>
+
+<p> En fin de compte, alors que ce système était censé faciliter le progrès du
+logiciel, il est si mal fichu qu'il a pour seul résultat de faire
+obstruction au progrès.</p>
+
+<p> Nous avons aujourd'hui une étude économique qui montre mathématiquement
+comment cela peut se produire. Vous la trouverez à <a
+href="http://www.researchoninnovation.org">www.researchoninnovation.org</a>.
+Je ne suis pas tout à fait sûr du titre de l'article, mais il montre que,
+dans une spécialité où l'innovation par sauts discontinus est la règle,
+avoir un système de brevets peut aboutir à ralentir le progrès. En d'autres
+termes, le système produit des effets contre-intuitifs, à opposé de ceux
+qu'il était censé produire. Ceci conforte la conclusion intuitive de chaque
+programmeur, qui constate l'absurdité des brevets logiciels.</p>
+
+<h4 id="conf11"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Que peut faire un pays
+pour éviter ce problème ?</h4>
+
+<p> Que peut donc faire un pays pour éviter ce problème ? Eh bien, il y a deux
+approches : l'une est d'attaquer le problème au niveau de l'attribution des
+brevets, l'autre est de l'attaquer au niveau de l'application des brevets.</p>
+
+<p> Le faire au niveau de l'attribution des brevets n'est pas tout à fait aussi
+facile que vous pourriez le croire. En effet j'ai parlé des brevets
+logiciels, mais en toute rigueur on ne peut pas classer les brevets en
+brevets matériels et brevets logiciels, parce qu'un même brevet peut couvrir
+à la fois du matériel et du logiciel. En fait, selon ma propre définition,
+un brevet logiciel est un brevet qui peut freiner le développement logiciel.</p>
+
+<p> Si vous examinez beaucoup de brevets logiciels, vous verrez que, souvent, le
+système qu'ils décrivent comporte une partie importante à propos de
+l'ordinateur lui-même, dans la description de ce qui se passe. C'est une
+très bonne façon de faire paraître l'ensemble compliqué alors qu'en fait
+c'est trivial. C'est une des manières qu'ils ont de convaincre l'office des
+brevets que c'est non évident.</p>
+
+<p> Mais on peut prendre un critère différent, un endroit un peu différent où
+tracer la limite, qui produise tout de même un résultat acceptable. On peut
+la mettre entre les processus qui transforment la matière d'une manière
+spécifique, et ceux dont le résultat est seulement le calcul et l'affichage
+d'information, ou bien une combinaison d'étapes de traitement de données et
+d'affichage. D'autres ont formulé ceci comme « des étapes mentales
+concrétisés par l'équipement ». Il y a diverses façons de formuler ceci,
+plus ou moins équivalentes.</p>
+
+<p> Ce n'est pas exactement la même chose que d'interdire les brevets logiciels,
+parce que dans certains cas les ordinateurs font partie d'un équipement
+physique particulier et lui permettent de faire une tâche particulière. On
+pourrait donc autoriser les brevets logiciels s'ils font partie d'une tâche
+physique particulière, mais ce ne serait pas vraiment catastrophique. Après
+tout, à partir du moment où des gens sont impliqués dans une tâche physique
+particulière ou dans un produit physique particulier, ils introduisent dans
+l'ensemble de leur entreprise toute la complexité du travail avec la
+matière. Cela se rapproche des autres spécialités de l'ingénierie. Peut-être
+que c'est une bonne chose d'avoir des brevets sur ces logiciels à objectif
+restreint. Tant que nous pouvons garder les domaines fondamentaux du
+logiciel, les tâches purement logicielles, à l'abri des brevets, nous avons
+résolu l'essentiel du problème.</p>
+
+<p> Donc c'est une approche réaliste, et c'est ce à quoi les gens travaillent en
+Europe. Cependant cela ne servira à rien aux États-Unis, parce que les
+États-Unis ont déjà des dizaines, et probablement des centaines de milliers
+de brevets logiciels. Un changement quelconque dans les critères
+d'attribution des brevets ne serait d'aucune utilité pour les brevets qui
+existent déjà.</p>
+
+<p> Ce que je propose donc pour les États-Unis, c'est de changer les critères
+d'application des brevets, comme ceci : les systèmes purement logiciels
+fonctionnant sur du matériel informatique généraliste sont immunisés contre
+les brevets. Par définition, ils ne peuvent pas enfreindre de brevet. De
+cette façon, les brevets peuvent continuer à être attribués exactement comme
+ils le sont actuellement et, d'un point de vue formel, ils peuvent toujours
+couvrir à la fois la mise en œuvre de matériel et la mise en œuvre de
+logiciel comme ils le font actuellement. Mais le logiciel sera en sécurité.</p>
+
+<h4 id="conf12"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> C'est aux citoyens de
+l'Inde de préserver leur pays des brevets logiciels.</h4>
+
+<p> C'est la solution que je propose pour les États-Unis, mais elle peut aussi
+s'appliquer à d'autres pays.</p>
+
+<p> Cela dit, la plupart des pays sont actuellement confrontés à un immense
+danger, l'Organisation mondiale du commerce, qui établit un système
+commercial régulé par les grandes sociétés – pas un commerce libre, comme
+ses partisans aiment à l'appeler, mais un commerce régulé par les grandes
+sociétés. Elle transfère la régulation du commerce, opérée actuellement par
+des États quelque peu démocratiques pouvant prêter l'oreille à l'intérêt de
+leurs citoyens, au monde des affaires qui, lui, ne prétend pas écouter les
+citoyens. Elle est donc fondamentalement antidémocratique et devrait être
+abolie.</p>
+
+<p> Mais il est essentiel de noter que la partie du GATT<a id="TransNote7-rev"
+href="#TransNote7"><sup>g</sup></a> qui traite des brevets n'exige pas les
+brevets logiciels. C'est ce qu'affirment de nombreux experts qui ont étudié
+la question, par exemple en Europe, car ils interprètent « effet technique »
+<cite>[technical effect]</cite> comme le fait que [le fonctionnement du
+logiciel] doit avoir une conséquence physique ou actionner un système
+physique particulier. Et donc un logiciel qui ne fait pas cela ne doit pas
+appartenir à la catégorie que les brevets peuvent couvrir.</p>
+
+<p> Cela veut dire qu'au moins vous n'avez pas à vous inquiéter des problèmes
+causés par l'Organisation mondiale du commerce, malgré les problèmes énormes
+qu'elle cause dans d'autres sphères de la vie.</p>
+
+<p> Préserver l'Inde des brevets logiciels sera votre affaire, l'affaire des
+citoyens de l'Inde. Je suis un étranger, je n'ai aucune influence sauf quand
+j'arrive à convaincre d'autres personnes par la logique de ce que je dis. Il
+y a une chance que vous y arriviez. Quand les États-Unis ont commencé à
+avoir des brevets logiciels, la question de politique publique n'a pas du
+tout été prise en compte. Personne ne s'est même demandé si les brevets
+logiciels étaient une bonne idée. La Cour suprême a rendu une décision qui a
+été ensuite détournée par une cour d'appel, et depuis il y a des brevets
+logiciels.</p>
+
+<p> Mais lorsqu'il y a quelques années l'Europe a envisagé officiellement
+d'autoriser les brevets logiciels, l'opposition publique s'est manifestée et
+a pris une telle ampleur que les politiciens et les partis ont commencé à y
+prêter attention et ont commencé à dire qu'ils étaient contre. En fait, deux
+tentatives d'autoriser les brevets logiciels ont déjà été bloquées en
+Europe. Le ministre français de l'Industrie dit que les brevets logiciels
+seraient un désastre et en aucune circonstance ne devraient être permis en
+France. En Allemagne, tous les partis politiques ont pris position contre
+les brevets logiciels.</p>
+
+<p> La bataille n'est pas encore terminée, vous savez. Nous n'avons pas bloqué
+définitivement les brevets logiciels en Europe, parce que les sociétés
+multinationales et leur serviteur, le gouvernement des États-Unis, font un
+lobbying effréné, et qu'ils ont l'ignorance de leur côté. Il est si facile
+de persuader une personne ayant une vue naïve néolibérale de la question que
+ce monopole d'un nouveau genre doit être une bonne chose !</p>
+
+<p> Il faut examiner en détail comment les brevets logiciels affectent le
+développement logiciel pour voir qu'ils posent problème. Il faut étudier la
+recherche économique dont je vous ai parlée dans tous ses détails
+mathématiques pour voir pourquoi on ne doit pas poser en principe qu'ils
+sont toujours facteurs de progrès. Il est facile pour IBM d'envoyer un
+lobbyiste dire à quelqu'un : « Vous devriez vraiment adopter les brevets
+logiciels, ils sont formidables pour la programmation. Regardez les
+États-Unis, ils sont en avance et ils ont les brevets logiciels. Si vous
+aviez les brevets logiciels vous aussi, vous pourriez les rattraper. » Bon,
+on ne peut pas aller plus loin dans la domination, et les États-Unis étaient
+en tête en informatique avant d'avoir des brevets logiciels. Ce ne peut donc
+pas être à cause des brevets logiciels.</p>
+
+<p> Il est important de comprendre que chaque pays a son propre système de
+brevets et sa propre législation sur les brevets. Ce que vous faites dans un
+pays donné est placé sous la juridiction de ce pays. Par conséquent, du fait
+que les États-Unis ont des brevets logiciels, ils deviennent une sorte de
+champ de bataille où toute personne qui utilise un ordinateur peut faire
+l'objet d'une procédure. Si l'Inde évite les brevets logiciels, l'Inde ne
+sera pas un champ de bataille et les utilisateurs d'ordinateurs en Inde ne
+risqueront pas d'être poursuivis.</p>
+
+<p> Il se trouve que chaque pays accorde des brevets à des étrangers aussi bien
+qu'à ses propres citoyens. Donc en fait, dans un endroit qui a ce fléau des
+brevets logiciels, les étrangers peuvent en détenir. Il y a des tas de
