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+
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+<title>Discours d'Eben Moglen à Harvard - Projet GNU - Free Software Foundation</title>
+
+<!--#include virtual="/philosophy/po/moglen-harvard-speech-2004.translist" -->
+<!--#include virtual="/server/banner.fr.html" -->
+<h2>Eben Moglen - Discours pour le <cite>Harvard Journal of Law and
+Technology</cite></h2>
+
+<blockquote>
+<p>23 février 2004 - Cambridge, Massachusetts, USA.</p>
+</blockquote>
+
+<p>
+<i>Eben Moglen est professeur de droit et d'histoire juridique à la
+</i>Columbia Law School<i> (faculté de droit de l'université Columbia) et
+avocat-conseil général de la Fondation pour le logiciel libre.</i>
+</p>
+
+<p>
+Merci. C'est un grand plaisir d'être ici. Je voudrais remercier le
+<cite>Journal of Law and Technology</cite> et Jonathan Zittrain de leurs
+efforts conjoints pour ce parfait accueil. C'est vrai que je me sens quelque
+peu dépassé à la perspective d'essayer de parler pendant un temps
+appréciable d'un procès qui n'avance pas vraiment. Je vais cependant
+mentionner le procès SCO à l'occasion, au cours de mes remarques.
+</p>
+
+<p>
+M. McBride, quand il était ici, a eu l'amabilité de me citer une ou deux
+fois, je vais donc lui retourner cette faveur. J'espère que vous
+remarquerez, pour ceux d'entre vous qui ont suivi la conversation, que je
+suis prompt à répondre à ses remarques. Cependant je ne pense pas que le
+faire sous cette forme pourrait mener, comme Jonathan le suggère, à une
+soirée particulièrement intéressante intellectuellement parlant.
+</p>
+
+<p>
+Le logiciel libre, vous savez, j'en suis sûr, que je ne l'ai pas inventé,
+qu'il est <cite>free as in freedom, not free as in beer</cite>.<a
+id="TransNote1-rev" href="#TransNote1"><sup>1</sup></a> Un des principaux
+problèmes de la conversation que nous avons eue au sujet de ce procès avec
+votre série d'invités distingués cette année est qu'au moins jusqu'ici, il a
+été suggéré, semble-t-il, que le but de ceux d'entre nous qui croient dans
+le mouvement du logiciel libre serait surtout d'empêcher les gens de dégager
+un profit dans l'industrie informatique.
+</p>
+
+<p>
+Certains suggèrent que cela résulte d'une violente antipathie envers l'idée
+de profit ou d'une antipathie particulière envers l'idée que les gens aient
+besoin d'incitations financières pour faire ce qu'ils font. Je m'autorise au
+passage à préciser que nous croyons fortement à la valeur des incitations
+financières, bien que nous abordions ce problème d'une manière légèrement
+différente de celle de M. McBride. Mais au final il ne s'agit pas – et nous
+devons débuter par là – au final il ne s'agit pas de rendre les chose
+gratuites. Il s'agit de rendre les choses libres.
+</p>
+
+<p>
+Le but du mouvement du logiciel libre est de donner aux gens la capacité de
+comprendre, apprendre, améliorer, adapter et partager la technologie qui
+domine de plus en plus toute vie humaine.
+</p>
+
+<p>
+L'équité en laquelle nous croyons fondamentalement et dont il s'agit ici
+n'est pas que les choses soient <cite>free</cite>/gratuites. Elle est que
+nous soyons <cite>free</cite>/libres et que nos pensées soient libres ; que
+nous soyons capables d'en savoir le plus possible à propos du monde dans
+lequel nous vivons, et que nous soyons le moins possible prisonniers du
+savoir d'autres personnes, au-delà de la satisfaction de notre propre
+compréhension et initiative.
+</p>
+
+<p>
+Cette idée repose sur l'intense désir qui anime mon cher ami et collègue,
+Richard Stallman, depuis le début des années 80, de donner le jour à un
+monde dans lequel tous les logiciels nécessaires à quiconque pour faire quoi
+que ce soit seraient disponibles selon des conditions permettant le libre
+accès aux savoirs que ces logiciels contiennent, ainsi que la possibilité de
+créer librement des connaissances supplémentaires et d'améliorer librement
+la technologie existante par sa modification et son partage.
+</p>
+
+<p>
+C'est le désir d'une libre évolution du savoir technique. Une descendance
+par modification non perturbée par des principes interdisant l'amélioration,
+l'accès et le partage.<a id="TransNote2-rev"
+href="#TransNote2"><sup>2</sup></a> Si vous y réfléchissez, cela sonne
+plutôt comme un engagement à encourager la diffusion des sciences et des
+arts utiles en promouvant l'accès à la connaissance.
+</p>
+
+<p>
+Bref, l'idée du mouvement du logiciel libre n'est ni hostile, ni opposée
+d'une quelconque façon à l'ambition du XVIIIe siècle d'améliorer la société
+et l'être humain par l'accès à la connaissance.
+</p>
+
+<p>
+La « clause du copyright » de l'article 1, section 8,<a id="TransNote3-rev"
+href="#TransNote3"><sup>3</sup></a> est l'un des nombreux moyens grâce
+auxquels nos pères fondateurs, plutôt moins réalistes qu'on ne les dépeint
+habituellement, ont participé à la grande croyance du XVIIIe siècle dans la
+perfectibilité du monde et de la vie humaine.
+</p>
+
+<p>
+La clause du copyright est une manifestation juridique particulière de
+l'idée de perfectibilité basée sur l'accès au savoir et sur son
+partage. Cependant, nous, les héritiers du XXIe siècle de cette promesse,
+vivons dans un monde dans lequel on peut douter que les principes de
+propriété, rigoureusement appliqués, avec leur inévitable corollaire
+d'exclusion – c'est à moi, vous ne pouvez pas l'avoir tant que vous ne me
+payerez pas – que les principes de propriété contribuent à notre but commun
+d'améliorer la vie humaine et la société par l'accès au savoir.
+</p>
+
+<p>
+Depuis vingt ans nous affirmons que, dans la mesure où elles encouragent la
+diffusion des sciences et des arts utiles, les règles du copyright sont
+bonnes. Et que dans la mesure où elles découragent la diffusion des sciences
+et des arts utiles, elles peuvent être améliorées.
+</p>
+
+<p>
+Nous les avons améliorées, pardonnez-moi de nous en attribuer le crédit,
+nous les avons améliorées, et de façon substantielle, sans nier aucune des
+règles existantes sur le copyright. Au contraire, nous avons été tout à fait
+scrupuleux à ce sujet.
+</p>
+
+<p>
+Une des choses qui m'amusent au milieu de la rhétorique qui agite les
+esprits en ce moment, est à quel point mes activités habituelles d'avocat me
+semblent curieusement orthodoxes.
+</p>
+
+<p>
+Bien que pas forcément bien accueilli à Los Angeles, je me retrouve en train
+de me comporter exactement de la même façon qu'un tas d'avocats de Los
+Angeles. Je veux que les copyrights de mes clients soient respectés, et je
+passe une bonne partie de mon temps à essayer péniblement de faire jouer les
+gens selon les règles-mêmes qui figurent dans le droit du copyright, lequel,
+paraît-il, je suis si occupé à essayer de détruire.
+</p>
+
+<p>
+Le logiciel libre est une tentative d'utiliser les principes du XVIIIe
+siècle d'incitation à la diffusion du savoir pour transformer
+l'environnement technique des êtres humains. Et comme le dit Jonathan, mon
+opinion personnelle à ce sujet est que le démarrage de notre expérience est
+plutôt un succès.
+</p>
+
+<p>
+C'est à cause de ce succès qu'il y a maintenant contre elle un retour de
+flamme, dont l'un des éléments mineurs est la controverse qui secoue
+actuellement le monde, l'affaire SCO contre IBM. Apparemment elle est censée
+devenir bientôt, selon ce qu'a dit M. McBride lorsqu'il était ici, SCO
+contre un truc appelé la communauté Linux.
+</p>
+
+<p>
+Je ne pense pas que ce soit ce qui se passe réellement, mais c'est
+certainement ce que M. McBride est venu dire ici.
+</p>
+
+<p>
+Donc je ferais mieux de parler un moment de notre point de vue sur la
+situation que M. McBride décrit comme un excellent test pour savoir si les
+produits libres sont en train d'une manière ou d'une autre de tuer les
+incitations à la production sur Internet.
+</p>
+
+<p>
+Le logiciel libre, dont le système d'exploitation appelé Linux est un
+exemple très important parmi des milliers, le logiciel libre est la plus
+grande bibliothèque de références techniques sur la planète Terre, pour le
+moment.
+</p>
+
+<p>
+La raison pour laquelle je dis cela est que le logiciel libre est la seule
+collection d'informations fixée sous une forme tangible, au moyen de
+laquelle n'importe qui, de n'importe où, peut évoluer de la totale ignorance
+à la pointe du progrès dans un domaine technique essentiel – ce que l'on
+peut faire faire à un ordinateur – uniquement en consultant du matériel
+qu'il ou elle est entièrement libre d'adapter et réutiliser, par tous les
+moyens souhaités.
+</p>
+
+<p>
+Nous rendons possible l'apprentissage dans le monde entier en autorisant les
+gens à expérimenter, non avec des jouets, mais avec les vrais outils qu'on
+utilise effectivement pour faire tout le bon travail.
+</p>
+
+<p>
+Dans ce but, nous sommes engagés dans la réalisation d'un système éducatif
+et d'un système d'amélioration du capital humain qui porte la promesse
+d'encourager la diffusion de notre science et de notre art utile d'une
+manière qui contribue à la perfectibilité de l'être humain.
+</p>
+
+<p>
+C'est ce que nous essayons de faire, et nous l'avons fait. Nous sommes,
+apparemment, en train de mettre en faillite une entreprise appelée
+<cite>Santa Cruz Operation</cite> [sic] – ou SCO Ltd. Ce n'était pas notre
+intention. C'est le résultat d'une chose appelée le potentiel de destruction
+créatrice du capitalisme, identifiée jadis par Joseph Schumpeter. Nous
+faisons un truc mieux et à moindre coût que ne le font ces personnes qui
+utilisent l'argent des autres pour le faire. Ce résultat – fêté partout où
+l'on croit réellement au capitalisme – est que les entreprises existantes
+vont devoir changer leur mode opératoire ou quitter le marché. C'est
+généralement vu comme un résultat positif, associé aux énormes augmentations
+de bien-être que le capitalisme fête à chaque occasion en espérant que les
+quelques défauts qu'il pourrait avoir seraient moins visibles une fois cet
+énorme bénéfice bien mis en évidence.
+</p>
+
+<p>
+M. McBride ne veut pas faire faillite. C'est compréhensible. M. Gates ne
+veut pas faire faillite non plus. Mais ils sont tous deux du mauvais côté
+d'un problème spécifique à l'économie politique du XXIe siècle : ils voient
+le logiciel en tant que produit. Pour rendre leur « modèle économique »
+efficace, le logiciel doit donc être une chose rare. Et de cette rareté du
+logiciel on pourra tirer un prix qui inclura une rente économique grâce à
+laquelle M. McBride a suggéré que quelqu'un pourra acheter une résidence
+secondaire.
