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Ils supposent que participer à la société numérique est bon ; mais +ce n'est pas nécessairement vrai. Vivre dans une société numérique peut être +bon ou mauvais selon que celle-ci est juste ou injuste. Les technologies +numériques peuvent attaquer notre liberté de nombreuses manières. Elles +peuvent faire empirer les choses, et c'est ce qui arrivera à moins que nous +ne nous battions pour l'empêcher.</p> + +<p>Par conséquent, si notre société numérique est injuste, nous devons arrêter +ces projets d'inclusion numérique et lancer des projets d'extraction +numérique. Il nous faut extraire les gens de la société numérique si elle ne +respecte pas leur liberté, ou bien l'obliger à respecter cette liberté.</p> + +<h3 id="surveillance"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> La surveillance</h3> + +<p>De quelles menaces s'agit-il ? D'abord, la surveillance. Les ordinateurs +sont le rêve de Staline : ce sont des outils de surveillance idéaux, car +quoi que nous fassions avec leur aide, ils peuvent l'enregistrer. Ils +peuvent enregistrer l'information dans une base de données centrale, sous +une forme parfaitement indexée et adaptée aux recherches, idéale pour tout +tyran voulant écraser l'opposition.</p> + +<p>Quelquefois, la surveillance est le fait de nos propres ordinateurs. Par +exemple, si vous avez un ordinateur qui fonctionne sous Microsoft Windows, +ce système fait de la surveillance. Il y a dans Windows des fonctionnalités +qui envoient des données à un serveur particulier, des données sur +l'utilisation de l'ordinateur. Il y a quelques mois, on a découvert une +fonctionnalité de surveillance dans l'iPhone et les gens ont commencé à +appeler ce dernier <cite>spy-phone</cite><a id="TransNote1-rev" +href="#TransNote1"><sup>1</sup></a>. Le lecteur Flash a également une +fonctionnalité de surveillance, de même que le <cite>Swindle</cite> +d'Amazon. Ils l'appellent le Kindle, mais je l'appelle le <a +href="/philosophy/why-call-it-the-swindle.html"><cite>Swindle</cite></a> +(l'escroc)<a id="TransNote2-rev" href="#TransNote2"><sup>2</sup></a> parce +qu'il est destiné à escroquer la liberté des utilisateurs. Il oblige les +gens à s'identifier lorsqu'ils achètent un livre, ce qui signifie qu'Amazon +a une liste gigantesque de tous les livres lus par chaque utilisateur. Une +telle liste n'a sa place nulle part.</p> + +<p>La plupart des téléphones portables transmettent leur position, calculée par +GPS, sur commande à distance. L'opérateur téléphonique accumule une liste +gigantesque d'endroits où l'utilisateur s'est trouvé. Un député allemand du +parti Vert [erratum : Malte Spitz est membre du bureau exécutif du parti +Vert, mais n'est pas un élu] a demandé à son opérateur de lui communiquer +les données qu'il possédait sur les endroits où il avait été. Il a fallu +qu'il attaque en justice, qu'il aille au tribunal pour obtenir cette +information. Et quand il l'a obtenue, il a reçu une liste de quarante-quatre +mille points de localisation sur une période de six mois ! Plus de deux +cents par jour ! Cela veut dire qu'un simple regard sur ces données pourrait +donner une idée très précise de ses activités.</p> + +<p>Nous pouvons empêcher nos propres ordinateurs de nous surveiller si c'est +<em>nous</em> qui avons le contrôle des logiciels qu'ils exécutent. Mais les +logiciels dont se servent ces personnes, elles n'en ont pas le contrôle. Ce +sont des logiciels non libres, c'est pourquoi ils ont des fonctionnalités +malveillantes comme la surveillance. Cependant, la surveillance n'est pas +toujours le fait de nos ordinateurs personnels, elle est également effectuée +à distance. En Europe par exemple, les <abbr title="fournisseur d'accès à +Internet">FAI</abbr> et les fournisseurs de services ont l'obligation de +garder les données de communication de leurs utilisateurs pendant longtemps +au cas où, plus tard, l'État déciderait d'enquêter sur telle personne, pour +telle ou telle raison imaginable.