+sociétés non américaines qui possèdent des brevets logiciels aux États-Unis,
+et elles sont toutes invitées à prendre part à la bataille aux
+États-Unis. Naturellement c'est nous, les Américains, qui en sommes les
+victimes. Pendant ce temps-là, si l'Inde ne reconnaît pas les brevets
+logiciels, cela veut dire que ni les sociétés indiennes, ni les sociétés
+étrangères ne peuvent venir en Inde attaquer les gens avec des brevets
+logiciels.</p>
+
+<p> Donc oui, il est important que chaque pays ait son propre droit des
+brevets. Cela fait une grande différence, mais vous devez comprendre quelle
+différence ça fait. L'adoption des brevets logiciels par un pays donné
+n'avantage pas les développeurs de ce pays. C'est un problème pour quiconque
+y distribue et y utilise des logiciels.</p>
+
+<p> Si vous, en Inde, développez un programme qui sera utilisé aux États-Unis,
+vous pouvez vous heurter, ou du moins votre client se heurtera, au problème
+des brevets logiciels américains. Au moins, il est probable que vous ne
+pouvez pas être poursuivi ici. Le client qui a passé commande du programme
+et essayé de l'utiliser peut être poursuivi aux États-Unis, et effectivement
+vous allez devoir traiter le problème – les problèmes des États-Unis – quand
+vous essayez de faire des affaires là-bas. Mais au moins, ici vous serez en
+sécurité. Il y a une grande différence, voyez-vous, entre une procédure
+contre votre client parce qu'il vous a dit de faire un produit et que ce
+produit est breveté, et une procédure contre vous pour avoir fabriqué ce
+produit.</p>
+
+<p> S'il y a des brevets logiciels en Inde, alors vous ferez l'objet de
+poursuites. Tandis que dans le contexte actuel, au moins vous pouvez dire à
+votre client : « Vous nous avez demandé de faire ceci et nous l'avons
+fait. Je suis désolé de ce qui vous arrive mais ce n'est pas notre faute. »
+Tandis que s'il y a des brevets logiciels en Inde, vous serez vous-mêmes
+poursuivi et vous ne pourrez rien dire.</p>
+
+<h4 id="conf13"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Les entreprises doivent
+exiger l'opposition aux brevets logiciels.</h4>
+
+<p> En fin de compte, les brevets logiciels enferment tous les développeurs,
+tous les utilisateurs de l'informatique et pratiquement toutes les
+entreprises dans une nouvelle sorte de bureaucratie qui n'a aucune utilité
+sociale. Donc c'est un mauvais choix politique, qui doit être rejeté.</p>
+
+<p> Les entreprises n'aiment pas la bureaucratie. Si elles avaient su qu'elles
+étaient menacées de cette bureaucratie d'un nouveau genre, elles se seraient
+opposées très fermement aux brevets logiciels. Mais la plupart n'en ont pas
+conscience.</p>
+
+<p> Aux États-Unis, les brevets logiciels ont conduit directement à des brevets
+sur les « méthodes économiques » <cite>[business methods]</cite><a
+id="TransNote8-rev" href="#TransNote8"><sup>h</sup></a>. Qu'est-ce que ça
+signifie ? Une méthode économique est essentiellement la manière dont on
+prend les décisions sur ce qui doit être fait dans l'entreprise. Par le
+passé, ces décisions étaient prises par des humains, mais maintenant elles
+sont quelquefois prises par des ordinateurs ; ça veut dire qu'elles sont
+prises par des logiciels, donc ça veut dire que les politiques
+décisionnelles peuvent être brevetés. Les brevets logiciels impliquent les
+brevets sur les méthodes économiques et sur les procédures d'entreprise. Le
+résultat, c'est que n'importe quelle entreprise qui déciderait d'automatiser
+la réalisation de ses procédures pourrait être poursuivie à cause d'un
+brevet logiciel.</p>
+
+<p> Si seulement les entreprises savaient cela, elles s'organiseraient, par
+l'intermédiaire des chambres de commerce par exemple, pour exiger
+l'opposition aux brevets logiciels. Mais la plupart ne le savent pas et par
+conséquent cela va être votre travail de les informer. Assurez-vous qu'elles
+comprennent le danger auquel elles sont confrontées.</p>
+
+<h4 id="conf14"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> C'est important que les
+pays se concertent pour agir contre cela.</h4>
+
+<p> Alors l'Inde pourra peut-être, avec l'aide d'autres pays comme la France et
+l'Allemagne, rejeter les brevets logiciels. C'est important que les gens du
+gouvernement indien prennent contact avec les officiels des pays européens
+pour que cette bataille contre les brevets logiciels n'ait pas à être menée
+par un pays à la fois, pour que les pays puissent coopérer pour adopter une
+politique intelligente. Peut-être devrait-il y avoir un « traité contre les
+brevets logiciels » <cite>[no-software patent treaty]</cite> que divers pays
+pourraient signer pour se promettre mutuellement de l'aide quand ils sont
+menacés par la pression économique des États-Unis, manifestation de leur
+impérialisme économique.</p>
+
+<p> Parce que les États-Unis aiment bien faire cela, vous savez. Une des clauses
+du GATT est que les pays ont le droit d'établir des licences obligatoires
+pour fabriquer des médicaments, afin de répondre à une crise de santé
+publique. Le gouvernement d'Afrique du Sud s'est proposé de le faire pour
+les médicaments contre le SIDA. L'Afrique du Sud a un problème très grave
+avec le SIDA ; j'ai entendu dire qu'un quart de la population adulte est
+infectée. Et naturellement la plupart des gens ne peuvent pas se permettre
+d'acheter ces médicaments au prix demandé par les sociétés américaines.</p>
+
+<p> Ainsi le gouvernement d'Afrique du Sud était sur le point d'établir des
+licences obligatoires que même le GATT autorise, mais le gouvernement des
+États-Unis l'a menacé de sanctions économiques. Le vice-président Gore était
+directement impliqué. Et puis, un an avant l'élection présidentielle à peu
+près, il a réalisé que cela ferait mauvais effet et il s'est retiré de cette
+action.</p>
+
+<p> Mais c'est le genre de chose que le gouvernement des États-Unis fait tout le
+temps, à propos de brevets et de copyrights. Cela ne les dérange même pas si
+les gens sont brevetés à mort.</p>
+
+<p> Donc c'est important que les pays se concertent pour agir contre cela.</p>
+
+<p> Pour des informations supplémentaires à propos des problèmes de brevets
+logiciels, voir <a
+href="https://web.archive.org/web/20150329202214/http://www.progfree.org/Patents/Gif/Gif.html">www.progfree.org</a>
+[archivé] et <a href="http://www.ffii.org">www.ffii.org</a>. Et il y a aussi
+une pétition à signer sur www.noepatents.org <a href="#Note1"
+id="Note1-rev">[1]</a>
+</p>
+
+<p> S'il vous plaît, parlez à tous les dirigeants d'entreprises – toutes sortes
+d'entreprises – de cette question. Assurez-vous qu'ils comprennent l'étendue
+des problèmes auxquels ils sont confrontés, et donnez-leur l'idée de se
+rapprocher de leurs organisations professionnelles pour qu'elles fassent du
+lobbying contre les brevets logiciels.</p>
+
+<h3 id="questions"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Questions de l'auditoire</h3>
+
+<p>Maintenant, je vais répondre aux questions.</p>
+
+<p> Au fait, à tous les journalistes qui sont ici, je recommande d'écrire des
+articles séparés sur les brevets logiciels et sur le logiciel libre. Si vous
+couvrez tout dans un seul article, les gens resteront sur l'idée que les
+brevets logiciels ne sont mauvais que pour les développeurs de logiciel
+libre et sont OK pour les autres développeurs de logiciel. Ce n'est pas
+vrai. Si vous repensez à ce que vous ai dit, presque rien ne se rapporte à
+la question de savoir si les programmes sont libres ou non ; les dangers
+sont les mêmes pour tous les développeurs. Donc, s'il vous plaît, ne prenez
+pas de risque, les gens s'embrouilleraient les idées. Écrivez des articles
+séparés.</p>
+
+<h4 id="questions1"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Questions sur les
+brevets logiciels</h4>
+
+<dl>
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, vous avez dit que, pour des sociétés comme IBM, le
+dommage est dix fois le profit ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non. Ce que j'ai dit, c'est que le dommage qu'elles auraient subi
+est dix fois le profit. Mais ce dommage est purement théorique, il ne se
+produit pas. Vous voyez, elles l'évitent par des licences croisées. Donc en
+fait ce dommage ne se produit pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Mais il est simplement neutralisé. Ils ne font pas vraiment de
+profit ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Si, ils en font, voyez-vous, parce que les inconvénients, ils les
+évitent par des licences croisées, et en même temps ils collectent
+effectivement de l'argent avec quelques autres licences. Donc au final ils
+font du profit. Il y a le petit profit, qui est réel, et le gros dommage
+potentiel, qui ne se produit pas. Donc, comme profit, vous avez zéro plus
+quelque chose.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Mais pour ce quelque chose, ils vont s'opposer à ce mouvement
+contre les brevets ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Exact. IBM est en faveur des brevets logiciels. J'ai eu du mal,
+je n'ai pas entendu tous les mots de votre phrase. Je ne sais pas s'il y
+avait une négation dedans, je ne pouvais pas distinguer ; il y a deux sens
+possibles diamétralement opposés à ce que vous venez de dire. Donc veuillez
+vous assurer que c'est clair dans votre esprit. IBM est en faveur des
+brevets logiciels, IBM pense qu'elle a beaucoup à gagner avec les brevets
+logiciels. Ce qu'elle a à gagner, c'est qu'IBM et les autres très grandes
+sociétés finissent par contrôler en pratique le développement logiciel,
+parce qu'il sera très difficile de faire du développement indépendant.
