summaryrefslogtreecommitdiff
path: root/talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html
diff options
context:
space:
mode:
Diffstat (limited to 'talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html')
-rw-r--r--talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html866
1 files changed, 866 insertions, 0 deletions
diff --git a/talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html
new file mode 100644
index 0000000..07d7697
--- /dev/null
+++ b/talermerchantdemos/blog/articles/fr/rms-kernel-trap-interview.html
@@ -0,0 +1,866 @@
+<!--#set var="ENGLISH_PAGE" value="/philosophy/rms-kernel-trap-interview.en.html" -->
+
+<!--#include virtual="/server/header.fr.html" -->
+<!-- Parent-Version: 1.86 -->
+
+<!-- This file is automatically generated by GNUnited Nations! -->
+<title>Entretien avec Richard Stallman pour KernelTrap.org (2005) - Projet GNU -
+Free Software Foundation</title>
+
+<!--#include virtual="/philosophy/po/rms-kernel-trap-interview.translist" -->
+<!--#include virtual="/server/banner.fr.html" -->
+<h2>Entretien avec Richard Stallman pour KernelTrap.org (2005)</h2>
+
+
+<p><em>Entretien avec Richard Stallman mené par Jeremy Andrews en 2005</em><br />
+<em>Source :</em> <a
+href="https://web.archive.org/web/20120621163233/http://kerneltrap.org/node/4484">http://kerneltrap.org/node/4484</a>
+[archivé]</p>
+<hr class="thin"/>
+
+<p>Richard Stallman a fondé le projet GNU en 1984 et la <cite>Free Software
+Foundation</cite> (Fondation pour le logiciel libre) en 1985. Il est
+également l'auteur original de nombreux outils de développement très connus
+et très utilisés, comme la collection de compilateurs GNU (<abbr title="GNU
+Compiler Collection">GCC</abbr>), le débogueur symbolique GNU (GDB) et GNU
+Emacs.</p>
+
+<p>Pour mieux comprendre Richard Stallman et le projet GNU, je vous recommande
+de commencer par lire la page « Philosophie ». Vous y trouverez quantité
+d'informations.</p>
+
+<p>Nous avions commencé cette entrevue par courrier électronique, mais avons dû
+finir par téléphone car Richard Stallman s'est cassé le bras en tombant. Il
+a eu la gentillesse de discuter longuement avec moi de son premier contact
+avec les ordinateurs, de ses débuts au Laboratoire d'intelligence
+artificielle (IA), de l'état actuel du GNU Hurd, de son rôle à la Free
+Software Foundation, des problèmes que posent les logiciels privateurs et de
+bien d'autres choses encore. Les propos suivants offrent un aperçu du chemin
+parcouru et des défis auxquels nous sommes encore confrontés.</p>
+
+<h3>Contexte</h3>
+
+<p><strong>Jeremy Andrews</strong> : Quand as-tu commencé à travailler sur
+ordinateur ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai commencé à lire des manuels et
+écrire des programmes sur papier vers 1962. C'est en 1969 que j'ai vu et
+utilisé un véritable ordinateur pour la première fois.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quels types de programmes écrivais-tu avant de voir et
+d'utiliser effectivement un véritable ordinateur ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ils étaient vraiment très simples, comme
+la sommation des termes d'un vecteur de nombres. Peu après mes débuts sur un
+véritable ordinateur, j'ai conçu un langage informatique basé sur la
+substitution de chaînes. Un peu comme le SNOBOL, bien que je n'aie jamais
+utilisé SNOBOL.</p>
+
+<p>Ensuite, la première chose que j'ai commencé à écrire lorsque j'ai pu
+utiliser un véritable ordinateur&hellip; J'avais vu le langage PL/I et avais
+été impressionné par ses nombreuses fonctionnalités. Cependant, il y en
+avait une dont il ne disposait pas : la convention de sommation utilisée en
+analyse tensorielle. J'ai alors commencé à écrire un pré-processeur pour
+PL/I qui la reconnaîtrait. Je ne l'ai jamais terminé, mais j'ai
+effectivement réussi à en faire fonctionner certaines parties. Je l'ai écrit
+initialement en PL/I ; et nous avons alors découvert que la machine
+disponible ne pourrait pas en accommoder ne serait-ce qu'une seule passe (à
+ce stade, j'en avais déjà écrit pas mal de morceaux sur papier, en
+PL/I). J'ai alors commencé à le réécrire en assembleur, mais après avoir
+réécrit quelques passes j'ai appris l'existence de choses comme les listes
+et le Lisp, et je me suis désintéressé des langages de type PL/I.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quand tu es sorti de Harvard en 1974 avec un bachelor
+en physique, comment envisageais-tu d'utiliser ton diplôme ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai pensé que je pouvais travailler en
+physique théorique ; mais le plaisir de programmer, domaine où je pouvais
+faire de réels progrès et voir les résultats, a finalement surpassé le
+plaisir d'étudier la physique.</p>
+
+<h3>La vie au labo d'IA</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : De quelles tâches t'occupais-tu au Labo d'IA dans les
+années 70 ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Essentiellement du développement de
+systèmes d'exploitation, mais j'ai aussi travaillé sur un projet de
+recherche d'IA avec le professeur Sussman ; nous avons développé le retour
+sur traces dirigé par les dépendances.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Qu'est-ce que le retour sur traces dirigé par les
+dépendances ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : On fait des hypothèses, et à partir de
+celles-ci et de faits donnés on tire une conclusion. Cela peut conduire à
+une contradiction ; si c'est le cas, au moins une des hypothèses qui a mené
+à cette contradiction doit être erronée. On enregistre quelle combinaison
+d'hypothèses correspond à la contradiction, de manière à pouvoir déduire que