+</p>
+
+<p>
+M. McBride pensait que c'était les programmeurs qui seraient capables
+d'acheter une résidence secondaire, mais les personnes qui comprennent
+vraiment l'état actuel de l'industrie logicielle reconnaissent que les
+programmeurs n'achètent pas de résidence secondaire par les temps qui
+courent. Ce que M. McBride veut dire, je pense, c'est que les dirigeants qui
+emploient les programmeurs, et les financiers qui emploient les dirigeants
+qui emploient les programmeurs, achèteront une résidence secondaire grâce au
+modèle le-logiciel-est-un-produit pendant quelque temps encore.
+</p>
+
+<p>
+Nous pensons que le logiciel n'est pas un produit, parce que nous ne croyons
+pas que des gens doivent en être exclus. Nous pensons que le logiciel est
+une forme de savoir. L'<cite>International Business Machines
+Corporation</cite> (IBM), la <cite>Hewlett Packard Corporation</cite>, ainsi
+que bon nombre d'autres organisations représentées ce soir physiquement ou
+par la pensée, ont une autre théorie, à savoir qu'au XXIe siècle le logiciel
+est un service, une forme de service public associé au fait de savoir en
+tirer le meilleur parti. Ceci, d'une manière générale, rend possible la
+croissance économique pour les entreprises privées ; cette croissance dégage
+un surplus qui peut être utilisé pour payer les personnes qui aident à le
+produire en tirant le meilleur parti possible de ce service public.
+</p>
+
+<p>
+Je pense qu'il serait utile d'indiquer, si vous le voulez bien, que nous
+vivons actuellement dans un monde où, si je peux employer une métaphore,
+M. McBride et ses collègues – et je veux effectivement parler de ceux de
+Redmond, ainsi que de ceux de l'Utah – pensent que toutes les routes
+devraient être à péage. La possibilité d'aller d'un endroit à un autre est
+un produit. Achetez-le ou nous vous excluons de cette possibilité. D'autre
+personnes croient que les autoroutes devraient être des services
+publics. Trouvons le moyen d'utiliser les autoroutes de la meilleure façon
+possible, de sorte que tout le monde puisse en bénéficier – par la réduction
+des coûts du transport des marchandises et de la mise à disposition de
+services – et il y aura de l'argent en quantité pour payer les ingénieurs de
+la circulation routière et les gens qui réparent les nids de poule.
+</p>
+
+<p>
+Nous croyons, pour ce que vaut notre point de vue sur l'économie du marché
+logiciel au XXIe siècle – après tout c'est nous qui l'avons transformée –
+nous croyons que la conception de service public du logiciel reflète mieux
+l'actualité économique du XXIe siècle. Nous ne sommes pas surpris que
+M. McBride fasse faillite avec l'autre modèle économique.
+</p>
+
+<p>
+M. McBride déclare qu'il est en train faire faillite parce que quelqu'un lui
+a pris ce qui lui appartient. C'est un procès. Il s'avère cependant que nous
+ne sommes pas les gens dont il croit qu'ils ont pris ce qui ne lui
+appartient en fait pas. Sa théorie est que différentes personnes ont promis
+à AT&amp;T, à différents moments, qu'ils feraient ou ne feraient pas
+différentes choses, que certaines de ces personnes ayant promis jadis à
+AT&amp;T de faire ou de ne pas faire différentes choses n'ont pas tenu leurs
+promesses et que c'est Linux, un programme informatique distribué sous
+licence libre, qui en a bénéficié.
+</p>
+
+<p>
+M. McBride peut avoir raison à ce propos comme il peut avoir tort. Nous ne
+connaissons pas le contenu de ces contrats d'une manière générale, et nous
+ne sommes même pas sûrs, comme M. McBride vous l'a précisé quand il était
+ici, qu'il soit le bénéficiaire de ces contrats. Il est actuellement engagé
+dans un contentieux où il essaie de prouver qu'il a effectivement ce qu'il
+prétend posséder – certains droits contractuels dont il affirme qu'ils lui
+ont été cédés par Novell. Je n'ai aucune opinion sur l'identité du
+propriétaire de ces droits, et je souhaite à M. McBride bonne chance pour sa
+procédure.
+</p>
+
+<p>
+Mais M. McBride a également prétendu que nos travaux créatifs sont d'une
+certaine manière affectés par ces litiges contractuels, affectés dans le
+sens où il a déclaré, bien que jusqu'ici cela n'ait pas été suivi d'effet,
+que les utilisateurs de logiciels libres sont redevables envers lui, ou sa
+société, sur la base de revendications issues de relations contractuelles
+entre AT&amp;T, Sequent, IBM et d'autres, sur une certaine période.
+</p>
+
+<p>
+J'ai passé pas mal de temps en réflexions fastidieuses sur chaque épisode de
+l'histoire pour savoir s'il pourrait mener à une revendication de copyright
+contre des tierces parties, comme M. McBride et ses collègues l'ont
+rapporté.
+</p>
+
+<p>
+J'ai passé tout ce temps parce qu'il y avait dans le monde de nombreuses
+tierces parties impliquées par les revendications de M. McBride concernant
+des problèmes de copyright. J'ai démonté des exemples fantômes de ce qui
+était appelé travail dérivé mais n'était pas du travail dérivé au sens
+juridique, ou des revendications de copyright qui se sont révélées porter
+sur du code dont on ne pouvait pas déterminer le propriétaire et qui
+appartenait au domaine public depuis des années, ou du code que M. McBride,
+selon ses dires, était chargé d'empêcher les gens d'utiliser, longtemps
+après leur avoir délibérément donné ce même code avec la promesse qu'ils
+pouvaient l'utiliser, le copier, le modifier et le distribuer comme ils le
+voudraient.
+</p>
+
+<p>
+Et petit à petit, je me suis rendu compte qu'il n'existait pas un seul
+moyen, pour l'entreprise de M. McBride, de revendiquer contre des tierces
+parties – qui jamais, de près ou de loin, n'avaient été en contrat privé
+avec AT&amp;T ou leurs successeurs sur du code présent dans le système
+d'exploitation Unix – quoi que ce soit qui puisse les forcer à payer des
+dommages et intérêts ou les empêcher d'utiliser du logiciel libre.
+</p>
+
+<p>
+C'est cela que nous appelons SCO ; non pas un procès basé effectivement sur
+des promesses échangées entre IBM et AT&amp;T, mais une croyance mystérieuse
+que quelque part dans le monde des dizaines de milliers de gens devraient
+arrêter d'utiliser du logiciel valant des milliards de dollars dont nous
+leur avons rendu possible l'acquisition pour un coût marginal, uniquement à
+cause de quelque accord entre AT&amp;T et quelqu'un d'autre de qui la
+société de M. McBride a repris les intérêts.
+</p>
+
+<p>
+Je ne vois aucune substance dans cette revendication. Et je suis prêt, sous
+la conduite de vos questions fouillées et hostiles, à expliquer par le menu
+pourquoi je pense que c'est vrai. Mais j'ai publié ces différentes
+investigations, et je ne veux pas les récapituler ici ce soir. Je pense que
+ce serait un gaspillage du temps que nous passons ensemble.
+</p>
+
+<p>
+Dans le répertoire <a
+href="/philosophy/sco/">www.gnu.org/philosophy/sco</a>, le tout en
+minuscule, vous trouverez les différents articles que nous avons écrits sur
+ces sujets, M. Stallman et moi, et dans lesquels, je l'espère, nous avons
+relevé en détail chaque point.
+</p>
+
+<p>
+Mais il est difficile de résister à l'envie de parler de la Cour suprême des
+États-Unis dans une salle de cours de la <cite>Harvard Law School</cite>. Je
+voudrais donc, juste pour un moment, faire un peu d'« observation de
+tribunal ».<a id="TransNote4-rev" href="#TransNote4"><sup>4</sup></a>
+</p>
+
+<p>
+M. McBride, quand il est venu ici, a eu beaucoup à dire sur un cas appelé
+Eldred contre Ashcroft, dans lequel M. McBride a découvert que la Cour
+suprême des États-Unis s'est prononcée par 7 à 2 contre le logiciel libre et
+en faveur du capitalisme [rires dans l'assistance]. Ce qui est bizarre,
+c'est que le jour même où M. McBride se tenait ici pour discuter de ce sujet
+avec vous, j'étais à Los Angeles pour discuter de la même chose avec un
+quidam nommé Kevin McBride, frère de M. McBride et auteur du document dont
+il parlait.
+</p>
+
+<p>
+Dans cette discussion, Kevin McBride avait l'avantage d'être avocat, ce qui
+aide un peu pour parler de la Cour suprême des États-Unis. Mais cette aide
+n'a pas été tout à fait suffisante.
+</p>
+
+<p>
+L'astuce de base pour discuter d'une affaire – je frémis de dire cela dans
+cette salle où j'ai enseigné à des élèves de première année en droit –
+l'astuce de base pour discuter d'une affaire est de séparer le
+<cite>holding</cite> du <cite>dicta</cite>,<a id="TransNote5-rev"
+href="#TransNote5"><sup>5</sup></a> un travail avec lequel les avocats tout
+autour de la planète, ainsi que chacun d'entre vous, ont occupé nombre de
+mois lugubres de septembre et octobre.
+</p>
+
+<p>
+Les McBride, à eux deux – j'ai parfois l'impression d'être dans une sorte de
+film de Quentin Tarantino avec eux [rires] – les McBride n'ont pas réussi à
+distinguer de manière adéquate le <cite>holding</cite> du
+<cite>dicta</cite>.
+</p>
+
+<p>
+Je n'aime pas Eldred contre Ashcroft. Je pense que le jugement n'a pas été
+bien rendu. Dans cette affaire, j'ai fait un mémoire d'<cite>amicus
+curiae</cite> et aidé mon collègue et ami Larry Lessig dans la présentation
+des arguments principaux, qui n'ont, malheureusement, pas gagné.
+</p>
+
+<p>
+Bizarrement, et je vous en expliquerai juste assez pour vous le montrer,
+bizarrement, c'est la position que nous avons prise dans Eldred contre
+Ashcroft – si vous vous en tenez au <cite>holding</cite> plutôt qu'au
+<cite>dicta</cite> – qui serait favorable à la position que M. McBride
+défend actuellement. Ce qui s'est passé dans Eldred contre Ashcroft,
+contrairement à la présentation qui en est faite, est en fait mauvais pour
+l'argument que M. McBride a présenté, quel que soit le M. McBride. Mais ils
+n'y ont pas assez réfléchi.