+
+ <p> Pour développer des programmes non triviaux, vous allez être obligés
+d'enfreindre des brevets d'IBM. Cela dit, si vous êtes gros et que vous avez
+souvent de la chance, vous pourriez avoir quelques brevets à vous et amener
+IBM à négocier des licences croisées avec vous. Autrement, vous êtes
+complètement à sa merci ; votre seul espoir est qu'elle se contente de vous
+laisser payer.</p>
+
+ <p> Une autre question ?</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, pourquoi les brevets logiciels ont-ils été développés ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, aux États-Unis, il n'y avait pas de raison. Quelqu'un a
+essayé d'obtenir un brevet qui était un brevet logiciel. Je pense que
+l'office des brevets a dit non, alors il est allé au tribunal et finalement
+devant la Cour suprême. Ils n'ont pas envisagé le cas comme une question de
+politique publique, ils l'ont jugé selon ce qui est écrit dans la loi.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc, ce n'était pas parce qu'ils se sont rendu compte
+que&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Désolé, je ne peux pas&hellip; Pourriez-vous essayer de prononcer
+les consonnes plus distinctement, j'ai du mal à comprendre les mots.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc, ce n'était pas parce qu'ils se sont rendu compte que le
+copyright est manifestement faible pour protéger le logiciel ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Le copyright n'est pas seulement quoi ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Manifestement faible&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, je pense que toute cette phrase n'a aucun sens. Je ne
+comprends pas l'expression « protéger le logiciel » et je ne suis pas
+d'accord avec vous.
+
+ <p> La plupart des programmeurs ne sont pas d'accord avec vous.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Quand vous dites que vous n'êtes pas en faveur de la protection
+du logiciel et que vous-même proposez la licence publique générale, d'où
+tirez-vous ce pouvoir d'attribuer la licence publique générale ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : OK, vous posez une question sur le copyright et le logiciel
+libre, ce qui n'est pas le sujet maintenant. J'accepterai les questions à
+propos de cela plus tard. J'ai donné une conférence sur les brevets
+logiciels et je veux répondre à des questions sur les brevets logiciels.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, j'ai une question sur les brevets logiciels. La
+question est : comment peut-on protéger quand il y a un élément
+fonctionnel&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Protéger quoi ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : L'élément fonctionnel&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Qu'est-ce qui va leur arriver ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, comment pouvons-nous obtenir une protection quand il y
+a un&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Protection contre quoi ? Quelqu'un va venir avec un fusil ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Non monsieur&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : La protection dont vous avez besoin, en gros, c'est une
+protection contre des poursuites à cause du programme que vous avez
+écrit. Les programmeurs ont besoin d'une protection contre les brevets
+logiciels.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Non, ce ne sont pas les programmeurs eux-mêmes, il y a des
+sociétés qui ont investi dans quelque chose ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Et vous voulez que la société soit poursuivie parce que dans
+votre grand programme il y a cinq choses différentes que quelqu'un, que cinq
+personnes différentes, ont déjà brevetées ? Maintenant on voit clairement la
+légende qui est à la base de votre raisonnement. C'est l'idée naïve que
+lorsque <em>vous</em> développez un programme, <em>vous</em> obtiendrez le
+brevet. Eh bien, cette idée, sa formulation-même, contient une erreur parce
+qu'il n'existe rien de tel que <em>le brevet</em>. Quand vous développez un
+programme avec beaucoup de choses différentes dedans, il y en a un grand
+nombre qui, chacune, peuvent déjà être brevetées par quelqu'un d'autre. Vous
+les découvrez l'une après l'autre quand ils viennent vous voir et vous
+disent : « Donne-nous beaucoup d'argent, ou bien ferme boutique. » Et quand
+vous avez traité avec cinq d'entre eux, vous ne savez jamais quand le numéro
+six va arriver. C'est beaucoup plus sûr de travailler dans le logiciel si
+vous savez que vous n'allez pas êtes poursuivi tant que c'est vous qui avez
+écrit le programme.
+
+ <p> C'était comme ça avant les brevets logiciels. Si vous écriviez le programme
+vous-même, il n'y avait aucune raison de vous poursuivre. Aujourd'hui, vous
+pouvez écrire le programme vous-même, il peut même être utile et innovant,
+mais parce que vous n'avez pas réinventé l'ensemble de la spécialité, que
+vous avez utilisé des idées qui étaient déjà connues, d'autres personnes
+vous poursuivront. Naturellement, ces autres personnes qui cherchent une
+occasion de vous poursuivre, elles vont prétendre que cette extorsion
+représente pour elles une protection. Protection de quoi ? Protection de la
+concurrence, je parie. Ils ne croient pas à la concurrence, ils veulent des
+monopoles.</p>
+
+ <p> Eh bien, qu'ils aillent au diable. Ce n'est pas bon pour le public qu'ils
+obtiennent ce qu'ils veulent. C'est une question de politique
+publique. C'est à nous de décider ce qui est bon pour les citoyens <em>dans
+leur ensemble</em>.</p>
+
+ <p><b>Auditoire</b> : [applaudissements]</p>
+
+ <p>Ne laissons pas quelqu'un nous dire : « Je veux un monopole parce que je
+suis si important que j'y ai droit, donc interdisez à tous les autres de
+développer du logiciel. »</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Vous suggérez que nous devrions éviter de créer un champ de
+bataille pour les brevets. Mais n'avons-nous pas aussi à considérer le
+problème des nombreux produits américains qui sont vendus ici, et&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Et alors&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : &hellip; et nous allons continuer à être pris pour&hellip; ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non ! Non, vous avez mal compris. Les développeurs américains
+peuvent avoir des ennuis à cause du système de brevets. Quel effet cela
+peut-il avoir ? Il y a certains produits qui ne viendront pas des
+États-Unis. Par conséquent ils ne seront pas vendus aux États-Unis, ni
+ici. Vous voyez, si un développeur est aux États-Unis et qu'il y a un brevet
+américain, il va être poursuivi là-bas ; qu'il essaie ou non de faire des
+affaires avec quelqu'un en Inde, il va être poursuivi. Mais le fait qu'il
+distribue le programme en Inde ne va pas lui causer de problème
+supplémentaire, parce que c'est sous la juridiction de l'Inde. C'est au
+moins une chose pour laquelle on ne va <em>pas</em> le poursuivre. Donc,
+cela veut dire essentiellement que tout ce qui existe peut être distribué en
+Inde, sans danger, et que les développeurs qui ont la chance d'être en Inde
+seront à l'abri de cette sorte de guerre de gangs, tandis que ceux qui ont
+la malchance d'être aux États-Unis ne seront pas à l'abri.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, êtes-vous fondamentalement contre le concept même de
+droits de propriété intellectuelle ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Comme je l'ai dit au début, le seul fait de réfléchir sur ce
+thème est une sottise. C'est une généralisation abusive qui mélange des
+choses totalement différentes comme les copyrights et les brevets. Aussi,
+toute opinion sur la « propriété intellectuelle » est une sottise. Je n'ai
+pas d'opinion sur la propriété intellectuelle. J'ai des opinions sur les
+copyrights, et j'ai des opinions complètement différentes sur les brevets,
+et même en ce qui concerne les brevets, j'ai des opinions différentes dans
+les diverses spécialités. Les brevets eux-mêmes sont un large domaine. Et
+ensuite il y a les marques déposées qu'on appelle aussi « propriété
+intellectuelle ». Je pense qu'à la base, les marques déposées sont une bonne
+idée. Les États-Unis sont allés un peu trop loin avec les marques, mais
+c'est un principe raisonnable que d'avoir des étiquettes sur lesquelles on
+peut compter.
