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+
+<!-- This file is automatically generated by GNUnited Nations! -->
+<title>GNU et la Fondation pour le logiciel libre (Engineering Tech Talk de Google)
+- Projet GNU - Free Software Foundation</title>
+
+<!--#include virtual="/philosophy/po/google-engineering-talk.translist" -->
+<!--#include virtual="/server/banner.fr.html" -->
+<h2>GNU et la Fondation pour le logiciel libre</h2>
+
+<p><strong>Richard Stallman</strong></p>
+<p>(<cite>Engineering Tech Talk</cite> de Google, 11 juin 2004)</p>
+
+<div class="summary">
+<h3 class="no-display">Table des matières</h3>
+<ul>
+<li><a href="#introduction" id="tm">1. Introduction</a></li>
+<li><a href="#how-it-started">2. Comment cela a commencé</a></li>
+<li><a href="#gnu-operating-system">3. Système d'exploitation GNU</a></li>
+<li><a href="#gnu-emacs">4. GNU Emacs</a></li>
+<li><a href="#expensive-habits">5. Habitudes dispendieuses</a></li>
+<li><a href="#definition-of-free-software">6. Définition du logiciel libre</a></li>
+<li><a href="#freedom-2-moral-dilemma">7. Liberté 2, dilemme moral</a></li>
+<li><a href="#freedom-2-spirit-of-good-will">8. Liberté 2, esprit d'entraide</a></li>
+<li><a href="#freedom-0-to-run-a-program-freedom-1-to-modify-it">9. Liberté 0
+pour exécuter un programme, liberté 1 pour le modifier</a></li>
+<li><a href="#drm-back-doors-bugs">10. DRM, portes dérobées, bogues</a></li>
+<li><a href="#freedom-3-having-no-master">11. Liberté 3, ne pas avoir de
+maître</a></li>
+<li><a href="#copyleft-forbidding-is-forbidden">12. Copyleft, il est interdit
+d'interdire</a></li>
+<li><a href="#general-public-license">13. Licence publique générale GNU</a></li>
+<li><a href="#developing-gnu">13a. Développer GNU</a></li>
+<li><a href="#making-money-off-free-software">14. Gagner de l'argent avec le
+logiciel libre</a></li>
+<li><a href="#why-write-free-software">15. Pourquoi écrire du logiciel libre</a></li>
+<li><a href="#linux-kernel">16. Linux, le noyau</a></li>
+<li><a href="#gnu-vs-linux-confusion-problem-freedom">17. Problème de confusion
+entre GNU et Linux, liberté</a></li>
+<li><a href="#enemies-of-free-software">18. Ennemis du logiciel libre</a></li>
+<li><a href="#treacherous-computing">19. Informatique déloyale</a></li>
+<li><a href="#help-gnu">20. Aider GNU</a></li>
+<li><a href="#saint-ignucius">21. Saint Ignuce</a></li>
+<li><a href="#about-anonymity-credit-cards-cell-phones">22. À propos d'anonymat,
+de cartes de crédit, de téléphones portables</a></li>
+<li><a href="#free-formats-copyright-microsoft">23. Formats libres, copyright,
+Microsoft</a></li>
+<li><a href="#dangers-of-webmail-loss-of-freedom">24. Dangers du webmail, perte
+de liberté</a></li>
+<li><a href="#copyright-art-vs-software">25. Copyright pour l'art et le
+logiciel</a></li>
+<li><a href="#malicious-free-software">26. Logiciel libre malveillant </a></li>
+<li><a href="#patented-file-formats">27. Formats de fichiers brevetés</a></li>
+<li><a href="#games-as-free-software">28. Jeux libres</a></li>
+<li><a href="#gpl-freedoms-for-cars-saving-seeds">29. Libertés de la GPL pour
+les voitures, faire ses propres semences</a></li>
+<li><a href="#no-software-is-better-than-non-free-software">30. Pas de logiciel
+est mieux que du logiciel non libre</a></li>
+<li><a href="#portability-of-free-software">31. Portabilité du logiciel
+libre</a></li>
+<li><a href="#is-some-free-software-obfuscated-on-purpose">32. Logiciels libres
+rendus inintelligibles à dessein ?</a></li>
+<li><a href="#proprietary-keeping-an-edge">33. Logiciel privateur pour garder
+l'avantage</a></li>
+<li><a href="#forbidding-is-forbidden-how-is-this-freedom">34. Il est interdit
+d'interdire, qu'est-ce que cette liberté ?</a></li>
+<li><a href="#can-google-help-free-software">35. Google peut-il aider le
+logiciel libre ?</a></li>
+<li><a href="#free-software-on-windows-good-or-bad">36. Logiciel libre pour
+Windows, bien ou mal ?</a></li>
+<li><a href="#scos-suit">37. Affaire SCO</a></li>
+<li><a href="#stallmans-problem-typing">38. Difficultés de Stallman avec la
+dactylographie</a></li>
+<li><a href="#open-source-good-or-bad-pat-riot-act">39. Open source, bien ou
+mal ? <cite>Pat-riot Act</cite></a></li>
+<li><a href="#the-end">40. Fin</a></li>
+</ul>
+<hr class="no-display" />
+</div>
+
+<h3 id="introduction"><a class="nounderline" href="#tm">1.</a> Introduction</h3>
+
+<p><b>ED :</b> Merci à vous tous d'être venus. Je suis Ed Falk. Notre invité
+n'a pas vraiment besoin d'être présenté ; si vous ne savez pas ce que les
+lettres RMS veulent dire, vous n'avez probablement pas votre place dans
+cette salle.</p>
+
+<p>Richard a fondé la <cite>Free Software Foundation</cite> (Fondation pour le
+logiciel libre), en 1984 je pense, et pourrait donc être considéré comme le
+père du logiciel libre. Et naturellement, comme l'infrastructure de Google
+est basée sur le logiciel libre, nous devons au mouvement du logiciel libre
+un très grand merci [et mon micro est en train de me lâcher, aussi je ne
+vais pas parler longtemps]. Voici Richard Stallman, que nous remercions
+d'être venu sur préavis si court. Nous remercions également notre ami commun
+Lile Elam qui a organisé tout ça. Et maintenant, sans plus tarder, je vous
+fais cadeau de Richard.</p>
+
+<p>[Richard salue]</p>
+
+<h3 id="how-it-started"><a class="nounderline" href="#tm">2.</a> Comment cela a commencé</h3>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Levez la main s'il vous plaît, si vous ne pouvez pas
+m'entendre [rires]. Oui, quelqu'un a levé la main.</p>
+
+<p>Le sujet de ma conférence est donc le logiciel libre. Je n'ai pas créé le
+logiciel libre ; il y en avait aux premiers jours de l'informatique. Dès
+qu'il y a eu deux ordinateurs du même modèle, les gens ont eu la possibilité
+de partager du logiciel. Et ils l'ont fait.</p>
+
+<p>{Ce n'est pas... Il y a un problème. Comment arrête-t-on ce retour de
+Larsen ? Est-ce que quelqu'un peut faire quelque chose ? Je veux bien
+recevoir un retour, mais seulement de vous, pas de la sono.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> [inintelligible]</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Bon, ça n'a pas d'importance ; je ne défends pas l'open
+source, je ne l'ai jamais fait et ne le ferai jamais.}</p>
+
+<p>Le logiciel libre existait avant que je ne commence à programmer et j'ai eu
+la chance, dans les années 1970, d'appartenir à une communauté de
+programmeurs qui partageaient le logiciel. Aussi ai-je connu le logiciel
+libre comme mode de vie, en le vivant quotidiennement. Et j'en suis venu à
+apprécier ce que veut dire être libre de partager avec les autres, sans être
+mis à l'écart du reste du monde par le secret et l'hostilité.</p>
+
+<p>Mais cette communauté a disparu au début des années 80, et je me suis trouvé
+confronté à la perspective de passer le reste de ma vie dans un monde de
+logiciel privateur<a id="TransNote1-rev" href="#TransNote1"><sup>1</sup></a>
+– et, pire que tout, confronté à la perspective de signer un accord de
+non-divulgation. J'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'était pas éthique
+de signer un accord de non-divulgation pour de l'information technique
+d'usage général comme le logiciel. Promettre de ne pas partager avec ses
+compagnons est une violation de la solidarité humaine. Aussi, quand j'ai vu
+que la machine du rez-de-chaussée me demandait de signer un accord de
+non-divulgation, j'ai juste dit : « Je ne peux pas signer d'accord de
+non-divulgation. » Bon, heureusement qu'il y avait une autre option ; ils
+m'ont laissé rentrer ici sans le signer, pour donner ma conférence,
+autrement vous auriez été obligés de sortir pour m'écouter [rires].</p>
+
+<p>(Ils posaient une paire d'autres questions intéressantes : ils réclamaient
+ma compagnie, et j'ai répondu que je n'étais pas libre ce soir [il regarde
+son badge – rires]. Et ils demandaient quel est mon hôte ; là j'ai marqué
+<cite>fencepost.gnu.org</cite>. Mais c'est juste l'esprit hacker.)</p>
+
+<p>Ainsi, je me suis retrouvé dans une situation où le seul moyen que j'avais
+d'obtenir un ordinateur moderne et de commencer à m'en servir était de
+signer un accord de non-divulgation pour un système d'exploitation privateur
+quelconque. Parce qu'en 1983, tous les systèmes d'exploitation des
+ordinateurs modernes étaient privateurs, et il n'y avait pas d'autre moyen
+légal d'en obtenir une copie que de signer un accord de non-divulgation, ce
+qui est contraire à l'éthique. Aussi ai-je décidé de m'occuper de ça,
+d'essayer de changer cette situation. Et le seul moyen qui me soit venu à
+l'esprit pour la changer a été d'écrire un autre système d'exploitation,
+puis de dire, en tant qu'auteur : « Ce système est libre ; vous pouvez
+l'obtenir sans accord de non-divulgation et vous avez le droit de le
+redistribuer à d'autres. Vous avez le droit d'étudier comment il
+fonctionne. Vous avez le droit de le modifier. » Ainsi, au lieu d'être divisés et impuissants, les utilisateurs de ce système
+vivraient dans la liberté. Le logiciel privateur ordinaire fait partie d'une
+combine dans laquelle on garde délibérément les utilisateurs dans
+l'isolement et l'impuissance. Le programme est fourni avec une licence qui
+dit qu'on n'a pas le droit de le partager, et dans la plupart des cas on ne
+peut pas se procurer le code source, donc on ne peut ni l'étudier ni le
+modifier. Peut-être même qu'il a des fonctionnalités malveillantes, mais on
+ne peut pas avoir de certitude. Avec le logiciel libre, nous respectons les
+libertés de l'utilisateur et c'est ce qui importe. La raison d'être du
+mouvement du logiciel libre est de donner la liberté aux habitants du
+cyberespace, pour qu'ils aient un moyen de vivre dans la liberté tout en
+continuant à utiliser un ordinateur, pour éviter qu'ils restent divisés et
+impuissants.</p>
+
+<h3 id="gnu-operating-system"><a class="nounderline" href="#tm">3.</a> Système d'exploitation GNU</h3>
+
+<p>On ne peut pas utiliser d'ordinateur sans système d'exploitation, un système
+d'exploitation libre était donc absolument essentiel. En 1983, j'ai annoncé
+mon projet d'en développer un : un système d'exploitation appelé GNU.</p>
+
+<p>J'avais décidé de faire un système de la famille Unix pour qu'il soit
+portable. Le système d'exploitation que nous avions utilisé pendant des
+années au labo d'Intelligence artificielle (IA) était ITS.<a
+id="TransNote2-rev" href="#TransNote2"><sup>2</sup></a> Il avait été écrit
+en assembleur pour le PDP-10, de sorte que lorsque Digital a arrêté le
+PDP-10, des années de notre travail sont tombées en poussière et ont été
+balayées. Je ne voulais pas écrire un autre système pour que la même chose
+lui arrive, c'est pourquoi j'ai opté pour un système portable. Mais je ne
+connaissais qu'un seul système d'exploitation qui soit portable et ait
+réussi à s'imposer, et c'était Unix. Aussi ai-je décidé de suivre
+l'architecture d'Unix, en supputant que de cette façon j'avais une bonne
+chance d'arriver à faire un système utile et portable. Et puis j'ai décidé
+de rendre ce système rétrocompatible avec les interfaces d'Unix, pour que
+les utilisateurs puissent l'adopter sans rencontrer de changement
+incompatible.</p>
+
+<p>J'aurais pu prendre les meilleures idées des divers systèmes que j'avais
+aidés à développer ou que j'avais utilisés, en leur ajoutant mes idées
+favorites, et en faire le système d'exploitation de mes rêves. Mais il
+aurait été incompatible et la plupart des utilisateurs l'auraient rejeté en
+disant : « Ce serait trop de travail de migrer, donc on va juste faire comme
+avant. » Alors qu'en rendant le système rétrocompatible avec Unix, je
+pouvais épargner cet obstacle aux utilisateurs et augmenter les chances
+qu'ils se servent effectivement du système.</p>
+
+<p>Si les utilisateurs l'avaient rejeté, j'aurais eu l'excuse
+parfaite. J'aurais pu dire : « Je leur ai offert la liberté et ils l'ont
+rejetée ; c'est leur faute. » Mais je voulais faire plus que me donner une
+excuse. Je voulais construire une communauté où les gens vivraient
+effectivement en liberté, ce qui voulait dire que je devais développer un
+système que les gens utiliseraient effectivement. Donc j'ai décidé de faire
+un système rétrocompatible avec Unix.</p>
+
+<p>Unix est fait de nombreux composants qui communiquent entre eux par des
+interfaces plus ou moins documentées. Et les utilisateurs se servent de ces
+interfaces. Donc la compatibilité avec Unix nécessitait d'utiliser les mêmes
+interfaces, ce qui voulait dire que les décisions initiales de conception
+étaient prises de facto, sauf une : la gamme de machines qui serait
+gérée. Unix avait été conçu pour fonctionner sur des machines 16 bits, ce
+qui demandait un surcroît de travail parce que la taille des programmes
+devait rester réduite ; aussi ai-je décidé d'économiser ce travail
+supplémentaire en ne prenant en compte aucune machine en dessous de
+32 bits. J'ai calculé qu'il faudrait plusieurs années pour finir le système
+et qu'à ce moment-là les gens utiliseraient de toute façon des machines
+32 bits. Et c'est ce qui s'est passé.</p>
+
+<p>La seule chose dont j'avais besoin avant de commencer le travail était un
+nom. Être un hacker veut dire apprécier le jeu et les astuces – dans la
+programmation et dans les autres domaines de la vie, n'importe quel domaine
+de la vie [où] l'on peut exercer son goût pour le jeu et les astuces. Il y
+avait parmi les hackers une tradition selon laquelle, quand on écrivait un
+programme semblable à un programme existant, on donnait au nouveau programme
+un nom en forme d'acronyme récursif qui disait que ce n'était pas l'autre
+programme.</p>
+
+<p>Par exemple, dans les années 60 et 70 il y avait plusieurs éditeurs de texte
+<abbr title="Text Editor and COrrector">TECO</abbr>, plus ou moins
+similaires ; typiquement, chaque système avait un TECO qui s'appelait
+quelque-chose-TECO. Mais un hacker astucieux a appelé son programme <abbr
+title="teinte">TINT</abbr>, ce qui signifiait <cite>TINT Is Not TECO</cite>
+(TINT n'est pas TECO) – le premier acronyme récursif. Et nous avons trouvé
+ça très amusant. Ainsi en 1975, après que j'aie développé Emacs – le premier
+éditeur de texte acceptant des extensions – il y a eu plusieurs imitations
+dont certaines s'appelaient quelque-chose-Emacs. Mais l'une d'elle
+s'appelait <abbr title="sinus (math)">SINE</abbr> <cite>(SINE Is Not
+Emacs)</cite>, et il y avait aussi <abbr title="Bien !">FINE</abbr>
+<cite>(FINE Is Not Emacs)</cite>, et <abbr title="un (en
+allemand)">EINE</abbr> <cite>(EINE Is Not Emacs)</cite>, <abbr
+title="hachis">MINCE</abbr> <cite>(MINCE Is Not Complete Emacs)</cite>.<a
+id="TransNote3-rev" href="#TransNote3"><sup>3</sup></a> Puis EINE a été