+cette combinaison ne peut pas être totalement vraie. Ensuite, on revient en
+arrière en modifiant les hypothèses, mais en n'essayant jamais un ensemble
+d'hypothèses qui inclut une combinaison reconnue comme contradictoire. En
+fait, c'était une technique de raisonnement utilisée depuis longtemps. Elle
+est aussi connue sous le nom d'analyse de preuves, mais elle n'avait jamais
+été utilisée jusqu'alors en raisonnement automatisé.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quel a été le résultat de ce projet de recherche ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous avons publié un article. Cette
+technique a été reprise par d'autres personnes plus tard, donc il semble
+qu'elle soit devenue une partie de l'IA.</p>
+
+<p>J'ai aussi appris à mieux comprendre les circuits électriques. Le programme
+que nous avions écrit en application de cette technique servait à la
+compréhension des circuits électriques. En imitant ce programme, je pouvais
+comprendre les circuits bien mieux qu'auparavant.</p>
+
+<h3>Le projet GNU et la Free Software Foundation</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : L'histoire de ta confrontation aux programmes
+d'imprimantes non libres, au début des années 80, est vraiment très
+connue. Cet incident t'a poussé à créer le projet GNU en 1984 et la Free
+Software Foundation en 1985. Tu es resté très actif dans ce mouvement depuis
+lors, que ce soit en tant qu'orateur public ou en tant qu'auteur prolifique
+de logiciels libres. Parmi tes nombreuses réalisations des deux dernières
+décennies, de laquelle es-tu le plus fier ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce dont je suis fier, c'est que nous
+ayons créé une communauté dans laquelle les gens peuvent utiliser
+l'informatique tout en coopérant librement.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites
+face aujourd'hui ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Les brevets logiciels. La <abbr
+title="Digital Millennium Copyright Act">DMCA</abbr> (loi sur le copyright
+du millénium numérique). Le <cite>broadcast flag</cite> (drapeau
+d'émission). Les circuits intégrés avec des spécifications techniques
+secrètes. Les plateformes Java privatrices.</p>
+
+<p>Autrement dit, les efforts concertés de gens détenant le pouvoir de mettre
+fin à notre liberté.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Y a-t-il un plan pour essayer de résoudre ces
+problèmes ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : S'agissant des lois américaines, pas
+vraiment. Dans les pays qui n'ont pas encore ces lois, nous pouvons essayer
+d'empêcher leur adoption.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : C'est un peu effrayant.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : En effet.</p>
+
+<h3>« Logiciel libre » contre « open source »</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Tu dois régulièrement expliquer les différences entre
+« logiciel libre » et « logiciel open source », et pourtant les médias
+continuent à confondre ces deux termes. Pour nos lecteurs qui pourraient
+donc faire eux-mêmes la confusion, peux-tu expliquer les différences et
+pourquoi il est important de mettre les choses au point ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : « Logiciel libre » et « open source »
+sont les slogans de deux mouvements différents qui ont des philosophies
+différentes. Dans le mouvement du logiciel libre, notre objectif est d'être
+libres de partager et de coopérer. Nous disons que le logiciel privateur est
+antisocial, car il piétine la liberté des utilisateurs, et nous développons
+le logiciel libre pour y échapper.</p>
+
+<p>Le mouvement open source privilégie ce qu'il considère comme un modèle de
+développement techniquement supérieur donnant d'habitude des résultats
+techniquement supérieurs. Les valeurs qu'ils citent sont les mêmes que
+celles auxquelles Microsoft se refère : des valeurs étroitement pratiques.</p>
+
+<p>« Logiciel libre » et « open source » sont aussi tous deux des critères pour
+les licences de logiciel. Ces critères sont rédigés de manières très
+différentes mais les licences acceptées sont essentiellement les mêmes. La
+différence principale est d'ordre philosophique.</p>
+
+<p>Pourquoi la philosophie est-elle importante ? Parce que les gens qui
+n'accordent pas de valeur à leur liberté la perdront. Si on donne aux gens
+la liberté mais qu'on ne leur apprend pas à l'apprécier, ils ne la
+conserveront pas longtemps. Il ne suffit donc pas de diffuser le logiciel
+libre. Nous devons enseigner aux gens à réclamer la liberté, à se battre
+pour la liberté. Alors nous pourrons être capables de surmonter des
+problèmes auxquels je ne vois aucune solution aujourd'hui.</p>
+
+<h3>« GNU/Linux »</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Une autre source de confusion fréquente est le nom
+« GNU/Linux ». En quoi la contribution du projet GNU est-elle si
+significative qu'elle doive être dans le nom du système d'exploitation, en
+particulier si on la compare à d'autres composants majeurs de tout système
+d'exploitation basé sur le noyau Linux, comme XFree86 ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce n'est pas une coïncidence si le code
+que nous avons écrit pour le système GNU est la plus grande contribution au
+système GNU/Linux à ce jour. Bien d'autres personnes ou projets ont
+développé des programmes libres que nous utilisons à présent dans le
+système ; TeX, le code BSD, X11, Linux et Apache en sont des exemples
+notables. Mais c'est le projet GNU qui a entrepris de développer un système
+d'exploitation libre complet. Le système combiné que nous utilisons