+
+ <p> Donc n'essayer pas d'avoir une opinion sur la propriété
+intellectuelle. Quand vous réfléchissez à la propriété intellectuelle, vous
+réfléchissez à un niveau simpliste. Faites donc comme moi, vous savez,
+prenez un sujet à la fois et concentrez-vous dessus, découvrez les détails
+de ce sujet, et ensuite vous pourrez y réfléchir intelligemment. Plus tard,
+vous réfléchirez aussi de manière intelligente sur les autres sujets.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : On peut argumenter que si un droit de propriété intellectuelle
+particulier n'est pas protégé&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, ce que vous dites n'a pas le moindre sens, vous
+vous placez à ce niveau général idiot&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Laissez-moi finir, monsieur. Si ce droit de propriété
+intellectuelle particulier n'est pas protégé, cela peut faire obstacle à
+l'investissement, et cet obstacle&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Cette manière de penser généralisatrice est si simpliste qu'elle
+est totalement stupide. Elle n'a aucun sens. Il n'existe pas de principe de
+propriété intellectuelle. Les copyrights, les brevets et les marques
+déposées ont des origines complètement distinctes. Ils n'ont rien en commun,
+à part le fait que, plus tard, quelqu'un a inventé ce terme « propriété
+intellectuelle » pour les désigner en bloc.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, est-ce que vous généralisez ce concept à la propriété
+physique ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non, je suis désolé, rien de tout cela n'a à voir avec les droits
+de propriété physique ; ils sont totalement différents. Que voulez-vous dire
+par généraliser « ce concept ». Quel est « ce concept » ? L'idée que
+l'expression « propriété intellectuelle » est une généralisation qui conduit
+à une réflexion simpliste, est-ce qu'il faut appliquer cette idée à la
+propriété physique ? Non, elles sont totalement différentes. Elles n'ont
+rien en commun.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : La base sur laquelle repose la protection de la propriété
+intellectuelle n'est-elle pas la « protection des travailleurs », des
+« travailleurs intellectuels » ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non ! Non, vous avez complètement tort, vous avez complètement
+tort. Le but de&hellip; Vous avez été endoctriné. Vous avez écouté la
+propagande des sociétés qui veulent avoir ces monopoles. Si vous demandez à
+des chercheurs en droit quelle est la base de ces systèmes, ils vous diront
+que ce sont des tentatives – je parle des copyrights et les brevets – des
+tentatives de manipulation du comportement des gens pour procurer un
+avantage au public. Les marques déposées sont un sujet différent. Je pense
+que le sujet des marques est complètement différent. Donc, vous faites là
+encore une généralisation abusive.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Pourquoi ne pouvons-nous pas étendre exactement le même
+principe&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Mais de toute façon votre principe est <em>faux</em>. Si vous
+jetez un coup d'œil aux études économiques publiées sur
+<cite>www.researchoninnovation.org</cite>, vous verrez que vous faites des
+affirmations naïves, des affirmations généralisatrices et naïves qui ne sont
+tout simplement pas vraies. Vous partez de l'idée ridicule que créer un
+monopole sur un des aspects de la vie le fera <em>toujours</em>,
+<em>invariablement</em> prospérer. Eh bien, c'est stupide. Parfois cela peut
+marcher, mais d'autres fois cela cause un tas d'ennuis.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Ne pensez-vous pas que l'on crée le même genre de monopole en
+faveur d'une partie quand elle possède une propriété physique ?</dt>
+
+ <dd><b>A</b>: Je suis désolé, je ne peux pas vous entendre.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, ne pensez-vous pas qu'on crée le même genre de droits
+de monopole si l'on permet à une personne de posséder une propriété physique
+particulière, exactement comme une propriété intellectuelle ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : La propriété physique ne peut être qu'à un endroit à la
+fois. Vous savez, il ne peut y avoir qu'une seule personne assise sur une
+chaise de manière normale. [applaudissements] Vous savez que ce sont des
+questions complètement différentes. Vous savez qu'essayer de généraliser à
+outrance est une démarche idiote. Nous avons affaire à des lois compliquées
+qui ont beaucoup, beaucoup, beaucoup de détails compliqués et vous nous
+demandez d'ignorer tous ces détails. Nous avons affaire à des lois qui ont
+des effets compliqués dans divers domaines, et vous nous demandez d'ignorer
+les détails de leurs effets. Je pense que si nous parlons d'une question de
+politique publique, nous devons nous intéresser aux résultats concrets de
+cette politique, pas à une quelconque théorie décrivant les résultats
+prédits par une certaine idéologie. Je vous parle de résultats concrets. Je
+vous décris ce que j'ai vu et ce que d'autres programmeurs ont vu.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, qu'en est-il du brevet LZW ? Est-il&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Qu'en est-il du <em>quoi</em> ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Brevet LZW ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Le brevet LZW ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui. Est-il encore effectif ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui, il l'est. Il y a deux brevets LZW comme je vous l'ai
+expliqué, et ils sont tous deux encore valides.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, ainsi c'est pour vingt ans ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui, cela ne fait pas encore vingt ans.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, pourrions-nous réduire l'étendue du problème en
+réduisant la période du brevet ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Tout à fait, on pourrait. S'il y avait des brevets logiciels et
+qu'ils ne duraient que, disons, cinq ans, ou trois ans, cela résoudrait
+l'essentiel du problème. Oui, c'est pénible d'avoir à attendre trois ou cinq
+ans, mais c'est beaucoup, beaucoup moins pénible. Mais&hellip; mais il y a
+là une difficulté : l'accord du GATT dit que les brevets doivent durer vingt
+ans. Donc, le seul moyen par lequel vous pourriez avoir quelque chose comme
+un brevet logiciel qui dure trois ou cinq ans est le suivant.
+
+ <p> Premièrement, affirmez clairement que les brevets ordinaires ne s'appliquent
+pas et, deuxièmement, si vous voulez, vous pouvez créer un système différent
+établissant un monopole de cinq ans sur les idées logicielles. Bon, il n'est
+pas évident que ces monopoles de cinq ans aient un avantage particulier,
+mais ce serait bien mieux que la situation actuelle. Donc si vous estimez
+que le gouvernement est prêt à faire cette transaction, je dirais,
+allez-y. Mais il faut bien comprendre, toutefois, que la première étape est
+d'abolir les brevets logiciels proprement dits, et que cela doit faire
+partie de la transaction.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Et les brevets sont maintenant aussi victimes de&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, je n'ai pas pu vous entendre. Pourriez-vous
+parler plus fort ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, les brevets sont maintenant devenus une manière de
+faire gagner de l'argent aux entreprises, plutôt que de promouvoir
+l'innovation ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui, c'est comme cela que beaucoup d'entre elles les utilisent.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc, Monsieur, pouvons-nous encore réduire ce problème en
+attribuant le brevet à l'inventeur effectif, plutôt qu'à une entreprise ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pas vraiment. Ce que l'on observe, c'est que la relation entre le
+salarié et l'entreprise est négociée, et que l'entreprise a un poids
+déterminant. Donc à la fin ils s'arrangeront toujours pour que le salarié
+cède le brevet à la société. D'autre part, cela ne fait pas grande
+différence qui possède le brevet. Le fait est qu'il vous empêche de
+développer un programme utilisant cette idée. Qui précisément a la faculté
+de vous poursuivre, cela peut faire une différence, mais ce que vous voulez
+vraiment, c'est ne pas être poursuivi du tout. Alors, pourquoi envisager une
+demi-mesure comme celle-ci ? C'est beaucoup mieux de dire simplement que le
+logiciel ne doit pas avoir de brevets.
+
+ <p> OK, si vous voulez faire passer une note, vous feriez mieux de la lire tout
+haut. Une autre question ?</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Les gens qui sont allés en Malaisie disent que si nous achetons
+un PC là-bas, le prix de tous les logiciels standards est à peu près le
+dixième de ce que nous paierions dans notre pays. Est-ce qu'en Malaisie ils
+sont un peu plus laxistes à propos des brevets et des copyrights ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Êtes-vous sûr de ce dont vous parlez ? Parce que vous semblez
+mélanger les copyrights et les brevets. Je ne suis pas sûr que ce dont vous
+parlez ait quoi que ce soit à voir avec le sujet des brevets logiciels.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Voilà précisément ce que je voudrais savoir : est-ce que c'est en
+rapport avec les brevets ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Probablement pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Différents pays, selon qu'ils font partie de l'OMC ou non&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non, non.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : &hellip; je pense que ça importe&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Voyez-vous, je ne suis pas certain parce que je ne sais pas ce
+qui se passe là-bas. Je n'y suis jamais allé. Mais je soupçonne que c'est un
+problème de copyright qui n'a rien à voir avec les brevets, parce que si
+vous parlez des mêmes programmes&hellip; Rappelez-vous, les brevets
+logiciels sont avant tout une restriction pour les développeurs. Donc, si
+ces programmes ont été développés, disons, aux États-Unis, c'est là-bas que
+les problèmes de brevets sont les plus graves, pas en Malaisie, ni en
+Inde. Donc c'est probablement en rapport avec le copyright, pas avec les
+brevets, ce qui est une question complètement différente. Nous ne devons pas
+mélanger ces questions.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, vous avez dit plus tôt que&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, je ne vous entends pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Plus tôt dans votre conférence, vous avez dit que le logiciel qui
+devrait relever de la compétence des brevets est ce que vous avez défini
+comme ce qui peut tourner sur une machine généraliste.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : J'ai peur de ne pas pouvoir&hellip; Est-ce que quelqu'un comprend
+ce qu'il dit ? je ne peux pas comprendre les mots. Si vous essayez de les
+prononcer plus distinctement, je comprendrai peut-être.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Vous avez dit plus tôt que le logiciel qui devait être breveté
+est, d'après votre définition, du logiciel pouvant tourner sur une machine
+généraliste&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé. Je n'ai pas dit que le logiciel <em>devait</em>
+être breveté, donc je ne comprends pas cette formulation. Peut-être que si
+vous expliquez cela à quelqu'un d'autre, l'autre personne pourrait le dire
+de manière que je comprenne.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Les brevets logiciels, quoi que ce soit que vous appeliez brevets
+logiciels, ce sont ceux qui peuvent tourner sur une machine
+généraliste. Donc si un algorithme ou une partie de logiciel peut être
+exécuté sur une telle machine, alors il ne doit pas être breveté.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui. Maintenant je peux vous entendre, oui. Une des choses que
+j'ai proposées, c'est que les brevets ne s'appliquent pas aux logiciels
+destinés aux machines généralistes, ni à leurs utilisations sur ces
+machines. Alors, si vous développez un tel programme ou si vous l'utilisez,
+vous ne pouvez pas être poursuivi.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Nous avons de plus en plus de logiciels actuellement qui ne
+tournent pas sur des machines généralistes.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, alors ceux-là resteraient couverts par des brevets
+logiciels ; ainsi la solution du problème ne serait pas complète, mais au
+moins elle serait partielle.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc si on place la limite aux machines généralistes, ne
+voyez-vous pas qu'il y a une possibilité que des gens trouvent des failles,
+comme des contournements pour&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé. Est-ce que je vois la possibilité que les gens
+fassent quoi ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : &hellip; trouvent des failles ou des contournements pour
+convertir ce que vous appelez brevets logiciels et les breveter
+effectivement.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, je ne comprends pas. Des failles pour&hellip; Je
+suis désolé. Ce que les gens feraient, ce que les développeurs de logiciel
+feraient dans ce cas, c'est d'utiliser plus souvent les machines
+généralistes.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Un certain algorithme peut tourner sur une machine
+généraliste. Ce que j'ai dit, c'est que cet algorithme, je peux l'utiliser
+pour un dispositif embarqué <cite>[embedded device]</cite> et le faire
+breveter.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pourquoi pas ? Vous pourriez essayer, vous avez mal compris. Le
+fait est que vous avez mal compris quelle est la solution. La solution est
+que, si je développe et que j'utilise le logiciel sur une machine
+généraliste, alors personne ne peut me poursuivre pour avoir enfreint un
+brevet. Donc oui, quelqu'un pourrait prendre un brevet,) et, peut-être,
+poursuivre d'autres personnes qui font des choses spécialisées demandant un
+équipement particulier. Mais ils ne pourraient pas me poursuivre, moi.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Excusez-moi monsieur, est-ce que je peux poser une question ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, vous avez parlé des machines généralistes. Dans ce
+sens, comment définiriez-vous ces machines, parce que de nos jours il y a
+beaucoup d'ordinateurs de poche faits sur mesure, etc. Maintenant une
+façon&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non, les ordinateurs de poche sont généralistes quand ils n'ont
+pas été conçus pour un calcul spécifique ou pour un processus physique
+spécifique. Ce sont des ordinateurs généralistes. Ils contiennent des puces
+généralistes.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc la question de savoir si la machine est généraliste serait
+contestable devant le tribunal&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suppose, ce sera sûrement le cas, oui. En fin de compte, on
+doit laisser aux juges le soin de définir précisément la limite.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Merci, monsieur.</dt>
+
+<dt><b>Q</b> : Est-ce que l'Allemagne et la France sont les seuls pays européens
+qui ont dit non aux brevets logiciels ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, je ne connais pas complètement la situation. Ce sont les
+seuls dont j'aie entendu parler. La dernière fois qu'il y a eu un vote, on
+prévoyait qu'il y aurait une majorité pour le « non », alors ils ont laissé
+tomber. Et pour les autres pays, je ne me rappelle pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Il n'y a pas de décision de la Communauté européenne à ce
+sujet&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pas encore. En fait, la Commission européenne elle-même est
+divisée. Une des directions générales (DG) – malheureusement celle qui
+conduit la négociation sur cette question – s'est laissé convaincre par les
+multinationales, et elle est en faveur des brevets logiciels. Celle qui a
+pour mission d'encourager le développement logiciel est contre, et donc
+essaie de contrecarrer l'action de la première. S'il y a ici une personne
+qui veut contacter le responsable de la DG opposée aux brevets logiciels, je
+peux les mettre en relation.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Est-ce qu'il y a un pays qui a dit « non » aux brevets
+logiciels ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, il y a des pays qui ne les ont pas, mais il n'est pas
+certain qu'un pays ait affirmé son refus récemment.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, pourriez-vous s'il vous plaît nous donner des détails
+sur les bénéfices que cette politique a apportés à la communauté du
+développement logiciel dans les pays européens ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, le bénéfice est que vous n'avez pas à craindre d'être
+poursuivi à cause d'une des idées, ou combinaison d'idées, que vous avez
+utilisée pour écrire un programme. Essentiellement, les brevets logiciels
+signifient que si vous écrivez un programme, quelqu'un d'autre pourrait vous
+poursuivre et dire : « Vous n'êtes pas autorisés à écrire ce programme. » Le
+bénéfice de ne pas avoir de brevets logiciels est que vous êtes préservés de
+cela.
+
+ <p> En Inde, vous prenez sans doute pour acquis que vous en êtes préservés. Mais
+cela durera seulement tant que l'Inde n'aura pas de brevets logiciels.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Est-ce qu'il y a un danger que l'Inde n'accède pas au régime du
+logiciel ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Il n'y a pas de régime du logiciel. Les accords du GATT n'exigent
+pas les brevets logiciels. Il n'y a aucun traité qui exige les brevets
+logiciels.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : La plupart des gens, s'ils avaient une chance d'obtenir un brevet
+et d'en tirer beaucoup d'argent, ils ne s'en priveraient pas&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, beaucoup de gens, s'ils avaient une chance d'obtenir un
+fusil et d'en tirer beaucoup d'argent, ils ne s'en priveraient pas.
+
+ <p>L'important donc, c'est que nous ne leur en donnions pas l'occasion. Par
+exemple, nous n'avons pas d'agence gouvernementale qui distribue des fusils
+aux gens dans la rue ; de même, il ne faut pas avoir d'agence
+gouvernementale qui distribue des brevets logiciels aux gens dans la rue.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : En tant que porte-parole de l'opposition aux brevets, est-ce que
+vous avez déjà rencontré&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : J'ai du mal à vous entendre. S'il vous plaît, essayez de faire un
+effort pour prononcer chaque son distinctement, pour que je puisse
+comprendre.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : En tant que porte-parole de l'opposition aux brevets, est-ce que
+vous avez déjà eu des problèmes avec les multinationales ou autres ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Est-ce que j'ai eu des problèmes&hellip;</dd>
+
+<dt><b>R</b> : Est-ce que j'ai eu des problèmes&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé. Qu'est-ce qu'il a dit ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Est-ce que vous avez déjà eu des problèmes avec les
+multinationales, dans votre vie ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, il y en a beaucoup. Dans la communauté où je développe
+du logiciel, il y a beaucoup d'exemples de programmes dont des
+fonctionnalités ont été retirées, de programmes dans lesquels, au départ, on
+n'a pas mis ces fonctionnalités, de programmes qui n'ont pas même été écrits
+pendant des années. Il y a beaucoup d'exemples de travaux que nous ne
+pouvons pas faire, parce que nous ne sommes pas autorisés à les faire.