+</p>
+
+<p>
+Laissez-moi vous expliquer pourquoi. L'énorme difficulté qu'a SCO avec le
+logiciel libre n'est pas leur attaque ; c'est leur défense inadéquate. Pour
+vous défendre dans une affaire dans laquelle vous enfreignez la liberté du
+logiciel libre, vous devez être prêt à répondre à un appel téléphonique que
+je passe assez souvent avec mes collègues de la Fondation présents ici ce
+soir. La conversation ressemble à ceci :<br />
+
+« M. le Défendeur Potentiel, vous distribuez une œuvre placée sous copyright
+de mon client sans sa permission. Veuillez cesser. Et si vous voulez
+continuer à la distribuer, nous vous aiderons à retrouver vos droits de
+distribution, qui ont cessé avec votre infraction, mais vous allez devoir le
+faire de la bonne façon. »
+</p>
+
+<p>
+Au moment où je passe cet appel, l'avocat du défendeur potentiel a désormais
+un choix. Il peut coopérer, ou se battre avec nous. Et s'il va en justice
+pour se battre avec nous, il aura un second choix à faire. Nous dirons au
+juge : « M. le Juge, M. le Défendeur a utilisé notre œuvre protégée par
+copyright, l'a copiée, modifiée et distribuée sans notre permission. Merci
+de le faire cesser. »
+</p>
+
+<p>
+Une des choses que le défendeur peut répondre est : « Vous avez raison. Je
+n'ai pas de licence. » Les défendeurs ne veulent en général pas dire cela,
+car s'ils le font, ils perdent. Donc les défendeurs, quand ils imaginent ce
+qu'ils diront au tribunal, réalisent que ce qu'ils diront est : « Mais
+M. le Juge, j'ai une licence. C'est ce document, la GNU GPL, <cite>General
+Public License</cite>. » À ce moment-là, comme je connais assez bien la
+licence et que je sais de quelle manière elle est violée, je dirai : « Eh
+bien M. le Juge, il avait cette licence mais a violé ses termes et selon
+l'article 4 de cette licence, quand il a violé ses termes elle a cessé de
+fonctionner pour lui. »
+</p>
+
+<p>
+Mais notez que pour survivre le premier instant d'un procès sur le logiciel
+libre, c'est le défendeur qui doit agiter la GPL. C'est son autorisation, la
+clé maîtresse qui lui assure un procès de plus d'une nanoseconde.<a
+id="TransNote6-rev" href="#TransNote6"><sup>6</sup></a> Ceci, très
+simplement, est ce qui explique la déclaration que vous avez entendue
+– M. McBride l'a faite ici il y a quelques semaines – à savoir que la GPL
+n'a jamais été attaquée en justice.
+</p>
+
+<p>
+Pour tous ceux qui aiment dire que la GPL n'a jamais subi le test d'une
+attaque en justice, je n'ai qu'une chose très simple à répondre : « J'aurais
+été très heureux de m'y lancer. Ce sont les défendeurs qui n'ont pas
+voulu. Et si, pendant dix ans bien tassés, tout le monde a laissé passer
+l'occasion de lancer une bataille juridique, devinez quoi ? Ce n'est pas
+sans raison. »</p>
+
+<p>
+La GPL a été une réussite pendant les dix ans où je m'en suis occupé, parce
+qu'elle marchait, pas parce qu'elle ne marchait pas ou était mise en
+doute. M. McBride et ses collègues font maintenant face à cette même
+difficulté, et la personne en face est IBM – une grosse, riche et puissante
+société qui n'a pas l'intention de lâcher le morceau.</p>
+
+<p>
+Ils ont distribué le noyau du système d'exploitation, un programme appelé
+Linux. Je veux dire, SCO l'a fait. Ils continuent de le faire pour leurs
+anciens clients puisqu'ils ont une responsabilité contractuelle de fournir
+la maintenance.
+</p>
+
+<p>
+Quand ils distribuent ce programme qu'on appelle Linux, ils distribuent
+l'œuvre de milliers de personnes, et ils le font sans licence, puisqu'ils
+ont détruit la leur en essayant d'y rajouter des clauses, en ajoutant des
+frais de licence supplémentaires en violation des articles 2 et 6 de la GPL.
+</p>
+
+<p>
+Selon l'article 4 de la GPL, quand ils l'ont violée, ils ont perdu leur
+droit de distribution, et IBM a dit dans une demande reconventionnelle de
+son procès : « M. le Juge, ils distribuent notre œuvre placée sous copyright
+sans aucune permission. Faites-les cesser. »
+</p>
+
+<p>
+S'ils étaient malins, chez SCO, ils auraient dit : « Mais votre Honneur,
+nous avons une licence. C'est la GNU GPL. » Maintenant pour des raisons que
+nous pourrions expliquer, mais ce n'est pas nécessaire, ils n'ont pas voulu
+dire cela, peut-être parce que cela aurait posé problème aux autres
+revendications de leur procès, ou peut-être parce qu'ils avaient reçu un
+investissement de 10 millions de dollars de Microsoft, mais nous reparlerons
+de cela plus tard j'en suis sûr, au moment des questions.
+</p>
+
+<p>
+En tout cas, ils n'ont pas dit cela. Ce qu'ils ont répliqué est : « Mais
+M. le Juge, la GNU GPL viole la Constitution des États-Unis, la loi sur le
+copyright, la loi sur le contrôle des exportations, » et j'ai oublié s'ils
+ont ajouté ou non la Charte des Nations unies sur des droits de l'homme
+[rires].
+</p>
+
+<p>
+Pour le moment, limitons-nous simplement à la question de savoir si la GPL
+viole la Constitution des États-Unis. J'en profite pour revenir sur Eldred
+contre Ashcroft.
+</p>
+
+<p>
+Dans Eldred contre Ashcroft, 435 membres du Congrès et une centaine de
+sénateurs ont été achetés avec ruse pour rendre le copyright éternel. Ce
+pot-de-vin, qui bien sûr était parfaitement légal et avait pour nom
+« campagne de contribution », a été offert au Congrès pour obtenir une
+extension de la durée des copyrights.
+</p>
+
+<p>
+En 1929, « Steamboat Willy » a pour la première fois montré au public une
+créature appelée Mickey. D'après les termes du copyright de l'époque,
+inchangés jusqu'à très récemment, la durée des droits d'auteur détenus par
+une société était de 75 ans. S'il n'y avait pas eu cette action au Congrès
+en 2004, Mickey aurait échappé au contrôle de son propriétaire, du moins
+sous la loi du copyright. Cela, bien évidemment, rendait nécessaire une
+réforme législative majeure pour empêcher l'échappée de Mickey dans le
+domaine public.
+</p>
+
+<p>
+L'extension de la durée du copyright rend aujourd'hui possible que, de temps
+en temps, le Congrès étende la durée des copyrights d'une courte période ;
+et ceci, qu'un Sonny Bono plante ses skis dans un arbre dans les dix
+prochaines années, ou non. Ensuite, chaque fois que la boule de Times Square
+sera sur le point de descendre,<a id="TransNote7-rev"
+href="#TransNote7"><sup>7</sup></a> ils allongeront cette durée un peu
+plus. Et ainsi de suite indéfiniment. Rien ne pourra plus jamais s'échapper
+vers le domaine public, et Mickey encore moins.
+</p>
+
+<p>
+Le professeur Lessig, Eric Eldred, moi-même ainsi que de nombreuses autres
+personnes tout aussi sensées ont pensé que cela ne se conformait pas à la
+grande idée de perfectibilité de l'être humain par le partage de
+l'information. Nous doutions qu'assurer petit à petit une propriété
+illimitée dans la durée était réellement une forme d'incitation à la
+diffusion de la science et des arts utiles, et nous avons suggéré à la Cour
+suprême que, sur cette seule base, la loi sur l'extension de la durée du
+copyright <cite>[Copyright Term Extension Act]</cite> devrait être
+annulée. Nous avons été, comme l'a remarqué M. McBride, proprement
+désavoués.
+</p>
+
+<p>
+Il s'avère qu'il n'existe rien de tel qu'une règle inconstitutionnelle sur
+le copyright, si le Congrès l'a votée et si elle observe la distinction
+entre l'expression et l'idée – ce que le Congrès indique comme garantie
+constitutionnelle que le copyright ne viole pas la liberté d'expression –
+pourvu que les droits d'« usage raisonnable » <cite>[fair use]</cite> soient
+maintenus de manière adéquate.
+</p>
+
+<p>
+En bref, la conclusion d'Eldred contre Ashcroft est que le Congrès peut
+faire la loi sur le copyright comme il le souhaite, et que toutes les
+licences issues de cette loi présumée constitutionnelle sont à l'abri de
+toute remise en question constitutionnelle.
+</p>
+
+<p>
+J'ai une grande nouvelle pour M. McBride. La loi en vigueur sur le copyright
+est constitutionnelle, et notre licence, qui observe scrupuleusement toutes
+les conditions que cette loi lui impose, est également constitutionnelle,
+par présomption. Ce serait seulement dans un monde où nous aurions gagné
+dans l'affaire Eldred contre Ashcroft – dans lequel, si vous voulez, chaque
+licence de copyright subirait un examen complet en bonne et due forme pour
+vérifier si oui ou non elle remplit les critères du copyright décrits dans
+la section 8 de l'article 1 – que M. McBride et ses amis pourraient ne
+serait-ce que venir à la barre d'un tribunal des États-Unis affirmer qu'une
+licence de copyright est inconstitutionnelle.
+</p>
+
+<p>
+En d'autres termes, c'est dommage pour M. McBride, mais nous avons perdu
+dans Eldred contre Ashcroft, et la revendication même qu'il défend a péri
+ainsi que d'autres revendications beaucoup plus valables, du moins jusqu'au
+jour où la Cour suprême changera son verdict dans l'affaire Eldred contre
+Ashcroft.
+</p>
+
+<p>
+Pour M. McBride, la rhétorique pro-capitaliste avec laquelle le Juge
+Ginsberg a annoncé la décision de la Cour suprême est une bien maigre
+consolation. Et, en tant qu'observateur également mécontent du verdict
+d'Eldred contre Ashcroft, je lui souhaite bonne chance pour sa consolation,
+mais lui et moi étions dans le même camp sur cette affaire, même s'il ne le
+savait pas, et les arguments juridiques qu'il souhaite maintenant présenter
+ont malheureusement fait fiasco. Notez bien, même s'il était autorisé à
+présenter à la cour l'idée que les licences de copyright soient jugées pour
+leur adéquation avec la Constitution, nous vaincrions triomphalement.
+</p>
+
+<p>
+Il n'y a aucune licence de copyright aux États-Unis aujourd'hui – j'affirme
+cela sans l'expliquer plus avant, mais nous pouvons en parler si vous le
+souhaitez – il n'y a aucune licence de copyright aux États-Unis aujourd'hui
+qui colle mieux à l'idée du copyright de Thomas Jefferson, ou même à la
+conception du copyright contenue dans la section 8 de l'article 1, que la
+nôtre. Car nous poursuivons une tentative de diffusion du savoir et des arts
+utiles qui s'est déjà montrée bien plus efficace dans la diffusion du savoir
+que toute la distribution à but lucratif de logiciels privateurs,<a
+id="TransNote8-rev" href="#TransNote8"><sup>8</sup></a> opérée actuellement
+par le monopole le plus imposant et le mieux financé de l'histoire mondiale.
+</p>
+
+<p>
+Mais malheureusement, M. McBride ne nous amènera pas au stade nous
+autorisant à dire cela à la Cour suprême des États-Unis, dans laquelle nous
+vaincrions glorieusement, car cette Cour a déjà décidé que les licences de
+copyright étaient constitutionnelles pour peu que les membres du Congrès
+aient encaissé les contributions à leur campagne, procédé au vote et
+transmis la loi chewing-gum résultante à la Maison-Blanche pour recevoir le
+tampon obligatoire. Mais j'accueillerai volontiers M. McBride dans une
+campagne pour un copyright moins restrictif aux États-Unis dès qu'il se sera
+rendu compte, juridiquement parlant, de quel côté se trouve la
+confiture. Malheureusement, comme vous le réalisez tous, nous ne pouvons pas
+retenir notre respiration en attendant que l'illumination le frappe. Si
+seulement M. McBride suivait les cours de la <cite>Harvard Law
+School</cite> !
+</p>
+
+<p>
+C'est suffisant, je pense, à propos de SCO, bien que je sois enchanté de
+répondre à vos questions à ce sujet, le moment venu. En tant que procès sur
+le copyright, c'est en fait un désert. Il ne contient aucune revendication
+de copyright. Il y a certes quelques revendications sur des contrats passés
+entre IBM et SCO et elles seront, au moment voulu, réglées par les
+tribunaux ; j'attends avec un intérêt modéré leurs conclusions. Une menace
+pour la liberté du logiciel libre ? Pas du tout. Une sacrée nuisance,
+certainement. Et je pense, malheureusement, continuer à passer une bonne
+partie de mon temps à éliminer cette nuisance, mais sans trop avoir le
+sentiment d'une menace planant sur les choses auxquelles je tiens vraiment,
+dont ceci n'est pas un très bon échantillon.
+</p>
+
+<p>
+Je voudrais donc plutôt vous parler du futur juridique du logiciel libre tel
+qu'il est vraiment, et non pas comme le voit M. McBride, un combat
+titanesque entre l'« American way of life » et ce que nous sommes censés
+être. J'aimerais dire à propos de ce combat qu'il me semble familier. De
+plus en plus, j'écoute M. McBride et j'entends M. Ballmer ; vous aussi
+peut-être. C'est-à-dire que je considère maintenant SCO comme un organe de
+presse du monopole de Microsoft, qui a les poches plus pleines et un
+problème à plus long terme avec ce que nous faisons.
+</p>
+
+<p>
+Microsoft est une société très riche, et elle pourrait réussir sur le modèle
+économique du logiciel-en-tant-que-service-public au XXIe siècle. Mais
+malgré toute la profondeur d'esprit de M. Gates, l'idée de liberté de l'être
+humain n'est pas quelque chose qu'il enregistre facilement. Et l'idée de
+transformer son entreprise en entreprise de service, pour des raisons qui je
+pense, nous sont accessibles à tous, ne lui plaît pas. Donc, pour la survie
+du monopole de Microsoft, et je veux effectivement parler de survie, la
+théorie de M. McBride que nous sommes en train de faire quelque chose
+d'horrible à l'<cite>American way of life</cite> doit prévaloir.
+Malheureusement pour Microsoft, ce ne sera pas le cas, parce que ce que nous
+faisons actuellement est plus visible au monde que ce que son point de vue
+de propagande ne le prévoit. Nous devons de toute façon continuer notre
+travail, qui favorise la liberté du savoir et en particulier la liberté du
+savoir technique, et ce faisant nous devons surmonter les vrais défis que
+nous présente le monde dans lequel nous vivons, défis qui ne sont pas SCO ;
+je voudrais passer encore quelques minutes à vous en parler.
+</p>
+
+<p>
+Le logiciel est, selon notre phraséologie,
+<cite>free</cite>/libre. C'est-à-dire que nous avons maintenant un ensemble
+de logiciels accessibles à n'importe qui sur terre, si robustes et si
+puissants dans leurs possibilités que nous sommes capables en permanence, en
+quelques homme-mois, de réaliser n'importe quel souhait de n'importe qui en
+informatique. Et bien sûr de nouvelles choses surgissent constamment que les
+gens ont envie de faire, et qu'ils font. Dans ce sens, et je le dis avec une
+énorme satisfaction, dans ce sens le mouvement du logiciel libre a pris
+place dans le XXIe siècle et en fait définitivement partie. Mais il y a des
+défis à la liberté du logiciel libre que nous devons relever.
+</p>
+
+<p>
+La loi sur les brevets, contrairement à celle sur le copyright, contient
+certains aspects attentatoires à la liberté du savoir technique. Si la loi
+sur le copyright présente sous une forme utilisable la grande ambition du
+XVIIIe siècle de perfectibilité de l'être humain, la loi sur les brevets ne
+le fait malheureusement pas. Ce n'est pas surprenant, les penseurs du XVIIIe
+siècle avaient aussi quelques doutes à propos de la loi sur les brevets. Ils
+s'interrogeaient sur le « statut des monopoles » et leur longue pratique de
+la loi anglaise leur donnait beaucoup d'inquiétudes à ce sujet.
+Au XXIe siècle, la loi sur les brevets est un assortiment de nuisances
+malfaisantes. Cela ne fait pas débat. Et dans le domaine du logiciel qui est
+notre univers, le fonctionnement de cette loi a des caractéristiques
+particulièrement néfastes. Nous allons devoir travailler dur pour nous
+assurer que la portée légitime du brevet, qui existe mais est restreinte, ne
+soit pas étendue par des administrateurs peu scrupuleux au cours du XXIe
+siècle jusqu'à couvrir la paternité d'idées pour la simple raison que ces
+idées sont exprimées en langage de programmation informatique plutôt que,
+par exemple, en anglais ou en termes mathématiques.
+</p>
+
+<p>
+C'est notre travail, et c'est un travail que de nombreux avocats
+intelligents sont en train de faire, mais ils le font partout dans le monde
+sur des licences variées et d'autres structures juridiques connectées au
+logiciel, de manière incohérente. Et l'incohérence des moyens qu'ils
+utilisent pour essayer de lutter contre les menaces posées au logiciel par
+les brevets nous cause de graves difficultés. Nous avons besoin de conduire
+un séminaire de haut niveau dans les cinq prochaines années partout dans le
+monde sur les relations entre la brevetabilité et les idées du logiciel
+libre, et clarifier pour nous-mêmes quels termes de licence et quelle
+manière de travailler minimisent les risques posés par les brevets.
+Il y a ce que je caractériserais pour le moment comme une diversité
+constructive de points de vue sur le sujet. Mais cette diversité devra être
+réduite un petit peu par une amélioration de nos processus mentaux si nous
+voulons à la fin de cette décennie achever ce que nous avons à faire pour
+maîtriser la croissance du volume de brevets inappropriés et ses effets sur
+notre forme particulière d'augmentation du savoir humain.
+</p>
+
+<p>
+Comme vous le savez, et comme je le dis dans un livre sur lequel je
+travaille depuis un an, il se passe beaucoup d'autres choses en ce moment
+sur Internet au sujet de la propriété. La musique, les films et diverses
+autres formes de culture sont mieux distribuées par des enfants que par les
+gens qui sont payés pour le faire. Les artistes commencent à découvrir que
+s'ils autorisent des enfants à distribuer leurs œuvres en toute liberté, ils
+s'en sortiront mieux que dans l'esclavage actuel où les maintiennent les
+vautours de la culture. Ces derniers, il est vrai, se font un paquet
+d'argent grâce à la musique, mais c'est surtout parce qu'ils gardent
+94 cents de chaque dollar et en distribuent 6 aux musiciens, ce qui n'est
+pas très bon pour les musiciens.
+</p>
+
+<p>
+Il y a donc beaucoup de bruit en ce moment sur Internet à propos de la
+propriété, et puisque je ne m'intéresse pas seulement au logiciel libre, je
+m'intéresse à ce bruit. J'ai un parti pris là-dessus également. Mais ce qui
+est important pour nous dans notre conversation d'aujourd'hui, c'est que les
+propriétaires de la culture reconnaissent maintenant la nécessité de mettre
+en place leur propre méthode de distribution, une méthode dans laquelle la
+distribution est achetée et vendue, c'est-à-dire traitée comme un bien, et
+dans laquelle vous ne pouvez distribuer que si vous payez le droit de le
+faire. À moins de mettre en place cette structure, leur modèle économique
+est fichu. Et cela exige d'eux ce que je crois vraiment être comparable à
+une occupation militaire du net. Ils doivent contrôler tous les nœuds
+d'Internet et, pour chaque flux de bits qui transite à travers ces nœuds,
+s'assurer que le droit de distribution n'a pas été acheté ou vendu avant de
+le laisser passer.
+</p>
+
+<p>
+C'est précisément parce que le logiciel est libre que les propriétaires de
+la culture ont besoin d'occuper le matériel d'Internet pour faire
+fonctionner leur modèle économique. Le logiciel libre, comme Freenet de Ian
+Clark, ou d'autres logiciels libres impliqués dans le partage de données
+pair-à-pair, ou simplement TCP/IP, qui a été conçu pour partager des
+données, présente d'insurmontables obstacles aux personnes qui veulent que
+chaque flux de bits porte en lui les authentifications de propriété et de
+distribution et aille uniquement aux endroits qui ont payé pour le
+recevoir. Le résultat est une tendance croissante à créer ce qui, de manière
+franchement orwellienne, est appelé « informatique de confiance »,
+c'est-à-dire des ordinateurs en lesquels les utilisateurs ne peuvent avoir
+confiance.
+Afin de continuer à avancer vers la libération du savoir dans notre société
+du XXIe siècle, nous devons empêcher l'informatique de confiance et ses
+accessoires d'envahir le matériel d'Internet dans le but d'empêcher ce
+matériel de faire fonctionner des logiciels libres qui partagent
+l'information librement avec les personnes désireuses de la
+partager. Remporter le défi posé par l'informatique de confiance est un
+problème juridique difficile, plus difficile pour l'avocat, quand il s'agit
+de gérer des licences et de mettre en place des produits logiciels, que le
+problème d'origine présenté par la libération initiale du logiciel. Ceci,
+plus que l'amélioration de la structure de distribution du logiciel libre
+comme nous la connaissons actuellement, est le problème qui m'occupe
+l'esprit en ce moment.
+</p>
+
+<p>
+Mais j'irai un peu plus loin avec vous dans la discussion du problème
+sous-jacent à celui du matériel libre. Nous vivons actuellement dans un
+monde dans lequel le matériel est bon marché et le logiciel gratuit, et si
+tout le matériel continue à fonctionner comme actuellement, notre principal
+problème sera que la bande passante soit également traitée partout dans le
+monde comme un produit plutôt qu'un service public. Et en général on a droit
+à la quantité de bande passante qu'on peut s'offrir. Donc dans le monde
+actuel, bien que le matériel soit bon marché et le logiciel gratuit, la
+dissémination du savoir et l'encouragement à la diffusion des sciences et
+des arts utiles présentent des difficultés majeures, parce que les gens sont
+trop pauvres pour payer la bande passante dont ils ont besoin pour
+apprendre.
+</p>
+
+<p>
+Cela provient du fait que le spectre électromagnétique a été traité comme
+une propriété depuis le deuxième quart du XXe siècle. On a dit que c'était
+techniquement nécessaire, à cause de problèmes d'interférences qui ne sont
+plus pertinents dans le monde des appareils intelligents. Au XXIe siècle, le
+problème de loin le plus grave du logiciel libre est de rendre le spectre
+électromagnétique à l'usage partagé plutôt qu'à l'usage par
+appropriation. Ici encore, comme vous l'aurez remarqué, le logiciel libre
+lui-même, logiciel librement exécutable, a un rôle majeur à jouer.
+Parce que ce sont des radios contrôlées par du logiciel, c'est-à-dire des
+appareils dont les caractéristiques fonctionnelles sont contenues dans le
+logiciel et peuvent être modifiées par leurs utilisateurs, qui récupèrent le
+spectre pour un usage partagé plutôt que privateur. C'est le problème
+central auquel nous devrons faire face, non pas à la fin de cette décennie,
+mais durant les deux ou trois décennies suivantes, dans notre effort pour
+améliorer l'accès au savoir partout dans le monde pour chaque esprit
+humain. Nous aurons à déterminer comment nous servir des outils techniques
+et juridiques que nous contrôlons pour libérer le spectre.