+aujourd'hui est fondé sur GNU.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : En parlant de GNU Linux&hellip;</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je préfère prononcer « GNU slash
+Linux », ou « GNU plus Linux ». Lorsque tu dis « GNU Linux » cela induit une
+interprétation trompeuse. Après tout, nous avons GNU Emacs, la version
+d'Emacs qui a été développée pour GNU. Si tu dis « GNU Linux », les gens
+penseront que ça désigne une version de Linux qui a été développée pour GNU,
+ce qui n'est pas la réalité.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Tu essaies au contraire de souligner que c'est une
+combinaison des deux.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Exactement. C'est l'ensemble GNU plus
+Linux&hellip;</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Qui constitue le système GNU+Linux que tout le monde
+utilise.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Exactement.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quel est l'avantage pour les gens d'utiliser le terme
+GNU/Linux ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Les gens savent que Linus Torvald a
+écrit son programme, Linux, pour s'amuser. Et les gens savent que Linus
+Torvald n'a pas dit que c'était mal d'empêcher les utilisateurs de partager
+et de modifier le logiciel qu'ils utilisent. S'ils pensent que c'est lui qui
+a initié notre système et qui est le principal responsable de son existence,
+ils auront tendance à suivre sa philosophie et notre communauté en sera
+affaiblie.</p>
+
+<p>Le fait qu'un système d'exploitation existe parce qu'un étudiant a pensé que
+c'était un projet amusant est une anecdote intéressante. Mais la véritable
+histoire est que ce système existe parce que des gens étaient déterminés à
+se battre pour la liberté et avaient la volonté de travailler pendant des
+années s'il le fallait. C'est une histoire qui enseigne aux gens une chose
+qui vaut la peine d'être apprise.</p>
+
+<p>Quand ils l'oublient, ils commencent à dévier vers les valeurs pratiques,
+mais superficielles, partagées par le mouvement de l'open source et par
+Microsoft, l'idée que l'unique chose qui compte dans un logiciel est s'il
+fait le travail demandé et combien il coûte.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Ce qui commence à répondre à ma prochaine question :
+qu'est-ce qu'on perd quand les gens refusent d'utiliser le terme GNU/Linux ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ce qu'on perd, c'est une opportunité
+d'éduquer les gens. Le logiciel est tout aussi libre quel que soit le nom
+qu'on lui donne – si tant est que la distribution utilisée soit réellement
+libre. Mais la seule distribution GNU/Linux libre que je connaisse est
+Ututo. La plupart des versions du système GNU/Linux ne sont pas entièrement
+libres. Tous les distributeurs commerciaux y mettent du logiciel
+privateur. Et il y a aussi Debian, qui maintient clairement séparé tout le
+logiciel non libre, mais le distribue. Et ceux qui vendent Debian GNU/Linux
+ajoutent souvent quelques programmes privateurs en « bonus »&hellip; Ils
+incitent les gens à considérer comme un bonus le fait de ne plus avoir leur
+complète liberté.</p>
+
+<p>Si on utilise une version de GNU/Linux qui ne contient pas de logiciel
+privateur, alors en pratique la situation ne dépend pas du nom qu'on lui
+donne. Mais la situation où nous risquons de nous trouver dans cinq ans
+dépend de ce que nous nous enseignons les uns aux autres aujourd'hui.</p>
+
+<p>Une rose sentirait toujours aussi bon si on l'appelait autrement, mais si on
+l'appelait oignon on jetterait le trouble dans l'esprit des cuisiniers.</p>
+
+<h3>GNU/Hurd</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Le GNU Hurd a été en développement pendant une dizaine
+d'années. Il a été question de la sortie d'une version 1.0 il y a plus d'un
+an, mais elle a été reportée à cause de quelques fonctionnalités
+manquantes. Où en est ce projet ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le Hurd fonctionne et ce qui manque est
+graduellement ajouté, mais aujourd'hui ce sont les versions de GNU basées
+sur Linux qu'on utilise pour les usages courants.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : As-tu la moindre idée de la date à laquelle nous
+verrons sortir la version 1.0 ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'ai peur que non, à mon grand
+regret. Beaucoup de développeurs du Hurd semblent avoir décidé qu'ils
+doivent le réécrire afin qu'il fonctionne avec un autre micronoyau
+(L4). J'ai été déçu d'apprendre cela et maintenant tout porte à croire qu'il
+faudra encore quelques années pour que le Hurd soit utilisable.</p>
+
+<p>Au moins, nous avons tout de même un noyau libre qui fonctionne avec GNU.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Après la sortie du Hurd, est-ce que le projet GNU se
+concentrera uniquement sur un système GNU construit autour de ce noyau, ou
+continuera-t-il à étendre sa gamme de noyaux libres ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous continuerons à gérer les versions
+du système GNU basées sur Linux, aussi longtemps qu'elles resteront
+populaires.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Comment devra-t-on se référer au système
+d'exploitation basé sur le Hurd ? GNU Hurd, ou GNU slash Hurd ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : C'est le système d'exploitation GNU, et
+le Hurd est son noyau. Néanmoins, puisqu'il est si courant pour les gens
+d'utiliser des versions de GNU basées sur le noyau Linux, il est utile de
+distinguer les deux en disant GNU/Linux et GNU/Hurd, qui sont deux versions