+
+ <p> Nous avons rassemblé des exemples de cela et cherchons des gens pour en
+rédiger un compte-rendu – vous savez, examiner chaque exemple, faire une
+recherche complète à son sujet et rédiger une description claire de ce qui
+est arrivé, quels dommages ont été causés, etc. Nous avons du mal à trouver
+des gens pour le faire. Nous cherchons plus de monde. Une personne qui
+aurait de très bonnes compétences en anglais écrit pourrait vouloir nous
+offrir son aide.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Je pense qu'il demandait si une multinationale vous avait déjà
+menacé&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, elles n'ont jamais menacé ma vie !</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui, c'était la question !</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non, mais elles menacent notre travail. Vous savez, elles
+menacent effectivement de nous poursuivre.</dd>
+</dl>
+
+<h4 id="questions2"><a href="#sommaire" class="nounderline">&#8593;</a> Questions sur le
+logiciel libre</h4>
+
+<dl><dt><b>Un bénévole</b> : Voici une question d'un monsieur dans le fond : « Si
+les sociétés multinationales qui produisent le matériel, comme Intel,
+négocient un contrat avec les grandes sociétés de logiciel pour freiner le
+logiciel libre en changeant les brevets des microprocesseurs, comment
+allez-vous surmonter un tel risque ? »</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je vois très peu de danger que cela arrive. Intel a récemment
+développé une nouvelle architecture d'ordinateurs. Loin d'essayer de nous
+empêcher de la gérer, ils ont recruté des gens pour la mettre en œuvre.
+
+ <p> Donc il semble que nous soyons maintenant arrivés aux questions sur le
+logiciel libre. Je voudrais vous rappeler que jusqu'à cette dernière
+réponse, je ne parlais pas pour le mouvement du logiciel libre. Je parlais
+d'une question vitale pour chaque programmeur : être libre d'écrire des
+programmes et de ne pas être poursuivi pour les avoir écrits, tant qu'on les
+a écrits soi-même. C'est cette liberté que vous avez toujours tenue pour
+acquise jusqu'à présent, et c'est cette liberté que vous perdrez si vous
+avez des brevets logiciels.</p>
+
+ <p> Maintenant cependant, nous en arrivons au sujet du logiciel libre, sur
+lequel j'ai passé la plus grande partie de mon temps, et du projet de
+développement logiciel particulier que je conduis effectivement ; il s'agit
+du développement du système d'exploitation GNU, qui est un système de type
+Unix, constitué de logiciel libre et utilisé, d'après les estimations, par
+environ vingt millions de personnes dans le monde. Je vais donc répondre aux
+questions sur le logiciel libre et GNU.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Le logiciel libre n'ayant pas de modèle économique concret,
+est-ce qu'il va aussi exploser comme les sociétés de la bulle internet ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je ne peux pas prédire l'avenir, mais je voudrais vous rappeler
+que les sociétés de la bulle internet étaient des entreprises. Et le
+logiciel libre n'est pas principalement une entreprise. Il existe quelques
+entreprises du logiciel libre. Est-ce qu'elles vont réussir ou finalement
+faire faillite ? Je ne sais pas. Ces entreprises contribuent à notre
+communauté, mais elles n'en constituent pas la raison d'être. La raison
+d'être de notre communauté, c'est la liberté de redistribuer, étudier et
+modifier le logiciel. Une grande quantité de logiciel libre est développée
+par des bénévoles et cette quantité est en augmentation. Quel que soit le
+sort des entreprises, cela ne disparaîtra pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Je crois que des sociétés comme IBM investissent aussi des sommes
+considérables pour rendre leurs systèmes et leurs logiciels compatibles avec
+du code source libre comme Linux&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Vous voulez dire GNU ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : D'accord&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui, ils l'appellent Linux. En fait, le système est
+essentiellement GNU et Linux est l'un de ses composants.</dd>
+
+<dt><b>[De l'auditoire]</b> Le noyau représente à peine dix-huit pour cent.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Ah bon, vraiment, tant que ça ? Je le voyais à trois pour cent.</dd>
+
+<dt><b>[De l'auditoire]</b> Vous pouvez voir à travers le chas d'une
+aiguille. Très peu significatif.</dt>
+
+<dt><b>Q</b> : Mais je crois aussi qu'ils ont investi pas loin d'un milliard de
+dollars pour le faire. Maintenant, ma question est&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, ce n'est pas vrai.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Ma question est : un service qui n'a pas de modèle économique
+sera-t-il viable sur la durée ? Si je change mon entreprise en&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Désolé, je ne peux pas prédire l'avenir. Personne ne le peut.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Comment puis-je&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Certains hommes de Dieu prétendent qu'ils peuvent prédire
+l'avenir. Je n'en suis pas un. Je suis un rationaliste.
+
+ <p> Je ne peux pas vous dire ce qui va arriver. Ce que je peux vous dire, c'est
+que, lorsqu'IBM prétend avoir mis un milliard de dollars dans le système
+d'exploitation GNU plus Linux, ce n'est pas tout à fait vrai. Regardez
+soigneusement à quoi ils dépensent cet argent, et vous verrez qu'ils le
+dépensent dans plusieurs choses différentes, dont certaines sont une
+contribution et d'autres non.</p>
+
+ <p> Par exemple, ils financent un travail sur le développement du système
+GNU/Linux. C'est bien, c'est une contribution. Ils développent même quelques
+autres paquets de logiciels libres qu'ils ont donnés à la communauté. C'est
+une vraie contribution.</p>
+
+ <p> Ils développent aussi beaucoup de programmes non libres pour les faire
+tourner avec le système GNU/Linux, et cela n'est pas une contribution. Et
+ils font de la publicité pour ce système. Bon, ce n'est pas une contribution
+essentielle, mais cela aide, vous savez. Notre objectif principal n'est pas
+d'avoir plus d'utilisateurs, mais c'est une bonne chose que plus de gens
+essaient nos logiciels. Donc oui, cela aide. Mais ils commettent une erreur
+en appelant ceci Linux, ce qui n'est pas tout à fait exact. Par ailleurs,
+ils font du lobbying en Europe en faveur des brevets logiciels, ce qui est
+mauvais. Donc, vous savez, IBM fait beaucoup de choses différentes,
+quelques-unes bonnes, d'autres mauvaises, et pour avoir un avis réfléchi, il
+est important d'examiner chaque action individuellement. N'essayez pas de
+les additionner, car cela voudrait simplement dire que vous passez à côté
+des aspects importants de la situation.</p>
+
+ <p> Est-ce qu'il y a encore des questions ?</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : [...]</dt>
+
+ <dd><b>A</b> : Je ne peux pas du tout vous entendre, je suis désolé [...]
+murmurer. Je suis un peu dur d'oreille, et quand on combine ça avec le bruit
+des ventilateurs et avec l'accent inhabituel, au final c'est très difficile
+pour moi de distinguer les mots.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Cette question n'est pas à propos des brevets, des copyrights ou
+de ce genre de choses, mais c'est à propos de votre exemple sur la condition
+<code>if</code> et la boucle <code>while</code>. Vous avez dit quelque chose
+à propos des différences entre l'informatique et les autres sciences, je
+veux dire les autres sciences de l'ingénieur. Vous avez dit que si je change
+quelque chose dans la condition <code>if</code>, il n'y aura aucun
+effet. C'est ce que vous avez dit&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non, je n'ai pas dit cela.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Vous avez dit cela ! Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'effet
+d'échauffement. Je m'en souviens&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, je sais ce que j'ai dit. J'ai dit quelque chose
+qui ressemble un peu à cela&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Je vais répéter la phrase exacte : vous avez dit qu'il n'y aura
+pas d'effet d'échauffement.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pas d'effet de quoi ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : D'échauffement. Pas de chaleur&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oh oui, nous n'avons pas à nous préoccuper de la quantité de
+chaleur que la condition <code>if</code>&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui, oui, exactement. Alors, qu'est-ce que c'est que l'effet de
+cascade ? Si je change la structure de la boucle, il y aura un effet.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Bien sûr. Le programme va se comporter différemment si vous le
+modifiez. Je ne dis pas qu'il est facile d'écrire chaque programme, ou que
+nous ne faisons jamais d'erreurs. J'ai fait la liste de pas mal de problèmes
+spécifiques qui sont une plaie pour les ingénieurs mécaniciens ou
+électriciens à chaque petit détail. Chacun de ces petits détails peut même
+devenir très compliqué pour eux. Par contre pour nous, les problèmes
+viennent de ce que nous travaillons tant, et si vite, que nous ne
+réfléchissons pas assez à chaque détail. C'est pourquoi nous faisons des
+erreurs.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Donc vous admettez qu'il y a un effet.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Naturellement. Je n'ai jamais dit autre chose. Je suis désolé que
+vous l'ayez pensé. C'est sûr que si vous modifiez un programme il va se
+comporter différemment.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, quelle est votre opinion sur les distributions
+commerciales ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Vous m'avez demandé mon opinion sur la distribution commerciale
+de systèmes GNU/Linux ? Eh bien, je pense que c'est une bonne chose. C'est
+une des libertés que vous donne le logiciel libre – la liberté de l'utiliser
+dans l'entreprise, la liberté de le distribuer dans le cadre de
+l'entreprise, la liberté d'en vendre des copies pour de l'argent. Ces
+libertés sont toutes légitimes.
+
+ <p> Pourtant, il y a une chose que je n'aime pas, c'est quand les sociétés qui
+le font lui ajoutent du logiciel non libre.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : C'est le programme d'installation ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Oui, n'importe quel logiciel non libre. Parce que l'objectif
+était que vous deviez pouvoir vous procurer un système d'exploitation
+complètement libre. Eh bien, s'il y a quelque chose dans un magasin qui dit
+« je suis le système GNU/Linux » – naturellement cela dit « Linux » – mais
+qu'à l'intérieur il y a des programmes non libres, vous n'avez plus quelque
+chose d'entièrement libre. Cela ne respecte pas complètement votre
+liberté. Donc le véritable objectif qui nous a fait écrire ce système est
+perdu de vue.
+
+ <p> Voilà le principal problème auquel notre communauté est confrontée
+actuellement, la tendance à mélanger le logiciel libre avec le logiciel non
+libre pour produire ces systèmes globaux non libres. Et puis, vous savez, il
+peut sembler que nos logiciels aient du succès parce que beaucoup de gens
+les utilisent. Mais notre véritable objectif, ce n'est pas d'être
+populaires, c'est de développer une communauté de liberté. Nous ne
+réussirons pas à atteindre cet objectif si les gens continuent à utiliser
+des logiciels non libres.</p>
+
+ <p> Malheureusement, je ne pouvais pas faire les deux conférences. Je pouvais
+soit donner la conférence sur les brevets logiciels, soit donner celle sur
+le logiciel libre. Elles sont très différentes et chacune est très
+longue. Donc malheureusement, cela veut dire que je ne peux pas vous donner
+toutes les explications sur le logiciel libre et le projet GNU ici. Est-ce
+que je dois donner une autre conférence à Kochi ? Est-ce que je dois donner
+la conférence sur le logiciel libre à Kochi ?</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Non.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Ah bon. J'ai donné cette conférence à Trivandrum.
+
+ <p> Alors je vais répondre à cinq questions supplémentaires et ce sera tout,
+parce que cela devient épuisant de répondre à tant de questions.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Excusez-moi monsieur, je pose encore une question. Monsieur,
+c'est une question personnelle. Moi, en ce qui me concerne, j'adore
+programmer. Je passe beaucoup de temps devant mon système. Et j'ai suivi
+quelques-unes de vos précédentes conférences où vous avez dit que, dans les
+années 70, la bienveillance animait la communauté des programmeurs. Ils
+avaient l'habitude de partager du code, pour le développer.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Une communauté particulière de programmeurs à laquelle
+j'appartenais. Il ne s'agissait pas de tous les programmeurs. C'était une
+communauté particulière. Continuez.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui monsieur. Dans ce contexte, je me sens particulièrement, en
+ce qui me concerne, je me sens très peiné quand je vois la soi-disant
+interaction parmi les programmeurs aujourd'hui. Parce que beaucoup d'entre
+nous sont de très bons programmeurs, mais nous nous regardons mutuellement à
+travers des filtres de différentes couleurs, selon les outils que nous
+utilisons – « tiens, voici un gars de Windows », « tiens, voilà un gars de
+GNU/Linux », « tiens, il est dans le système Solaris », « lui, il est dans
+la programmation réseau ». Et malheureusement cette discrimination vient
+pour une bonne part d'une mauvaise interprétation de choses comme
+celle-là. Aucune de ces personnes ne fait la promotion du logiciel libre en
+tant que tel et j'en suis peiné en tant que programmeur, ainsi que beaucoup
+de mes collègues, et je travaille dans un environnement&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pourriez-vous parler un peu plus lentement. J'ai entendu presque
+tout ce que vous avez dit mais un détail m'a échappé, alors si vous parlez
+lentement, je&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui. Ici nous travaillons dans un environnement où nous sommes
+jugés d'après les outils que nous utilisons, plutôt que d'après la qualité
+de notre travail.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Pour moi, ceci, eh bien en un sens, c'est une situation qui dans
+une certaine mesure est logique. S'il existe un outil qu'on utilise
+normalement pour faire les tâches assez faciles, devant être faites par un
+grand nombre de personnes, alors, j'imagine, je ne voudrais pas, je pourrais
+ne pas leur porter autant [d'attention] qu'à une personne qui fait des
+travaux très difficiles avec un outil différent, adapté à ces travaux
+difficiles. Mais c'est vrai, si vous parlez des travaux difficiles, cela n'a
+aucun sens de discriminer les gens selon les outils qu'ils utilisent. Les
+bons programmeurs peuvent se servir de n'importe quels outils.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Ce n'est pas là-dessus que je mettais l'accent. Je mettais
+l'accent sur le fait que c'est une question de bienveillance. La
+bienveillance entre programmeurs semble fondre de nos jours dans les, vous
+savez, les petites cases de tel ou tel système, et cela me fait mal.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis d'accord qu'on doit encourager les gens à apprendre plus
+de choses différentes et qu'il ne faut jamais avoir de préjugé contre les
+gens à cause de quelque détail, vous savez, le fait que telle personne
+préfère Perl, telle autre préfère le langage C ; pourquoi devraient-elles se
+détester&hellip;</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Ce n'est même pas si clair. C'est plutôt : telle personne
+travaille sous GNU/Linux et telle personne travaille sous Windows, qui sont
+les systèmes d'exploitation principaux aujourd'hui, du moins en Inde.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, dans ce cas, alors ce n'est pas un préjugé, vous
+voyez. Windows est un système, un système social, qui maintient les gens
+dans un état d'impuissance et de division [applaudissements], tandis que
+GNU/Linux est une alternative qui a été créée spécifiquement pour libérer
+les gens et les encourager à coopérer. Donc dans une certaine mesure, ce
+n'est pas comme : « Est-ce que vous êtes né dans tel ou tel pays ? » Non,
+c'est comme un choix politique. Et il est raisonnable de critiquer les gens
+sur les choix qu'ils font, s'agissant de questions importantes.
+
+ <p> Ainsi, je dirais, une personne qui utilise Windows, eh bien, elle soutient
+activement cette structure de pouvoir, ou du moins elle en est prisonnière
+et n'a pas le courage de s'en échapper. Dans ce cas-là on peut lui
+pardonner, je suppose, et l'encourager. Vous savez, il existe une variété de
+situations en chaque lieu où il y a des gens différents. Certaines personne
+font plus ou moins d'efforts pour essayer d'améliorer les choses. Je crois
+qu'il faut juger les gens sur le plan individuel, pas en bloc suivant le
+groupe auquel ils appartiennent.</p>
+
+ <p> Mais dans ce cas précis, c'est un peu comme un choix politique qui a des
+conséquences sur la société, et c'est exactement pour cela qu'il est
+raisonnable de critiquer les gens.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Désolé de continuer là-dessus, Je suis un peu obstiné. Il
+est&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : C'est votre dernière chance.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui monsieur, merci. Généralement, quand des affirmations comme
+celles-ci sont faites, les gens qui ne sont pas si, vous savez, au courant
+de ces choses tendent à supposer que les communautés coopératives, le
+partage de code source, le partage d'idées et autres choses de ce genre
+n'existent pas dans les autres environnements. Mais si, ils existent, et
+c'est très dommage qu'ils pensent cela.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé. <em>Quoi</em> n'existe pas dans d'autres
+environnements ? Je ne sais pas de quels autres environnements vous
+parlez. Je ne comprends pas.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Des autres environnements de programmation, des autres systèmes
+d'exploitation.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, peut-être qu'il existe des utilisateurs qui développent
+du logiciel libre qui fonctionne sous Windows. En fait, je suis sûr qu'il y
+en a&hellip;
+
+<p><em>Note: A cet endroit, il y a eu une courte panne de
+courant. L'enregistrement et la transcription sont donc incomplets.</em></p></dd>
+
+ <dd><b>R</b> : Peut-être là, y a-t-il d'autres questions ? Pourriez-vous parler
+plus fort ? Je ne vous entends pas du tout.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, puis-je vous poser une question ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : OK vous pouvez, bien sûr.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Dans le système du logiciel libre, nous distribuons le code
+source avec le logiciel. Ainsi une personne a le droit de modifier ce
+qu'elle peut dans le code source. Ne pensez-vous pas qu'il y aura trop de
+versions d'un même logiciel et que le non-spécialiste aura du mal à
+déterminer laquelle lui convient le mieux ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : En pratique, ce n'est pas un problème. Cela arrive quelquefois,
+mais pas très souvent. La raison, voyez-vous, est que les utilisateurs
+veulent de l'interopérabilité et qu'avec le logiciel libre, ce sont les
+utilisateurs qui décident en dernier ressort. Ce qu'ils veulent, ils ont
+tendance à l'obtenir. Les développeurs de logiciel libre se rendent compte
+qu'ils feraient mieux&hellip; s'ils sont sur le point de faire des
+changements incompatibles, cela va probablement mécontenter les utilisateurs
+et leurs versions ne vont pas être utilisées. Alors, en général, ils tirent
+les conclusions évidentes et font très attention à l'interopérabilité.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : J'ai le sentiment que si j'installe un logiciel sur mon
+ordinateur, le lendemain matin je vais trouver une meilleure version et