+presque complètement réécrit et la version deux a été appelée <abbr
+title="deux (en allemand)">ZWEI</abbr>, <cite>ZWEI Was EINE
+Initially</cite><a id="TransNote4-rev" href="#TransNote4"><sup>4</sup></a>
+[rires].</p>
+
+<p>J'ai donc cherché un acronyme récursif pour « quelque chose n'est pas
+Unix », mais la méthode habituelle des quatre lettres ne marchait pas, parce
+qu'aucun n'était un mot. Et s'il n'y a pas d'autre signification, ce n'est
+pas amusant. Alors je me suis dit : « Qu'est-ce que je peux faire d'autre,
+hum ? » Rien ne m'est venu à l'esprit, alors j'ai pensé : « Avec une
+contraction, je pourrais bien avoir un acronyme récursif de trois lettres. »
+J'ai commencé à substituer les 26 lettres : ANU, BNU, CNU, DNU, ENU, FNU,
+GNU ! <cite>Gnu</cite><a id="TransNote5-rev"
+href="#TransNote5"><sup>5</sup></a> est le mot le plus amusant de la langue
+anglaise, donc le choix était fait. Si l'on peut appeler quelque chose
+<cite>GNU</cite>, il n'y a aucune raison de choisir un autre nom.</p>
+
+<p>Bien sûr, la raison pour laquelle le mot <cite>gnu</cite> se prête si bien
+au jeu de mot est que, d'après le dictionnaire, il se prononce
+<cite>new</cite>.<a id="TransNote6-rev" href="#TransNote6"><sup>6</sup></a>
+Ainsi les gens commencèrent à se demander mutuellement en manière de
+plaisanterie « <cite>Hey, what's g-nu ?</cite> »<a id="TransNote7-rev"
+href="#TransNote7"><sup>7</sup></a> bien avant qu'on puisse répondre
+« <cite>GNU's Not Unix</cite> » (GNU N'est pas Unix). Mais maintenant on
+peut donner cette réponse, et le plus beau, c'est qu'on a l'air de dire
+insolemment ce qu'il n'est pas au lieu de répondre à la question, alors
+qu'en fait on donne le sens exact de GNU ; on répond à la question de la
+manière la plus exacte possible, alors qu'en apparence on refuse de
+répondre.</p>
+
+<p>En tout cas, prononcez le G dur s'il vous plaît, quand c'est le nom de notre
+système d'exploitation ; ne suivez pas le dictionnaire. Si vous parlez d'un
+« nouveau » système d'exploitation, vous allez dérouter les gens. Nous avons
+travaillé dessus pendant vingt ans déjà, donc il n'est plus nouveau. Mais
+c'est toujours, et ce sera toujours, GNU, quel que soit le nombre de gens
+qui l'appellent Linux par erreur.</p>
+
+<p>{[<b>PUBLIC :</b> inintelligible] [<b>RICHARD :</b> Merci !]}</p>
+
+<p>Donc, maintenant que j'avais un nom, je pouvais commencer à travailler. En
+janvier 1984, j'ai quitté mon travail au <abbr title="Massachusetts
+Institute of Technology">MIT</abbr> pour commencer à écrire des morceaux du
+système d'exploitation GNU. J'ai dû quitter mon travail parce que, si
+j'étais resté au MIT comme salarié, le MIT aurait pu revendiquer la
+propriété de tout le code que j'écrivais et en faire des produits logiciels
+privateurs. Et comme le MIT avait déjà fait ce genre de choses, je ne
+pouvais certainement pas présumer qu'ils ne le referaient pas dans ce
+cas-là ; je ne voulais pas avoir à discuter avec l'administration du MIT
+tous les détails de la licence que j'allais utiliser. En donnant ma
+démission, je les ai sortis de l'équation ; je n'ai plus jamais eu de
+travail salarié depuis. Cependant le responsable du labo d'IA a été assez
+sympa pour me laisser utiliser son équipement. C'est donc sur une machine
+Unix du labo d'IA que j'ai commencé à faire tourner les morceaux du
+système GNU.</p>
+
+<p>Je ne m'étais jamais servi d'Unix auparavant. Je n'ai jamais été un crac
+d'Unix et j'ai choisi de suivre cette architecture pour la raison exacte que
+je vous ai dite, pas parce qu'Unix était mon système favori ou n'importe
+quoi d'autre. Quelquefois les gens écrivent que ce sont des changements dans
+la politique d'attribution de licence d'Unix qui m'ont donné l'idée de
+GNU. Eh bien, ce n'est pas vrai ; en fait Unix n'a jamais été un logiciel
+libre. Ils étaient plus ou moins restrictifs et plus ou moins pénibles dans
+l'application de leurs exigences, mais ce n'a jamais été un logiciel
+libre. Donc ces changements n'ont pas changé le cours des choses, et de
+toute façon ils étaient intervenus bien avant que j'aie jamais vu de mes
+yeux une machine sous Unix.</p>
+
+<h3 id="gnu-emacs"><a class="nounderline" href="#tm">4.</a> GNU Emacs</h3>
+
+<p>Je pensais à l'époque, avec les autres personnes que je recrutais pour
+essayer de m'aider, que nous allions développer tous les morceaux et faire
+un système complet, puis que nous dirions : « À table ! Venez vous
+servir ! » Mais cela ne s'est pas passé comme ça. En septembre 84, j'ai
+commencé à développer GNU Emacs, la deuxième version de mon éditeur de texte
+programmable extensible, et début 85 il me convenait pour tout mon travail
+d'édition. C'était un grand soulagement. Vous voyez, je n'avais absolument
+pas l'intention d'apprendre à utiliser Vi [rires,
+applaudissements]. Jusque-là, j'éditais mes programmes sur d'autres machines
+où il y avait un Emacs et je copiais les fichiers par le réseau pour les
+tester sur la machine Unix. Une fois que GNU Emacs a fonctionné, j'ai pu les
+éditer sur la machine Unix.</p>
+
+<p>Mais d'autres personnes voulaient obtenir des copies de GNU Emacs pour faire
+leur travail d'édition sur leurs systèmes Unix. Il n'y avait pas encore de
+système GNU, il y en avait seulement quelques morceaux. Mais ce morceau-là
+s'est révélé intéressant en soi. Les gens m'en demandaient des copies, aussi
+a-t-il fallu que je j'étudie les modalités de sa
+distribution. Naturellement, j'en ai mis une copie sur le serveur FTP
+anonyme, et cela convenait à ceux qui étaient sur le réseau. Mais en 1985 la
+plupart des programmeurs n'étaient pas sur Internet, alors ils me
+demandaient des copies ; qu'est-ce que j'allais dire ? J'aurais pu dire :
+« Je veux passer mon temps à écrire d'autres morceaux du système GNU, pas à
+enregistrer des bandes magnétiques, donc s'il vous plaît, trouvez un ami qui
+puisse le télécharger et le mettre sur bande pour vous. » Et ils auraient
+trouvé quelqu'un un jour ou l'autre, parce que les programmeurs connaissent
+généralement d'autres programmeurs.</p>
+
+<h3 id="expensive-habits"><a class="nounderline" href="#tm">5.</a> Habitudes dispendieuses</h3>
+
+<p>Mais j'étais au chômage et cherchais un moyen de gagner un peu d'argent par
+mon travail sur le logiciel libre. Aussi j'ai annoncé : « Faites-moi
+parvenir 150 $ et je vous enverrai une bande de GNU Emacs par la poste. » Et
+les commandes commencèrent à tomber goutte à goutte. Vers le milieu de
+l'année, il en venait un filet régulier, huit à dix commandes par mois, ce
+qui, au besoin, aurait pu me faire vivre.</p>
+
+<p>C'est parce que je m'efforce de résister aux habitudes dispendieuses. Une
+habitude dispendieuse est comme un piège ; c'est dangereux. Pourtant, les
+Américains ont une attitude exactement opposée : s'ils gagnent cette
+somme-ci, ils se demandent comment dépenser cette somme-là [geste de large
+amplitude], ce qui est tout à fait imprudent. Donc ils commencent à acheter
+des maisons, et des voitures, et des bateaux, et des avions, et des timbres
+rares, et des œuvres d'art, et des voyages d'aventure, et des enfants
+[rires], toutes sortes de luxes dispendieux qui consomment une grande partie
+des ressources de la planète, particulièrement les enfants. Et alors ils se retrouvent à trimer toute la journée afin de gagner assez
+d'argent pour payer tous ces trucs, ce qui fait qu'ils n'ont pas le temps
+d'en profiter – bien triste lorsqu'il s'agit d'enfants. Le reste, j'imagine,
+peut être saisi. Ainsi ils deviennent des marionnettes de l'argent,
+incapables de décider ce qu'ils vont faire de leurs vies. Si vous ne voulez
+pas devenir des marionnettes de l'argent, alors résistez aux habitudes
+dispendieuses. Moins vous aurez besoin de dépenser pour vivre, plus vous
+aurez de flexibilité et moins de votre temps de vie vous serez forcés de
+dépenser pour gagner cet argent.</p>
+
+<p>Donc, en gros, je vis encore comme un étudiant et c'est ce qui me convient.</p>
+
+<h3 id="definition-of-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">6.</a> Définition du logiciel libre</h3>
+
+<p>Mais les gens me demandaient parfois : « Qu'est-ce que vous voulez dire par
+logiciel libre, si ça coûte 150 $ ? » Eh bien, le mot anglais
+<cite>free</cite> a de multiples significations et c'est ce qui les
+déroutait. Cela m'a même pris plusieurs années pour comprendre que je devais
+clarifier ce point. Une des significations, voyez-vous, se rapporte au prix,
+et une autre à la liberté. Quand nous parlons de logiciel libre <cite>[free
+software]</cite>, nous parlons de liberté, pas de prix. Ainsi, pensez à
+« libre expression » et non à « entrée libre ».<a id="TransNote8-rev"
+href="#TransNote8"><sup>8</sup></a></p>
+
+<p>Certains utilisateurs obtenaient leurs exemplaires de GNU Emacs par le
+réseau et ne payaient pas. D'autres les obtenaient de moi sur bande
+magnétique et payaient. D'autres encore les obtenaient de quelqu'un d'autre,
+pas de moi, parce que quiconque avait une copie était libre de la
+redistribuer. Est-ce qu'ils payaient cette autre personne ? Eh bien, je n'en
+sais rien, ça se passait entre eux. Ils n'avaient pas besoin de me le
+dire. Ainsi GNU Emacs était gratuit pour certains utilisateurs et payant
+pour d'autres, mais c'était un logiciel libre pour tous, parce que tous
+avaient certaines libertés essentielles qui sont la définition du logiciel
+libre.</p>
+
+<p>Permettez-moi maintenant de vous donner la définition du logiciel
+libre. Vous voyez, c'est très facile de dire : « Je suis en faveur de la
+liberté. » Je veux dire, même Bush peut dire ça [rires]. Je ne pense pas
+qu'il sache ce que ça signifie. Mais là où je veux en venir, c'est qu'à
+moins de demander à la personne d'être plus spécifique, c'est juste du
+bavardage. Aussi, permettez-moi d'être plus spécifique et de vous donner la
+définition du logiciel libre.</p>
+
+<p>Un programme est un logiciel libre pour vous, utilisateur particulier, si
+vous avez les quatre libertés suivantes :</p>
+
+<p>— la liberté 0, qui est la liberté d'exécuter le programme comme vous
+voulez ;<br/>— la liberté 1, celle de vous aider vous-même en étudiant le
+code source pour voir ce que fait le programme exactement, et en le
+modifiant ensuite pour qu'il fasse ce que vous voulez ;<br/>— la liberté 2,
+celle d'aider votre voisin en distribuant des copies aux autres ;<br/>— et
+enfin la liberté 3, celle d'aider à construire votre communauté,
+c'est-à-dire la liberté de publier une version modifiée pour que les autres
+bénéficient de vos modifications.</p>
+
+<p>Ces libertés sont toutes les quatre essentielles. Ce ne sont pas des niveaux
+de liberté, ce sont quatre libertés que vous devez toutes posséder pour que
+le programme puisse être qualifié de logiciel libre. Ce sont toutes des
+libertés qu'aucun utilisateur d'ordinateur ne devrait jamais se voir
+refuser.</p>
+
+<p>[<a
+href="/philosophy/free-sw.html">http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.html</a>]</p>
+
+<h3 id="freedom-2-moral-dilemma"><a class="nounderline" href="#tm">7.</a> Liberté 2, dilemme moral</h3>
+
+<p>Pourquoi ces libertés particulières ? Pourquoi devons-nous les définir de
+cette manière ?</p>
+
+<p>La liberté 2 est nécessaire pour que vous puissiez vivre une vie droite,
+éthique, être un bon citoyen. Si vous utilisez un programme qui ne vous
+donne pas la liberté 2, la liberté d'aider votre voisin, la liberté de
+distribuer des copies aux autres, alors vous êtes potentiellement confronté
+à un dilemme moral qui peut se présenter à n'importe quel moment, lorsque
+quelqu'un vient vous demander : « Puis-je avoir une copie de ce
+programme ? » À ce moment-là, qu'est-ce que vous allez faire ? Vous êtes
+forcé de choisir entre deux maux. L'un est de faire une copie du programme
+pour cette personne et de violer la licence. L'autre est de respecter la
+licence, mais d'être un mauvais voisin. Donc vous devez choisir le moindre
+mal, qui est de faire une copie pour cette personne et de violer la licence
+[rires, applaudissements].</p>
+
+<p>Voyez-vous, dans ce cas, le mal est moindre parce qu'il est dirigé contre
+quelqu'un qui a essayé intentionnellement de vous séparer du reste de la
+société, et de ce fait a extrêmement mal agi envers vous ; par conséquent il
+le mérite. Cependant, il n'est pas bon de passer sa vie dans le
+mensonge. Lorsqu'on vous dit « Je vous permets de posséder une copie de
+ceci, mais vous devez promettre de ne la partager avec personne », la bonne
+chose à faire est de dire non. Une fois que vous aurez réfléchi à ce dilemme
+moral, vous serez capable de prévoir que de commencer à utiliser ce
+programme vous amènerait à choisir entre deux maux ; par conséquent vous
+refuserez de l'utiliser, vous direz simplement « Non, merci. » C'est le
+principe auquel je crois. Si quelqu'un m'offre un programme que je ne suis
+pas libre de partager avec vous, je vais dire non, par principe.</p>
+
+<p>Il m'est arrivé un jour d'assister à une conférence de John Perry Barlow où
+il a dit : « Levez la main si vous n'avez aucune copie illicite de
+logiciel. » Et il a été surpris de voir quelqu'un lever la main, jusqu'à ce
+qu'il voie que c'était moi. Alors il a dit « Oh, vous, naturellement ! »
+parce qu'il savait pourquoi je n'avais pas de copies illicites : toutes mes
+copies sont du logiciel libre, que chacun est autorisé à copier. C'est toute
+la question.</p>
+
+<h3 id="freedom-2-spirit-of-good-will"><a class="nounderline" href="#tm">8.</a> Liberté 2, esprit d'entraide</h3>
+
+<p>La ressource la plus essentielle de toute société est la bonne volonté, la
+disposition à aider votre voisin ; pas nécessairement chaque fois qu'on vous
+le demande, mais assez souvent. C'est ce qui fait la différence entre une
+société vivable et une société où règne la loi de la jungle. La prévalence
+de cet état d'esprit ne va pas être 100% et elle ne va pas être 0%, mais
+elle va être quelque part entre les deux – et les forces culturelles peuvent
+l'influencer dans un sens ou dans l'autre. Il est essentiel d'essayer de
+l'augmenter quelque peu, parce que ça rend la vie plus facile pour tout le
+monde. Ainsi ce n'est pas par accident que les religions principales du
+monde encouragent cet esprit d'entraide depuis des milliers d'années.</p>
+
+<p>Alors qu'est-ce que ça signifie quand des institutions puissantes de la
+société disent que partager est mal ? Elles empoisonnent cette ressource
+vitale, ce qu'aucune société ne peut se permettre. Qu'est-ce que ça signifie
+quand elles disent que si vous partagez avec votre voisin vous êtes un
+pirate ? Elles disent qu'aider votre voisin équivaut à attaquer un
+navire. Eh bien, rien ne pourrait être plus faux. Attaquer un navire est
+très, très mal ; aider votre voisin est une bonne action.</p>
+