+différentes du système GNU avec différents noyaux.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quels seraient les avantages pour l'utilisateur d'un
+système GNU/Hurd par rapport, disons, à un système GNU/Linux ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il n'y aura probablement pas un énorme
+avantage, qui saute aux yeux de l'utilisateur, si aucun programme
+intéressant n'est écrit. Le Hurd offre des possibilités intéressantes,
+puissantes. Par exemple, tu peux écrire ton propre système de fichiers de
+façon à implémenter le comportement que tu veux, quel qu'il soit, et le
+présenter comme un fichier. Cela offre la possibilité d'implémenter des bacs
+à sable où tu peux exécuter un programme, mais en ayant la possibilité
+d'avoir un autre programme qui le surveille ainsi que toutes ses E/S, pour
+s'assurer qu'il n'a pas commencé à écrire dans des fichiers où il n'est pas
+censé le faire.</p>
+
+<p>Tout cela est peut-être faisable avec un noyau qui n'a pas l'architecture du
+Hurd, mais avec le Hurd c'est élémentaire ; c'est la chose la plus naturelle
+du monde.</p>
+
+<h3>Codage contre gestion</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quelle quantité de code source écris-tu à présent ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Moi-même personnellement ? Seulement un
+petit peu, sur Emacs. J'ai été involontairement autopromu à la gestion.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : C'est une description intéressante. Comment est-ce
+arrivé ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : De plus en plus de gestion et
+d'activisme sont devenus indispensables, c'est pourquoi j'ai dû trouver
+d'autres personnes pour reprendre de plus en plus de mes responsabilités de
+programmation.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu regrettes la programmation ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, c'est amusant.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu souhaites conserver ce rôle de
+gestionnaire et d'activiste ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne dirais pas que je le souhaite,
+mais il est nécessaire que je le fasse. Pour l'instant, nous n'avons
+personne pour me remplacer. En fait, nous envisageons le recrutement et la
+formation de personnes qui en seraient capables, de sorte que je ne sois pas
+indispensable.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quel est ton rôle ces temps-ci ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : C'est en partie celui d'un leader ferme
+et déterminé, en partie celui d'un orateur, en partie celui d'un conseiller
+sur la manière de faire de l'activisme ou de contribuer au logiciel
+libre. J'ai appris quelque chose que bien des gens gagneraient à connaître :
+comment être extrêmement opiniâtre et, quand une voie est bloquée, en
+trouver une autre.</p>
+
+<p>J'ai aussi appris dans quel état d'esprit on agit quand on combat pour la
+liberté, quand c'est un combat qu'on ne peut en aucun cas accepter de
+perdre.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Beaucoup de programmes dont tu es l'auteur original
+sont des composants clés d'une bonne partie du développement logiciel
+aujourd'hui (libre et aussi privateur), en particulier GCC, GDB et GNU
+Emacs. Tous ces projets sont restés en développement permanent toutes ces
+années. Dans quelle mesure as-tu suivi les nombreux projets que tu as lancés
+et comment perçois-tu les directions qu'ils ont prises ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Actuellement, je ne suis plus GCC et GDB
+que de loin du point de vue technique ; d'autres ont maintenant cette
+responsabilité. Je supervise toujours le développement d'Emacs.</p>
+
+<h3>GNU Emacs</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Alors, tu travailles toujours sur Emacs au niveau du
+code ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, bien que maintenant, avec mon bras
+cassé, je n'aie réellement pas le temps de programmer quoi que ce soit. Je
+le ferai quand mon bras ira mieux et que je pourrai taper moi-même de
+nouveau.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Puis-je te demander ce qui est arrivé à ton bras ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je me le suis cassé en tombant et j'ai
+eu besoin de chirurgie. Cela me fait mal et je pense que mon bras ne sera
+plus jamais normal, mais je pense que ça ira pour taper. (Plus tard : ça va
+bien pour taper mais ça picote tout le temps.)</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Je suis désolé pour ton bras et je te souhaite de
+récupérer rapidement.</p>
+
+<p>J'ai récemment relu <cite>The Cuckoo's Egg</cite> (L'œuf du coucou, non
+publié en français) de Cliff Stoll. Connais-tu ce livre ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : J'en ai un vague souvenir.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : En bref, il s'agit d'un espion qui s'introduit dans le
+système informatique d'une université, initialement en utilisant une faille
+de sécurité dans GNU Emacs&hellip;</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Bon, que ce soit une faille de sécurité,
+ou qu'il ait commis une erreur en installant un certain programme en setuid
+est sujet à discussion.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : C'est exactement ce dont j'étais curieux : quelle
+aurait été ta réaction à la parution du livre.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Son livre donne l'impression que c'était
+Emacs, ou plutôt Movemail, je pense&hellip; Son livre donne l'impression que
+c'était normal d'installer Movemail en setuid. Je crois que certaines
+personnes l'ont réellement fait car cela permettait de contourner une
+difficulté particulière, mais ce n'était pas la façon normale d'installer le
+programme. Donc en fait, des gens installant Emacs de la façon habituelle
+n'auraient pas eu ce problème.</p>
+
+<p>D'un autre côté, cela a certainement été utile pour rendre Emacs plus
+robuste, de façon que le problème ne puisse pas arriver même si on
+installait Movemail en setuid.</p>
+
+<p>C'était il y a une éternité.</p>
+
+<h3>Logiciel privateur</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quelle est ta réaction lorsque des outils comme GCC,
+GDB et GNU Emacs sont utilisés pour développer des logiciels privateurs ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Tout développement de logiciel privateur
+est nuisible et malencontreux, que les outils utilisés soient GNU ou
+autres. Savoir s'il est bon ou mauvais pour la liberté des utilisateurs, sur
+le long terme, qu'on puisse utiliser ces outils pour développer des
+logiciels privateurs, c'est une question dont je ne peux que deviner la
+réponse.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Comment réagis-tu à l'idée que le logiciel privateur
+se justifie comme moyen de récolter de l'argent pouvant ensuite servir au
+développement de logiciels complètement nouveaux qui, peut-être, ne
+pourraient pas être financés autrement et donc ne seraient jamais
+développés ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Cela ne justifie rien du tout. Un
+logiciel privateur prive systématiquement les personnes qui l'utilisent de
+la liberté de coopérer ; c'est la base d'un schéma antisocial de
+tyrannie. Le programme n'est légalement disponible que pour les personnes
+qui renoncent à leur liberté. Ce n'est pas une contribution à la société,
+c'est un problème sociétal. Il vaut mieux ne pas développer de logiciel que
+de développer du logiciel privateur.</p>
+
+<p>Donc, si vous vous trouvez dans cette situation, s'il vous plaît ne suivez
+pas ce chemin. S'il vous plaît, n'écrivez pas de programme privateur ;
+faites autre chose. Nous pouvons attendre que quelqu'un ait l'occasion de
+développer un programme libre pour faire la même tâche.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Et les programmeurs, alors&hellip;</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Quoi, les programmeurs ? Ceux qui
+écrivent du logiciel privateur ? Ils font quelque chose d'antisocial. Ils
+devraient se trouver un autre boulot.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Comme ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il y a des milliers de boulots
+différents que les gens peuvent faire sans développer de logiciel
+privateur. Ils peuvent même être programmeurs. La plupart des programmeurs
+professionnels développent du logiciel sur mesure ; seule une petite
+fraction développe du logiciel privateur. La petite fraction des boulots qui
+concerne le logiciel privateur n'est pas difficile à éviter.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Comment est-ce qu'on les distingue ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le logiciel privateur est destiné à être
+publié. Le logiciel sur mesure est destiné à être utilisé par un seul
+client ; il ne pose pas de problème éthique tant que tu respectes la liberté
+de ton client.</p>
+
+<p>En outre, les programmeurs sont une minuscule fraction de la main d'œuvre
+dans le domaine informatique. Suppose que quelqu'un ait développé une IA et
+que les programmeurs ne soient plus nécessaires. Est-ce que ce serait un
+désastre ? Est-ce que tous les gens qui sont actuellement programmeurs
+seraient condamnés au chômage pour le reste de leur vie ? Évidemment non,
+mais ça n'empêche pas les gens d'exagérer le problème.</p>
+
+<p>Et s'il n'y avait plus aucun poste de programmeur aux États-Unis ?</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Tu veux dire si tous les postes de programmeur étaient
+externalisés vers des pays étrangers ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, s'ils s'en allaient tous. Ça
+pourrait vraiment arriver. Quand on commence à penser en termes de niveau
+global d'activité, il faut penser à tous les facteurs qui interviennent et
+ne pas rejeter toute la faute sur un seul facteur. La cause du chômage n'est
+pas le fait qu'une personne, ou la société, décide que le logiciel doit être
+libre. Le problème vient en grande partie de choix économiques faits au seul
+bénéfice des riches. Comme de tirer les salaires vers le bas.</p>
+
+<p>Tu sais, ce n'est pas une coïncidence si nous avons toute cette
+externalisation. Elle a été soigneusement planifiée. Les traités
+internationaux ont été conçus pour que ça arrive, de manière à réduire les
+salaires des gens.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Peux-tu citer des exemples précis ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : La <abbr title="Zone de libre-échange
+des Amériques">ZLÉA</abbr> ; l'Organisation mondiale du commerce ; l'<abbr
+title="Accord de libre-échange nord-américain">ALÉNA</abbr>. Ces traités
+sont conçus pour réduire les salaires en rendant facile pour une société de
+dire à différents pays : « Lequel d'entre vous nous permettra de payer les
+gens le moins cher ? C'est là que nous allons. » Et si le niveau de vie d'un
+pays commence à s'améliorer, les sociétés disent : « Oh, le climat de
+travail est mauvais par ici. Vous ne créez pas un bon climat pour les
+affaires. Toutes les entreprises vont partir. Vous devriez plutôt vous
+assurer que les gens soient moins bien payés. Vous suivez une politique
+stupide quand vous prenez des mesures pour que vos travailleurs soient mieux
+payés. Vous devez vous assurer que vos travailleurs soient les moins bien
+payés du monde entier, et alors nous reviendrons. Sinon, nous allons tous
+fuir votre pays et cela vous punira. »</p>
+
+<p>Les entreprises font ça très souvent, elles délocalisent leurs activités
+hors des pays qu'elles veulent punir. Et je suis récemment arrivé à la
+conclusion qu'un commerce international sans frein était intrinsèquement une
+chose destructrice, car il facilite trop les délocalisations. Nous devons
+rendre celles-ci assez difficiles pour qu'on puisse obliger chaque société à
+rester dans un pays où elles sont réglementées.</p>
+
+<p>Le livre <cite>No Logo</cite> explique que les Philippines ont des lois
+protégeant les normes de travail, mais que ces lois ne valent plus rien. Ils
+ont décidé de mettre en place des « zones franches » – c'est l'euphémisme
+qu'ils ont utilisé pour « zones d'exploitation de la main d'œuvre » – où les
+sociétés sont exemptées de ces règles les deux premières années. Et le
+résultat, c'est qu'aucune société ne dure plus de deux ans. Quand
+l'exemption s'achève, les propriétaires la dissolvent et en créent une
+nouvelle.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Comment le logiciel libre essaie-t-il de résoudre ce
+problème ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Le logiciel libre ne s'occupe pas de
+ça. Le sujet dont il s'occupe, c'est comment donner aux utilisateurs de
+l'informatique la liberté de coopérer et de contrôler leurs propres
+ordinateurs. Ce dont je viens de parler pose un problème plus général qui
+devient pertinent lorsqu'on commence à se demander comment les gens
+trouveront un travail qui paie décemment, et que la réponse est : dans un
+monde de traités favorisant les bas salaires, ils n'en trouveront pas.</p>
+
+<p>Il est incohérent et futile d'assujettir des millions de gens à la perte de
+liberté que le logiciel privateur impose dans le seul but qu'un minuscule
+segment de la société ait des boulots plus rémunérateurs, quand nous
+ignorons tout le reste de la société et leurs boulots pourris.</p>
+
+<p>Si on veut s'attaquer à ce problème, il faut le faire au bon niveau, au
+niveau de l'équilibre des pouvoirs entre les grosses sociétés et les
+pays. Les grosses sociétés sont trop puissantes de nos jours. Nous devons
+les mettre à terre. Je ne crois pas en l'abolition du commerce ni même des
+grosses sociétés, mais nous devons nous assurer qu'aucune ne soit assez
+puissante pour être en capacité de dire à tous les pays du monde : « Je
+punirai tout pays qui n'obéira pas ».</p>
+
+<p>C'est comme cela que ça marche à présent. Et ce système a été délibérément
+mis en place par des gens comme Reagan, Clinton et les Bush père et fils.</p>
+
+<h3>Nouvelles technologies</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : J'ai lu que le modèle du logiciel libre tend à imiter
+le logiciel existant, plutôt qu'à défricher de nouvelles pistes et
+développer des technologies complètement nouvelles.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Parler d'un « modèle » du logiciel libre
+est quelque peu trompeur. Le mouvement de l'open source parle d'un « modèle
+de développement » mais notre souci est la liberté de l'utilisateur, pas la
+manière dont le programme est développé.</p>
+
+<p>Le logiciel libre n'est pas toujours imitateur, mais cela arrive souvent. Il
+y a une bonne raison à ça : la liberté est le but principal, l'innovation
+est secondaire.</p>
+
+<p>Notre but est de développer le logiciel libre de manière à pouvoir utiliser
+les ordinateurs exclusivement avec du logiciel libre. En 1984, nous avons
+commencé pratiquement à zéro (nous avions TeX, rien d'autre). Nous avions
+beaucoup à rattraper, c'est donc ce que nous avons fait. Même si GNU/Linux
+n'apportait pas d'innovation technique par rapport à Unix, il serait bien
+supérieur, car il respecte la liberté des gens alors qu'Unix ne le fait pas.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Penses-tu que le logiciel libre ait rattrapé le
+logiciel privateur ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : En grande partie, mais pas totalement.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Selon toi, est-ce que nous allons commencer à voir
+beaucoup d'innovations techniques provenant du logiciel libre, maintenant
+que le retard se comble ?</p>
+
+<p>C'est déjà le cas. Nous avons déjà vu des innovations techniques dans le
+logiciel libre. Une grande partie d'entre elles sont des constituants du
+web.</p>
+
+<h3>Internet</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Est-ce que l'importance de l'usage exclusif de
+logiciel libre s'applique à Internet ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne comprends pas la question.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Le logiciel ne tourne pas seulement sur les
+ordinateurs individuels, mais aussi sur les ordinateurs qui composent
+Internet&hellip;</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Il s'agit peut-être de ton
+ordinateur. Si ton ordinateur est sur Internet, alors c'est l'un des
+ordinateurs dont tu parles.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Tu as raison. Là, maintenant, mon ordinateur est une
+partie d'internet. Et mon ordinateur est composé entièrement de logiciel
+libre. Malgré tout il y a une multitude d'ordinateurs sur Internet qui ne
+sont pas composés de logiciel libre.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je pense que tu voulais dire « qui
+n'exécutent pas du logiciel complètement libre ». Il y a beaucoup
+d'ordinateurs sur le net qui ne fonctionnent pas avec du logiciel libre et
+ça signifie que les gens qui utilisent et possèdent ces ordinateurs ont