+alors je devrai changer. Le surlendemain, le code source aura encore été
+modifié et ce sera une meilleure version. Donc est-ce que vous&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : En général vous n'allez pas trouver une meilleure version chaque
+jour, parce que pour un programme donné il n'y a d'habitude qu'une version
+largement utilisée. Il y en aura peut-être deux, une fois de temps en temps
+il y en aura trois – s'il n'y a pas de bon mainteneur, cela peut se
+produire. Donc il ne vous arrivera pas de trouver chaque jour une nouvelle
+version qui soit bonne ; il n'y en a pas tant que ça. Il n'y aura pas
+tellement de versions populaires. Il y a un cas où vous pouvez avoir une
+nouvelle version tous les jours, c'est lorsqu'il y a une équipe très active
+qui fait un gros travail de développement. Alors, chaque jour vous pouvez
+vous procurer leur dernière version. Cela, vous pouvez le faire. Mais il n'y
+a qu'une version à un moment donné.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Monsieur, ne pensez-vous pas que nous devrions mettre sur pied
+une organisation qui prendrait en compte toutes ces mises à jour et qui
+fournirait un ensemble logiciel unique avec toutes les mises à jour
+correctes ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je suis désolé, je n'ai pas entendu. Ne devrions-nous pas avoir
+une organisation qui ferait quelque chose avec toutes ces versions, mais je
+ne sais pas quoi.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Par exemple, supposons que j'aie développé une version de&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Quelqu'un d'autre a-t-il entendu ce qu'elle a dit ? Quelqu'un
+d'autre pourrait-il me répéter ce qu'elle a dit ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : La question est que&hellip;</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : C'est une compétence très appréciable que de savoir parler
+lentement et distinctement. Si jamais vous voulez parler en public, ce qui
+vous arrivera au cours de votre carrière, il vous sera très utile de savoir
+articuler distinctement et lentement.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Merci monsieur. Monsieur, ne pensez-vous pas que nous avons
+besoin d'une organisation qui effectuerait simplement plusieurs mises à
+jours à la fois et rendrait disponible du logiciel qui cumulerait toutes les
+mises à jour jusqu'à une certaine date ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Vous voulez dire, qui prendrait les différentes applications et
+les mettrait ensemble ?</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Oui monsieur.</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je vais vous dire. Il y a beaucoup d'organisations qui font
+cela ; en fait, chacune des distributions GNU/Linux fait exactement
+cela. Debian le fait, Red Hat le fait&hellip; Nous le faisons dans une
+certaine mesure avec les paquets GNU. Nous faisons en sorte qu'ils
+fonctionnent ensemble.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Excusez-moi monsieur, nous avons beaucoup parlé contre les
+brevets. Est-ce qu'aux États-Unis vous avez jamais été forcé de déposer une
+demande de brevet ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Non. Mais personne ne peut me forcer à faire une demande de
+brevet.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Aussi, est-ce que vous possédez des brevets ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Je ne possède aucun brevet. Cela dit, j'ai envisagé la
+possibilité de demander des brevets dans le cadre d'une <em>alliance de
+défense mutuelle stratégique</em>.</dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Vous voulez dire que si j'ai vingt brevets, je peux en faire don
+à la FSF qui les maintiendra pour moi ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, pas à la FSF. Ce serait une organisation séparée,
+spécialisée, qui aurait été créée spécialement pour que nous puissions tous
+faire don de nos brevets, et que l'organisation utilise tous ces brevets
+pour protéger quiconque souhaite être protégé. Ainsi n'importe qui pourrait
+rejoindre l'organisation, même s'il ne possède pas de brevet, et cette
+personne serait protégée par l'organisation. Mais alors nous essaierions
+tous d'obtenir des brevets pour renforcer l'organisation, de manière qu'elle
+puisse mieux nous protéger. Voilà l'idée, mais personne n'a réussi jusqu'à
+présent à mettre ce projet en route. Ce n'est pas facile, l'une des raisons
+étant que cela coûte très cher de demander un brevet – et c'est aussi
+beaucoup de travail.
+
+ <p>Ce sera la dernière question.</p></dd>
+
+<dt><b>Q</b> : Pourquoi la Fondation pour le logiciel libre ne se met-elle pas à
+faire sa propre distribution ?</dt>
+
+ <dd><b>R</b> : Eh bien, la raison, c'est que Debian répond presque à nos
+désirs. Il semble préférable d'être amis avec Debian et d'essayer de les
+convaincre de la changer un peu, plutôt que de leur dire : « Nous n'allons
+pas l'utiliser, nous allons faire la nôtre. » Et aussi, Debian semble avoir
+une meilleure chance de succès parce qu'après tout il y a déjà beaucoup de
+gens qui travaillent dessus. Pourquoi essayer de créer une alternative à
+cette grande communauté ? Il est bien préférable de travailler avec eux et
+de les convaincre de soutenir encore mieux nos objectifs&hellip; si cela
+marche, évidemment. Et nous avons nos moyens d'y arriver.</dd>
+</dl>
+
+<p> C'était donc la dernière question. Je ne peux pas rester toute la journée à
+répondre aux questions, j'en suis désolé. Maintenant, je vais devoir mettre
+fin au débat et aller déjeuner. Merci de m'avoir écouté.</p>
+
+<p>[Applaudissements]</p>
+
+
+<h3>Note</h3>
+
+<p> <!-- [Dead as of 2019-03-23], and a more recent one (now closed) can be found at <a
+href="http://stopsoftwarepatents.eu/">
+stopsoftwarepatents.eu</a> -->
+<a href="#Note1-rev" id="Note1">[1]</a> En 2012, la pétition contre les
+brevets logiciels dont il est question ici est <a
+href="http://web.archive.org/web/20061205023601/http://noepatents.org/index_html?NO_COOKIE=true">archivée</a>.
+</p>
+<p>Voir également notre campagne <a href="http://endsoftpatents.org">pour la
+disparition des brevets logiciels</a> pour plus d'information sur ce sujet.</p>
+</div>
+
+<div class="translators-notes">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.-->
+<hr /><b>Notes de traduction</b><ol id="translator-notes-alpha">
+<li id="TransNote1">Fondation pour le logiciel libre. <a
+href="#TransNote1-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote2">L'expression <cite>free software</cite> (logiciel libre)
+est ambiguë, car <cite>free</cite> a deux significations : « libre » et
+« gratuit ». <a href="#TransNote2-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote3">Association pour le développement des outils
+informatiques. <a href="#TransNote3-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote4">Recalcul : ensemble des calculs effectués par le tableur
+sur une feuille de calcul au cours d'une opération. <a
+href="#TransNote4-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote5"><cite>Reasonable searching</cite> : dans un procès en
+contrefaçon de brevet, le tribunal essaie entre autres de déterminer si la
+contrefaçon était intentionnelle, c'est-à-dire si le défendeur connaissait
+l'existence du brevet ou aurait pu la découvrir par une « recherche
+raisonnable ». <a href="#TransNote5-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote6">Ligue pour la liberté de programmer. <a
+href="#TransNote6-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote7"><cite>General Agreement on Tariffs and Trade</cite> :
+Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. <a
+href="#TransNote7-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+<li id="TransNote8">Plus précisément : méthodes pour l'exercice d'activités
+économiques. Autre traduction : méthodes commerciales. <a
+href="#TransNote8-rev" class="nounderline">↑</a></li>
+</ol></div>
+</div>
+
+<!-- for id="content", starts in the include above -->
+<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" -->
+<div id="footer">
+<div class="unprintable">
+
+<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a
+href="mailto:gnu@gnu.org">&lt;gnu@gnu.org&gt;</a>. Il existe aussi <a
+href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens
+orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a
+href="mailto:webmasters@gnu.org">&lt;webmasters@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+<p>
+<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph,
+ replace it with the translation of these two:
+
+ We work hard and do our best to provide accurate, good quality
+ translations. However, we are not exempt from imperfection.
+ Please send your comments and general suggestions in this regard
+ to <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+
+ &lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+ <p>For information on coordinating and submitting translations of
+ our web pages, see <a
+ href="/server/standards/README.translations.html">Translations
+ README</a>. -->
+Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne
+qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires
+sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les
+traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+&lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des
+traductions de nos pages web, reportez-vous au <a
+href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p>
+</div>
+
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+<p> Copyright &copy; 2001, 2008, 2009, 2012, 2013, 2015, 2018, 2019 Free
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+4.0)</a>.</p>
+
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+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.-->
+ Traduction : Thérèse Godefroy<br /> Révision : <a
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+Dernière mise à jour :
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+$Date: 2019/03/23 20:00:27 $
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