</p> + +<p>Avec un téléphone portable… même si vous pouvez empêcher le téléphone +de transmettre votre localisation GPS, le système peut la déterminer +approximativement en comparant le temps que met le signal à atteindre +différents relais. Ainsi le système peut faire de la surveillance, même sans +coopération particulière du téléphone lui-même.</p> + +<p>De même les vélos que les gens louent dans Paris. Naturellement, le système +sait où vous prenez le vélo et il sait où vous le rendez. Et j'ai entendu +dire qu'il garde également la trace des déplacements. Ainsi on ne peut pas +faire vraiment confiance à ces vélos.</p> + +<p>Mais il y a aussi des systèmes qui n'ont rien à voir avec nous et qui ont +pour seul objet de nous suivre à la trace. Par exemple, tout le trafic +routier britannique est surveillé. Les déplacements de chaque véhicule sont +enregistrés en temps réel et peuvent être suivis en temps réel par les +services de l'État, ceci grâce à des caméras placées sur le côté de la +route.</p> + +<p>La seule manière d'éviter la surveillance effectuée à distance ou par des +systèmes indépendants de nous est une action politique contre l'augmentation +des pouvoirs de l'État lui permettant de localiser et de suivre chaque +personne. Cela veut dire, naturellement, que nous devons rejeter les +prétextes invoqués, quels qu'ils soient. Aucun prétexte ne justifie la mise +en place de tels systèmes pour surveiller chacun.</p> + +<p>Dans une société libre, votre anonymat n'est pas garanti quand vous sortez +en public. Il est possible que quelqu'un vous reconnaisse et s'en +souvienne. Et plus tard, cette personne pourrait dire qu'elle vous a vu à un +certain endroit. Mais cette information est diffuse. Elle n'est pas +organisée de manière à faciliter le pistage de tous les gens et les enquêtes +sur ce qu'ils ont fait. La collecte de ces renseignements demande beaucoup +de travail, aussi n'est-elle faite que dans des cas spéciaux, si c'est +vraiment nécessaire.</p> + +<p>La surveillance informatisée, en revanche, rend possible la centralisation +et l'indexation de toute l'information, de sorte qu'un régime injuste peut +la retrouver en totalité et découvrir tout ce qui concerne chacun. Si un +dictateur prend le pouvoir, ce qui pourrait arriver n'importe où, les gens +s'en rendent compte et réalisent qu'ils ne doivent pas communiquer avec +d'autres dissidents par des moyens que l'État puisse repérer. Mais si le +dictateur possède plusieurs années d'archives à propos de qui parle à qui, +il est alors trop tard pour prendre des précautions. Parce qu'il a déjà tout +ce dont il a besoin pour comprendre : « OK, ce mec est un dissident et il +lui a parlé. Peut-être que c'est un dissident également. Il faut peut-être +qu'on l'attrape et qu'on le torture. »</p> + +<p>Donc nous devons faire campagne pour mettre fin à la surveillance numérique +<em>maintenant</em>. On ne peut pas attendre d'être en dictature et que ce +soit vraiment important. De plus, il n'est pas nécessaire d'être vraiment en +dictature pour que les droits de l'homme subissent un début d'attaque.</p> + +<p>Je ne qualifierais pas le gouvernement britannique de dictature. Mais il +n'est pas très démocratique et l'un des moyens dont il se sert pour écraser +la démocratie est la surveillance. Il y a quelques années, des gens que l'on +supposait en route vers une manifestation – ils allaient manifester – ont +été arrêtés avant d'y arriver parce que leur voiture a été suivie à la trace +par le système universel de surveillance routière.