+</p>
+
+<p>
+Dans cet effort, nous allons affronter une série de propriétaires bien plus
+puissants que Microsoft et Disney. Il vous suffit de considérer l'actuel
+pouvoir des oligopoles des télécommunications implantés dans notre société
+pour comprendre quelle dure bataille ce sera. C'est pourtant celle que nous
+devons remporter si nous voulons atteindre le milieu du XXIe siècle dans un
+monde au sein duquel le savoir sera librement disponible pour être partagé
+par tous. Nous devons faire en sorte que chacun ait un droit inaliénable à
+la bande passante, une chance suffisante de communiquer, pour être en mesure
+d'apprendre sur la base de l'accès à tout le savoir disponible. C'est notre
+plus grand défi juridique. La liberté de la couche logicielle d'Internet est
+un composant essentiel de cette croisade. Notre capacité à empêcher les
+appareils que nous utilisons d'être contrôlés par d'autres est un élément
+essentiel de cette campagne.
+</p>
+
+<p>
+Mais au final, c'est notre capacité à unifier tous les éléments de la
+société de l'information – logiciel, matériel, bande passante – entre des
+mains partagées, c'est-à-dire entre nos propres mains, qui détermine si nous
+pouvons réussir à réaliser le grand rêve du XVIIIe siècle, celui qui se
+trouve dans l'article 1, section 8 de la Constitution des États-Unis, celui
+qui dit que les êtres humains et la société humaine sont améliorables à
+l'infini pour peu que nous prenions les dispositions nécessaires à la
+libération de l'esprit. Voilà notre but réel. Le destin de la société de
+M. McBride, qu'elle réussisse ou fasse faillite, le destin de
+l'<cite>International Business Machine Corporation</cite> elle-même, sont
+négligeables comparés à cela. Nous menons un mouvement des droits
+civiques. Nous n'essayons pas de conduire tout le monde, ni une personne en
+particulier, à la faillite. Qui réussit ou non sur le marché ne nous
+intéresse pas. Nous avons le regard fixé sur la récompense. Nous savons où
+nous allons : Liberté. Maintenant.
+</p>
+
+<p>
+Merci beaucoup.
+</p>
+
+<p>
+Je serai ravi de répondre à vos questions :
+</p>
+
+<p>
+<b>Zarren :</b> Les personnes du service des médias m'ont demandé de
+m'assurer que les gens puissent parler dans le micro quand ils posent leurs
+questions. Ça serait bien. Il y a un petit bouton pour l'allumer.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Je voulais simplement poser une question de clarification et,
+enfin bref&hellip; Vous semblez, ou non, avoir souligné une dichotomie entre
+le matériel et le logiciel, dans le sens que le logiciel doit être libre,
+que c'est un service, un bien public. Vous n'avez que peu parlé du
+matériel. Et par matériel, je pense d'abord à celui qui est relié au
+logiciel, mais c'est ensuite généralisable aux machines, n'importe quelle
+sorte de machine. Comment faites-vous la différence entre les raisons pour
+lesquelles le logiciel doit être libre et le matériel non ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> L'économie politique du XXIe siècle est différente de
+l'histoire de l'économie passée, car cette économie est remplie de biens qui
+ont un coût marginal nul. Le raisonnement traditionnel de la microéconomie
+dépend du fait que les biens en général ont des coûts marginaux non
+nuls. Cela coûte de l'argent de faire, déplacer et vendre ces biens. La
+possibilité de liberté pour tous les flux de bits du monde se base sur cette
+différence, sur ce coût marginal nul caractéristique de l'information
+numérique. C'est parce que les coûts marginaux du logiciel sont nuls que
+tout ce que nous avons à faire est de couvrir les frais fixes de sa
+fabrication pour le rendre libre pour tout le monde, libre mais aussi
+gratuit.
+</p>
+
+<p>
+Le matériel, c'est-à-dire les ordinateurs et, vous savez, les <abbr
+title="Personal Digital Assistant">PDA</abbr> (assistants numériques
+personnels), ainsi que les chaussures, les tables, les briques dans les murs
+et même les sièges dans une salle de cours de la <cite>Harvard Law
+School</cite>, ont des coûts marginaux non nuls. Et la microéconomie
+traditionnelle continue de s'y appliquer de la même manière qu'elle le
+faisait pour Adam Smith, David Ricardo ou Karl Marx. Raisonner sur le
+matériel est, dans ce sens, comme raisonner sur l'économie dans laquelle
+nous avons grandi et pose le même problème – comment couvrir les coûts de
+chaque nouvelle unité – que le marché est censé nous aider à résoudre.
+C'est précisément parce qu'au XXIe siècle une telle quantité de savoir et de
+culture humaine ne font plus partie de cette économie traditionnelle de
+prix, où les coûts marginaux tendent asymptotiquement vers une valeur non
+nulle, que nous avons tant de possibilités de donner aux gens ce qu'ils
+n'ont jamais eu auparavant. Et quand je vous parle des différences entre le
+logiciel et le matériel j'observe implicitement la distinction entre
+l'économie traditionnelle des coûts marginaux non nuls et la merveilleuse et
+bizarre économie des flux de bits, dans laquelle la théorie traditionnelle
+de la microéconomie donne bien la bonne réponse, mais où les
+microéconomistes traditionnels n'aiment pas ce qu'ils voient quand ils font
+leurs prévisions.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> En d'autre termes, est-ce que vous préconiseriez, puisque le
+matériel peut contenir de la connaissance et qu'il a ces coûts marginaux
+supplémentaires, est-ce que vous préconiseriez, par exemple, que chaque
+ordinateur soit fourni avec les diagrammes des puces de sorte que la
+connaissance du matériel soit libre, tout en continuant à faire du bénéfice
+sur les coûts marginaux ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Certainement, ce serait une très bonne idée, et si vous
+observez ce qui se passe au cours du XXIe siècle vous verrez de plus en plus
+de fabricants faire précisément cela, grâce à la valeur de l'innovation
+apportée par l'utilisateur responsabilisé, qui va sans cesse faire diminuer
+le coût de fabrication de produits nouveaux et meilleurs. C'est bien pour
+ces raisons, qui sont aussi évidentes aux fabricants qu'à nous, que la
+logiciellisation du matériel au XXIe siècle est bonne pour tout le monde. Je
+suis en train d'écrire quelque chose à ce sujet. Je ne veux pas faire la
+réclame de mon livre, mais attendez un peu et j'essayerai de vous montrer ce
+que je pense réellement à propos de tout ceci d'une manière ordonnée.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Je me demandais si le procès SCO pourrait devenir le premier
+d'une longue suite de procès intentés en série et en parallèle contre le
+logiciel libre ? Et je voudrais connaître votre point de vue sur deux types
+possibles de procès qui pourraient suivre le chemin tracé par SCO, que SCO
+gagne ou non.
+Le premier serait un procès intenté par une société qui se rendrait compte,
+à sa grande stupeur, qu'au lieu de faire le travail qu'ils sont censés faire
+avec l'espoir d'acheter leur première maison, ses développeurs passeraient
+en réalité la moitié de leur temps sur Slashdot et le reste de leur temps
+codant des logiciels libres, et ne resteraient qu'occasionnellement tard le
+soir à travailler pour le patron. Si ces programmeurs ont signé avec leur
+employeur, ce qui est habituel, un accord stipulant que tout logiciel qu'ils
+écrivent est propriété de la société, peut-être même en tant que « travail
+sur commande » <cite>[work for hire]</cite>, quelles sont les chances que
+cette société puisse dire « Notre code a été introduit par notre programmeur
+dans quelque chose comme Linux, et c'est désormais illégal à moins de nous
+payer des dommages » ?
+La deuxième possibilité de voir apparaître ce genre de procès serait,
+quoique cela paraisse étrange, une conséquence de la « règle de prescription
+des trente-cinq ans » <cite>[thirty-five year termination rule]</cite>, qui
+normalement devrait être acclamée par des gens dans votre position ; elle
+dit que le droit du copyright autorise les musiciens et artistes ayant
+stupidement signé des accords avec de grosses sociétés, sans assistance
+juridique, quand ils n'étaient encore rien, à les annuler trente-cinq ans
+plus tard quelles qu'en soient les conditions. Ils peuvent remettre les
+pendules à zéro et renégocier. Je l'appelle <cite>Rod Stewart Salvation
+Act</cite> (loi pour la sauvegarde de Rod Stewart) [rires]. Et bien que cela
+puisse être utile aux artistes, au grand dam de l'industrie musicale, cela
+ne pourrait-il pas signifier également que les programmeurs de logiciel
+libre ayant volontairement contribué, sans même en être empêchés par leurs
+employeurs, ayant contribué au mouvement du logiciel libre, pourraient dire
+à l'échéance – et trente-cinq ans ne sont pas si longs dans l'histoire
+d'Unix – « Nous reprenons tout » ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Ce sont deux très bonnes questions. Si je réponds
+complètement à chacune, je vais prendre trop de temps. Laissez-moi donc me
+concentrer sur la première, qui à mon avis est vraiment importante. La
+question de Jonathan vous montre que, pour la liberté du logiciel libre, les
+grands problèmes juridiques ont moins à voir avec la licence qu'avec le
+procédé d'assemblage par lequel le produit original est construit. Une des
+conséquences juridiques du procès SCO est que les gens vont commencer à
+faire plus attention en permanence à la manière dont les logiciels libres
+sont construits sur le plan juridique. Ils vont s'apercevoir que ce qui
+importe vraiment est la manière dont on traite des questions comme, par
+exemple, les menaces potentielles de revendications de copyright par
+l'employeur dans le cadre du contrat de travail. Ils vont s'apercevoir que
+sur cet aspect-là également, M. Stallman a été tout à fait visionnaire ; ils
+vont en effet reconnaître que la manière dont ils veulent que leurs
+logiciels libres soient construits est celle qui est utilisée par la
+Fondation pour le logiciel libre depuis plus de vingt ans.
+Du train où nous allons, ils vont découvrir ce qu'ils souhaitent vraiment :
+pour chaque contribution individuelle de code à un projet de logiciel libre
+de la part d'une personne qui travaille dans l'industrie, une renonciation
+de l'employeur au copyright établie au moment où la contribution a été
+effectuée. Et les classeurs de la Fondation pour le logiciel libre vont leur
+apparaître comme une oasis au milieu d'un désert d'ennuis potentiels. Nous
+avons vu venir ce problème. En tant que gardiens d'une bonne part du
+logiciel libre dans le monde, nous avons essayé de le gérer. Les gens vont
+vouloir se faire un rempart de ceci dans toute la mesure du possible, et ils
+seront bien plus réticents à faire confiance à du logiciel qui n'aura pas
+été assemblé de cette façon-là.
+</p>
+
+<p>
+Si vous envisagez de travailler dans le droit du logiciel libre, et j'espère
+bien que c'est le cas, vous pourriez avoir envie, entre autres choses, de
+travailler sur les trusts de conservation du logiciel qui vont éclore autour
+de cette économie dans les cinq prochaines années. Je vous aiderai à en
+faire un, ou vous pouvez venir travailler dans un des miens. Nous allons
+devoir passer beaucoup de temps à travailler en collaboration avec leurs
+administrateurs. Nous allons passer beaucoup de temps à faire en sorte que
+les choses soient bien assemblées et bien bâties. Et nous allons faire cela
+pour le compte d'une industrie tierce d'assurance qui va bientôt grandir,
+qui grandit même déjà sous nos yeux, et qui se rend compte qu'elle
+s'intéresse vraiment à la manière dont le logiciel libre est construit.
+</p>
+
+<p>
+Quand vous allez dans une compagnie d'assurance et demandez une assurance
+contre l'incendie pour votre maison, ils ne cherchent pas à savoir sous
+quelle licence est placée votre maison. Ils veulent savoir comment elle a
+été construite. De même, les questions que vous posez sur la manière dont le
+logiciel libre est construit vont devenir vraiment importantes. Ce qui va
+couper court à ces procès est que nous avons bien fait notre travail ou que
+nous faisons bien notre travail de juristes, en aidant les programmeurs à
+mettre en place leurs projets d'une manière défendable, qui protège la
+liberté.
+</p>
+
+<p>
+Jusqu'à avant-hier, il y avait probablement trois juristes sur terre qui
+s'intéressaient à ce sujet, et deux d'entre eux sont dans cette salle. Il y
+en aura d'autres dans un avenir proche. Je dirai rapidement à propos de
+votre seconde question, Jonathan, que le problème présenté est sérieux,
+mais, du moins à mon point de vue, qu'il est gérable ; je voudrais bien
+continuer à en parler, mais je pense que nous devrions entendre plus de voix
+dans cette conversation.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Sans contester l'importance ou la difficulté de la bataille pour
+la bande passante, ou le&hellip; la bataille sur le copyright et ses
+développements sont clairement d'actualité, mais ce qui m'inquiète le plus
+actuellement est la bataille sur les brevets que je vois se profiler à
+l'horizon. Comparée à cela, toute l'histoire de SCO, eh bien, SCO est un
+dragon de papier, une menace fantôme. Pouvez-vous nous dire quelque chose
+sur ce que vous attendez de cette prochaine bataille ? Comment sera-t-elle
+menée ? Comment peut-elle l'être ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Bien sûr. Les brevets sont un problème politique. Je pensais
+que l'industrie pharmaceutique m'avait rendu service en nous offrant pour
+12 billions de dollars de publicité gratuite dans la dernière décennie, en
+apprenant à chaque enfant de douze ans scolarisé sur terre ce que signifie
+« propriété intellectuelle » : que des gens meurent à cause de maladies
+curables, parce que les médicaments sont trop chers car protégés par des
+brevets.
+</p>
+
+<p>
+Les brevets sont politiques. Les brevets déterminent comment nous
+distribuons les richesses sur de très longues périodes, d'une façon plutôt
+absolue. Nous n'allons pas trouver de réponse à notre problème de brevets
+dans les salles d'audience ni les laboratoires. Il nous faudra lui donner
+une réponse qui se situe dans la conduite effective de la politique.
+</p>
+
+<p>
+Vous en avez vu le début l'été dernier quand le Parlement européen a décidé,
+dans un mouvement tout à fait inhabituel, de refuser la publication des
+préférences de la Commission au sujet de changements du droit des brevets en
+Europe dans le domaine des inventions logicielles.
+</p>
+
+<p>
+La Commission européenne a suggéré un changement et une harmonisation du
+droit européen des brevets qui aurait rendu l'émission de brevets pour des
+inventions logicielles beaucoup plus facile. Le Parlement européen, après
+une longue campagne, en partie menée par le mouvement du logiciel libre en
+Europe – c'est-à-dire Euro Linux et la Fondation pour le logiciel libre
+Europe, ainsi que beaucoup de petites entreprises européennes de logiciel
+bénéficiant considérablement du nouveau modèle de logiciel en tant que
+service public – une campagne qui a impliqué au final 250 000 signataires de
+pétition, le Parlement a finalement décidé de refuser. Et deux partis au
+Parlement européen, les Verts et les Sociaux-démocrates, comprennent
+maintenant que la politique des brevets en Europe est un problème
+partisan. C'est-à-dire qu'il y a deux camps, et que l'organisation des
+partis et de la politique électorale peuvent être conduites sur cette base.
+</p>
+
+<p>
+Notre société est beaucoup moins sensibilisée à cette question. Pour ceux
+d'entre nous qui habitent ici, la tâche de nous aligner sur le standard
+établi pour nous par nos collègues européens l'été dernier est notre premier
+et plus important défi. Nous devons faire comprendre aux membres de notre
+Congrès que le droit des brevets n'est pas un sujet de droit administratif
+devant être décidé au <abbr title="Patent and Trademark Office">PTO</abbr>
+(Office des brevets et des marques déposées), mais un sujet politique devant
+être décidé par nos législateurs. Nous allons peut-être devoir restaurer une
+réelle démocratie à la Chambre des représentants des États-Unis afin de
+rendre ceci possible, et il y a beaucoup d'autres aspects à ce défi.
+</p>
+
+<p>
+Mais c'est l'un des aspects principaux pour lesquels les personnes
+techniquement éduquées aux États-Unis vont devoir apprendre les arcanes de
+la politique, parce que nous n'allons résoudre ceci ni à la Cour suprême, ni
+à notre poste de travail. Nous allons résoudre ceci au Congrès, et nous
+allons devoir nous muscler pour le faire.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> À ce propos, je suis curieux : ce n'est peut-être pas tant un
+sujet juridique qu'un sujet de relations publiques. Vous avez commencé par
+dire : il s'agit de liberté et non pas de gratuité. Mais quand vous écoutez
+des personnes comme Jack Valenti et la <abbr title="Recording Industry
+Association of America">RIAA</abbr>,<a id="TransNote9-rev"
+href="#TransNote9"><sup>9</sup></a> vous savez, et M. McBride, la rengaine
+est toujours cette idée de gratuité <cite>[free beer]</cite> et d'apprendre
+aux enfants qu'il ne faut pas voler, vous savez, Big Music. Comment peut-on
+gagner sur le terrain cette bataille de relations publiques qui, au final,
+aura des ramifications jusqu'au Congrès ? Comment, comment faites-vous
+parvenir ce message en dehors de la communauté technologique ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Eh bien, une des choses que j'aimerais dire à ce sujet est
+que la langue anglaise est contre nous sur ce point, n'est-ce pas ? Une des
+choses qui se sont passées au cours du temps dans nos environnements
+européens, dans lesquels <cite>free</cite> au sens de gratuit et
+<cite>free</cite> au sens de libre sont deux mots différents, est que les
+gens ont saisi la distinction beaucoup plus facilement.
+</p>
+
+<p>
+« Software libre », ou « logiciel libre »<a id="TransNote10-rev"
+href="#TransNote10"><sup>10</sup></a> si vous voulez suivre l'Académie
+française, réussit bien à faire cette distinction que <cite>free
+software</cite> ne fait pas. C'est pour cela que, vers la fin des années 90,
+certains se sont dits que peut-être ils devraient essayer de trouver un
+nouveau terme, et se sont finalement décidés pour « open
+source ». Finalement ce terme a apporté plus d'ennuis que d'avantages aux
+gens qui l'ont trouvé, quoiqu'il fonctionne vraiment bien maintenant pour
+les entreprises comme moyen d'identifier leur intérêt dans ce que nous
+faisons, sans s'engager dans des philosophies politiques ou sociales que ces
+hommes d'affaire ne partagent pas, ou en tout cas n'ont pas besoin de crier
+sur les toits pour faire leur travail de tous les jours.
+</p>
+
+<p>
+Donc une des choses que nous sommes obligés de faire, nous qui parlons
+anglais, est d'insister de temps en temps, en fait tout le temps, sur la
+distinction entre <cite>free beer</cite> et <cite>free speech</cite>. D'un
+autre côté, ceux d'entre nous qui habitent aux États-Unis et parlent anglais
+ne devraient pas avoir trop de souci à ce propos puisque la liberté
+d'expression est beaucoup mieux implantée dans la culture américaine que la
+bière gratuite. Du moins c'était vrai dans le monde où j'ai grandi, quoi que
+Rupert Murdoch veuille dire à ce sujet maintenant.
+</p>
+
+<p>
+Nous sommes le parti de la liberté d'expression, et nous devons faire
+remarquer aux gens que si l'on autorise n'importe qui, y compris un
+lobbyiste bien habillé à la mode d'autrefois, à déclarer que l'amour de la
+liberté d'expression c'est comme sortir d'un magasin de disque avec un CD
+sous le bras, alors c'est perdu. Non pas le jeu à propos du logiciel libre,
+mais le jeu de la liberté et de la vie dans une société libre.
+</p>
+
+<p>
+Nous défendons la liberté d'expression. Nous sommes le « Mouvement pour la
+liberté d'expression »<a id="TransNote11-rev"
+href="#TransNote11"><sup>11</sup></a> de notre époque. Et nous devons
+insister là-dessus en permanence, sans compromis. Mon cher ami, M. Stallman,
+a provoqué une résistance certaine au cours de sa vie en allant dire
+partout : « C'est du logiciel libre, pas de l'open source. » Il a une
+raison. C'est la raison. Nous avons continuellement besoin de rappeler aux
+gens que c'est la liberté d'expression qui est en jeu ici. Nous avons
+continuellement besoin de rappeler aux gens ce que nous faisons : essayer de
+protéger la liberté des idées au XXIe siècle, dans un monde où des types
+avec des petites étiquettes de prix autocollantes les poseraient sur chaque
+idée de la terre si cela faisait faire des bénéfices aux actionnaires. Et ce
+que nous devons faire, c'est continuer à mieux faire accepter l'idée que
+« liberté d'expression », dans une société technologique, signifie « liberté
+d'expression technologique ». Je pense que nous pouvons faire cela. Je pense
+que c'est un message qui peut passer.
+</p>
+
+<p>
+C'est à cela que je consacre une grande partie de mon temps, et bien qu'à
+l'occasion il est vrai, les gens me trouvent ennuyeux, je pense du moins
+réussir à peu près à faire passer ce message. Il va falloir simplement que
+nous le fassions tous avec beaucoup d'assiduité.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Je vais vous poser une question. Vous avez beaucoup parlé de la
+distribution et de la raison pour laquelle vous pensez qu'elle devrait être
+libre. Je pense comprendre cet argument beaucoup mieux que je ne comprends
+l'argument selon lequel les créateurs de biens à coûts marginaux de
+distribution nuls seront nécessairement rétribués pour ce qu'ils créent ;
+j'ai beaucoup entendu parler, et je ne pense pas que cela soit un de vos
+arguments, mais j'ai entendu dire, OK, eh bien, que les musiciens feront des
+tournées, donc qu'ils se rattraperont de cette façon, vous savez, quel que
+soit le temps qu'ils y aient consacré. Ou encore, que les gens continueront
+à créer ce qu'ils créent, et cela s'applique à plus de chose que juste les
+films et la musique, cela s'applique aussi aux livres, ou aux choses
+contenant du savoir autres que de loisir, n'importe lesquelles. Vous
+entendez dire que les gens vont continuer à en faire la même quantité parce
+qu'ils aiment le faire ou que ça les intéresse, mais je ne pense pas que
+cela compense vraiment les indemnisations que beaucoup de ces créateurs
+reçoivent maintenant.
+Et donc je me demandais si vous pouviez nous dire brièvement en quoi le
+monde de la libre distribution – différent du monde actuel dans lequel la
+plupart des régimes de distribution ont été créés spécialement pour
+indemniser les gens – sera différent en ce qui concerne l'indemnisation des
+auteurs.
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Je vais en parler un petit peu maintenant, et pour gagner du
+temps dire aussi que vous pouvez trouver sur le net un papier à l'endroit où
+je mets des choses c'est-à-dire http://moglen.law.columbia.edu, un papier
+appelé <a
+href="http://moglen.law.columbia.edu/publications/maine-speech.html"><cite>Freeing
+the Mind</cite></a> (Libérer l'esprit), qui répond à cette question,
+j'espère de façon complète, ou du moins à peu près. Maintenant,
+permettez-moi de vous donner une réponse.
+</p>
+
+<p>
+Pour commencer, il est utile d'avoir une perspective historique. Avant
+Thomas Edison, il n'y avait pas moyen que la culture soit un bien de
+consommation de masse. Chaque musicien, chaque artiste, chaque créateur de
+n'importe quoi avant Thomas Edison faisait essentiellement ce que nous en
+sommes maintenant revenus à faire, excepté ceux qui vivaient dans un monde
+de biens qui pouvaient être distribués sous forme imprimée, pour qui il vous
+suffit de remonter avant Gutenberg. N'est-ce pas ?
+</p>
+
+<p>
+L'évolution de la culture en consommation de masse est un phénomène récent,
+par rapport à l'ancienneté de l'histoire de la créativité humaine. Quoi que
+nous croyions d'autre, et les problèmes sont graves, nous devons garder à
+l'esprit que la musique n'aurait aucune chance de disparaître si elle
+cessait d'être un produit de masse. La musique est toujours présente. Elle
+l'a toujours été.
+</p>
+
+<p>
+Ce sur quoi vous vous interrogez est : pourquoi les gens payent-ils pour les
+choses auxquelles ils s'intéressent, d'une manière qui permette aux
+créateurs de continuer à les faire ? Et la réponse que je dois vous donner
+est que les gens payent pour la relation personnelle qu'ils ont avec le
+concept de réalisation d'une œuvre.
+</p>
+
+<p>
+Les musiciens étaient payés par les gens qui écoutaient de la musique, parce
+que ces derniers avaient une relation personnelle avec eux. C'est ce que
+vous voulez dire par « faire des tournées » ; « The Grateful Dead », ou
+n'importe qui d'autre, utilise le coût marginal non nul des sièges de salle
+de concert pour se rembourser, de la même manière que des gens font du
+commerce pour se rembourser.
+</p>
+
+<p>
+Pensez un instant au chanteur-compositeur de musique folklorique du monde
+des <cite>coffee house</cite>. Le cas le plus simple, d'une certaine façon,
+de la transformation de l'industrie musicale. Voilà des gens qui
+actuellement sont en tournée 40, 45, 50 semaines par an. Ce qui se passe est
+qu'à l'endroit où ils jouent, leurs CD sont en vente au fond de la salle,
+mais les gens n'achètent pas ces CD genre, vous savez, « sinon je volerais
+la musique » ; ils les achètent de la même manière qu'ils achètent des
+produits au marché ou à une foire d'artisans, à cause de leur relation
+personnelle avec l'artiste.
+</p>
+
+<p>
+Donc laissez-moi vous dire ce que je pense que les propriétaires de la
+culture faisaient au XXe siècle. Ça leur a pris deux générations à partir
+d'Edison pour se rendre compte de ce qu'était leur affaire, et ce n'était ni
+la musique ni les films. C'était la célébrité. Ils créaient de grandes
+personnes artificielles, vous savez, avec des nombrils à 3 m du sol. Et
+ensuite nous avions ces relations personnelles imaginaires avec ces grandes
+personnes artificielles. Ces relations personnelles étaient manipulées pour
+nous vendre des tonnes de choses, de la musique et des films et des T-shirts
+et des jouets et, vous savez, de la gratification sexuelle et dieu sait quoi
+d'autre. Tout cela basé sur l'économie réelle sous-jacente de la culture,
+qui est que nous payons pour ce avec quoi nous avons des relations. Nous
+sommes des êtres humains, des animaux sociaux. Nous avons été socialisés et
+avons évolué pour vivre en groupe depuis très longtemps. Et quand on nous
+donne des choses belles et utiles dans lesquelles nous croyons, nous les
+soutenons réellement.
+</p>
+
+<p>
+Vous pensez que ce n'est pas vrai, parce que le gratin actuel de la vie
+sociale dit que ce n'est pas un mécanisme assez robuste pour maintenir la
+création, et que le seul mécanisme qui maintiendra la création est
+l'exclusion coercitive – vous ne pouvez pas l'avoir si vous ne payez pas.
+</p>
+
+<p>
+Mais ils ne peuvent avoir raison historiquement, parce que la possibilité de
+contraindre efficacement est quelque chose de passé. La longue, riche
+histoire de la culture est l'histoire de mécanismes non coercitifs assurant
+l'indemnisation des artistes, et nous sommes maintenant en position
+d'améliorer immensément certains d'entre eux.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Mais qu'en est-il de l'auteur de logiciel ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Ah, le logiciel&hellip;
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> C'est plus de ce genre de chose que je voulais parler avec ma
+question. Donc vous avez quelqu'un qui crée quelque chose d'utile mais qui a
+un coût de distribution nul, et c'est utile d'une manière qui n'est pas, pas
+utile comme la célébrité, bien que je n'en sois pas sûr, je ne pense pas que
+ce soit utile de cette manière, mais c'est utile dans le sens où cela prend
+beaucoup de temps pour bien le créer.
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Voyez-vous, les programmeurs avec qui j'ai travaillé toute
+ma vie se considéraient comme des artisans, et c'était extrêmement difficile
+de les organiser. Ils se considéraient comme des créateurs individuels. Les
+auteurs de logiciel commencent en ce moment à perdre ce sentiment, car le
+monde les prolétarise beaucoup plus durement que par le passé. Ils
+commencent à remarquer qu'ils sont ouvriers, et pas seulement cela ; si vous
+faites attention à la campagne présidentielle qui a lieu actuellement autour
+de nous, ils se rendent compte du fait qu'avec les échanges internationaux,
+leurs emplois d'ouvriers sont délocalisables .
+</p>
+
+<p>
+Nous faisons vraiment plus pour protéger le gagne-pain des programmeurs que
+les gens du système privateur. M. Gates a seulement un certain nombre
+d'emplois, et il les déplacera vers l'endroit où la programmation est
+meilleur marché. Regardez donc ce qui se passe. Nous, au contraire,
+permettons aux gens d'acquérir un savoir technique qu'ils peuvent adapter et
+négocier dans le monde où ils vivent. Nous fabriquons des programmeurs,
+n'est-ce pas ? Et nous leur donnons une base avec laquelle ils peuvent
+exercer leur activité de service à tous les niveaux de l'économie, du plus
+bas au plus élevé.
+</p>
+
+<p>
+Il y a maintenant du travail de programmation pour des gamins de quatorze
+ans partout dans le monde, parce qu'ils ont l'intégralité de GNU sur
+laquelle bâtir tout ce qu'une personne de leur voisinage désire acheter, et
+la valeur que nous produisons pour IBM justifie un investissement de
+plusieurs milliards de dollars.
+</p>
+
+<p>
+Si j'étais employé par IBM en ce moment, je considérerais mon emploi comme
+plus stable grâce au logiciel libre que si le logiciel libre disparaissait
+de la surface de la terre ; je pense que la plupart des personnes qui
+travaillent chez IBM seraient d'accord avec moi.
+</p>
+
+<p>
+De toutes les personnes qui participent à l'économie de coût marginal nul,
+je pense que les programmeurs sont ceux qui peuvent voir le mieux où se
+situe leur avantage, et si vous attendez simplement que partent vers
+Bangalore quelques dizaines de milliers d'emplois supplémentaires, ils le
+verront encore plus clairement.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Donc, l'auteur écrit un logiciel. Au moment où le logiciel est
+fixé dans un support tangible, le copyright s'y attache ; personne d'autre
+ne peut l'utiliser sans autre action de l'auteur. L'auteur choisit d'adopter
+la <cite>General Public License</cite> pour gérer ce que les autres peuvent
+faire avec le logiciel, et vous avez dit alors cette chose intrigante que la
+GPL donne [des permissions], dans certaines limites, et c'est pourquoi vous
+avez fait remarquer que personne ne veut vraiment la défier car ce serait un
+défi à la Pyrrhus. Si vous gagnez et que la licence s'évapore, alors cela
+revient automatiquement à l'auteur.
+Cela semble convaincant et prouve presque trop, n'est-ce pas ? Parce que,
+supposons qu'un autre auteur écrive du logiciel, qu'il l'écrive pour le
+moment avec l'auteur et choisisse de le placer sous la <cite>Grand Old Party
+License,</cite><a id="TransNote12-rev" href="#TransNote12"><sup>12</sup></a>
+selon laquelle seuls les Républicains peuvent en tirer des travaux dérivés
+et d'autre choses qui, sinon, seraient des infractions au copyright du
+logiciel. Premièrement, pensez-vous que les tribunaux devraient faire
+appliquer une licence de ce type ? Et en deuxième lieu, ne pourrait-on pas
+dire que la même logique s'appliquerait, que personne n'oserait la défier
+car un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ? Au moins, laissons les
+Républicains utiliser le logiciel.
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Fondamentalement vous posez, je crois, la question
+suivante : est-ce que l'abus de la loi sur le copyright a entièrement
+disparu ? Et je pense que la réponse, malgré la déférence actuelle de la
+Cour suprême envers ce que le Congrès choisit de dire, est non. Je pense que
+l'habitude de dépasser les bornes existe toujours, et en tant qu'avocat
+travaillant pour des gens qui sont plutôt militants pour le partage, je les
+entends en permanence proposer des choses que, d'après eux, il serait
+vraiment bien de faire, et que, d'après moi, la loi sur le copyright ne leur
+permettra pas de faire sans la modifier par des contrats additionnels.
+</p>
+
+<p>
+Je pense que le panel d'outils actuels de la loi sur le copyright harmonisée
+par les accords de Berne pose certaines limites au pouvoir du donneur de
+licence, et je crois que ces limites sont suffisamment larges pour nous
+autoriser à créer la sorte de biens communs auto-réparables que nous avons
+créés, mais je ne suis pas sûr qu'elles seraient assez fortes pour permettre
+l'importation de beaucoup de restrictions contractuelles supplémentaires en
+tant que partie intégrante de la loi sur le copyright.
+</p>
+
+<p>
+De plus je suis à peu près sûr que si vous essayiez et réussissiez dans une
+juridiction, vous vous rendriez compte que la Convention de Berne n'a pas
+exporté toutes ces propositions dans le monde pour vous, et que donc vous
+auriez des difficultés à ériger un empire mondial autour de la GPL.
+</p>
+
+<p>
+Mais je pense que vous avez raison quand vous dites autre chose, à savoir
+que s'il y avait dans le monde beaucoup de biens communs capables
+d'autodéfense, bâtis selon différents principes, cela créerait des procès
+poids-morts indésirables ; c'est pour cela que je passe une bonne partie de
+mon temps à essayer d'aider les gens à voir pourquoi la GPL est bonne et n'a
+pas besoin d'être transformée en XPL ou YPL et ZPL ailleurs dans le
+monde. En fait je pense que, dans les prochaines années, nous allons avoir
+une réduction du nombre des licences plutôt qu'une multiplication
+croissante. Mais c'est un problème conceptuel d'importance ; il repose sur
+la croyance que la loi sur le copyright, en soi, autorise certaines choses
+et pas d'autres, et que la seule manière de boucher ces trous est avec le
+type de loi du contrat que nous essayons de ne pas utiliser.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Pouvez-vous recommander un économiste qui ait étudié l'économie à
+coût marginal nul ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Eh bien, voyez-vous, je dis parfois en plaisantant à mon
+cher collègue, Yochai Benkler de la <cite>Yale Law School</cite>, que Yochai
+est maintenant bien placé pour gagner la finale du prix Nobel en
+économie. Mais je crains que ce ne soit pas tout à fait vrai et qu'une foule
+d'autres gens commencent à arriver. J'ai un peu le sentiment que tôt ou tard
+je vais me réveiller pour découvrir qu'à Stockholm ils ont décidé
+d'attribuer un prix pour l'enseignement de l'économie à des personnes que
+nous connaissons depuis vingt-cinq ans.
+</p>
+
+<p>
+Eric von Hippel réalise un travail très important à ce sujet, si vous voulez
+ne vous intéresser qu'aux personnes du voisinage. Nous commençons à avoir
+dans nos écoles de commerce un tas de gens qui essayent réellement de
+réfléchir à ces questions, parce qu'ils voient des paris de plusieurs
+milliards de dollars et que, dans la bonne tradition des écoles de commerce,
+ils découvrent qu'ils devraient s'intéresser aux préoccupations des riches
+hommes d'affaire et de leurs investisseurs.
+</p>
+
+<p>
+Dans les départements d'économie pure, malheureusement nous restons encore
+un phénomène trop dérangeant pour être consultés. Mais bien sûr, les
+étudiants en doctorat ne font pas toujours ce que font leurs professeurs, et
+j'ai l'intuition que nous sommes à quelques années seulement du début d'une
+grande avancée sur ces sujets.
+</p>
+
+<p>
+C'est une énorme et magnifique occasion de revoir tout le domaine. Même dans
+une discipline comme l'économie, on ne peut empêcher les gens de travailler
+sur un problème vraiment intéressant que pendant un temps limité. Et ce
+temps est écoulé.
+</p>
+
+<p>
+<b>Q :</b> Juste une question générale sur les forces de marché et
+l'économie du logiciel libre. Même dans un monde idéal, ne diriez-vous pas
+que, vous savez, à cause des forces de marché et ensuite nous, vous savez,
+un groupe de joueurs devient spécialement puissant, et en fait ils – même si
+c'est un monde idéal – ils deviennent vraiment assez puissants et créent une
+nouvelle fois des monopoles basés sur des standards, et nous revenons au
+système que nous avons aujourd'hui. Donc finalement ma question est : notre
+système économique, basé sur le produit, est-il juste une conséquence de la
+structure que nous avons, ou est-ce le résultat des forces de marché ?
+</p>
+
+<p>
+<b>Moglen :</b> Eh bien, la structure que nous avons constitue ce que nous
+appelons une force de marché. Je ne voudrais pas affirmer que le marché est
+un mécanisme newtonien qui existait dans l'univers indépendamment de
+l'interaction sociale humaine.
+</p>
+
+<p>
+Voyez-vous, ce que nous essayons de faire, à travers des institutions
+juridiques dédiées à la protection des biens communs, est d'éviter que ces
+biens communs ne subissent une tragédie. Du fait que le contenu de ces biens
+communs est capable de renouvellement et a un coût marginal nul, la tragédie
+que nous essayons d'éviter n'est pas celle de Garrett Hardin,<a
+id="TransNote13-rev" href="#TransNote13"><sup>13</sup></a> qui était basée
+sur le caractère épuisable des ressources naturelles d'un certain type. Mais
+il est certain que les biens communs que nous fabriquons sont susceptibles
+d'être accaparés et détruits de la manière que vous suggérez.
+</p>
+
+<p>
+Ceux d'entre nous qui croient que la GNU GPL est une licence
+particulièrement importante le croient parce qu'ils pensent que d'autres
+licences protègent trop faiblement les biens communs et pourraient être
+sujettes à une forme d'appropriation, destructrice à terme. C'est notre
+souci avec les libertés offertes, par exemple, par la licence BSD. Bien que
+les libertés à court terme semblent plus grandes, nous avons peur que les
+résultats à long terme ne se rapprochent de ceux que vous montrez : des
+participants au marché, libres de s'approprier le contenu des biens communs,
+pourraient avoir suffisamment de succès dans leur appropriation pour les
+rendre complètement inutilisables, tuant ainsi la poule ayant pondu l'œuf
+d'or initial.
+</p>
+
+<p>
+Donc, d'une certaine manière, je dirais qu'éviter la tragédie des biens
+communs dans notre monde dépend de leur structure. Cependant, comme ce ne
+sont que des institutions, ainsi que je l'ai signalé précédemment dans cette
+conversation, les biens communs nécessitent une gestion active.
+</p>
+
+<p>
+Vous, en tant qu'avocat, soit vous aiderez à protéger les biens communs,
+soit à ne pas les protéger. C'est une forme de loi sur les ressources
+naturelles du XXIe siècle. C'est prendre conscience qu'aucune machine ne
+peut se lancer elle-même, qu'elle nécessitera de l'aide pour pouvoir
+atteindre ses buts de la manière précise que vous avez en tête.
+</p>
+
+<p>
+La meilleure loi au monde sur les parcs nationaux n'empêchera par le
+braconnage s'il n'y a pas des personnes engagées désireuses de la
+défendre. Donc vous présentez une théorie générale de la possibilité de
+destruction des biens communs et je suis d'accord avec vous. Je dirai deux
+choses. Nous pouvons établir de meilleurs biens communs, et nous pouvons
+nous démener pour garder ces biens communs vigoureux et en bonne
+santé. C'est ce à quoi je m'emploie. C'est ce à quoi, j'espère, vous vous
+emploierez également.
+</p>
+
+<div class="translators-notes">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.-->
+<hr /><b>Notes de traduction</b><ol>
+<li id="TransNote1"><cite>Free as in freedom, not free as in beer</cite>
+signifie : libre, pas gratuit. <a href="#TransNote1-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote2">Allusion à la théorie de l'évolution de Darwin. <a
+href="#TransNote2-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote3">Il s'agit de l'article 1, section 8, de la Constitution
+des États-Unis : « Le Congrès aura le pouvoir&hellip; de favoriser le
+progrès de la science et des arts utiles en assurant, pour un temps limité,
+aux auteurs et inventeurs le droit exclusif à leurs écrits et découvertes
+respectifs. » <a href="#TransNote3-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote4"><cite>Court watching</cite> : les <cite>court
+watchers</cite> sont des personnes qui assistent aux procès pour observer le
+comportement des juges et le déroulement de la procédure ; l'information
+recueillie peut servir, par exemple, à faire des recommandations pour
+améliorer le fonctionnement des tribunaux, ou à demander le renvoi d'un
+juge. <a href="#TransNote4-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote5">En droit américain, le <cite>holding</cite> d'une
+affaire est l'ensemble des faits qui sont assez généraux pour éventuellement
+donner lieu à jurisprudence ; le <cite>dicta</cite> est l'ensemble des faits
+qui sont particuliers à cette affaire. <a href="#TransNote5-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote6">Allusion probable à la clé permettant de déverrouiller
+un programme. Sans cette clé, le programme s'arrête instantanément. <a
+href="#TransNote6-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote7">Au douzième coup de minuit le soir de la
+Saint-Sylvestre, une énorme boule de cristal descend traditionnellement sur
+Times Square, à New York. <a href="#TransNote7-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote8">Autre traduction de <cite>proprietary</cite> :
+propriétaire. <a href="#TransNote8-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote9">Association des industries de l'enregistrement
+d'Amérique. <a href="#TransNote9-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote10">En français dans le texte. <a href="#TransNote10-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote11"><cite>Free Speech Movement</cite> : mouvement de
+contestation qui se manifesta pendant l'année scolaire 1964-1965 à
+l'université de Californie, sur le campus de Berkeley. <a
+href="#TransNote11-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote12"><cite>The Great Old Party</cite> désigne
+traditionnellement le parti républicain des États-Unis. <a
+href="#TransNote12-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote13">Garrett Harding est l'auteur de <cite>The Tragedy of
+the Commons</cite> (La tragédie des biens communs), essai écrit en 1968, qui
+souligne les dommages que peuvent causer les individus à l'environnement par
+leurs actions innocentes. <a href="#TransNote13-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+</ol></div>
+</div>
+
+<!-- for id="content", starts in the include above -->
+<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" -->
+<div id="footer">
+<div class="unprintable">
+
+<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a
+href="mailto:gnu@gnu.org">&lt;gnu@gnu.org&gt;</a>. Il existe aussi <a
+href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens
+orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a
+href="mailto:webmasters@gnu.org">&lt;webmasters@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+<p>
+<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph,
+ replace it with the translation of these two:
+
+ We work hard and do our best to provide accurate, good quality
+ translations. However, we are not exempt from imperfection.
+ Please send your comments and general suggestions in this regard
+ to <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+
+ &lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+ <p>For information on coordinating and submitting translations of
+ our web pages, see <a
+ href="/server/standards/README.translations.html">Translations
+ README</a>. -->
+Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne
+qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires
+sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les
+traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+&lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des
+traductions de nos pages web, reportez-vous au <a
+href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p>
+</div>
+
+<!-- Regarding copyright, in general, standalone pages (as opposed to
+ files generated as part of manuals) on the GNU web server should
+ be under CC BY-ND 3.0 US. Please do NOT change or remove this
+ without talking with the webmasters or licensing team first.
+ Please make sure the copyright date is consistent with the
+ document. For web pages, it is ok to list just the latest year the
+ document was modified, or published.
+
+ If you wish to list earlier years, that is ok too.
+ Either "2001, 2002, 2003" or "2001-2003" are ok for specifying
+ years, as long as each year in the range is in fact a copyrightable
+ year, i.e., a year in which the document was published (including
+ being publicly visible on the web or in a revision control system).
+
+ There is more detail about copyright years in the GNU Maintainers
+ Information document, www.gnu.org/prep/maintain. -->
+<p>Copyright &copy; 2004 Eben Moglen</p>
+
+<p>La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article sont
+permises sur n'importe quel support d'archivage sans contrepartie
+financière, pourvu que le présent avis soit conservé.</p>
+
+<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" -->
+<div class="translators-credits">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.-->
+Traduction : Marc de Maillard.<br />Révision : <a
+href="mailto:trad-gnu@april.org">trad-gnu@april.org</a></div>
+
+<p class="unprintable"><!-- timestamp start -->
+Dernière mise à jour :
+
+$Date: 2018/11/03 21:59:48 $
+
+<!-- timestamp end -->
+</p>
+</div>
+</div>
+</body>
+</html>