+<p>Et qu'est-ce que ça signifie quand ils instaurent des punitions sévères pour
+toute personne prise à partager ? Combien de peur faudra-t-il accumuler
+avant que chacun soit trop effrayé pour aider son voisin ? Et vous voulez
+que cette campagne de terreur se poursuive ? J'espère que la réponse est
+non. Nous devons abolir la guerre contre le partage qu'on impose à notre
+société. Nous devons dire, haut et fort : « Copier et partager avec votre
+voisin est bon, c'est légitime, et les lois qui l'interdisent sont
+injustes. »</p>
+
+<h3 id="freedom-0-to-run-a-program-freedom-1-to-modify-it"><a class="nounderline" href="#tm">9.</a> Liberté 0 pour exécuter un
+programme, liberté 1 pour le modifier</h3>
+
+<p>Voilà donc la raison d'être de la liberté 2 ; c'est essentiellement une
+raison éthique. Vous ne pouvez pas vivre selon l'éthique si vous n'avez pas
+la liberté 2.</p>
+
+<p>La liberté 0 est nécessaire pour une raison complètement différente : pour
+que vous puissiez contrôler votre propre ordinateur. Si vous avez des
+limitations qui définissent quand, combien de fois et comment vous pouvez
+exécuter le programme, c'est clair que vous n'utilisez pas votre ordinateur
+en toute liberté. Donc la liberté 0 est évidente, mais la liberté 0 n'est
+pas suffisante parce que tout ce que vous pouvez faire avec le programme est
+ce qui a été programmé par son développeur. Vous êtes libre de faire ceci
+[signe de la main] ou rien. Pour être vraiment libre, vous devez contrôler
+ce que fait le programme, donc vous avez besoin de la liberté 1, qui est la
+liberté de vous aider vous-même, la liberté d'étudier le code source puis de
+le modifier pour lui faire faire ce que vous voulez.</p>
+
+<p>Si vous n'avez pas la liberté 1, vous ne savez pas ce que fait le
+programme ; le développeur dit : « Faites-moi donc confiance. » Seule une
+foi aveugle vous permet de faire ça, et vous devez être vraiment aveugle,
+étant donné qu'il n'est pas rare pour un logiciel privateur d'avoir des
+fonctionnalités malveillantes, des fonctionnalités qui ont été introduites,
+non pour servir l'utilisateur, mais plutôt pour le diriger, lui nuire ou lui
+imposer des restrictions. Par exemple, les logiciels espions sont très
+courants.</p>
+
+<p>[Un blanc de 51 secondes dans l'enregistrement a été complété par RMS en
+août 2010]</p>
+
+<p>Microsoft Windows espionne l'utilisateur ; des fonctions spécifiques
+d'espionnage ont été découvertes. Windows Media Player espionne également ;
+il rapporte à Microsoft tout ce que regarde l'utilisateur.</p>
+
+<p>[Fin de remplacement des 51 secondes manquantes dans l'enregistrement audio]</p>
+
+<p>&hellip; le fait. RealPlayer, par exemple, vous espionne. Le TiVo vous
+espionne. Certains s'enthousiasmaient pour le TiVo, ils étaient tout excités
+parce qu'il contient un peu de logiciel libre. Mais il contient aussi du
+logiciel non libre et il vous espionne. Cela montre que ce n'est pas
+suffisant. Nous ne devrions pas applaudir quand un truc utilise un peu de
+logiciel libre ; nous devrions applaudir quand il respecte notre liberté.</p>
+
+<h3 id="drm-back-doors-bugs"><a class="nounderline" href="#tm">10.</a> DRM, portes dérobées, bogues</h3>
+
+<p>Mais les logiciels espions ne sont pas ce qu'il y a de pire. Il y a des
+logiciels non libres qui sont délibérément conçus pour refuser de
+fonctionner. On appelle ça <abbr title="Digital Restrictions
+Management">DRM</abbr>, gestion numérique des restrictions. Le programme
+dit : « Je ne vais pas te laisser regarder ce fichier ; je ne vais pas te
+laisser copier ceci ; je ne vais pas te laisser éditer cela. » Et alors,
+qu'est-ce qu'il se croit, ce foutu programme, pour vous barrer la route ? Et
+quelquefois les programmes non libres vont reconfigurer votre machine, par
+exemple lui faire afficher des publicités, en comptant sur le fait que vous
+ne saurez pas que ça va se produire, ni comment vous en débarrasser après
+coup.</p>
+
+<p>Quelquefois ils ont de vraies portes dérobées <cite>[backdoor]</cite>. Par
+exemple Windows XP a une porte dérobée : quand il demande une mise à jour,
+il dit à Microsoft qui vous êtes pour que Microsoft puisse vous donner une
+mise à jour concoctée juste pour vous. Et cette mise à jour pourrait avoir
+des comptes secrets, elle pourrait avoir des fonctions d'espionnage, elle
+pourrait juste refuser de fonctionner. Et vous n'y pouvez à peu près
+rien. Voilà la porte dérobée que Microsoft connaît et que nous connaissons
+également.</p>
+
+<p>[Ajouté en 2010: nous avons appris plus tard que Microsoft peut faire des
+« mises à jour » forcées – une porte dérobée bien plus vicieuse.]</p>
+
+<p>Il peut y avoir d'autres portes dérobées que nous ne connaissons pas, et
+Microsoft non plus, peut-être. Quand j'étais en Inde en janvier dernier, on
+m'a dit que certains programmeurs du pays avaient été arrêtés et accusés de
+travailler pour Al-Qaïda ; ils essayaient d'introduire des portes dérobées
+dans Windows XP. Donc apparemment cet essai-là a raté. Mais est-ce que
+d'autres ont réussi ? Il n'y a aucun moyen de le savoir.</p>
+
+<p>Maintenant, je ne dirai pas que tous les développeurs de logiciel non libre
+y mettent des fonctions malveillantes. Il y en a qui essaient d'y mettre des
+fonctions destinées au confort de l'utilisateur et seulement à ça. Mais ils
+sont humains, donc ils font des erreurs. Avec la meilleure volonté du monde,
+ils peuvent concevoir des fonctionnalités que vous n'aimez pas, ou ils
+peuvent mettre des bogues dans leur code. Et lorsque ça se produit, vous
+êtes impuissant également ; vous êtes le prisonnier impuissant de toute
+décision qu'ils prennent. Qu'elle soit malveillante ou prise dans une bonne
+intention, si elle ne vous plaît pas, vous êtes coincé.</p>
+
+<p>Cela dit, nous, les développeurs de logiciel libre, sommes humains
+également, nous faisons aussi des erreurs. J'ai concocté des fonctionnalités
+que les utilisateurs n'ont pas appréciées. J'ai écrit du code qui contenait
+des bogues. La différence, c'est que vous n'êtes pas prisonniers de nos
+décisions, parce que nous ne vous laissons pas impuissants. Si vous n'aimez
+pas mes décisions, vous pouvez les modifier parce que vous avez la liberté
+de les modifier. Je ne blâmerai pas les développeurs de logiciel non libre,
+de logiciel qui asservit l'utilisateur, pour le fait d'être humains et de
+faire des erreurs ; je les blâmerai pour le fait de vous garder prisonniers
+de leurs erreurs, impuissants, en vous privant de la liberté de les corriger
+vous-même.</p>
+
+<h3 id="freedom-3-having-no-master"><a class="nounderline" href="#tm">11.</a> Liberté 3, ne pas avoir de maître</h3>
+
+<p>Mais la liberté 1 n'est pas suffisante. C'est la liberté d'étudier et de
+modifier le code source personnellement. La liberté 1 n'est pas suffisante
+parce qu'il y a des millions de gens qui utilisent des ordinateurs mais ne
+savent pas programmer, donc ne peuvent pas profiter de cette liberté, pas
+personnellement. Et elle n'est pas non plus suffisante pour nous,
+programmeurs, parce qu'il y a tant de logiciels, et même tant de logiciels
+libres, que personne n'a le temps de les étudier tous, de les maîtriser tous
+et de faire toutes les modifications que veulent les utilisateurs.</p>
+
+<p>Le seul moyen de contrôler vraiment, totalement, nos propres logiciels est
+de le faire collectivement. Et c'est à cela que sert la liberté 3. La
+liberté 3 est la liberté de publier une version modifiée, de manière que les
+autres puissent aussi l'utiliser. C'est ce qui nous permet de collaborer
+pour reprendre la main sur nos logiciels. En effet, je pourrais faire ce
+changement-ci dans un programme et publier une version modifiée, et ensuite
+vous pourriez faire ce changement-là et publier votre version modifiée, et
+quelqu'un d'autre pourrait faire encore un changement et publier sa version
+modifiée. Alors nous aurions une version avec les trois modifications et
+tout le monde pourrait l'adopter si tout le monde la trouvait bonne.</p>
+
+<p>Avec cette liberté, n'importe quel groupe d'utilisateurs peut prendre
+collectivement le contrôle du logiciel pour lui faire faire ce qu'ils
+veulent collectivement. Supposez qu'un million d'utilisateurs veuille une
+certaine modification. Par chance quelques-uns sont programmeurs ; disons
+que dix mille d'entre eux savent programmer. Eh bien, un jour ou l'autre
+quelques-uns vont faire la modification et publier la version modifiée qui
+correspond, et alors l'ensemble de ce million d'utilisateurs pourra
+l'adopter. Vous savez, la plupart ne savent pas programmer, mais ils peuvent
+toujours changer de logiciel. Donc ils obtiendront tous ce qu'ils veulent.</p>
+
+<p>Maintenant supposons que 1000 personnes seulement veuillent un autre
+changement et qu'aucune ne sache programmer. Elles peuvent tout de même
+faire usage de ces libertés. Elles peuvent constituer une organisation et,
+chacune, verser de l'argent. Si par exemple chacune met 100 $, cela fera
+100 000 $. Et à ce stade elles peuvent aller trouver une entreprise de
+programmation et dire : « Voulez-vous faire cette modification, et quand
+est-ce que ce sera prêt ? » Et si la réponse ne leur convient pas, elles
+peuvent aller voir une autre entreprise et dire : « Voulez-vous faire cette
+modification, et quand est-ce que ce sera prêt ? » Ce qui nous montre, en
+premier lieu, que ces 1 000 utilisateurs qui ne savent pas programmer
+peuvent, en utilisant les quatre libertés, obtenir la modification qu'ils
+veulent ; et en deuxième lieu, que la liberté du logiciel signifie la
+liberté du marché des services.</p>
+
+<p>Avec le logiciel privateur, typiquement, il y a un monopole sur le
+service. Seul le développeur a le code source dans la plupart des cas, donc
+il est seul à pouvoir offrir du service. Si vous voulez une modification,
+vous devez aller le voir et quémander. Si vous êtes très gros et très
+important, peut-être que le développeur va faire attention à vous. Si ce
+n'est pas le cas, il va dire : « Allez-vous-en, arrêtez de m'embêter. » Ou
+bien il dira peut-être : « Payez-nous et nous vous laisserons faire un
+rapport de bogue. » Et si vous le faites, le développeur répondra :
+« Merci. Dans six mois il y aura une mise à jour. Achetez la mise à jour ;
+vous verrez si le bogue a été corrigé et quels nouveaux bogues nous vous
+avons réservés. »</p>
+
+<p>Mais avec le logiciel libre vous êtes dans un marché libre, de sorte que
+ceux pour qui le service compte vraiment peuvent, en général, obtenir un
+meilleur service pour leur argent en utilisant du logiciel libre. Ceci a une
+conséquence paradoxale : quand vous avez le choix de plusieurs logiciels non
+libres pour faire une tâche, c'est en fait un choix entre des monopoles. Si
+vous choisissez ce programme-ci, le service après-vente sera un monopole. Si
+vous choisissez ce programme-là [il montre de la main une direction
+différente] le service sera un monopole différent, et si vous choisissez ce
+programme-là [il montre de la main une direction différente], le service
+sera un troisième monopole. Donc vous choisissez l'un de ces trois
+monopoles.</p>
+
+<p>Ce que ça montre, c'est que d'avoir simplement le choix entre un nombre fini
+d'options n'est pas la liberté. La liberté est quelque chose de plus
+fondamental et de plus large que d'avoir un petit nombre de choix
+possibles. Beaucoup de gens assimilent la liberté à l'existence d'un choix,
+mais ils sont complètement à côté de la question. Être libre veut dire que
+c'est vous qui décidez comment mener votre vie. Avoir trois choix possibles
+entre ce maître-ci, ou ce maître-là, ou celui-là, est juste avoir le choix
+entre des maîtres. Avoir le choix entre des maîtres n'est pas être libre. La
+liberté, c'est de ne pas avoir de maître.</p>
+
+<h3 id="copyleft-forbidding-is-forbidden"><a class="nounderline" href="#tm">12.</a> Copyleft, il est interdit
+d'interdire</h3>
+
+<p>Je vous ai donc expliqué la raison d'être des quatre libertés. Et ainsi je
+vous ai expliqué ce que veut dire logiciel libre. Un programme est un
+logiciel libre pour vous, utilisateur particulier, si vous avez chacune des
+quatre libertés. Pourquoi est-ce que je le définis de cette manière ? Parce
+que dans certains cas le même code peut être du logiciel libre pour certains
+utilisateurs et non libre pour les autres. Cela peut paraître étrange, mais
+permettez-moi de vous donner un exemple qui montre comment cela se produit.</p>
+
+<p>Le meilleur exemple que je connaisse est le système X Window. Il a été
+développé au MIT à la fin des années 80 sous une licence qui donnait aux
+utilisateurs les quatre libertés, de sorte que si vous obteniez X sous forme
+de code source sous cette licence, il était libre pour vous. Parmi ceux qui
+l'avaient obtenu, il y avait plusieurs fabricants d'ordinateurs qui
+distribuaient des systèmes Unix. Ils ont obtenu le code source de X, ils ont
+fait les modifications nécessaires pour le faire tourner sur leurs
+plateformes, ils l'ont compilé et ont mis les binaires dans leur système
+Unix. Puis ils ont distribué uniquement les binaires à tous leurs clients,
+sous la même licence que le reste d'Unix – le même accord de
+non-divulgation. Donc, pour beaucoup d'utilisateurs, le système X Window n'était pas plus
+libre que le reste du système Unix. Dans cette situation paradoxale, la
+réponse à la question « Est-ce que ce logiciel est libre ou non ? »
+dépendait de l'endroit où vous faisiez la mesure. Si vous aviez fait la
+mesure en sortant du groupe des développeurs, vous auriez dit : « J'observe
+les quatre libertés ; c'est un logiciel libre. » Si vous aviez fait la
+mesure parmi les utilisateurs, vous auriez dit : « La plupart n'ont pas ces
+libertés ; ce n'est pas un logiciel libre. »</p>
+
+<p>Les développeurs de X ne voyaient pas cela comme un problème parce que leur
+but n'était pas de donner la liberté aux utilisateurs. Leur but était
+d'avoir un grand succès, et de leur point de vue les utilisateurs qui
+utilisaient le système X Window sans liberté faisaient simplement partie de
+ce grand succès. Mais au projet GNU, notre but est de donner la liberté aux
+utilisateurs. Si ce qui est arrivé à X était arrivé à GNU, GNU serait un
+échec.</p>
+
+<p>Aussi j'ai cherché un moyen pour que ça n'arrive pas. Et la méthode à
+laquelle je suis arrivée s'appelle copyleft. La base juridique du copyleft
+est le copyright. Pour vous représenter ceci, prenez le copyright et
+retournez-le sens dessus dessous. Vous obtiendrez le copyleft.</p>
+
+<p>Voici comment ça marche : nous commençons avec un avis de copyright qui
+juridiquement n'a plus d'importance, mais qui rappelle aux gens que le
+programme est sous copyright. Cela veut dire que, par défaut, il est
+interdit de copier, de distribuer ou de modifier ce programme.
+Mais ensuite, nous disons : « Vous êtes autorisé à faire des copies, vous
+êtes autorisé à les distribuer, vous êtes autorisé à modifier le programme
+et vous êtes autorisé à publier les versions modifiées ou étendues. Mais il
+y a une condition : tout programme que vous distribuez, s'il contient une
+partie importante du présent programme, doit dans son ensemble être
+distribué aux même conditions. Pas plus, pas moins. » Ce qui veut dire :
+quel que soit le nombre de gens qui modifient le programme et quelle que
+soit l'étendue des modifications, dans la mesure où il y a dedans une
+quantité substantielle de notre code, le nouveau programme doit être un
+logiciel libre comme le programme original. En pratique, nous garantissons
+que personne ne peut s'interposer entre vous et moi pour dépouiller le code
+de la liberté, et ensuite vous le transmettre dépourvu de liberté. En
+d'autres termes, il est interdit d'interdire.</p>
+
+<h3 id="general-public-license"><a class="nounderline" href="#tm">13.</a> Licence publique générale GNU</h3>
+
+<p>Le copyleft transforme les quatre libertés en droits inaliénables pour tous
+les utilisateurs ; où qu'aille le code, la liberté va avec lui. La licence
+spécifique que nous utilisons pour appliquer ce concept général a pour nom
+« licence publique générale GNU », GNU <abbr title="General Public
+License">GPL</abbr> pour faire court. Environ les deux tiers ou les trois
+quarts de tous les logiciels libres utilisent cette licence. Mais il en
+reste un bon nombre qui ont d'autres licences. Certaines sont des licences
+avec copyleft, d'autres ne le sont pas. Ainsi nous avons des logiciels
+libres sous copyleft et des logiciels libres qui ne sont pas sous copyleft. Dans les deux cas les développeurs ont respecté votre liberté ; ils n'ont
+pas essayé de la piétiner. Mais voici la différence : avec le copyleft nous
+pouvons aller plus loin et la défendre activement contre quiconque voudrait
+essayer de s'interposer pour vous en priver, tandis que les développeurs de
+logiciels libres qui ne sont pas sous copyleft ne font pas ça. Ils n'ont pas
+essayé de vous ôter votre liberté, mais ils ne la protègent pas activement
+contre les attaques des tiers. Aussi, je pense qu'ils pourraient faire plus
+au nom de la liberté. Mais ils n'ont rien fait de mal ; dans la mesure où
+ils ont fait quelque chose, c'est bien. Aussi je ne dirai pas que c'est
+mal. Je dirai simplement qu'ils auraient pu faire plus. Je pense qu'ils sont
+dans l'erreur. </p>
+
+<p>Mais ce qu'ils produisent est du logiciel libre, donc c'est une contribution
+à notre communauté et, de fait, ce logiciel peut faire partie d'un système
+d'exploitation libre comme GNU.</p>
+
+<h3 id="developing-gnu"><a class="nounderline" href="#tm">13a.</a> Développer GNU</h3>
+
+<p>Pendant les années 80, notre travail sur le projet GNU a consisté à
+développer ou à trouver tous les morceaux d'un système GNU complet. Dans
+certains cas, quelqu'un d'autre a écrit un programme et en a fait un
+logiciel libre que nous avons pu utiliser. C'était une bonne chose parce que
+cela accélérait notre travail. Par exemple le système X Window est l'un de
+ces programmes qui a été développé par d'autres pour des raisons qui leur
+appartenaient, mais dont nous avons pu nous servir parce qu'ils en ont bel
+et bien fait un logiciel libre.</p>
+
+<p>Pourtant, les gens disaient que le travail était si énorme que nous ne le
+finirions jamais. Pour ma part, je pensais que nous obtiendrions finalement
+un système d'exploitation libre, mais je convenais que le travail était
+énorme ; il nous fallait chercher des raccourcis. Ainsi par exemple, j'avais
+toujours voulu pouvoir créer des fenêtres dans GNU. J'avais écrit deux
+systèmes de fenêtrage au labo d'IA avant même de démarrer GNU, donc bien sûr
+je voulais mettre cela dans le système. Mais nous n'avons jamais développé
+de système de fenêtrage pour GNU parce que quelqu'un d'autre avait
+développé X auparavant. Après y avoir jeté un œil, j'ai dit : « Bon, il
+n'est pas sous copyleft, mais il est libre, il est populaire, il est
+puissant, utilisons-le donc. » Ainsi nous avons évité une bonne partie du
+travail. Nous l'avons pris, X, nous l'avons mis dans le système GNU et nous
+avons commencé à rendre les autres morceaux de GNU compatibles avec
+lui. Parce que le but était d'avoir un système d'exploitation libre, pas
+d'avoir un système d'exploitation libre dont nous aurions écrit chaque
+morceau exprès.</p>
+
+<h3 id="making-money-off-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">14.</a> Gagner de l'argent avec le
+logiciel libre</h3>
+
+<p>Cependant il était très rare de voir quelqu'un d'autre publier un logiciel
+libre utile à GNU, et quand ça arrivait, c'était une coïncidence parce qu'il
+n'écrivait pas ce logiciel pour avoir un système d'exploitation libre. Donc
+quand cela arrivait c'était formidable, mais nous devions développer un tas
+d'autres morceaux. Certains ont été développés par le personnel de la
+<cite>Free Software Foundation</cite>. La FSF est une association à but non
+lucratif ayant pour objet de promouvoir le logiciel libre. Nous l'avons
+fondée en octobre 85, la popularité de GNU Emacs nous ayant suggéré que des
+gens pourraient effectivement donner de l'argent au projet GNU.
+Ainsi nous avons fondé la FSF. Elle a recherché des dons, mais elle a
+également repris à son compte la vente des enregistrements d'Emacs. Et il
+s'est avéré qu'au début, pendant de nombreuses années, la majeure partie des
+rentrées d'argent de la FSF provenait de cela, de la vente de produits, de
+la vente de copies de logiciels et de manuels que chacun était libre de
+copier. C'est intéressant, parce que c'était soi-disant impossible ; mais
+nous l'avons fait quand même. </p>
+
+<p>Cela voulait dire que je devais trouver un autre moyen de gagner ma vie. En
+tant que président de la FSF, je ne voulais pas lui faire concurrence. Cela
+n'aurait été ni juste ni correct. Donc j'ai commencé à gagner ma vie en
+faisant sur commande des modifications aux logiciels que j'avais écrits et
+en faisant des sessions de formation à ces logiciels. Les gens qui voulaient
+un changement dans Emacs ou GCC venaient me chercher, car ils pensaient que
+je pouvais faire un meilleur travail, plus rapide, étant donné que j'en
+étais l'auteur. Donc j'ai commencé à demander jusqu'à 250 $ de l'heure et
+j'ai calculé que je pouvais gagner ma vie avec 7 semaines de travail
+rémunéré par an – ce qui représente une somme suffisante pour mes dépenses,
+autant pour les économies et autant pour les taxes. Et quand j'atteignais ce
+point je me disais : « Je ne vais plus accepter de travail rémunéré cette
+année, j'ai d'autres choses à faire, plus importantes. »</p>
+
+<p>En fait j'ai eu trois entreprises différentes de logiciel libre depuis que
+je travaille sur GNU. J'en ai décrit deux. La troisième : je suis payé pour
+certaines conférences. Pour ce qui est de celle-ci, je ne sais pas encore
+[rires]. Je leur ai dit : « S'il vous plaît, payez-moi ce que vous pouvez. »
+Je pense que Google devrait avoir les moyens de me payer une somme
+respectable, mais est-ce qu'ils le feront, je ne sais pas. En tous cas, j'ai
+pensé que cela valait la peine de donner cette conférence, simplement pour
+le bien que cela fera au mouvement.</p>
+
+<h3 id="why-write-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">15.</a> Pourquoi écrire du logiciel libre</h3>
+
+<p>Cela pose la question de savoir pourquoi les gens développent des logiciels
+libres. Vous voyez, il y a des gens pour penser que personne n'écrirait
+jamais de logiciel sans être payé ; ce serait la seule raison pour laquelle
+quiconque écrirait jamais du code. C'est effarant le genre de théories
+simplistes, parfaitement stupides, auxquelles les gens croient quelquefois
+sous prétexte qu'elles font partie d'une idéologie dominante.</p>
+
+<p>La nature humaine est très complexe. Quoi que les gens fassent, ils peuvent
+le faire pour des raisons diverses. En réalité, une personne peut avoir
+simultanément plusieurs motivations pour une seule action. Néanmoins,
+certains disent : « Si le logiciel est libre, cela signifie que personne
+n'est payé pour l'écrire, donc personne ne va en écrire. » Évidemment, ils
+confondent les deux significations du mot <cite>free</cite>, de sorte que
+leurs théories sont basées sur une confusion. Quoi qu'il en soit, nous
+pouvons comparer leur théorie à la réalité concrète. Alors nous voyons que
+des centaines, peut-être des milliers de gens sont payés pour travailler sur
+le logiciel libre, y compris certains ici-même, je crois. Et il y a environ
+un million de gens au total qui développent du logiciel libre pour des
+raisons diverses et multiples qui leur appartiennent. Cette théorie
+simpliste sur leur motivation est absurde.</p>
+
+<p>Voyons un peu ce qui motive les gens à écrire du logiciel libre ; quels sont
+leurs motivations réelles ? Eh bien, je ne les connais pas
+nécessairement. Il pourrait toujours y avoir quelqu'un dont je ne connais
+pas, ou dont j'ai oublié la motivation. Je peux seulement vous parler des
+motivations que je me rappelle avoir rencontrées.</p>
+
+<p>Une des motivations est l'idéalisme politique : faire du monde un endroit
+meilleur où nous pouvons vivre ensemble dans la liberté. C'est une
+motivation très importante pour moi, mais ce n'est pas ma seule
+motivation. Et il y a d'autres personnes qui écrivent des logiciels libres
+et ne sont pas du tout d'accord avec cette motivation.</p>
+
+<p>Une autre, très importante, est le plaisir. Programmer est prodigieusement
+amusant. Pas pour tout le monde, bien sûr, mais pour un grand nombre des
+meilleurs programmeurs. Et ceux-là sont les gens dont nous recherchons le
+plus la contribution. C'est particulièrement amusant quand personne ne vous
+dit quoi faire, c'est pourquoi tant de programmeurs dont c'est le métier
+écrivent des logiciels libres pendant leurs loisirs.</p>
+
+<p>Mais ce ne sont pas les seules motivations. Une autre est d'être
+apprécié. Si 1% de notre communauté utilise votre programme, cela représente
+des centaines de milliers d'utilisateurs. Cela fait beaucoup de monde pour
+vous admirer.</p>
+
+<p>Une autre motivation apparentée, mais différente, est la réputation
+professionnelle. Si 1% de notre communauté utilise votre programme, vous
+pourrez mettre ça sur votre CV et cela prouvera que vous êtes un bon
+programmeur. Vous n'avez même pas besoin de sortir d'une école.</p>
+
+<p>Une autre est la gratitude. Si vous vous êtes servi des logiciels libres de
+la communauté pendant des années et les avez appréciés, alors quand vous
+écrivez un programme, c'est l'occasion de rendre quelque chose à la
+communauté qui vous a tant donné.</p>
+
+<p>Une autre est la haine de Microsoft [rires]. C'est une motivation assez
+ridicule, parce que Microsoft n'est vraiment qu'un des nombreux développeurs
+de logiciels non libres ; ils se ressemblent tous dans leur
+malfaisance. C'est une erreur de se focaliser [uniquement] sur Microsoft, et
+cette erreur peut avoir des conséquences fâcheuses. Quand les gens se
+focalisent trop sur Microsoft, ils commencent à oublier que tous les autres
+font des choses aussi mauvaises. Et ils peuvent finir par penser que tout ce
+qui fait concurrence à Microsoft est bon, même si c'est aussi du logiciel
+non libre, donc intrinsèquement aussi malfaisant. Maintenant, c'est vrai que ces autres sociétés n'ont pas mis un aussi grand
+nombre d'utilisateurs sous leur joug que Microsoft, mais ce n'est pas faute
+d'avoir d'essayé : ils n'ont simplement pas réussi à nuire à autant de gens
+que Microsoft, ce qui n'est guère une excuse sur le plan éthique. Néanmoins,
+on constate que cette motivation encourage des gens à développer du logiciel
+libre, aussi devons-nous la compter parmi celles qui ont ce résultat.</p>
+
+<p>Enfin une autre motivation est l'argent. Quand les gens sont payés pour
+développer du logiciel libre, cela fait partie de leurs motivations pour le
+travail qu'ils font. En fait, quand j'étais payé pour apporter des
+améliorations à divers programmes que j'avais écrits, cet argent faisait
+aussi partie de mes motivations à faire ces travaux particuliers.</p>
+
+<p>[RMS, 2010 : une motivation que j'ai oubliée de citer est d'améliorer un
+programme libre à votre propre usage.]</p>
+
+<p>Donc les motivations possibles pour écrire du logiciel libre sont
+nombreuses. Et, heureusement, il y a beaucoup de développeurs de logiciel
+libre, qui en produisent une grande quantité.</p>
+
+<h3 id="linux-kernel"><a class="nounderline" href="#tm">16.</a> Linux, le noyau </h3>
+
+<p>Ainsi nous avons passé les années 80 à ajouter les morceaux manquants au
+système d'exploitation GNU. Au début des années 90, nous avions presque tout
+le nécessaire. Un seul morceau important manquait à l'appel, un morceau
+essentiel pour tout système capable d'initialisation, le noyau. Nous avons
+commencé son développement en 1990. Je cherchais un raccourci, un moyen
+quelconque de partir de l'existant. Je pensais que de déboguer un noyau
+serait pénible, parce qu'on ne peut pas le faire avec un débogueur
+symbolique, et quand il plante c'est un peu contrariant.</p>
+
+<p>Je cherchais un moyen de court-circuiter ce travail, et j'ai fini par en
+trouver un, un micronoyau appelé Mach qui avait été développé à Carnegie
+Mellon comme projet de recherche. Mach n'a pas toutes les fonctions d'Unix ;
+il est censé fournir certaines fonctions générales de bas niveau, les autres
+étant implémentées dans des programmes utilisateur. Bon, ça sera facile à
+déboguer, je pensais, parce que ce sont des programmes utilisateur ; quand
+ils plantent, le système n'est pas mort. Les gens ont donc commencé à
+travailler sur ces programmes utilisateur, que nous avons appelés <cite>the
+GNU Hurd</cite>, parce que c'est une horde de serveurs GNU (vous voyez, les
+gnous vivent en horde). </p>
+
+<p>Je pensais en tout cas que cette architecture nous permettrait de finir le
+travail plus vite, mais ce n'est pas ce qui s'est passé ; en fait cela a
+pris des années pour que Hurd fonctionne, en partie parce que Mach n'était
+pas fiable, en partie parce que l'environnement de débogage n'était pas très
+bon, en partie parce que c'était difficile de déboguer ces programmes
+<cite>multithread</cite>, asynchrones, et en partie parce que c'était un peu
+un projet de recherche. Du moins, c'est tout ce que je peux en dire ; je
+n'ai jamais été impliqué effectivement dans le développement de Hurd.</p>
+
+<p>Heureusement, nous n'avons pas eu à l'attendre parce qu'en 1991 Linus
+Torvalds, un étudiant finnois, a développé son propre noyau en utilisant
+l'architecture monolithique traditionnelle, et en moins d'un an il l'a amené
+au point où il commençait à fonctionner. Au début, Linux – c'était le nom de
+ce noyau – n'était pas libre, mais en 1992 il l'a republié sous la licence
+publique générale GNU ; à partir de ce moment-là, c'était un logiciel
+libre. Il devenait alors possible, en combinant Linux avec le système GNU,
+de faire un système d'exploitation complet. Et ainsi, l'objectif que nous
+nous étions fixé, que j'avais annoncé en 1983, était atteint : pour la
+première fois, il existait un système d'exploitation moderne pour les
+ordinateurs modernes ; il devenait possible de se procurer un ordinateur
+moderne et de le faire fonctionner sans trahir le reste de l'humanité et
+sans perdre son libre arbitre. Il suffisait d'installer le système
+d'exploitation GNU+Linux.</p>
+
+<h3 id="gnu-vs-linux-confusion-problem-freedom"><a class="nounderline" href="#tm">17.</a> Problème de confusion entre GNU et
+Linux, liberté</h3>
+
+<p>Mais les gens qui ont combiné GNU avec Linux se sont embrouillé les
+idées. Ils ont commencé à appeler l'ensemble Linux, alors qu'en fait c'est
+le nom d'un morceau particulier. Et d'une manière ou d'une autre cette
+confusion s'est répandue plus vite que nous n'avons été capables de la
+corriger. Ainsi je suis sûr que vous avez entendu beaucoup de gens parler de
+Linux en tant que système d'exploitation, un système d'exploitation qui pour
+l'essentiel a débuté en 1984 sous le nom de projet GNU.</p>
+
+<p>À l'évidence, ils sont dans l'erreur. Ce système n'est pas Linux ; il
+contient Linux, Linux est le noyau, mais l'ensemble du système est
+essentiellement GNU. Donc je vous le demande, s'il vous plaît ne l'appelez
+pas Linux. Si vous l'appelez Linux, vous créditez Linus Torvalds de notre
+travail. C'est vrai qu'il a apporté au système un morceau important, mais il
+n'en a pas apporté la majeure partie ; la vision d'ensemble existait avant
+qu'il ne s'implique. Il n'était pas encore au lycée quand nous avons
+commencé à développer le système. Donc citez-nous de la même façon que lui ;
+nous avons au moins droit à cela. Vous pouvez le faire en appelant le
+système GNU/Linux, ou GNU+Linux ou GNU&amp;Linux, avec la ponctuation qui,
+pour vous, l'exprime le mieux.</p>
+
+<p>[<a
+href="/gnu/gnu-linux-faq.html">http://www.gnu.org/gnu/gnu-linux-faq.html</a>]</p>
+
+<p>Si je vous fais cette demande, c'est naturellement en partie parce que nous
+avons droit à être reconnus, mais cette raison n'est pas très importante. Si
+c'était uniquement un problème de reconnaissance, ça ne vaudrait pas la
+peine d'en faire un plat. Mais les enjeux vont plus loin. Vous voyez, quand
+les gens pensent que le système est Linux, ils supposent à tort que son
+démarrage et son développement sont surtout dus à Linus Torvalds, et ce
+faisant ils supposent à tort que la vision d'ensemble vient de lui ; ils
+examinent donc sa vision des choses et la suivent. Or sa vision est
+apolitique. Sa motivation n'est pas le combat pour la liberté. il ne croit
+pas que les utilisateurs d'ordinateurs aient droit à la liberté de partager
+et de modifier les logiciels. Il n'a jamais appuyé notre philosophie. Bon,
+il a droit à ses opinions et le fait qu'il ne soit pas d'accord avec nous ne
+diminue pas la valeur de sa contribution.</p>
+
+<p>Si nous avons le système GNU+Linux, c'est à cause d'une campagne pour la
+liberté qui dure depuis de nombreuses années. Nous, au projet GNU, n'avons
+pas développé Linux, de la même façon que nous n'avons pas développé X, ni
+TeX, ni divers autres programmes qui sont maintenant des parties importantes
+du système. Mais les gens qui ne partageaient pas nos valeurs, qui n'étaient
+pas motivés par la détermination de vivre dans la liberté, n'auraient vu
+aucune raison de chercher à obtenir un système complet et ne l'auraient
+jamais fait. Personne n'aurait produit une chose comme ça, à part nous.</p>
+
+<p>Mais de nos jours on tend à l'oublier. Si vous regardez autour de vous, vous
+verrez que la plupart des discussions sur le système GNU l'appellent Linux,
+tendent à s'y référer comme « open source » plutôt que « logiciel libre » et
+ne mentionnent pas la liberté comme un enjeu. Cet enjeu, qui est la raison
+d'être du système, est presque complètement oublié. On voit de nombreux
+techniciens qui préfèrent penser à des questions techniques dans un contexte
+étroitement technique sans regarder, au-delà, les effets sociétaux de leurs
+décisions techniques. Le choix entre un logiciel qui piétine votre liberté
+et un logiciel qui la respecte fait partie du contexte social. C'est
+exactement ce que les techos tendent à oublier ou à minimiser. Rappeler aux gens de faire attention à la liberté est notre travail de tous
+les instants. Mais souvent ces efforts sont vains, car les utilisateurs de
+notre système ne savent pas que c'est notre système. Ils ne savent pas que
+c'est le système GNU, ils pensent que c'est Linux. Voilà pourquoi cela fait
+vraiment une différence que vous rappeliez aux gens d'où vient ce système.</p>
+
+<p>Les gens me disent que ça fait mauvais effet de demander de la
+reconnaissance. Je ne demande pas de reconnaissance pour moi
+personnellement ; je demande de la reconnaissance pour le projet GNU, qui
+comprend des milliers de développeurs. Mais ils ont raison, c'est vrai :
+ceux qui veulent à toute force voir le mal peuvent voir du mal
+là-dedans. Alors ils continuent en disant : « Vous devriez laisser tomber,
+et quand on appelle le système Linux vous devriez sourire à l'intérieur de
+vous-même et être fier du travail bien fait. » Ce serait un très bon conseil
+si l'hypothèse était exacte, l'hypothèse que le travail est terminé.</p>
+
+<p>Nous avons très bien commencé, mais c'est tout. Nous n'avons pas terminé le
+travail. Nous aurons terminé le travail quand chaque ordinateur fera tourner
+un système d'exploitation libre et des programmes d'application libres,
+exclusivement. Ce travail consiste à libérer les habitants du
+cyberespace. Nous avons très bien commencé ; nous avons développé des
+systèmes d'exploitation libres, des interfaces utilisateur libres et des
+suites bureautiques libres, et ils ont maintenant des dizaines de millions
+d'utilisateurs. Mais il y a des centaines de millions d'utilisateurs de
+systèmes privateurs. Il nous reste donc un long chemin à faire. En dépit de
+cette grande variété de logiciels libres, il y a encore beaucoup de tâches
+pour lesquelles il n'y a pas de logiciel libre adapté ; ainsi nous avons
+beaucoup de travail devant nous.</p>
+
+<p>Nous pouvons apercevoir la fin du travail, vous savez. Peut-être que nous
+n'en sommes éloignés que d'un ordre de grandeur, après avoir parcouru
+plusieurs ordres de grandeur. Mais cela ne veut pas dire que ce qui reste
+est facile. Et aujourd'hui nous avons quelque chose que nous n'avions pas
+auparavant : nous avons des ennemis ; des ennemis puissants, riches, assez
+puissants pour acheter des gouvernements.</p>
+
+<h3 id="enemies-of-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">18.</a> Ennemis du logiciel libre</h3>
+
+<p>Au début, le projet GNU et le mouvement du logiciel libre n'avaient pas
+d'ennemis. Il y avait des gens qui n'étaient pas intéressés, un grand
+nombre, mais personne n'essayait activement de nous empêcher de développer
+ni de publier un système d'exploitation libre. De nos jours, ils essaient de
+nous arrêter. L'obstacle principal que nous affrontons, c'est celui-là, pas
+le travail lui-même.</p>
+
+<p>Aux États-Unis, il y a deux lois différentes qui interdisent divers
+logiciels libres.</p>
+
+<p>L'une d'elles est la <abbr title="Digital Millennium Copyright
+Act">DMCA</abbr>,<a id="TransNote9-rev" href="#TransNote9"><sup>9</sup></a>
+qui a été utilisée pour interdire à un logiciel libre de lire les DVD. Si
+vous achetez un DVD, c'est légal de le regarder sur votre ordinateur, mais
+le logiciel libre qui vous permettrait de le faire sur votre système
+GNU/Linux a été censuré aux États-Unis. Cela affecte une catégorie assez
+étroite de logiciels, ceux qui permettent de visionner les médias
+chiffrés. Mais il est possible que beaucoup d'utilisateurs veuillent le
+faire. S'ils ne sont pas capables de le faire avec un logiciel libre, cela
+peut servir de prétexte à ceux qui ne donnent pas de valeur à la liberté
+pour utiliser un logiciel non libre .</p>
+
+<p>Mais le plus grand danger vient du droit des brevets, parce que les
+États-Unis permettent que des idées logicielles soient brevetées. Écrire un
+programme non trivial veut dire combiner des centaines d'idées
+différentes. C'est très difficile de faire ça si chacune de ces idées peut
+être le monopole de quelqu'un. Le développement logiciel finit par
+ressembler à la traversée d'un champ de mines. En effet, chaque fois que
+vous prenez une décision sur la conception du logiciel, il est probable que
+rien ne vous arrivera, mais il y a une certaine probabilité que vous
+marchiez sur un brevet qui pulvérisera votre projet. Nous avons une longue
+liste de fonctions que nos logiciels libres ne possèdent pas, parce que nous
+avons peur de les implémenter.</p>
+
+<p>[<a href="http://endsoftpatents.org">http://endsoftpatents.org</a>]</p>
+
+<p>Et maintenant la <abbr title="Federal Communications
+Commission">FCC</abbr><a href="#TransNote10"
+id="TransNote10-rev"><sup>10</sup></a> envisage d'appliquer au logiciel la
+régulation du « drapeau d'émission » <cite>[broadcast flag]</cite>.<a
+href="#TransNote11" id="TransNote11-rev"><sup>11</sup></a> La FCC a adopté
+une régulation exigeant que les tuners TV possèdent un mécanisme pour
+bloquer la copie, qui soit impossible à trafiquer. Cela signifie qu'il ne
+peut pas être implémenté avec du logiciel libre. Ils n'ont pas encore décidé
+si cela s'applique au logiciel, ou non ; mais si oui, ils auront interdit
+GNU Radio, qui est un logiciel libre capable de décoder les émissions de TV
+numérique.</p>
+
+<p>Et puis il y a le danger du matériel dont les spécifications sont secrètes,
+ou qui est conçu pour interférer avec le contrôle du matériel par
+l'utilisateur. De nos jours, un grand nombre des équipements que vous pouvez
+vous procurez pour votre PC ont des spécifications secrètes. On vous vend
+l'équipement, mais on ne vous dit pas comment le faire marcher. Alors,
+comment écrire un logiciel libre pour le faire fonctionner ? Eh bien nous
+devons, ou bien découvrir les spécifications par rétroingénierie, ou bien
+faire peser la pression du marché sur ces sociétés. Et dans les deux cas,
+nous sommes en position de faiblesse du fait que tant d'utilisateurs de
+GNU/Linux ne savent pas pourquoi ce système a été développé et n'ont jamais
+entendu parler des idées que je vous expose aujourd'hui. Ceci parce que,
+lorsqu'ils entendent parler du système, ils l'entendent appeler Linux et
+l'associent à la philosophie apolitique de Linus Torvalds. Ce dernier continue à travailler au développement de Linux. Développer le
+noyau a été une contribution importante à notre communauté. En même temps,
+il donne très publiquement le mauvais exemple en utilisant un programme non
+libre pour faire ce travail. S'il utilisait un programme non libre en privé,
+je n'en aurais jamais entendu parler et n'en ferais pas tout un plat. Mais
+en invitant d'autres personnes qui développent Linux à l'utiliser avec lui,
+il donne très publiquement un mauvais exemple qui légitime l'utilisation de
+logiciel non libre. Quand les gens voient ça, vous comprenez, s'ils pensent
+que c'est bien, ils n'ont aucune chance de penser que le logiciel non libre
+est mauvais. Alors quand certaines sociétés disent « Oui, notre matériel
+fonctionne avec Linux, voici ce pilote uniquement binaire que vous pouvez
+installer, et ça marchera », ces personnes ne voient rien de mal là-dedans,
+alors elles n'appliquent pas la pression du marché et elles ne se sentent
+pas motivées pour aider à la rétroingénierie du pilote.</p>
+
+<p>Ainsi, quand nous faisons face aux divers dangers que nous devons affronter,
+nous sommes affaiblis par le manque de détermination. Bien sûr, une
+motivation solide à combattre pour la liberté ne garantira pas que nous
+gagnerons toutes ces batailles, mais certainement ça aidera. Cela nous fera
+fournir plus d'efforts, et si nous fournissons plus d'efforts nous en
+gagnerons un plus grand nombre.</p>
+
+<h3 id="treacherous-computing"><a class="nounderline" href="#tm">19.</a> Informatique déloyale</h3>
+
+<p>Nous allons devoir nous organiser politiquement pour éviter d'être
+complètement privés du droit d'écrire du logiciel libre.</p>
+
+<p>Aujourd'hui, l'une des menaces les plus insidieuses pour l'avenir du
+logiciel libre vient de l'informatique déloyale, qui est une conspiration de
+plusieurs grandes sociétés. Elles l'appellent « informatique de confiance »,
+mais qu'est-ce qu'elles entendent par là ? Ce qu'elles veulent dire, c'est
+qu'un développeur d'applications peut faire confiance à votre ordinateur
+pour lui obéir et pour vous désobéir. Alors, de votre point de vue, c'est de
+l'<em>informatique déloyale</em>, parce que votre ordinateur ne va plus vous
+obéir. L'objectif de ce plan est que vous ne contrôliez plus votre
+ordinateur.</p>
+
+<p>[<a
+href="/philosophy/can-you-trust.html">http://www.gnu.org/philosophy/can-you-trust.html</a>]</p>
+
+<p>L'informatique déloyale peut servir à une variété de choses différentes, des
+choses comme vous interdire de faire tourner un programme qui n'a pas été
+autorisé par le développeur du système d'exploitation. C'est une chose
+qu'ils peuvent faire. Mais ils n'oseront peut-être pas aller aussi loin. Une
+autre chose qu'ils projettent de faire est de rendre certaines données
+disponibles uniquement pour une application particulière. L'idée, c'est
+qu'une application puisse écrire des données sous forme chiffrée, de sorte
+qu'elles ne puissent être déchiffrées que par la même application ; ainsi
+personne d'autre ne pourrait écrire indépendamment un autre programme pour
+accéder à ces données. Et naturellement ils s'en serviraient pour limiter
+l'accès aux œuvres publiées, vous comprenez, un truc pour remplacer les DVD,
+de sorte qu'il serait non seulement illégal, mais impossible d'écrire un
+logiciel libre pour les lire.</p>
+
+<p>Et ils n'ont pas besoin de s'arrêter aux données publiées. Ils peuvent aussi
+le faire à vos propres données. Imaginez que l'informatique déloyale soit
+courante dans 10 ans et que Microsoft décide de sortir une nouvelle version
+du format Word qui emploie l'informatique déloyale pour chiffrer vos
+données. Alors il serait impossible d'écrire un logiciel libre pour lire les
+fichiers Word. Microsoft essaie toutes les méthodes possibles pour nous
+empêcher d'avoir des logiciels libres qui lisent les fichiers Word. D'abord
+ils sont passés à un format secret, de sorte qu'on a dû chercher à
+comprendre ce format. Bon, nous l'avons plus ou moins compris. Il y a des
+programmes libres qui lisent la plupart des fichiers Word (pas tous). Mais ensuite il leur est venu une autre idée. Ils ont dit : « Utilisons
+XML. » Voici ce que Microsoft entend par utiliser XML. Au début du fichier,
+il y a un truc trivial qui dit « c'est du XML et la suite, ce sont des
+données en format Word binaire », ensuite il y a les données en format Word
+binaire, puis à la fin il y a un truc qui dit « c'était des données en
+format Word binaire ». Et ils ont breveté ça. Je ne sais pas exactement ce
+que ce brevet couvre et ce qu'il ne couvre pas, mais, vous savez, certaines
+des choses que nous pourrions faire, soit lire, soit écrire ces formats de
+fichiers, pourraient donner lieu à poursuites de leur part. Et je suis sûr
+que s'ils disposent de l'informatique déloyale, ils l'utiliseront aussi.</p>
+
+<p>C'est pourquoi nous avons lancé une campagne pour refuser de lire les
+fichiers Word. Il y a de nombreuses raisons de refuser. L'une d'elle, c'est
+qu'ils pourraient contenir des virus. Si quelqu'un vous envoie un fichier
+Word, vous ne devez pas le regarder. Mais, plus important, vous ne devez
+même pas essayer de le regarder. Il y a de nos jours de nombreux programmes
+libres qui lisent la plupart des fichiers Word. Mais c'est vraiment mieux,
+mieux que d'essayer de lire le fichier, de renvoyer un message disant :
+« Voudriez-vous me renvoyer cela dans un format qui ne soit pas secret ? Ce
+n'est pas une bonne idée d'envoyer des fichiers Word aux gens. » Pourquoi ?
+Parce que nous devons surmonter la tendance qu'ont les gens de notre société
+à utiliser ces formats secrets pour la communication.
+Il nous faut convaincre les gens d'exiger des formats standards publiquement
+documentés que chacun soit libre de mettre en œuvre. Et le format Word est
+tout le contraire, donc c'est le meilleur point de départ. Si quelqu'un vous
+envoie un fichier Word, n'essayez pas de le lire. Répondez en disant : « Ce
+n'est vraiment pas une chose à faire. » Il y a une page sur
+<cite>www.gnu.org/philosophy</cite> qui est une bonne référence. Elle
+explique pourquoi l'enjeu est important.</p>
+
+<p>[<a
+href="/philosophy/no-word-attachments.html">http://www.gnu.org/philosophy/no-word-attachments.html</a>]</p>
+
+<h3 id="help-gnu"><a class="nounderline" href="#tm">20.</a> Aider GNU</h3>
+
+<p><cite>www.gnu.org</cite> est le site web du projet GNU. Vous pouvez vous y
+rendre pour un supplément d'information. Dans le répertoire
+<cite>/gnu</cite> vous trouverez l'histoire de GNU, dans le répertoire
+<cite>/philosophy</cite> vous trouverez des articles sur la philosophie du
+logiciel libre et dans <cite>/directory</cite> vous trouverez le Répertoire
+du logiciel libre, qui liste plus de 3 000 logiciels libres utilisables,
+fonctionnant avec le système GNU/Linux.</p>
+
+<p>[Il y en a maintenant plus de 6 000, et ils se trouvent dans
+<cite>directory.fsf.org</cite>]</p>
+
+<p>Maintenant, je vais bientôt terminer ma conférence, mais auparavant je
+voudrais vous signaler que j'ai des autocollants à distribuer. Ils
+représentent un gnou volant et un manchot volant, tous deux assez peu
+réalistes, mais ce sont des super-héros. Et si vous n'y voyez pas
+d'inconvénient, j'ai quelques objets que je vends au profit de la Fondation
+pour le logiciel libre, ainsi vous pouvez nous soutenir en les
+achetant. J'ai ces boutons qui disent « posez-moi des questions sur le
+logiciel libre – tout est une question de liberté » et j'ai quelques
+porte-clefs GNU et quelques broches GNU qui sont plutôt jolis. Vous pouvez
+les acheter. Vous pouvez aussi nous soutenir en devenant membre
+associé. Cela, vous pouvez le faire sur notre site web, mais j'ai aussi
+quelques cartes pour vous si vous voulez le faire [maintenant].</p>
+
+<h3 id="saint-ignucius"><a class="nounderline" href="#tm">21.</a> Saint Ignuce</h3>
+
+<p>Maintenant je vais conclure ma conférence en vous présentant mon alter
+ego. Vous voyez, les gens m'accusent quelquefois de prendre l'attitude d'un
+saint donneur de leçons. J'espère que ce n'est pas vrai. Je ne vais pas
+condamner quelqu'un juste parce qu'il n'est pas aussi fermement engagé que
+moi. J'essaierai de l'encourager à le devenir un peu plus, mais ce n'est pas
+la même chose. Donc je ne pense pas prendre l'attitude d'un saint donneur de
+leçon, mais j'ai l'attitude d'un saint : c'est mon job d'être saint.</p>
+
+<p>[Il revêt une tunique noire et un disque magnétique qui lui sert d'auréole]<br />
+[Rires, applaudissements]<br />
+[Richard brandit son ordinateur portable comme un livre saint et fait des
+signes de la main]</p>
+
+<p>Je suis saint Ignuce de l'Église d'Emacs. Je bénis ton ordinateur, mon
+enfant.</p>
+
+<p>Emacs a débuté comme éditeur de texte, puis est devenu un mode de vie pour
+beaucoup d'informaticiens, et enfin une religion. Quelqu'un sait-il à quoi
+servait le newsgroup <cite>alt.religion.emacs</cite> ? Je sais qu'il a
+existé, mais comme je ne lis jamais les nouvelles du net, je ne sais pas ce
+qui s'y disait.</p>
+
+<p>En tout cas, nous avons maintenant un grand schisme entre deux versions
+rivales d'Emacs, et nous avons aussi des saints ; pas de dieux, cependant.</p>
+
+<p>Pour être membre de l'Église d'Emacs, vous devez réciter la confession de la
+foi : vous devez dire « Il n'y a d'autre système que GNU et Linux est un de
+ses noyaux. »</p>
+
+<p>L'Église d'Emacs a des avantages sur d'autres que je ne nommerai pas. Dans
+l'Église d'Emacs, être un saint n'impose pas le célibat. Donc, si vous
+cherchez une Église dans laquelle être un saint, vous pourriez envisager la
+nôtre.</p>
+
+<p>Cependant, elle impose de s'engager à vivre dans la pureté morale. Vous
+devez exorciser les systèmes privateurs malfaisants qui ont pris possession
+de tous les ordinateurs placés sous votre contrôle effectif ou sous votre
+autorité, et vous devez installer un système d'exploitation libre, sain
+(c'est-à-dire saint)<a id="TransNote12-rev"
+href="#TransNote12"><sup>12</sup></a> où « sain » peut s'épeler de plus
+d'une façon, et au-dessus, installer uniquement des logiciels libres. Si
+vous prenez cet engagement et que vous le tenez tout au long de votre vie,
+alors vous aussi serez un saint et vous aussi pourrez finalement avoir une
+auréole – si vous réussissez à en trouver une, parce qu'ils ne les
+fabriquent plus.</p>
+
+<p>Quelquefois, les gens me demandent si, dans l'Église d'Emacs, c'est un péché
+d'utiliser Vi. C'est vrai que VI-VI-VI est l'éditeur du Malin [rires], mais
+utiliser une version libre de Vi n'est pas un péché, c'est une pénitence.</p>
+
+<p>Et quelquefois les gens me demandent si mon auréole est vraiment un vieux
+disque d'ordinateur [il pointe du doigt l'auréole]. Ce n'est pas un disque
+d'ordinateur, c'est mon auréole. Mais elle a été disque d'ordinateur dans
+une vie antérieure.</p>
+
+<p>Merci à tous.</p>
+
+<p>[Applaudissements]</p>
+
+<h3 id="about-anonymity-credit-cards-cell-phones"><a class="nounderline" href="#tm">22.</a> À propos d'anonymat, de cartes de
+crédit, de téléphones portables</h3>
+
+<p>Maintenant je peux passer un moment à répondre aux questions.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Oui, savez-vous, ou pouvez-vous nous dire pourquoi Linus
+Torvalds, qui a des attitudes très, très différentes des vôtres, a publié
+Linux sous votre [inintelligible] ? Qu'est-ce qui l'a motivé ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je ne sais pas pourquoi Linus Torvalds est passé à la GNU
+GPL pour Linux. Il faudrait le lui demander. Je ne me rappelle pas avoir
+jamais vu la raison. Je ne sais pas.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Pouvez-vous nous dire quelque chose sur les efforts actuels
+visant à mettre la sécurité dans le réseau lui-même ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je ne sais pas&hellip; il a dit « efforts visant à mettre
+la sécurité à l'intérieur du réseau ». Je ne sais pas ce que ça veut dire.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> [inintelligible] supprimer l'anonymat du réseau lui-même</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Supprimer l'anonymat ? Eh bien, je ne sais rien de ces
+efforts, mais je pense que c'est horrible. Je n'utilise pas le commerce
+électronique parce que je n'aime pas acheter avec une carte de crédit. Je
+veux acheter les choses anonymement et je le fais en payant en espèces dans
+un magasin. Je n'aime pas fournir à Big Brother des archives à mon sujet,
+quelles qu'elles soient. C'est pour la même raison que je n'ai pas de
+téléphone portable. Je ne veux pas transporter de mouchard. Nous devons nous
+battre plus vigoureusement pour garder notre vie privée à l'abri des
+systèmes de surveillance. Alors, bien que je ne sois pas au courant des
+efforts spécifiques dont vous parlez, je les trouve dangereux, beaucoup plus
+dangereux que l'insécurité des ordinateurs. Cela dit, peut-être que c'est
+parce que je ne suis pas utilisateur de Windows ; ainsi j'ai moins de
+problèmes.</p>
+
+<h3 id="free-formats-copyright-microsoft"><a class="nounderline" href="#tm">23.</a> Formats libres, copyright,
+Microsoft</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> [inintelligible]</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Non, nous ne pouvons pas. Il demande si nous pouvons
+monopoliser les formats de fichiers. Eh bien, nous ne pouvons pas le faire
+en utilisant nos licences basées sur le copyright, parce que le copyright ne
+couvre ni les idées, ni les principes, ni les méthodes de fonctionnement, ni
+les systèmes ; il couvre seulement les détails de l'expression d'une œuvre
+d'auteur. Alors nous ne pouvons pas, en utilisant des licences comme la GNU
+GPL, empêcher qui que ce soit d'écrire son propre code pour manipuler le
+même format.</p>
+
+<p>Il est concevable que nous puissions demander des brevets ; cependant il se
+trouve que les brevets sont très, très différents du copyright ; ils n'ont
+presque rien en commun, et il se trouve que cela coûte très cher d'obtenir
+un brevet, et encore plus cher de le maintenir en état de validité. Et,
+autre chose, on ne doit pas partir du principe que ce qui est breveté par
+Microsoft est important parce que c'est un grand progrès. Il faut seulement
+que ce soit différent. Microsoft peut obtenir un brevet sur un détail d'un
+format qui est différent, et ensuite forcer la plupart des utilisateurs à
+migrer vers le nouveau format qui utilise cette idée. Microsoft peut faire
+ça à cause de sa puissance commerciale, à cause de son contrôle.</p>
+
+<p>Nous ne pouvons pas faire ça. Tout le problème du logiciel libre est que les
+développeurs n'ont aucun pouvoir ; ce sont les utilisateurs qui ont le
+contrôle. Nous ne pouvons pas forcer les utilisateurs à migrer vers quoi que
+ce soit, pas même pour leur propre sécurité.</p>
+
+<p>Vous savez, nous essayons depuis 1992 à peu près de convaincre les
+utilisateurs de ne plus se servir du format GIF parce que ce format est
+breveté, ce qui expose certains d'entre eux à des poursuites. Nous avons
+dit : « S'il vous plaît, arrêtez tous d'utiliser le format GIF dans
+l'intérêt de ceux qui seront poursuivis si le public utilise ce format. » Et
+les gens n'ont pas écouté. Donc le fait est que nous ne pouvons pas faire
+comme Microsoft, parce que cela repose sur l'usage de son pouvoir, et que
+nous n'en avons aucun sur le public du fait que nous avons choisi de
+respecter la liberté des gens.</p>
+
+<h3 id="dangers-of-webmail-loss-of-freedom"><a class="nounderline" href="#tm">24.</a> Dangers du webmail, perte de
+liberté</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Quand quelqu'un utilise Google, il n'a pas accès au code
+source que nous utilisons, donc il n'a aucun moyen de [inintelligible] ce
+que nous faisons, donc cela viole sa liberté.</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Quand une personne accède à un serveur de Google, elle n'a
+ni les binaires ni le code source du programme que Google utilise, parce que
+c'est Google qui utilise le programme, pas cette personne. Aussi, je ne
+m'attends pas à avoir autorité pour changer le logiciel que vous utilisez
+dans votre ordinateur. Vous devez avoir la liberté de modifier le logiciel
+que votre ordinateur exécute, mais je ne m'attendrai jamais à avoir la
+liberté d'aller dans votre ordinateur pour modifier ce logiciel. Pourquoi
+est-ce que vous me laisseriez faire ça ? C'est comme ça que je vois les
+choses quand une personne utilise un serveur de Google pour faire une
+recherche.</p>
+
+<p>Cela dit, il y a là un danger possible. Le danger ne vient pas de choses
+comme Google. Le danger vient de choses comme Hotmail. Quand les gens
+commencent à utiliser un serveur sur le net pour stocker leurs données et
+pour faire les tâches qu'ils pourraient très bien faire sur leur propre
+ordinateur, cela introduit un danger. Je n'ai jamais compris comment les
+gens peuvent dire que l'avenir est dans les clients légers, parce que je ne
+peux pas imaginer pourquoi je ferais les choses de cette façon. J'ai un PC
+qui est capable de faire tourner un logiciel de messagerie ; je garde mon
+courrier électronique sur mon propre ordinateur, je ne le laisse pas sur le
+serveur de quiconque, en particulier si c'est un serveur en lequel je n'ai
+aucune raison d'avoir confiance. Et de nos jours, naturellement, si vous
+confiez vos données personnelles au serveur de quelqu'un, vous pourriez tout
+aussi bien les transmettre directement à Ashcroft<a id="TransNote13-rev"
+href="#TransNote13"><sup>13</sup></a> et à sa gestapo. </p>
+
+<p>[RMS, 2010 : Gmail est comparable à Hotmail de ce point de vue. Voir
+également <a
+href="/philosophy/who-does-that-server-really-serve.html">http://www.gnu.org/philosophy/who-does-that-server-really-serve.html</a>,
+qui expose un autre problème concernant certains services en ligne, mais pas
+tous.]</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> inintelligible</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Il demande « si les gens utilisaient un client léger et
+faisaient toute leur informatique sur un serveur distant ». Oui, cela
+voudrait dire que les gens perdraient la liberté, parce qu'évidemment, on ne
+peut pas modifier le logiciel qui est sur le serveur de quelqu'un
+d'autre. Alors si vous utilisez le logiciel sur le serveur de quelqu'un
+d'autre au lieu de le faire tourner sur votre propre ordinateur, vous perdez
+le contrôle. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, et par conséquent
+je ne vais pas encourager les gens à aller dans ce sens. Les logiciels
+requis pour faire ces tâches sur votre machine continueront d'être
+développés.</p>
+
+<p>{Vous partez si vite ? [rires] J'espère que ce n'est pas quelque chose que
+j'ai dit. Oh, maintenant je n'aurai plus l'occasion de la rencontrer. Tant
+pis.}</p>
+
+<h3 id="copyright-art-vs-software"><a class="nounderline" href="#tm">25.</a> Copyright pour l'art et le
+logiciel</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Est-ce que les Creative Commons sont une confession
+différente de la même religion, ou une religion différente ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, d'abord, ce n'est pas une religion, sauf en
+manière de plaisanterie. L'Église d'Emacs est une plaisanterie. S'il vous
+plaît, gardez à l'esprit que prendre l'Église trop au sérieux peut être
+mauvais pour la santé, même l'Église d'Emacs. Donc cela n'a rien à voir avec
+la religion.</p>
+
+<p>C'est une question d'éthique. La question est de savoir ce qui fait qu'une
+société est bonne et quel genre de société nous voulons pour y passer notre
+vie. Il ne s'agit pas de dogme, il s'agit de philosophie et de politique. </p>
+
+<p>Les licences Creative Commons ont été conçues pour les travaux artistiques,
+et je pense qu'elles sont bonnes pour les travaux artistiques. Les enjeux ne
+sont pas exactement les mêmes pour les travaux artistiques et pour les
+logiciels.</p>
+
+<p>Un logiciel est un exemple d'ouvrage utilitaire, fonctionnel. On peut
+l'utiliser pour faire une tâche. Le but principal d'un programme n'est pas
+que les gens lisent le code et pensent : « Oh, que c'est passionnant, quel
+travail formidable ils ont fait ! » Le but principal d'un logiciel est que
+vous le fassiez fonctionner et qu'il fasse quelque chose. Et oui, les
+personnes qui s'intéressent au logiciel vont également le lire pour
+apprendre, mais ce n'est pas là son but principal. Son intérêt réside dans
+la tâche qu'il effectue, pas juste dans le plaisir qu'il procure quand on le
+lit. Quant à l'art, sa principale utilité est la sensation qu'il vous
+procure quand vous le regardez ou que vous l'écoutez. Ce sont des manières
+très différentes d'être utiles ; il en découle que les questions éthiques se
+rapportant à la copie et aux modifications sont différentes.</p>
+
+<p>Pour les ouvrages utilitaires, fonctionnels, les gens doivent avoir les
+quatre libertés, y compris celle de publier une version modifiée. Pour
+l'art, je ne dirais pas ça. Je pense que pour utiliser n'importe quelle
+œuvre publiée, il y a une liberté minimum que nous devons toujours avoir,
+c'est la liberté de redistribuer des copies exactes mot pour mot. Mais je ne
+dirais pas qu'il faille nécessairement aller plus loin. Aussi je pense que
+les licences Creative Commons sont très utiles et bien adaptées à l'art. </p>
+
+<h3 id="malicious-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">26.</a> Logiciel libre malveillant</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Puisque tout le monde a la liberté de modifier le code et de
+le republier, comment évite-t-on les saboteurs ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, on ne les évite pas. Ce que je veux dire, c'est
+qu'on ne pourra jamais. Alors on se contente de regarder les différentes
+versions et on voit laquelle on préfère. On ne peut pas non plus éviter les
+saboteurs de logiciel non libre ; en fait, le saboteur pourrait être le
+développeur lui-même. Comme je l'ai dit, les développeurs ajoutent souvent
+des fonctionnalités malveillantes, et alors on est complètement
+impuissant. Au moins avec le logiciel libre, on peut lire le code source, on
+peut comparer deux versions. Si vous avez l'intention de passer de cette
+version-ci à cette version-là, vous pouvez les comparer pour voir ce qui est
+différent et chercher un éventuel code malveillant. </p>
+
+<h3 id="patented-file-formats"><a class="nounderline" href="#tm">27.</a> Formats de fichiers brevetés</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Est-ce que par hasard vous savez quels formats de fichiers
+populaires sont secrets et lesquels sont publics ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, parmi les formats de fichiers populaires, les
+seuls dont je sais qu'ils sont secrets sont certains formats de
+Microsoft. Mais par ailleurs il y en a d'autres qui ont des problèmes de
+brevets. Par exemple il y a encore un brevet sur la compression LZW,
+utilisée dans le format GIF. Et quelqu'un a un brevet qui, d'après lui,
+couvre le format JPEG ; il est effectivement en train de poursuivre
+plusieurs sociétés. Et puis il y a un brevet sur l'audio MP3, de sorte que
+les encodeurs MP3 libres ont été poussés dans la clandestinité aux
+États-Unis [<a href="#ft1">1</a>] ; c'est pourquoi les gens devraient passer
+au format Ogg Vorbis. Et si l'on regarde, disons, la vidéo MPEG-2, il y a 39
+brevets américains qui sont censées couvrir ses particularités. Donc il y a
+beaucoup de problèmes de ce type.</p>
+
+<h3 id="games-as-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">28.</a> Jeux libres</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Y a-t-il des logiciels qui soient en quelque sorte des
+mélanges entre du Creative Commons et du logiciel fonctionnel, par exemple
+des jeux ou&hellip; ? </p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, dans de nombreux cas on peut considérer un jeu
+comme la combinaison d'un programme avec un scénario. Donc ce serait
+raisonnable de traiter le programme comme un programme et le scénario comme
+une œuvre de fiction. Par ailleurs, ce qu'on observe, c'est qu'il est tout à
+fait utile pour les utilisateurs d'éditer et de republier des versions
+modifiées de ces scénarios. Alors, bien qu'ils soient semblables à la
+fiction et à l'art, pas au logiciel, il semble vraiment utile que les
+utilisateurs soient libres de les modifier.</p>
+
+<h3 id="gpl-freedoms-for-cars-saving-seeds"><a class="nounderline" href="#tm">29.</a> Libertés de la GPL pour les
+voitures, faire ses propres semences</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Est-ce que vous imaginez que la philosophie du logiciel
+libre puisse s'étendre aux produits, aux marchandises&hellip;</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Quand vous dites « produits, marchandises », pourriez-vous
+donner des exemples concrets ?</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> [inintelligible] voitures</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Est-ce que la philosophie du logiciel libre doit
+s'appliquer aux voitures ? OK, eh bien la philosophie du logiciel libre est
+que vous devez être libre de le copier et de le modifier. Si vous aviez un
+copieur de voitures, je pense que vous devriez être libre de copier
+n'importe quelle voiture. Mais il n'y a pas de copieur de voitures, alors la
+question n'a pas vraiment de sens. Et ensuite, deuxièmement, modifier. Eh
+bien oui, je pense que si vous avez une voiture vous devez être libre de la
+modifier, et de fait il y a beaucoup de gens qui modifient leur voiture. Il
+y a peut-être des restrictions, mais cette liberté existe en grande
+partie. Donc vous voyez que ce n'est pas vraiment une question pertinente
+quand vous parlez d'objets physiques. Il n'y a pas en général de copieurs
+pour les objets physiques.</p>
+
+<p>Si nous imaginons que de tels copieurs existent un jour dans l'avenir, eh
+bien la situation sera différente et, oui, ce changement aura des
+conséquences pour l'éthique et la politique. Si nous avions des copieurs de
+nourriture, je suis sûr que l'industrie agroalimentaire essaierait
+d'interdire aux gens de posséder et d'utiliser des copieurs de
+nourriture. Et ça serait un enjeu politique énorme, de même qu'aujourd'hui
+il y a un enjeu politique énorme dans la question de savoir si les
+agriculteurs devraient être autorisés à faire leurs propres semences. Je
+crois qu'ils ont un droit fondamental à faire leurs propres semences, et que
+c'est de la tyrannie de les en empêcher. Un gouvernement démocratique ne
+ferait jamais ça.</p>
+
+<h3 id="no-software-is-better-than-non-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">30.</a> Pas de logiciel est mieux que du
+logiciel non libre</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> [à peu près] Pensez-vous que le logiciel libre puisse être
+produit en quantité insuffisante parce que personne ne voudrait investir
+d'argent [inintelligible] ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je ne sais pas ce que vous voulez dire par « produit en
+quantité insuffisante ». Nous voyons que certaines personnes produisent du
+logiciel libre et d'autres non. Nous pourrions imaginer que plus de monde
+développe du logiciel libre et, dans ce cas nous en aurions plus. Mais, vous
+voyez, la tragédie des biens communs était en réalité une question de
+surexploitation. C'est quelque chose qui peut arriver, disons, à un champ,
+mais n'arrive pas avec le logiciel. Vous ne pouvez pas surexploiter un
+programme, vous ne l'usez pas. Donc vraiment, il n'y a pas d'analogie
+là-dedans.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> L'exemple que vous avez donné est : disons qu'il y a un
+programme utile et mille personnes qui veulent le modifier. Vous avez dit
+qu'ils pourraient mettre leur argent en commun et recruter un programmeur
+pour faire la modification. Mais chaque personne de ce groupe peut dire :
+« Eh bien, je vais juste laisser les 999 autres payer pour la
+modification. »</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Ils peuvent faire ça mais ce serait assez stupide. Si en
+fin de compte ils voient que ce n'est pas fait, alors si cela a de
+l'importance pour eux ils ont avantage à se regrouper et à verser leur
+contribution pour que la modification soit effectuée. Et qu'ils le fassent
+ou non, dans les deux cas je ne vois là rien de tragique. S'ils se
+regroupent, paient pour leur modification et l'obtiennent, c'est bien. S'ils
+ne se regroupent pas et ne paient pas pour cette modification, c'est bien
+aussi ; je suppose qu'ils n'y tenaient pas assez. Les deux sont OK. </p>
+
+<p>Le logiciel non libre est malfaisant et nous sommes mieux lotis sans
+logiciel qu'avec du logiciel non libre. La tragédie des biens communs peut
+se produire, ou bien par suite de surexploitation, ou bien par suite de
+sous-contribution, mais la surexploitation est impossible avec le
+logiciel. La sous-contribution se produit quand un programme est
+privateur. Il s'agit là d'un manque de contribution aux biens communs. Aussi
+je voudrais que le logiciel privateur cesse d'être développé. Un programme
+non libre est pire que pas de programme du tout. En effet, aucune des
+options ne vous permet d'effectuer une tâche dans la liberté, mais le
+programme non libre peut représenter une tentation pour les gens
+d'abandonner leur liberté, et cela c'est vraiment mal. </p>
+
+<h3 id="portability-of-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">31.</a> Portabilité du logiciel libre</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Y a-t-il un conflit potentiel entre la philosophie du
+logiciel libre et la portabilité de [inintelligible] ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Non, pour moi cela n'a aucun sens. Je ne vois pas de
+conflit entre la philosophie du logiciel libre et la portabilité. Et dans le
+monde du libre nous travaillons très dur pour parvenir à une portabilité
+très large. Nous rendons nos logiciels très portables et nous les
+standardisons de manière que les autres personnes puissent facilement les
+porter, ce qui favorise la portabilité dans toutes les
+directions. Entre-temps, vous voyez Microsoft introduire délibérément des
+incompatibilités pour bloquer délibérément la portabilité. Microsoft peut
+faire ça parce qu'elle a le pouvoir. Nous ne pouvons pas. Si nous rendons un
+programme incompatible et que les utilisateurs n'aiment pas ça, ils peuvent
+le modifier. Ils peuvent le modifier pour le rendre compatible. Donc nous ne
+sommes pas en position d'imposer l'incompatibilité à quiconque, parce que
+nous avons choisi de ne pas essayer d'avoir du pouvoir sur les autres.</p>
+
+<h3 id="is-some-free-software-obfuscated-on-purpose"><a class="nounderline" href="#tm">32.</a> Logiciels libres rendus
+inintelligibles à dessein ?</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Quelque chose [inintelligible] masqué [inintelligible] le
+comprend pas.</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je ne suis pas d'accord avec vous. Pardon, mais c'est
+idiot. Si vous être en train de dire qu'un programme est difficile à
+comprendre, ce n'est pas comme si on vous empêchait de le comprendre. Ce
+n'est pas la même chose que si on vous disait : « Vous n'avez pas la
+permission de le voir. » Maintenant, si vous le trouvez peu clair, vous
+pouvez essayer de le clarifier. De fait, les développeurs essaient
+probablement de le garder compréhensible, mais c'est un travail
+difficile. Sauf si vous voulez comparer nos logiciels avec les logiciels
+privateurs pour voir lesquels sont les plus clairs, votre affirmation n'est
+basée sur rien. D'après ce que j'ai entendu, le logiciel non libre est
+typiquement bien pire, parce que les développeurs estiment que personne ne
+le verra jamais, alors ils ne seront jamais embarrassés par sa mauvaise
+qualité. </p>
+
+<h3 id="proprietary-keeping-an-edge"><a class="nounderline" href="#tm">33.</a> Logiciel privateur pour garder
+l'avantage</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Beaucoup de gens qui fabriquent des appareils ou
+[inintelligible] matériel donnent l'argument qu'ils ont besoin de logiciel
+privateur pour garder l'avantage sur leurs concurrents, parce que s'ils
+donnaient le logiciel gratuitement, l'un d'eux pourrait fabriquer l'appareil
+[inintelligible]. </p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je ne les crois pas. Je pense que tout ça, c'est de la
+foutaise, parce qu'ils sont en concurrence les uns avec les autres et que
+chacun dit : « Nous avons besoin de logiciel privateur pour avoir l'avantage
+sur les autres. » Eh bien, si aucun ne le faisait, ils perdraient tous leur
+avantage ? Je veux dire, et alors ? Nous ne devons pas prendre ce qu'ils
+disent pour argent comptant, et nous ne devons pas non plus acheter leurs
+produits.</p>
+
+<h3 id="forbidding-is-forbidden-how-is-this-freedom"><a class="nounderline" href="#tm">34.</a> Il est interdit d'interdire,
+qu'est-ce que cette liberté ?</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Je pourrais dire [inintelligible]</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Non, je vous en prie. La question que vous posez est
+peut-être une bonne question, mais s'il vous plaît posez-la de manière
+neutre, plutôt que sous forme agressive.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> J'ai quelque chose sur le cœur, alors je vais le dire tout
+haut. Le problème, c'est qu'en inscrivant effectivement [inintelligible]
+chose et en disant « Vous pouvez redistribuer ce logiciel, mais vous devez
+respecter ces quatre libertés », est-ce que vous n'êtes pas également en