</p> + +<h3 id="censorship"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> La censure</h3> + +<p>La deuxième menace est la censure. La censure n'est pas nouvelle, elle +existait bien avant les ordinateurs. Mais il y a quinze ans, nous pensions +qu'Internet nous protégerait de la censure, qu'il vaincrait la censure. Puis +la Chine et quelques autres États manifestement tyranniques se sont donnés +beaucoup de mal pour imposer la censure d'Internet et nous avons dit : +« Bon, ce n'est pas étonnant, que pouvons-nous attendre d'autre de pareils +gouvernements ? »</p> + +<p>Mais aujourd'hui, nous voyons la censure apparaître dans des pays qui +normalement ne sont pas considérés comme des dictatures, par exemple le +Royaume-Uni, la France, l'Espagne, l'Italie, le Danemark…</p> + +<p>Ils possèdent tous des dispositifs pour bloquer l'accès à certains sites +web. Le Danemark a établi un système qui bloque l'accès à une longue liste +de pages web, qui à l'origine était secrète. Les citoyens n'étaient pas +censés savoir comment le gouvernement les censurait, mais la liste a fuité +et a été postée sur WikiLeaks. Alors le Danemark a ajouté la page de +WikiLeaks à sa liste de page censurées. Ainsi le monde entier peut découvrir +comment les Danois sont censurés, mais les Danois se sont pas censés le +savoir.</p> + +<p>Il y a quelques mois, la Turquie, qui prétend respecter certains droits de +l'homme, a annoncé que chaque utilisateur d'Internet aurait à choisir entre +de la censure et plus de censure. Quatre niveaux de censure, voilà leur +choix ! Mais la liberté ne fait pas partie des options.</p> + +<p>L'Australie a voulu imposer le filtrage d'Internet, mais il a été +repoussé. Cependant elle a un autre genre de censure, celle des +liens. C'est-à-dire que si un site web australien met en lien un site +censuré situé hors d'Australie, celui qui est en Australie peut être +puni. <cite>Electronic Frontiers Australia</cite>, une organisation qui +défend les droits de l'homme dans le domaine numérique, mit en lien un site +politique étranger. Elle a été condamnée à le retirer sous peine d'une +amende de 11 000 $ par jour. Donc ils l'ont retiré, que pouvaient-ils faire +d'autre ? C'est un système de censure très dur.</p> + +<p>En Espagne, la censure qui a été adoptée au début de cette année permet à +l'administration de fermer arbitrairement un site Internet en Espagne, ou +d'imposer un filtrage pour bloquer l'accès à un site situé en dehors +d'Espagne. Et ils peuvent le faire sans aucune sorte de procès. C'était une +des motivations des <cite>Indignados</cite> qui ont manifesté dans la rue.</p> + +<p>Il y a eu des manifestations également dans les rues de Turquie après +l'annonce de la censure, mais le gouvernement a refusé de changer sa +politique.</p> + +<p>Nous devons nous rendre compte qu'un pays qui impose la censure d'Internet +n'est pas un pays libre. Et ce n'est pas non plus un gouvernement légitime.</p> + +<h3 id="formats"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Les formats de données qui +imposent des restrictions</h3> + +<p>La menace suivante envers nos libertés vient des formats de données qui +imposent des restrictions aux utilisateurs.</p> + +<p>Parfois c'est parce que le format est secret. Il y a beaucoup d'applications +qui enregistrent les données de l'utilisateur dans un format secret, destiné +l'empêcher de récupérer ces données pour s'en servir dans un autre +programme. Le but est d'empêcher l'interopérabilité.</p> + +<p>Évidemment, si le programme met en œuvre un format secret, c'est parce que +ce n'est pas un logiciel libre. Voilà donc un autre type de fonctionnalité +malveillante. La surveillance est l'une de ces fonctionnalités malveillantes +qu'on trouve dans certains programmes non libres ; l'utilisation de formats +secrets pour imposer des restrictions aux utilisateurs en est une autre, +qu'on trouve également dans certains programmes non libres.</p> + +<p>S'il existe un programme libre qui manipule un certain format, <em>ipso +facto</em> ce format n'est pas secret. Ce type de fonctionnalité +malveillante ne peut donc exister que dans un programme non libre. Les +fonctionnalités de surveillance, eh bien, il pourrait théoriquement y en +avoir dans un programme libre, mais on constate que cela n'arrive pas. Parce +que, vous voyez, les utilisateurs apporteraient des correctifs. Les +utilisateurs n'apprécieraient pas, donc ils corrigeraient le programme.</p> + +<p>De toute façon, il existe également des formats secrets de données en usage +dans la publication des œuvres. Il y a des formats secrets de données pour +l'audio (la musique par exemple), la vidéo, les livres… Ces formats +secrets sont connus sous le nom de « gestion numérique des restrictions », +<abbr title="Digital Restrictions Management">DRM</abbr> ou « menottes +numériques »<a id="TransNote3-rev" href="#TransNote3"><sup>3</sup></a>.</p> + +<p>Les œuvres sont ainsi publiées dans des formats secrets pour que seuls des +programmes privateurs<a id="TransNote4-rev" +href="#TransNote4"><sup>4</sup></a> puissent les lire, afin que ces +programmes privateurs puissent avoir la fonctionnalité malveillante +d'imposer des restrictions aux utilisateurs, de les empêcher de faire +quelque chose qu'il serait naturel de faire.</p> + +<p>Et ce système est même utilisé par des organismes publics pour communiquer +avec les gens. Par exemple, la télévision publique italienne distribue ses +programmes sur le net dans un format appelé VC-1, censé être un standard ; +mais c'est un standard secret. Maintenant, je ne peux pas imaginer comment +un organisme financé publiquement pourrait justifier l'utilisation d'un +format secret pour communiquer avec le public. Ce devrait être illégal. En +fait, je pense que toute utilisation de DRM devrait être illégale. Aucune +entreprise ne devrait être autorisée à faire ça.</p> + +<p>Il y a aussi des formats qui ne sont pas secrets, mais pourraient tout aussi +bien l'être ; par exemple Flash. Flash n'est pas vraiment secret, mais Adobe +n'arrête pas de faire de nouvelles versions, qui sont différentes, trop vite +pour que quiconque arrive à suivre le mouvement en produisant des logiciels +libres capables de lire ces fichiers ; cela revient presque à rendre le +format secret.</p> + +<p>Puis il y a les formats brevetés, comme MP3<a href="#f1"><sup>1</sup></a> +pour l'audio. C'est mal de distribuer l'audio au format MP3 ! Il y a des +logiciels libres qui manipulent le format MP3, qui le lisent et qui le +produisent, mais comme il est breveté dans de nombreux pays, beaucoup de +distributeurs de logiciels libres n'osent pas inclure ces logiciels ; s'ils +distribuent le système GNU+Linux, leur système n'a pas de lecteur MP3. En +fin de compte, distribuer de la musique en MP3 revient à faire pression sur +les gens pour qu'ils n'utilisent pas GNU/Linux. C'est sûr, si vous êtes +expert, vous pouvez trouver un logiciel libre et l'installer, mais il y a +beaucoup de non-experts. Ils pourraient constater qu'ils ont installé une +version de GNU/Linux qui n'a pas ce logiciel et qu'elle ne lit pas les +fichiers MP3, et penser que c'est la faute du système. Ils ne se rendent pas +compte que c'est la faute de MP3. Et pourtant, c'est le cas.</p> + +<p>Donc, si vous voulez promouvoir la liberté, ne distribuez pas de fichiers +MP3. C'est pourquoi je dis : si vous enregistrez ma conférence et que vous +voulez en distribuer des copies, ne le faites pas dans un format breveté +comme MPEG-2, MPEG-4 ou MP3. Utilisez un format ami du logiciel libre comme +OGG ou WebM. Et au passage, si vous distribuez des copies de +l'enregistrement, mettez s'il vous plaît la licence « Creative Commons, pas +de modification ». C'est un exposé de mes points de vue personnels. Si la +conférence faisait partie d'un cours, si elle était didactique, elle devrait +être libre, mais pour les exposés d'opinion c'est différent.</p> + +<h3 id="proprietary"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Le logiciel qui n'est pas +libre</h3> + +<p>Cela m'amène à la menace suivante, qui provient des logiciels sur lesquels +les utilisateurs n'ont pas de contrôle ; en d'autres termes, des logiciels +qui ne sont pas <cite>free</cite>, qui ne sont pas « libres ». Sur ce point +particulier, le français est plus clair que l'anglais. Le mot anglais +<cite>free</cite> veut dire « libre » ou « gratuit ». Mais ce que j'entends +par <cite>free software</cite>, est « logiciel libre ». Je ne veux pas dire +« gratuit ». Je ne suis pas en train de parler de prix. Le prix est un +problème annexe, juste un détail, parce que cela n'a pas d'importance du +point de vue éthique. Vous savez, si j'ai une copie d'un programme, que je +vous la vende pour un euro ou pour cent euros, qui s'en préoccupe ? Pourquoi +faudrait-il que quelqu'un pense que c'est bien ou mal ? Ou bien, supposez +que je vous la donne « gratuitement »<a id="TransNote5-rev" +href="#TransNote5"><sup>5</sup></a>… Encore une fois, qui cela +intéresse-t-il ? Mais savoir si ce programme respecte votre liberté ou non, +voilà qui est important !</p> + +<p>Le logiciel libre est donc un logiciel qui respecte la liberté des +utilisateurs. Qu'est-ce que cela veut dire ? En fin de compte il n'y a que +deux possibilités avec le logiciel : ou bien les utilisateurs contrôlent le +programme, ou bien le programme contrôle les utilisateurs. Si les +utilisateurs possèdent certaines libertés essentielles, alors <em>c'est +eux</em> qui contrôlent le programme et ces libertés sont le critère du +logiciel libre. Mais si les utilisateurs <em>ne possèdent pas</em> +pleinement ces libertés essentielles, alors le programme contrôle les +utilisateurs. Cependant quelqu'un contrôle ce programme et, par son +intermédiaire, exerce un <em>pouvoir</em> sur les utilisateurs. </p> + +<p>Ainsi, un programme non libre est un instrument qui donne à quelqu'un du +<em>pouvoir</em> sur de nombreuses autres personnes. C'est un pouvoir +injuste que personne ne doit posséder. C'est pourquoi les logiciels non +libres, « les logiciels privateurs, qui privent de la liberté »,<a +id="TransNote6-rev" href="#TransNote6"><sup>6</sup></a> sont une injustice +et n'ont pas droit à l'existence ; parce qu'ils enlèvent aux utilisateurs +leur liberté.</p> + +<p>Le développeur qui a le contrôle du programme est souvent tenté d'introduire +des fonctionnalités malveillantes qui vont <em>plus loin</em> dans +l'exploitation de ces utilisateurs, ou leur font encore plus de tort. Il en +ressent la tentation parce qu'il sait qu'il peut s'en tirer à bon compte : +puisque son programme contrôle les utilisateurs et que les utilisateurs ne +contrôlent pas le programme, les utilisateurs ne peuvent pas corriger une +éventuelle fonctionnalité malveillante ; ils ne peuvent pas l'éliminer.</p> + +<p>Je vous ai déjà parlé de deux types de fonctionnalités malveillantes : les +fonctionnalités de surveillance, comme on en trouve dans Windows, l'iPhone, +le lecteur Flash et le Swindle. Et aussi les fonctionnalités destinées à +imposer des restrictions aux utilisateurs, qui mettent en jeu des formats +secrets ; on les trouve dans Windows, le Macintosh, l'iPhone, le lecteur +Flash, le Swindle d'Amazon, la Playstation 3 et bien d'autres programmes.</p> + +<p>Un troisième type de fonctionnalité malveillante est la « porte dérobée » +<cite>[backdoor]</cite>. Cela signifie qu'une partie du programme est à +l'écoute de commandes distantes et leur obéit, et que ces commandes peuvent +nuire à l'utilisateur. Nous avons connaissance de portes dérobées dans +Windows, dans l'iPhone, dans le Swindle d'Amazon. Ce dernier a une porte +dérobée qui permet d'effacer les livres à distance. Nous l'avons +effectivement constaté, parce qu'Amazon l'a fait ; en 2009, Amazon a effacé +à distance des milliers de copies d'un livre particulier. Il s'agissait de +copies licites que les gens avaient obtenues directement d'Amazon, et ainsi +Amazon savait exactement où elles étaient ; de cette manière Amazon savait +exactement où envoyer les commandes pour effacer ces livres. Savez-vous quel +livre Amazon a effacé ? <em>1984</em>, de George Orwell. [rires] C'est un +livre que tout le monde devrait lire, parce qu'il traite d'un État +totalitaire qui faisait des choses comme effacer les livres qu'il n'aimait +pas. Tout le monde devrait le lire, mais pas sur le Swindle +d'Amazon. [rires]</p> + +<p>En tout cas, des fonctionnalités malveillantes sont présentes dans les +programmes non libres les plus couramment utilisés, mais elles sont rares +dans les logiciels libres, parce qu'avec les logiciels libres les +utilisateurs ont le contrôle : ils peuvent lire le code source et ils +peuvent le changer. Donc s'il y avait une fonctionnalité malveillante, +quelqu'un la détecterait un jour ou l'autre et la corrigerait. Cela signifie +qu'un individu envisageant d'en implanter une n'est pas très tenté de le +faire, car il sait qu'il peut s'en tirer pendant quelque temps, mais que +quelqu'un va la détecter, la corriger, et que tout le monde va perdre +confiance dans l'auteur du méfait. Ce n'est plus aussi tentant quand vous +savez que vous allez échouer. C'est pourquoi nous constatons que les +fonctionnalités malveillantes sont rares dans les logiciels libres et +courantes dans les logiciels privateurs.</p> + +<h3 id="four-freedoms"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Les quatre libertés du +logiciel libre</h3> + +<p>Les libertés essentielles sont au nombre de quatre :</p> + +<ul> + <li>La liberté 0 est la liberté d'exécuter le programme comme vous le souhaitez.</li> + <li>La liberté 1 est la liberté d'étudier le code source et de le changer, pour +que le programme fasse votre travail informatique comme vous le souhaitez.</li> + <li>La liberté 2 est la liberté d'aider les autres. C'est la liberté de faire +des copies exactes et de les redistribuer quand vous le souhaitez.</li> + <li>La liberté 3 est la liberté d'apporter votre contribution à votre +communauté. C'est la liberté de faire des copies de votre version modifiée, +si vous en avez fait une, et ensuite de les redistribuer à d'autres quand +vous le souhaitez.</li> +</ul> + +<p>Ces libertés ne seront adéquates que si elles s'appliquent à toutes les +activités de la vie. Par exemple, si l'on dit « ceci est libre pour les +usages éducatifs », ce n'est pas libre, parce que c'est trop restreint. Cela +ne s'applique pas à tous les domaines de la vie. En particulier, si un +programme est libre, cela veut dire qu'il peut être modifié et distribué +commercialement, parce que le commerce est un domaine de la vie, une +activité de la vie, et que cette liberté doit s'appliquer à toutes les +activités.</p> + +<p>Cependant, aucune de ces actions n'est obligatoire. L'important, c'est que +vous êtes libres de les faire si vous le souhaitez, quand vous le +souhaitez. Mais en aucun cas vous ne <em>devez</em> les faire. Aucune n'est +une obligation. Vous n'êtes pas obligé d'exécuter le programme, vous n'êtes +pas obligé d'étudier le code source ni de le changer. Vous n'êtes pas +obligé de faire des copies, vous n'êtes pas obligé de distribuer vos +versions modifiées. L'important, c'est que vous devez être libre de faire +ces choses <em>si vous le souhaitez</em>.</p> + +<p>Une remarque sur la liberté numéro 1, la liberté d'étudier et de changer le +code source pour que le programme fasse votre travail informatique comme +vous le souhaitez. Elle implique une chose qui pourrait ne pas sembler +évidente à première vue. Si le programme fait partie d'un produit et qu'un +développeur peut vous fournir une mise à jour fonctionnelle, alors vous +devez avoir la possibilité d'exécuter votre version dans ce produit. Si le +produit fait tourner uniquement la version du développeur et refuse de faire +tourner la vôtre, alors l'exécutable de ce produit n'est pas du logiciel +libre. Même s'il a été compilé à partir du code source, il n'est pas libre +parce que vous n'avez pas la liberté de faire fonctionner le programme comme +vous l'entendez. Donc la liberté 1 doit être effective, pas juste +théorique. Elle doit inclure la liberté d'utiliser <em>votre</em> version, +pas seulement la liberté de faire du code source qui ne fonctionne pas.</p> + +<h3 id="gnu"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Le projet GNU et le mouvement +du logiciel libre</h3> + +<p>J'ai lancé le mouvement du logiciel libre en 1983, quand j'ai annoncé le +projet de développer un système d'exploitation constitué de logiciel libre, +dont le nom est GNU. GNU, le nom GNU, est un jeu de mots, car l'esprit +hacker, pour une part, consiste à s'amuser même quand on fait des choses +<em>très</em> sérieuses. De fait, je ne peux penser à rien de plus +sérieusement important que de défendre la liberté.</p> + +<p>Mais cela ne voulait pas dire que je ne pouvais pas donner à mon système un +nom humoristique. Ainsi, GNU est un jeu de mots parce que c'est un acronyme +récursif qui signifie « GNU N'est pas Unix ». Donc G.N.U. = <cite>GNU's Not +Unix</cite>. Le G de GNU veut dire GNU.</p> + +<p>En fait, c'était une tradition à l'époque. La tradition voulait que, si vous +vous inspiriez d'un programme existant pour écrire quelque chose de +semblable, vous pouviez lui donner crédit en donnant comme nom à votre +programme un acronyme récursif disant que ce n'était pas l'autre +programme. Ainsi, j'ai donné crédit à Unix pour les idées techniques d'Unix, +mais au moyen du nom GNU. J'avais en effet décidé de faire de GNU un système +de la famille Unix, avec les mêmes commandes et les mêmes appels système, de +sorte qu'il soit compatible et que les utilisateurs d'Unix puissent migrer +facilement.</p> + +<p>Mais la raison du développement de GNU, elle, était originale. Autant que je +sache, GNU est le seul système d'exploitation qui ait jamais été développé +avec la liberté pour objectif. Pas pour des motifs techniques, pas pour des +motifs commerciaux. GNU a été écrit pour <em>votre</em> liberté, parce que +sans système d'exploitation libre il est impossible d'avoir la liberté en +utilisant un ordinateur. Et comme il n'y en avait pas et que je voulais que +les gens aient la liberté, c'était à moi qu'il revenait d'en écrire un.</p> + +<p>De nos jours, il y a des millions d'utilisateurs du système d'exploitation +GNU et la plupart <em>ne savent pas</em> qu'ils utilisent le système +d'exploitation GNU, parce qu'il y a un usage répandu qui n'est pas +sympa. Les gens appellent ce système « Linux ». Beaucoup le font, mais +quelques-uns ne le font pas et j'espère que vous êtes parmi ces derniers. Je +vous en prie, puisque nous avons ouvert la voie, puisque nous avons écrit le +plus gros morceau du code, veuillez nous donner mention équivalente, +veuillez appeler le système « GNU+Linux », ou « GNU/Linux ». Ce n'est pas +beaucoup demander.</p> + +<p>Mais il y a une autre raison à cela. Il se trouve que la personne qui a +écrit Linux, un des composants du système tel que nous l'utilisons +aujourd'hui, n'est pas d'accord avec le mouvement du logiciel libre. Par +conséquent, si vous appelez le système entier « Linux », vous amenez en fait +les gens à adopter ses idées et à s'éloigner des nôtres. Parce qu'il ne va +pas leur dire qu'ils méritent la liberté. Il va leur dire qu'il aime les +logiciels pratiques, fiables et puissants. Il va leur dire que là sont les +valeurs importantes.</p> + +<p>Mais si vous leur dites que le système est GNU+Linux – le système +d'exploitation GNU plus le noyau Linux – alors ils connaîtront notre +existence et il se pourrait qu'ils écoutent ce que nous disons. Vous méritez +la liberté et puisque la liberté disparaîtra si nous ne la défendons pas +– il y aura toujours un Sarkozy pour nous l'enlever – nous avons besoin +par-dessus tout d'apprendre aux gens à exiger la liberté, à être prêts à se +battre pour elle la prochaine fois que quelqu'un menacera de la leur +enlever.</p> + +<p>De nos jours, on peut reconnaître ceux qui ne veulent pas discuter de ces +idées de liberté parce qu'ils ne disent pas « logiciel libre ». Ils ne +disent pas « libre », ils disent <cite>open source</cite>. Ce terme a été +inventé par des gens comme M. Torvalds qui préféreraient que ces questions +éthiques ne soient pas soulevées. Ainsi, vous avez le moyen de nous aider à +les soulever en disant « libre ». Vous savez, c'est à vous de prendre +position, vous êtes libres de dire ce que vous pensez. Si vous êtes d'accord +avec eux, vous pouvez dire <cite>open source</cite>. Si vous êtes d'accord +avec nous, montrez-le, dites « libre »<a id="TransNote7-rev" +href="#TransNote7"><sup>7</sup></a> !</p> + +<h3 id="education"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Le logiciel libre dans +l'enseignement</h3> + +<p>S'agissant du logiciel libre, le point le plus important est que les écoles +<em>doivent</em> utiliser exclusivement des logiciels libres dans leur +enseignement. Les écoles de tous niveaux, de la maternelle à l'université, +c'est leur responsabilité morale d'utiliser uniquement des logiciels libres, +dans leur enseignement comme dans toutes les activités éducatives, y compris +celles dont on dit qu'elles développent l'alphabétisation +numérique. Beaucoup de ces activités enseignent Windows, ce qui signifie +qu'elles enseignent la <em>dépendance</em>. Apprendre aux gens à utiliser un +logiciel privateur, c'est leur apprendre la dépendance. Les activités +éducatives ne doivent jamais le faire parce que c'est contraire à leur +mission. Les activités éducatives ont une mission sociale : éduquer de bons +citoyens dans une société forte, compétente, solidaire, indépendante et +libre. Et dans le domaine de l'informatique, cela veut dire : enseigner le +logiciel libre ; ne jamais enseigner de programme privateur parce que cela +inculque la dépendance.</p> + +<p>Pourquoi pensez-vous que certains développeurs de logiciel privateur offrent +des copies gratuites aux écoles ? Ils veulent que les écoles rendent les +enfants dépendants. Et ensuite, quand ils obtiendront leur diplôme, ils +seront toujours dépendants et, vous savez, l'éditeur ne va pas leur offrir +de copies gratuites. Puis quelques-uns trouveront du travail dans une +entreprise. Plus beaucoup, mais quelques-uns. Et ces entreprises ne se +verront pas offrir de copies gratuites. Oh non ! L'idée sous-jacente, c'est +que si l'école pousse les élèves sur la pente de la dépendance permanente, +ils peuvent entraîner le reste de la société avec eux dans la +dépendance. C'est ça le plan ! C'est exactement comme d'offrir à l'école des +seringues gratuites pleines de drogues addictives en disant : « Injectez +ceci à vos élèves, la première dose est gratuite. Une fois qu'on est +dépendant, il faut payer. » Eh bien, l'école rejetterait les drogues parce +que c'est mal d'apprendre aux élèves à utiliser des drogues addictives. