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Richard Stallman, projet GNU : Je vais vous parler du logiciel libre ; +tout d'abord, de son importance éthique, sociale et politique, et ensuite, +je dirai quelques mots de ses conséquences économiques. +</p> +<p> +Le logiciel libre <cite>[Free software]</cite> est affaire de liberté. Le +mot anglais <cite>free</cite> n'exprime pas cela clairement, car il a deux +significations.<a id="TransNote1-rev" href="#TransNote1"><sup>1</sup></a> +Dans votre langue, heureusement, vous avez deux mots différents. Si vous +dites <cite>jiyu na sofuto</cite>, il est très clair que vous ne parlez pas +du prix, mais que vous parlez de liberté. C'est pourquoi je vous demande +instamment de toujours utiliser votre terme, non ambigu, plutôt que le nôtre +qui est peu clair, quand vous parlez de logiciel libre en japonais. +</p> +<p> +La raison d'être du logiciel libre est très simple : vivre en liberté et, en +particulier, être libre de traiter les autres personnes décemment. Le +logiciel non libre dit que vous êtes impuissants et divisés. Il dit que vous +ne pouvez même pas savoir ce que fait le programme ; vous êtes censés +prendre le développeur au mot, mais souvent il ne vous dira pas ce qu'il +fait vraiment. Et si ça ne vous plaît pas, vous ne pouvez rien y +changer. Même si le développeur a fait le maximum pour rendre le programme +utile, personne n'est parfait. Je pourrais écrire un programme, et vous +pourriez trouver qu'il ne répond pas tout à fait à vos besoins. Peut-être +l'ai-je écrit avec des buts différents des vôtres. Personne ne peut tout +anticiper. Peut-être l'ai-je fait de la façon que je pensais être la +meilleure, mais que vous avez une meilleure idée. Personne n'est parfait. +</p> +<p> +Avec les logiciels non libres, vous êtes coincés ; vous devez les utiliser +tels qu'ils sont ; vous devez les subir. Et surtout, avec des logiciels non +libres il vous est interdit de partager avec d'autres. La société repose sur +l'entraide entre les gens. Il est utile d'avoir des voisins qui vous +aideront quand vous le leur demanderez. Bien sûr, personne n'est forcé +d'aider les autres, mais si vous êtes amicaux avec les gens, souvent ils +vous aideront. Aussi ferions-nous mieux d'aider les gens si nous voulons +qu'ils nous aident en retour. +</p> +<p> +Alors, ça ressemble à quoi, quand quelqu'un vous dit que vous n'avez pas le +droit d'aider les autres ? Voici une connaissance utile et vous pourriez +aider votre prochain en la partageant, mais il vous est interdit de partager +avec d'autres. Cela sape la cohésion de la société et l'éclate en individus +isolés qui ne peuvent s'entraider. +</p> +<p> +Le logiciel libre est tout l'opposé. Qu'un logiciel soit libre signifie que +vous avez quatre libertés essentielles. La liberté zéro est la liberté +d'exécuter le programme pour tout usage, de la manière que vous voulez. La +liberté 1 est la liberté de vous aider vous-même en étudiant le code source +pour voir ce que fait le programme et le modifier pour qu'il s'adapte à vos +besoins. La liberté 2 est la liberté d'aider votre prochain en distribuant +des copies aux autres. Et la liberté 3 est la liberté d'aider à construire +votre communauté en publiant une version améliorée de sorte que d'autres +bénéficient de votre aide en utilisant votre version. Avec ces libertés, les +utilisateurs ont le contrôle du logiciel qu'ils utilisent. Si ces libertés +manquent, alors le propriétaire [du logiciel] le contrôle, et par conséquent +contrôle les utilisateurs. +</p> +<p> +Nous savons tous que les ordinateurs ne prennent pas réellement de décisions +eux-mêmes. Ils font ce que les gens leur disent de faire. Mais quels sont +les gens qui leur disent quoi faire ? Quand vous utilisez votre ordinateur, +pouvez-vous lui dire quoi faire, ou est-ce quelqu'un d'autre qui le fait ? +Qui contrôle votre ordinateur ? C'est le propos du logiciel libre. Les +libertés dans la définition du logiciel libre, libertés zéro, 1, 2 et 3, la +raison pour laquelle ce sont elles qui importent, c'est qu'elles sont +nécessaires aux citoyens pour contrôler leurs propres ordinateurs. Vous avez +besoin de la liberté zéro pour être capable de faire le travail que vous +voulez avec votre ordinateur. Vous avez besoin de la liberté 1 pour faire +faire au logiciel ce que vous voulez qu'il fasse. Si vous n'avez pas la +liberté 1, vous êtes bloqués ; vous êtes prisonnier de votre logiciel. +</p> +<p> +Mais tout le monde n'est pas programmeur. Si nous avions seulement la +liberté 1, alors les programmeurs pourraient modifier le logiciel pour faire +ce qu'ils veulent. Mais si chaque programmeur devait faire ces changements +pour lui-même, nous n'aurions pas vraiment de contrôle. Nous serions limités +à ce que chacun de nous, individuellement, peut faire. Les non-programmeurs +n'en tireraient aucun bénéfice. C'est pourquoi les libertés 3 et 2 sont +cruciales, parce qu'elles permettent à un groupe d'utilisateurs de +travailler ensemble et de faire faire au logiciel ce que, conjointement, ils +veulent qu'il fasse. Ainsi, vos possibilités ne se limitent pas à le changer +vous-même, individuellement. +Vous et cinquante autres personnes qui voulez la même chose, vous pouvez +l'obtenir ensemble. Si deux ou trois d'entre vous sont des programmeurs, ils +peuvent faire les modifications et ils peuvent les distribuer à tous les +autres. Vous pouvez tous donner de l'argent et payer un programmeur pour +faire les changements que vous voulez. Votre entreprise peut payer un +programmeur pour faire les changements qu'elle souhaite. Ensuite, si vous +publiez la version améliorée, tout le monde pourra l'utiliser. Ainsi, +l'ensemble de la société a la maîtrise de ce que fait son logiciel. +</p> +<p> +Le logiciel libre est une méthode, une méthode démocratique, pour décider du +développement logiciel. Mais c'est démocratique d'une manière inhabituelle, +car nous ne faisons pas d'élection et nous ne disons pas à chacun ce qu'il +doit faire. Personne ne dit aux gens ce qu'ils doivent faire dans la +communauté du logiciel libre ; chacun prend ses propres décisions. Mais +voici comment cela fonctionne : si beaucoup de gens veulent que le logiciel +s'améliore dans une direction, beaucoup de gens travailleront pour le +modifier, et donc le logiciel se développera rapidement dans cette +direction-ci. Si peu de gens veulent que le logiciel se développe dans une +autre direction, peu d'entre eux feront un effort, et alors il se +développera lentement dans cette direction-là. Si personne ne veut qu'il se +développe dans cette direction-là, il ne le fera pas. Parce que chacun de +nous décide de ce qu'il va faire, nous contribuons tous à ce qui arrive et à +l'orientation que prendra le logiciel. +</p> +<p> +Donc, la société a la maîtrise collective de la manière dont se développera +globalement le logiciel. Mais vous pouvez décider de le développer +vous-même, que ce soit en tant que particulier, groupe ou entreprise. Il en +résulte que le logiciel libre tend à faire ce que veulent les utilisateurs, +plutôt que ce que veulent les développeurs. +</p> +<p> +Les gens demandent souvent : « Si tout le monde est libre de modifier le +logiciel, qu'advient-il de la compatibilité ? » C'est un fait que les +utilisateurs aiment la compatibilité. Pour autant, ce n'est pas la seule +chose qu'ils apprécient. Quelquefois, certains utilisateurs veulent un +changement incompatible, car il apporte d'autres bénéfices. Si c'est le cas, +ils peuvent le faire. Mais la plupart des utilisateurs veulent la +compatibilité. Il en résulte que la plupart des développeurs de logiciel +libre essaient de toutes leurs forces d'être compatibles. Imaginez ce qui +arriverait si j'introduisais une modification incompatible dans mon +programme et que les utilisateurs ne l'apprécient pas. +Un utilisateur modifierait le programme et le rendrait compatible, et alors +la plupart des utilisateurs préféreraient sa version. Donc sa version +deviendrait populaire et la mienne serait oubliée. Je ne veux pas que cela +arrive, évidemment. Je veux que les gens apprécient et utilisent ma version, +alors je vais prendre les devants ; je rendrai ma version compatible dès le +début, car je veux que les gens la préfèrent. C'est pourquoi, dans notre +communauté, les développeurs ne peuvent pas résister à ce que veulent les +utilisateurs. Nous devons les suivre, ou les utilisateurs iront où ils +veulent et nous laisseront derrière. +</p> +<p> +Mais si vous regardez du côté des développeurs de logiciel non libre, ceux +qui sont très puissants peuvent imposer l'incompatibilité ; ils sont si +puissants que les utilisateurs ne peuvent rien y faire. Microsoft est réputé +pour cela. Ils créent une incompatibilité dans un protocole, et alors les +utilisateurs sont coincés. Mais il ne s'agit pas que de +Microsoft. Considérez le <abbr title="WirelessApplication +Protocol">WAP</abbr>, par exemple. Le WAP contient des versions modifiées de +protocoles Internet ordinaires, modifiés pour être incompatibles ; l'idée +première était qu'ils fabriqueraient ces téléphones et diraient « ils +peuvent communiquer avec Internet », mais puisqu'ils n'utiliseraient pas les +protocoles Internet ordinaires, l'incompatibilité serait imposée à +l'utilisateur. C'était leur plan. Il n'a pas fonctionné, heureusement. Mais +c'est le danger qui vous guette quand les utilisateurs n'ont pas vraiment le +contrôle : quelqu'un essaiera d'imposer l'incompatibilité aux utilisateurs. +</p> +<p> +Le logiciel libre est fondamentalement une question politique, éthique et +sociétale. J'ai expliqué cet aspect. Il a également des conséquences +économiques. Par exemple, le logiciel non libre peut être utilisé pour créer +de très riches sociétés où quelques personnes récoltent de l'argent de tout +le monde autour du globe ; ces quelques personnes deviennent très riches et +les autres sont démunis. Il y a beaucoup de pays (le Japon n'est pas de +ceux-là, je crois) où les gens qui ont les moyens d'avoir un ordinateur ne +peuvent généralement pas se permettre de payer pour des logiciels non +libres, pour l'autorisation d'utiliser les logiciels non libres. Aussi, dans +ces pays, l'utilisation systématique de logiciel non libre crée une terrible +pénurie. Mais dans tous les pays, de l'argent est extorqué à la plupart des +gens et se concentre dans les poches de quelques personnes qui deviennent +très riches grâce au logiciel non libre. Avec le logiciel libre, vous ne +pouvez pas faire cela. Vous ne pouvez pas extorquer beaucoup d'argent aux +gens, mais vous pouvez faire des affaires avec eux tant que vous leur +fournissez un réel service. +</p> +<p> +Des entreprises de logiciel libre existent déjà. En fait, j'en ai monté une +en 1985. Je vendais des copies de GNU Emacs. Je cherchais un moyen pour +gagner de l'argent avec le logiciel libre. Alors j'ai dit : « Payez-moi +150 dollars et je vous enverrai une bande avec l'éditeur de texte GNU +Emacs. » Les gens ont commencé à me payer pour que je leur envoie des +bandes. J'ai gagné suffisamment d'argent pour en vivre. J'ai arrêté cela, +car j'ai créé la <cite>Free Software Foundation</cite> (Fondation pour le +logiciel libre), et il m'a semblé approprié qu'elle se mette à distribuer +GNU Emacs. Je ne voulais pas entrer en concurrence avec elle, je devais donc +trouver un autre moyen de gagner ma vie. Pendant plusieurs années, la +Fondation a gagné suffisamment d'argent de cette façon pour payer plusieurs +salariés, y compris des programmeurs. Donc en fait, si je l'avais fait +moi-même, je serais probablement financièrement très à l'aise grâce à la +vente de copies de logiciels libres. +</p> +<p> +Après cela, j'ai créé une autre entreprise de logiciel libre où j'effectuais +des modifications contre rémunération. +</p> +<p> +Avec un logiciel non libre, vous ne pouvez rien modifier. Vous êtes +prisonnier du logiciel. Donc soit vous l'utilisez en l'état, soit vous ne +l'utilisez pas du tout. Avec le logiciel libre, vous avez ces deux choix, +mais vous avez également un autre choix, en fait beaucoup de choix +différents. Vous pouvez faire des modifications plus ou moins importantes +dans le programme et utiliser le programme modifié. +</p> +<p> +Si vous êtes programmeur, vous pouvez faire les modifications +vous-même. Mais supposez que vous ne le soyez pas. Alors, vous pouvez payer +un programmeur pour faire les modifications à votre place. Par exemple, si +ce ministère utilise un programme et que les gens trouvent que ce programme +ne fonctionne pas à leur satisfaction, vous pouvez facilement payer un +programmeur pour le modifier à votre convenance. C'est le genre d'affaires, +basées sur le logiciel libre, que j'ai faites pendant plusieurs années dans +les années 80 (j'aurais pu continuer, mais j'ai reçu une grande récompense +et n'en ai plus eu besoin). +</p> +<p> +De nos jours, beaucoup de gens vivent de cette façon. J'ai récemment entendu +parler de quelqu'un en Amérique du Sud qui disait connaître trente personnes +qui en vivaient. L'Amérique du Sud ne fait pas partie des régions les plus +avancées du monde technologiquement, mais cela a déjà commencé là-bas. En +1989 ou 1990, je crois, une société a été créée pour faire ce type +d'affaires, par trois personnes. En quelques années, elle s'est développée +pour atteindre cinquante personnes, et a été bénéficiaire chaque année. Ils +auraient pu continuer ainsi, mais ils sont devenus avides et donc +commencèrent à développer du logiciel non libre, et plus tard ils ont été +rachetés par Red Hat. +</p> +<p> +Quoi qu'il en soit, le logiciel libre permet une nouvelle manière de faire +des affaires qui n'existe pas dans le monde du logiciel privateur.<a +id="TransNote2-rev" href="#TransNote2"><sup>2</sup></a> C'est pourquoi les +gens se demandent souvent de quelle façon le logiciel libre affecterait +l'emploi. Supposons que chaque utilisateur d'ordinateur ait la +liberté. Supposons, par conséquent, que tous les logiciels soient des +logiciels libres. En d'autres termes, si vous avez un programme, vous avez +la liberté de l'exécuter, de l'étudier, de le modifier et de le +redistribuer. Qu'est-ce que cela produirait comme effets sur l'emploi dans +le secteur de l'informatique ? +</p> +<p> +Eh bien, parmi tous les emplois de ce secteur, seule une petite fraction +concerne la programmation, pour la plupart de logiciels personnalisés, +écrits pour un seul client. Ceci est tout à fait acceptable ; tant que le +client obtient le code source du logiciel et tous les droits pour le +contrôler une fois qu'il l'a payé, alors ceci est légitime. En fait, c'est +un logiciel libre pour le client qui le possède. [Par conséquent, seule la +programmation qui n'est pas faite sur commande est réellement non libre.] +</p> +<p> +Ainsi, dans cette fraction de l'emploi en programmation, la quasi-totalité +concerne le logiciel personnalisé ; le logiciel destiné à la publication +représente donc une petite fraction d'une petite fraction de l'ensemble [de +l'emploi dans le secteur informatique]. +</p> +<p> +Que pourrait faire le logiciel libre ? Il pourrait éliminer cette fraction +ténue de l'emploi, mais peut-être pas. Puisque la possibilité de payer ces +programmeurs en restreignant les utilisateurs aurait disparu, il y aurait à +la place une nouvelle possibilité de soutenir les programmeurs : certains +seraient payés pour faire des améliorations et des extensions au logiciel +libre. Alors, perdrions-nous plus d'emplois ou en gagnerions-nous plus ? +Personne ne le sait. C'est impossible à dire. Ce que nous savons, c'est que +cette perte d'emplois dans le secteur de l'informatique serait limitée à une +petite fraction d'une petite fraction, celle qui programme pour le grand +public. Le reste continuerait comme maintenant. Il est clair que cela ne +poserait pas de problème pour l'emploi. +</p> +<p> +Et que dire d'un autre problème que les gens soulèvent parfois : est-il +vraiment possible de développer suffisamment de logiciels tout en les +rendant libres ? La réponse est évidente, car nous le faisons déjà. Les gens +qui posent cette question pourraient tout aussi bien demander si les avions +se maintiennent réellement en l'air. Eh bien, j'ai volé dans un avion. Vous +avez tous probablement déjà voyagé en avion aussi. Je pense qu'ils peuvent +se maintenir en l'air. Dans le logiciel libre aujourd'hui, nous avons des +centaines de gens, peut-être des milliers, qui sont payés pour développer +des logiciels libres. Mais nous avons aussi plus d'un demi-million de +développeurs bénévoles de logiciel libre qui travaillent à temps +partiel. Ils ne sont pas payés et pourtant développent beaucoup de logiciel. +</p> +<p> +En fait, le commerce de logiciel libre n'est pas nécessaire pour que le +logiciel libre fasse son œuvre. Ce commerce est très souhaitable ; plus nous +pourrons développer d'institutions qui canaliseront les fonds des +utilisateurs vers les développeurs de logiciel libre, plus nous pourrons en +produire et meilleurs ils seront. C'est certainement souhaitable, mais ce +n'est pas essentiel. Nous avons déjà développé deux systèmes d'exploitation +complets, deux interfaces graphiques de bureau et deux suites bureautiques +qui sont des logiciels libres. +</p> +<p> +Les gens cherchent de manière inventive des moyens de financer le logiciel +libre ; certains [moyens] fonctionnent et d'autres pas, comme on peut s'y +attendre. Par exemple, l'été dernier, il y avait un logiciel appelé Blender, +que les gens trouvaient bon mais qui était non libre. L'éditeur décida qu'il +ne servait à rien de continuer à le maintenir ni à le vendre. Ils l'ont donc +arrêté. Mais les développeurs ne voulaient pas que cela s'arrête, alors ils +ont fait un marché : s'ils pouvaient lever 100 000 dollars, ils pourraient +acheter les droits et libérer ce logiciel. Alors, ils se tournèrent vers la +communauté, et en quelques semaines ils récoltèrent l'argent +nécessaire. Blender est maintenant un logiciel libre. Ceci suggère que nous +pourrions peut-être récolter de l'argent de la communauté de la même manière +pour réaliser des extensions particulières. +</p> +<p> +Un programmeur qui a un nom, une réputation pour son habileté, pourrait +contacter la communauté et dire : « Si les gens mettent cette somme +d'argent, je ferai le travail. » Il n'aurait pas besoin de faire tout le +travail lui-même. Il pourrait employer d'autres programmeurs pour travailler +avec lui. C'est comme cela que vous pourriez démarrer. Avant d'avoir un nom, +avant de pouvoir rejoindre la communauté grâce à votre propre réputation, +vous pourriez travailler en tant qu'apprenti pour d'autres programmeurs. Ils +lèvent les fonds, ils supervisent le travail ; en faisant cela, vous pouvez +finalement acquérir une réputation également, et ensuite aller chercher des +clients. +</p> +<p> +Il y a aussi le financement de logiciels utiles par l'État, dont c'est le +rôle légitime, de même que c'est son rôle de financer la recherche +scientifique destinée à être utile aux citoyens – ou même seulement à +satisfaire la curiosité humaine, mais certainement à être utile aux +citoyens, au public. Il est tout aussi légitime pour les gouvernements de +financer le développement de logiciels qui serviront au public, et quand le +développement est terminé, de le donner au public et de dire : « Tout le +monde peut maintenant utiliser et améliorer ceci. C'est une partie du savoir +de l'humanité. » Car c'est bien de cela qu'il s'agit : de connaissances +humaines, d'un savoir qui appartient à l'humanité, à tout le monde. Un +programme non libre est un savoir restreint, un savoir qui est gardé sous le +contrôle de quelques-uns, les autres personnes ne pouvant pas vraiment y +avoir accès. Elles ne peuvent l'utiliser que par tolérance. Elles ne peuvent +jamais accéder au savoir. +</p> +<p> +C'est pourquoi il est essentiel que les écoles utilisent des logiciels +libres. Il y a trois raisons pour lesquelles les écoles doivent utiliser +exclusivement du logiciel libre. La raison la plus superficielle est +d'économiser de l'argent. Même dans un pays développé, les écoles n'ont +jamais assez d'argent, voilà pourquoi l'utilisation d'ordinateurs dans les +écoles est mesurée. Mais si les écoles utilisent des logiciels libres, alors +le système scolaire a la liberté de faire des copies et de les redistribuer +à toutes les écoles, et elles n'ont pas besoin de payer pour les +utiliser. Les écoles peuvent ainsi installer plus d'ordinateurs et rendre +plus d'installations disponibles. De plus, le système d'exploitation +GNU/Linux est plus efficace que Windows, de sorte qu'on peut utiliser un +ordinateur plus vieux, moins puissant et moins cher, par exemple un +ordinateur d'occasion dont quelqu'un d'autre s'est débarrassé. C'est +également une autre manière de faire des économies. C'est évident, mais +c'est superficiel. +</p> +<p> +Une raison plus importante pour les écoles d'utiliser du logiciel libre est +que c'est dans l'intérêt de l'enseignement. Vous voyez, pendant leurs années +d'adolescence, certains élèves vont vouloir apprendre tout ce qu'il y a à +savoir sur ce qui se trouve à l'intérieur d'un système informatique. Ces +personnes peuvent devenir de bons programmeurs. Si vous voulez développer un +fort potentiel de programmation, pas seulement des gens formés pour +travailler dans une grosse équipe de manière plutôt mécanique, mais des gens +qui prendront des initiatives, feront de grandes choses, développeront des +programmes puissants et passionnants, alors vous avez besoin d'encourager +cet élan chaque fois qu'un enfant le possède. Donc il est important de +fournir des installations et un environnement social qui favorise ce type +d'enseignement. +Le moyen d'y arriver, c'est que les écoles utilisent du logiciel libre ; +quand un élève commence à poser la question « Comment est-ce que cela +fonctionne en fait ? » le professeur peut dire « C'est fait par le programme +Fubar. Tu peux trouver le code source du programme Fubar ici. Lis-le et vois +par toi-même comment il fonctionne. » Puis, si un élève dit « Vous savez, +j'ai une idée pour l'améliorer » le professeur peut dire « Pourquoi ne pas +essayer ? Essaie de l'écrire. Fais le changement dans le programme Fubar +pour modifier cette fonctionnalité. » +</p> +<p> +Pour apprendre à être un bon écrivain, vous devez lire beaucoup et écrire +beaucoup. C'est la même chose quand vous écrivez des logiciels : vous devez +lire beaucoup de logiciels et en écrire beaucoup. Pour apprendre à +comprendre de gros programmes, vous devez travailler avec de gros +programmes. Mais par où commencer ? Au début, vous ne pouvez pas écrire un +gros programme vous-même et faire un bon travail, parce que vous n'avez pas +appris à le faire. Comment allez-vous apprendre ? Vous devez lire les gros +programmes existants et essayer d'y faire de petits changements. Parce qu'à +ce stade, vous ne pouvez pas écrire de gros programmes par vous-même, mais +vous pouvez écrire une petite amélioration dans un gros programme. +</p> +<p> +C'est ainsi que j'ai appris à être un bon programmeur. J'avais une +opportunité particulière à l'Institut de technologie du Massachusetts +(MIT). Il y avait un laboratoire où ils avaient écrit leur propre système +d'exploitation et l'utilisaient. J'y suis allé et ils me dirent : « Nous +voudrions vous embaucher. » Ils m'embauchèrent pour améliorer les programmes +dans ce système d'exploitation. C'était ma deuxième année d'université. À +l'époque, je n'aurais pas pu écrire tout un système d'exploitation +moi-même. Je n'aurais pas pu écrire ces programmes à partir de zéro, mais je +pouvais les lire et leur ajouter une fonctionnalité, puis une autre, et une +autre, et encore une autre. +Chaque semaine, j'ajoutais une fonctionnalité nouvelle à un programme. En +faisant cela de nombreuses fois, j'ai développé mes compétences. Dans les +années 70, on n'avait cette d'opportunité que dans un endroit très +particulier. Mais aujourd'hui, on peut donner cette opportunité à +chacun. Tout ce dont on a besoin, c'est d'un PC exécutant le système +GNU/Linux avec le code source. Ainsi vous pouvez facilement encourager les +adolescents japonais, ceux d'entre eux qui sont fascinés par les +ordinateurs, à devenir de bons programmeurs. +</p> +<p> +J'ai un ami qui était professeur de lycée dans les années 80 et qui installa +la première machine Unix dans un lycée. Il supervisa alors les lycéens qui +devinrent de bons programmeurs. Plusieurs d'entre eux étaient de très bon +programmeurs avec un certain renom quand ils obtinrent leur diplôme. Je suis +sûr que chaque lycée recèle quelques personnes qui ont ce talent et qui +voudront le développer. Ils ont juste besoin d'une opportunité. C'est la +deuxième raison pour laquelle les écoles doivent utiliser exclusivement du +logiciel libre. +</p> +<p> +La troisième raison est encore plus fondamentale. Nous voulons que les +écoles enseignent les faits et les compétences, bien sûr, mais aussi de +bonnes dispositions morales, ce qui signifie être préparé à aider d'autres +personnes. Cela signifie que l'école doit dire aux enfants : « Tout logiciel +qui se trouve ici peut être copié. Copiez-le et emmenez-le à la +maison. C'est ce pourquoi il est là. Si vous amenez un logiciel à l'école, +vous devez le partager avec les autres enfants. Si vous ne voulez pas le +partager avec les autres, ne l'amenez pas ici, il n'a rien à y faire, parce +que nous enseignons aux enfants à s'entraider. » L'éducation morale est +importante pour chaque société. +</p> +<p> +Je n'ai pas inventé l'idée de logiciel libre. Le logiciel libre est né dès +qu'il y a eu deux ordinateurs de même type, parce que les gens qui utilisent +l'un écrivent un logiciel, et les gens qui utilisent l'autre demandent : +« Vous savez comment résoudre ce problème ? ». Et ils répondent : +« Oui. Nous avons écrit quelque chose pour résoudre ce problème. En voici +une copie. » Alors ils commencent à échanger les logiciels qu'ils ont +développés, afin de pouvoir tous en développer plus. Mais dans les +années 60, on a eu tendance à les remplacer par des logiciels non libres, +tendance à mettre les utilisateurs sous contrôle, à leur refuser la liberté. +</p> +<p> +Quand j'étais en première année d'université, il m'a été donné de voir un +exemple moral qui m'a impressionné. J'utilisais les ordinateurs d'une salle +informatique, et dans cette salle, les responsables disaient : « C'est un +établissement d'enseignement et nous sommes là pour que les gens apprennent +l'informatique. Aussi, nous avons une règle : chaque fois qu'un logiciel est +installé sur un système, le code source doit être affiché de sorte que les +gens puissent le lire et apprendre comment le logiciel fonctionne. » +L'un des employés écrivit un utilitaire et commença à le vendre comme +logiciel non libre. Il ne vendait pas ces copies comme je le faisais ; il +restreignait les utilisateurs. Mais il offrit à l'école un exemplaire +gratuit, et les personnes en charge de la salle informatique dirent alors : +« Non, nous n'installerons pas ceci ici, car notre règle est que le code +source doit être affiché. Si vous ne nous laissez pas afficher le code +source de ce programme, nous n'utiliserons pas votre programme. » Cela m'a +inspiré parce que c'était une volonté de renoncer à la commodité pour le +bien de quelque chose de plus important qui est la mission d'une école : +l'éducation. +</p> +<p> +Le laboratoire où je travaillais au MIT était cependant une exception dans +les années 70, parce que nous avions un système d'exploitation qui était +libre. À l'époque, la plupart des ordinateurs fonctionnaient avec des +systèmes d'exploitation non libres. Mais j'ai été inspiré par l'exemple que +j'y ai vu et j'ai appris à vivre de cette manière. J'ai appris un mode de +vie où l'on enseigne ses connaissances aux autres plutôt que de les garder +pour soi. Puis, cette communauté disparut au début des années 80. À ce +moment-là, j'ai lancé le mouvement du logiciel libre. Je n'ai pas créé le +logiciel libre. J'ai appris ses méthodes en rejoignant un laboratoire où les +gens les pratiquaient déjà. Ce que j'ai fait, c'est de transformer cela en +un mouvement éthique et sociétal, pour dire que c'est une question de choix +entre une bonne société et une société laide, entre un mode de vie propre, +convivial et utile où nous avons la liberté, et un mode de vie où chacun est +prisonnier de divers empires conquérants, où les gens croient qu'en pratique +ils n'ont d'autre choix que d'abandonner leur liberté. +</p> +<p> +Théoriquement, d'un côté les gens disent : « Oh, personne ne vous force à +utiliser des logiciels non libres. Personne ne vous force à utiliser +Microsoft Word. » D'un autre côté, les gens disent : « Je n'ai pas le +choix. » Pratiquement, il ne s'agit pas d'une situation de choix +individuel. Oui, c'est vrai, si vous êtes déterminé à être libre, déterminé +à les rejeter, vous pouvez le faire, mais cela demande beaucoup de +détermination. Quand j'ai débuté il y a vingt ans, cela demandait un immense +travail d'utiliser un ordinateur sans logiciel non libre. En 1983, tous les +systèmes d'exploitation pour les ordinateurs modernes étaient +privateurs. Vous ne pouviez utiliser l'ordinateur que vous possédiez qu'avec +des logiciels non libres. Pour changer cela, nous avons passé des années à +travailler, et nous avons réussi ; nous avons changé cela. +</p> +<p> +Pour vous aujourd'hui, la situation est plus facile. Il y a des systèmes +d'exploitation libres. Vous pouvez vous procurer un ordinateur moderne et +l'utiliser avec des logiciels libres, exclusivement avec des logiciels +libres. Ainsi, de nos jours, plutôt qu'un sacrifice énorme, vous n'avez qu'à +faire un petit sacrifice temporaire, et vous pouvez alors vivre en +liberté. En travaillant ensemble, nous pouvons éliminer ce sacrifice. Nous +pouvons rendre plus facile de vivre en liberté. Mais pour cela, nous devons +travailler. Nous devons reconnaître la liberté comme valeur sociétale. +</p> +<p> +Chaque État essaie d'effectuer son travail à moindre coût, et chaque +administration publique a un travail particulier à faire. Aussi, quand des +administrations publiques choisissent leurs ordinateurs, elles ont tendance +à se cantonner à des questions pratiques : combien cela coûtera-t-il, quand +pourrons-nous l'avoir en état de marche, etc. +</p> +<p> +Mais l'État a une mission plus importante, qui est de guider le pays dans +une direction saine, qui soit bénéfique pour les citoyens. Par conséquent, +lorsque les administrations publiques choisissent un système pour leurs +ordinateurs, elles doivent faire en sorte de conduire le pays vers le +logiciel libre. C'est mieux pour l'économie du pays, car les utilisateurs, +au lieu de payer simplement pour la permission d'exécuter le logiciel, +paieront des gens dans leur région pour l'améliorer et l'adapter à leurs +besoins. Ainsi, au lieu de drainer tout vers Redmond, Washington, l'argent +circulera dans la région en créant des emplois localement, plutôt que de +remplir les poches de quelqu'un. Mais plus important encore, il crée un mode +de vie où le pays et les gens sont indépendants et libres. +</p> + +<div class="translators-notes"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.--> +<hr /><b>Notes de traduction</b><ol> +<li id="TransNote1"><cite>Free</cite> veut dire « libre » ou « gratuit ». <a +href="#TransNote1-rev" class="nounderline">↑</a></li> +<li id="TransNote2">Autre traduction de <cite>proprietary</cite> : +propriétaire. <a href="#TransNote2-rev" +class="nounderline">↑</a></li></ol></div> +</div> + +<!-- for id="content", starts in the include above --> +<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" --> +<div id="footer"> +<div class="unprintable"> + +<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a +href="mailto:gnu@gnu.org"><gnu@gnu.org></a>. Il existe aussi <a +href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens +orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a +href="mailto:webmasters@gnu.org"><webmasters@gnu.org></a>.</p> + +<p> +<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph, + replace it with the translation of these two: + + We work hard and do our best to provide accurate, good quality + translations. However, we are not exempt from imperfection. + Please send your comments and general suggestions in this regard + to <a href="mailto:web-translators@gnu.org"> + + <web-translators@gnu.org></a>.</p> + + <p>For information on coordinating and submitting translations of + our web pages, see <a + href="/server/standards/README.translations.html">Translations + README</a>. --> +Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne +qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires +sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les +traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org"> +<web-translators@gnu.org></a>.</p> +<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des +traductions de nos pages web, reportez-vous au <a +href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p> +</div> + +<!-- Regarding copyright, in general, standalone pages (as opposed to + files generated as part of manuals) on the GNU web server should + be under CC BY-ND 3.0 US. Please do NOT change or remove this + without talking with the webmasters or licensing team first. + Please make sure the copyright date is consistent with the + document. 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Stallman</p> + +<p>Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence <a +rel="license" +href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/3.0/us/deed.fr">Creative +Commons attribution de paternité, pas de modification, 3.0 États-Unis +(CC BY-ND 3.0 US)</a>.</p> + +<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" --> +<div class="translators-credits"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.--> +Traduction : Cédric Corazza.<br /> Révision : <a +href="mailto:trad-gnu@april.org">trad-gnu@april.org</a></div> + +<p class="unprintable"><!-- timestamp start --> +Dernière mise à jour : + +$Date: 2018/11/03 21:59:49 $ + +<!-- timestamp end --> +</p> +</div> +</div> +</body> +</html> |