+perdu ce pan de leur liberté. C'est un problème.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Considères-tu qu'il est approprié pour les gens qui
+essaient de n'utiliser que du logiciel libre&hellip;</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : De se connecter à un serveur qui fait
+tourner du logiciel privateur ?</p>
+
+<p>Je ne ressens pas le besoin de refuser de me connecter à un serveur
+exécutant du logiciel privateur. C'est pourquoi je ne refuserai pas de taper
+un texte sur un ordinateur qui fait tourner du logiciel privateur. Si
+j'étais en visite chez toi pour un court moment et que tu avais une machine
+Windows, je l'utiliserais si c'était important pour moi. Je ne voudrais pas
+avoir Windows sur mon ordinateur et tu ne devrais pas l'avoir sur le tien,
+mais je ne peux pas changer ça en refusant de toucher la machine.</p>
+
+<p>Si tu te connectes à un serveur qui exécute du logiciel privateur, ce n'est
+pas toi dont la liberté est amputée. C'est le gestionnaire du serveur qui
+perd sa liberté par suite des restrictions s'appliquant au logiciel qu'il
+fait tourner. C'est malheureux, et j'espère qu'il passera au logiciel
+libre ; nous nous y employons. Mais je ne pense pas que nous devions
+boycotter son site jusqu'à ce qu'il le fasse. Il ne t'oblige pas à utiliser
+du logiciel privateur.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Pour revenir à ma question précédente, pour citer un
+exemple précis, utilises-tu des outils comme Google quand tu essaies de
+trouver du contenu en ligne ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je n'ai rien contre le fait de
+communiquer avec le serveur réseau de Google, mais j'espère pour eux que les
+gens de Google ont la liberté d'étudier, modifier et redistribuer le
+logiciel utilisé sur leur serveur. Avoir la liberté de le faire ne signifie
+pas qu'ils en aient l'obligation. Ils ne sont pas tenus de modifier et
+redistribuer le logiciel qu'ils utilisent, mais ils devraient avoir la
+liberté de le faire, de la même manière que toi et moi devons être libre de
+le faire avec le logiciel de nos machines.</p>
+
+<h3>Sur le lieu de travail</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Et si ton boulot exige que tu utilises du logiciel
+privateur ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je donnerais ma démission. Est-ce que tu
+participerais à quelque chose d'antisocial simplement parce que tu es payé
+pour le faire ? Et si le travail implique de frapper les gens sur la tête
+dans la rue et de prendre leur portefeuille ? Et si ça implique de répandre
+la rumeur que les Démocrates doivent voter le mercredi au lieu du mardi ?
+Certaines personnes prétendent sérieusement qu'on ne peut pas critiquer ce
+que fait quelqu'un si cela fait partie de son travail. De mon point de vue,
+le fait que quelqu'un soit payé pour faire quelque chose de mal n'est pas
+une excuse.</p>
+
+<h3>Applications embarquées</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Les applications embarquées sont devenues de plus en
+plus courantes dans la société. Est-il possible de complètement éviter le
+logiciel privateur tout en restant en contact avec les technologies
+actuelles ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas si c'est possible, mais
+si ça ne l'est pas, c'est quelque chose que nous devons changer. Dès qu'un
+système embarqué peut parler avec un réseau, ou que les utilisateurs y
+chargent couramment du logiciel, son logiciel a besoin d'être libre. Par
+exemple, s'il utilise du logiciel privateur pour parler au réseau, tu ne
+peux pas être certain qu'il ne t'espionne pas.</p>
+
+<h3>SCO</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Quelle est ta réaction aux récentes accusations de SCO
+en rapport avec le noyau Linux ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : La nature vague et hésitante de leurs
+déclarations, et aussi le constat que les seuls faits précis qu'ils aient
+produits se soient révélés faux, suggèrent que leur affaire n'est pas
+recevable.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : D'après toi, comment cela risque-t-il d'affecter le
+logiciel libre ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne m'attends pas à un effet
+significatif parce que je ne pense pas qu'ils aient des arguments
+valables. Ils essaient de semer la crainte, l'incertitude et le doute, ce
+qui peut effrayer certaines personnes timorées.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Est-ce que tu t'attends à ce que cela amène la GPL
+devant le tribunal ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Est-ce un souci pour toi ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Nous pensons que la GPL tiendra le coup
+devant le tribunal, mais aucune personne raisonnable n'aime aller à la
+bataille, même si elle pense être assez armée et qu'elle gagnerait
+probablement.</p>
+
+<p>L'argumentation de SCO est risible et absurde, au point de faire penser
+qu'ils n'ont aucun argument valable et cherchent seulement à semer le doute.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : À quelle fin ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Ils espèrent que certaines sociétés vont
+leur donner de l'argent ; Microsoft l'a déjà fait.</p>
+
+<p>Pour les gens qui ne connaissent à peu près rien de la législation sur le
+copyright, n'importe quoi semble plausible. Quand ils entendent ce que dit
+SCO, ils ne savent pas à quel point c'est ridicule. Donc ils pensent « SCO
+dit ceci, IBM dit cela, comment puis-je savoir qui a raison ? »</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Qu'y a-t-il dans les tuyaux pour la licence publique
+générale GNU (GPL) ? Y a-t-il des projets pour une version 3 ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Oui, mais nous ne sommes pas tout à fait
+sûrs de ce qui va changer. Ce que nous pouvons dire, c'est que ce seront des
+changements de détail.</p>
+
+<h3>S'impliquer</h3>
+
+<p><strong>JA</strong> : Y a-t-il un autre sujet d'actualité dont tu voudrais
+discuter ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : La FCC a décidé l'année dernière
+d'exiger des dispositifs de gestion numérique des restrictions dans tous les
+téléviseurs numériques. Et non seulement ça, mais aussi d'exiger qu'ils
+soient non modifiables par l'utilisateur. Je pense qu'ils n'ont pas encore
+décidé si ce dispositif doit être contrôlé par logiciel. S'ils optent pour
+le contrôle par logiciel, alors, pour la première fois, il y aura une
+réglementation de l'État fédéral interdisant explicitement le logiciel libre
+pour une tâche que des millions de personnes vont vouloir faire.</p>
+
+
+<p><strong>JA</strong> : Es-tu optimiste à ce sujet ?</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : Je ne sais pas. Je suis pessimiste de
+nature. Beaucoup de gens ne peuvent continuer à se battre que s'ils
+s'attendent à gagner. Je ne suis pas comme ça, je m'attends toujours à
+perdre. Je me bats quand même, et parfois je gagne.</p>
+
+<p>Je ne suis pas le leader principal de cette bataille
+particulière. L'<cite>Electronic Frontier Foundation</cite> se
+bat. <cite>Public Knowledge</cite> se bat. Les gens doivent s'impliquer
+politiquement. À ce stade, ils doivent aller sur le site de l'EFF et sur
+celui de Public Knowledge, et continuer à le faire durant les prochaines
+semaines pour voir comment ils peuvent s'impliquer dans cette campagne à
+venir. Il faudra beaucoup de monde et que chacun y passe, disons au moins
+vingt minutes. Si vous êtes suffisamment attachés à votre liberté pour lui
+consacrer vingt minutes de votre temps, si vous pouvez vous extraire du
+petit travail qui vous occupe cette semaine, la semaine prochaine, les
+suivantes&hellip; Consacrez un peu de temps à la défense de votre liberté et
+nous pourrons gagner.</p>
+
+<p><strong>JA</strong> : Merci.</p>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong> : <cite>Happy hacking!</cite></p>
+
+<div class="translators-notes">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.-->
+ </div>
+</div>
+
+<!-- for id="content", starts in the include above -->
+<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" -->
+<div id="footer">
+<div class="unprintable">
+
+<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a
+href="mailto:gnu@gnu.org">&lt;gnu@gnu.org&gt;</a>. Il existe aussi <a
+href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens
+orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a
+href="mailto:webmasters@gnu.org">&lt;webmasters@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+<p>
+<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph,
+ replace it with the translation of these two:
+
+ We work hard and do our best to provide accurate, good quality
+ translations. However, we are not exempt from imperfection.
+ Please send your comments and general suggestions in this regard
+ to <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+
+ &lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+ <p>For information on coordinating and submitting translations of
+ our web pages, see <a
+ href="/server/standards/README.translations.html">Translations
+ README</a>. -->
+Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne
+qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires
+sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les
+traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+&lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des
+traductions de nos pages web, reportez-vous au <a
+href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p>
+</div>
+
+<!-- Regarding copyright, in general, standalone pages (as opposed to
+ files generated as part of manuals) on the GNU web server should
+ be under CC BY-ND 4.0. Please do NOT change or remove this
+ without talking with the webmasters or licensing team first.
+ Please make sure the copyright date is consistent with the
+ document. For web pages, it is ok to list just the latest year the
+ document was modified, or published.
+
+ If you wish to list earlier years, that is ok too.
+ Either "2001, 2002, 2003" or "2001-2003" are ok for specifying
+ years, as long as each year in the range is in fact a copyrightable
+ year, i.e., a year in which the document was published (including
+ being publicly visible on the web or in a revision control system).
+
+ There is more detail about copyright years in the GNU Maintainers
+ Information document, www.gnu.org/prep/maintain. -->
+<p>Copyright &copy; 2005, 2017, 2018 Richard Stallman, Jeremy Andrews</p>
+
+<p>Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence <a
+rel="license"
+href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/deed.fr">Creative
+Commons attribution, pas de modification, 4.0 internationale (CC BY-ND
+4.0)</a>.</p>
+
+<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" -->
+<div class="translators-credits">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.-->
+Traduction collaborative : Laurent Poujoulat, Félicien Pillot, Thierry
+Arnulf, Élodie Marrel et Thérèse Godefroy<br /> Révision : <a
+href="mailto:trad-gnu&#64;april.org">trad-gnu&#64;april.org</a></div>
+
+<p class="unprintable"><!-- timestamp start -->
+Dernière mise à jour :
+
+$Date: 2018/12/15 14:46:29 $
+
+<!-- timestamp end -->
+</p>
+</div>
+</div>
+<!-- for class="inner", starts in the banner include -->
+</body>
+</html>