+train de restreindre ma liberté ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Non, cela restreint votre pouvoir. Empêcher A de mettre B
+sous sa coupe n'est pas priver A de liberté, parce qu'asservir les autres
+n'est pas la liberté, c'est le pouvoir.</p>
+
+<p>Il y a peut-être des gens qui voudraient exercer le pouvoir, et nous les
+arrêtons, mais c'est bien et cela ne prive personne de liberté.</p>
+
+<p>Je veux dire, vous pourriez tout aussi bien dire que si vous renversez un
+dictateur, le dictateur va dire : « Vous m'ôtez la liberté de dicter ses
+actes à chacun. » Mais ce n'est pas de la liberté, c'est du pouvoir.</p>
+
+<p>Ainsi, je fais la distinction entre la liberté, qui consiste à avoir le
+contrôle de votre propre vie, et le pouvoir, qui consiste à avoir le
+contrôle de la vie des autres. Nous devons absolument faire cette
+distinction ; si nous ne faisons pas la différence entre la liberté et le
+pouvoir, alors nous perdons la capacité de juger si une société est libre ou
+non. Vous comprenez, si vous oubliez cette distinction, alors quand vous
+regardez la Russie staliniste vous dites : « Bon, il y avait tout autant de
+liberté là-bas, c'est juste que Staline la possédait en entier. » Non ! Dans
+la Russie staliniste, Staline avait le pouvoir et le peuple n'avait pas la
+liberté ; il n'y avait pas de liberté là-bas, parce qu'il n'y a de liberté
+que lorsqu'on peut contrôler sa propre vie. Contrôler la vie des autres, ce
+n'est absolument pas la liberté, pour aucune des personnes concernées.</p>
+
+<h3 id="can-google-help-free-software"><a class="nounderline" href="#tm">35.</a> Google peut-il aider le logiciel
+libre ?</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> À votre avis, y a-t-il quelque chose que Google, en tant que
+société, puisse améliorer dans l'esprit du logiciel libre ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> En fait, je n'en sais pas assez sur ce que fait Google pour
+avoir un avis. Mais si Google voulait donner un peu d'argent à la Fondation
+pour le logiciel libre, nous l'accepterions volontiers. J'ai rencontré ici
+quelques personnes qui travaillent sur un programme libre particulier, à
+savoir Linux, le noyau. Et je ne leur ai pas demandé si elles publient leurs
+améliorations. [<b>PUBLIC :</b> Elles le font.] Oh, parfait, alors c'est une
+contribution. Je veux dire, si vous vouliez contribuer à d'autres logiciels
+libres, ce serait bien aussi, mais je ne sais pas si vous avez besoin de
+faire ça. Et naturellement, si un jour vous aviez l'occasion de publier
+d'autres logiciels nouveaux d'usage général, ce serait bien également.</p>
+
+<p>[RMS, 2010 : Google distribue maintenant quelques gros programmes non
+libres. Certains sont écrits en JavaScript, et les serveurs les installent
+sans que vous vous en rendiez compte.]</p>
+
+<h3 id="free-software-on-windows-good-or-bad"><a class="nounderline" href="#tm">36.</a> Logiciel libre sur Windows, bien
+ou mal ?</h3>
+
+<p>Je vais prendre encore trois questions.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Si je développe un logiciel libre pour un système
+d'exploitation privateur comme Windows, ce que je fais essentiellement,
+c'est de soutenir le système privateur. Est-ce une bonne ou une mauvaise
+chose ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, il y a du bon et du mauvais. En ce qui concerne
+l'usage du code, vous respectez la liberté des autres, donc c'est bien, mais
+le fait qu'il tourne sur Windows est mauvais. Donc vraiment, il ne faut pas
+utiliser Windows. Utiliser Windows n'est pas bien. Ce n'est pas aussi mal
+que d'être un développeur de Windows, mais c'est tout de même mal et vous ne
+devez pas le faire.</p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Donc ce que vous dites, c'est de ne pas le faire du tout.</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Oui, n'utilisez pas Windows. Utilisez GNU/Linux et
+développez plutôt votre programme libre pour GNU/Linux. Et alors il sera bon
+des deux façons. </p>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Mais est-ce que cela ne pourrait pas faire connaître cette
+idéologie aux utilisateurs de Windows ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> C'est possible, mais il y a assez de logiciels libres
+utilisables sur Windows pour ça. Et le fait est que développer des logiciels
+pour Windows va créer une incitation à utiliser Windows. Aussi, je vous
+demande de ne pas le faire.</p>
+
+<p>[RMS, 2010 : plus précisément, faire que des programmes libres fonctionnent
+aussi sur Windows peut être utile, comme il l'a dit ; toutefois, écrire un
+programme libre pour Windows uniquement est du gaspillage.] </p>
+
+<h3 id="scos-suit"><a class="nounderline" href="#tm">37.</a> Affaire SCO</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Quelles seraient les conséquences si SCO remportait son
+litige contre Linux ? Quel serait l'impact sur&hellip;</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Je n'en sais rien, ça dépend. Cela n'aurait aucun effet sur
+la GPL. Mais il se pourrait que du code doive être enlevé de Linux. Est-ce
+que ce serait un gros problème ou un tout petit problème ? Cela dépend de
+quel code, donc on ne peut pas dire. Mais je ne pense pas que SCO soit un
+vrai problème. Je pense que les vrais problèmes, ce sont les brevets
+logiciels, et l'informatique déloyale, et le matériel avec des specs
+secrètes. C'est cela que nous devons combattre.</p>
+
+<h3 id="stallmans-problem-typing"><a class="nounderline" href="#tm">38.</a> Difficultés de Stallman avec la
+dactylographie</h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> J'ai une question non idéologique. Je suis personnellement
+très intéressé par votre combat contre les microtraumatismes répétés et par
+leur impact sur le développement de GNU Hurd. </p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Aucun impact, parce que je n'ai jamais travaillé
+dessus. Nous avons recruté une personne pour écrire GNU Hurd. Je n'ai rien
+eu à voir avec ça. Pendant plusieurs années, je n'ai pas pu me servir
+beaucoup du clavier, alors nous avons recruté des gens pour le faire à ma
+place. Puis j'ai constaté qu'en utilisant des claviers à frappe douce je
+pouvais de nouveau le faire. </p>
+
+<h3 id="open-source-good-or-bad-pat-riot-act"><a class="nounderline" href="#tm">39.</a> Open source, bien ou mal ?
+<cite>Pat-riot Act</cite></h3>
+
+<p><b>PUBLIC :</b> Pouvez-vous nous donner votre opinion sur l'open source ?</p>
+
+<p><b>RICHARD :</b> Eh bien, le mouvement open source est un peu comme le
+mouvement du logiciel libre, sauf que la base philosophique a été
+éliminée. Ainsi ils ne parlent pas de bien et de mal, ni de liberté, ni de
+droits inaliénables. Simplement, ils ne le présentent pas en termes
+éthiques. Ils disent qu'ils ont une méthodologie de développement dont ils
+disent qu'elle donne des logiciels d'excellente qualité technique. Ainsi,
+ils ne font appel qu'à des valeurs pratiques, techniques.</p>
+
+<p>Et ce qu'ils disent est peut-être correct si cela convainc certaines
+personnes d'écrire des logiciels libres. C'est une contribution utile. Mais
+je pense qu'ils sont à côté de la question quand ils ne parlent pas de
+liberté, parce que ce qui affaiblit notre communauté, c'est de ne pas parler
+de liberté et de ne pas y penser suffisamment. Les gens qui ne pensent pas à
+la liberté ne donneront pas de valeur à leur liberté, ils ne la défendront
+pas et ils la perdront. Regardez le <cite>Pat-riot<a id="TransNote14-rev"
+href="#TransNote14"><sup>14</sup></a> Act</cite> américain. Vous savez, les
+gens qui ne donnent pas de valeur à leur liberté la perdront.</p>
+
+<h3 id="the-end"><a class="nounderline" href="#tm">40.</a> Fin</h3>
+
+<p>Alors, merci, et si quelqu'un veut acheter un de ces trucs de la FSF
+ou&hellip;</p>
+
+<p>[Applaudissements]</p>
+
+<h4>Note</h4>
+
+<ol>
+<li id="ft1">Tous les brevets sur le format MP3 auront expiré en 2018.</li>
+</ol>
+
+<div class="translators-notes">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.-->
+<hr /><b>Notes de traduction</b><br/><ol>
+<li id="TransNote1">Autre traduction de <em>proprietary</em> :
+propriétaire. <a href="#TransNote1-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote2">ITS <cite>(Incompatible Timesharing System)</cite> :
+« Système à temps partagé incompatible », conçu par les hackers du
+laboratoire d'intelligence artificielle et nommé en opposition avec CTSS
+<cite>(Compatible Time Sharing System)</cite>, utilisé précédemment au
+MIT. <a href="#TransNote2-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote3">MINCE n'est pas un Emacs complet. <a
+href="#TransNote3-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote4">ZWEI était EINE à l'origine. <a href="#TransNote4-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote5">Gnou, en français. <a
+href="#TransNote5-rev">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote6"><cite>New</cite> veut dire « neuf » ou « nouveau » et,
+avec l'orthographe française, se prononce « nou ». <a href="#TransNote6-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote7">Phonétiquement, « Eh, quoi de neuf ?» ou « Eh, qu'est-ce
+que GNU ?» <a href="#TransNote7-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote8">Il y a peu de chance qu'on fasse la confusion en
+français, car « entrée libre » est à peu près le seul cas où l'on peut
+donner à « libre » le sens de « gratuit », mais en anglais les deux
+significations de <cite>free</cite> (libre et gratuit) ont à peu près la
+même fréquence. <a href="#TransNote8-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote9">Loi sur le copyright du millénaire numérique. <a
+href="#TransNote9-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote10">Commission fédérale des communications, équivalente à
+l'Arcep française. <a href="#TransNote10-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote11">Drapeau d'émission : ensemble de bits envoyé avec le
+flux d'un programme de télévision numérique, qui indique si ce flux peut
+être enregistré ou non et s'il y a des restrictions sur le contenu
+enregistré. <a href="#TransNote11-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote12">Jeu de mot entre <cite>holy</cite> (saint) et
+<cite>wholly</cite> (adjectif utilisé dans la philosophie new age : sain,
+complet, formant un tout), qui se prononcent à peu près de la même façon. <a
+href="#TransNote12-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote13">John Ashcroft, procureur général des États-Unis
+(ministre de la justice) de 2000 à 2005, a été à l'origine du <cite>PATRIOT
+Act</cite>. <a href="#TransNote13-rev" class="nounderline">&#8593;</a></li>
+<li id="TransNote14">L'explication du trait d'union de
+<cite>Pat-riot</cite> a été donnée par Richard Stallman au cours de son
+interview du 12 novembre 2012 pour Hacker Public Radio (voir <a
+href="/philosophy/speeches-and-interview.html">Discours et entretiens</a>),
+plus précisément à 1h 13min 40sec de l'enregistrement : l'intitulé complet
+de la loi en question est <cite>Uniting and Strengthening America by
+Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism
+Act</cite> (loi pour unir et renforcer l'Amérique en fournissant les outils
+appropriés pour déceler et contrer le terrorisme), en abrégé
+« U.S.A.P.A.T.R.I.O.T. Act » ; pour former un acronyme, on a le droit de
+couper entre P.A.T. et R.I.O.T. aussi bien qu'entre U.S.A. et
+P.A.T.R.I.O.T., ce qui change la prononciation et évite de faire allusion au
+patriotisme. Ajoutons que <cite>riot</cite> signifie « émeute » et que
+<cite>Pat riot</cite> évoque le cri des supporters de l'équipe de football
+américain de Boston, les <cite>Pats</cite>. <a href="#TransNote14-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a></li>
+</ol></div>
+</div>
+
+<!-- for id="content", starts in the include above -->
+<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" -->
+<div id="footer">
+<div class="unprintable">
+
+<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a
+href="mailto:gnu@gnu.org">&lt;gnu@gnu.org&gt;</a>. Il existe aussi <a
+href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens
+orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a
+href="mailto:webmasters@gnu.org">&lt;webmasters@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+<p>
+<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph,
+ replace it with the translation of these two:
+
+ We work hard and do our best to provide accurate, good quality
+ translations. However, we are not exempt from imperfection.
+ Please send your comments and general suggestions in this regard
+ to <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+
+ &lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+ <p>For information on coordinating and submitting translations of
+ our web pages, see <a
+ href="/server/standards/README.translations.html">Translations
+ README</a>. -->
+Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne
+qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires
+sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les
+traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+&lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des
+traductions de nos pages web, reportez-vous au <a
+href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p>
+</div>
+
+<p>Copyright &copy; 2004, 2010, 2015, 2016, 2018 Richard Stallman</p>
+
+<p>Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence <a
+rel="license"
+href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/deed.fr">Creative
+Commons attribution, pas de modification, 4.0 internationale (CC BY-ND
+4.0)</a>.</p>
+
+<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" -->
+<div class="translators-credits">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.-->
+Traduction : Thérèse Godefroy<br />Révision :<br />Contact : <a
+href="mailto:trad-gnu&#64;april.org">trad-gnu&#64;april.org</a></div>
+
+<p class="unprintable"><!-- timestamp start -->
+Dernière mise à jour :
+
+$Date: 2018/12/15 14:46:27 $
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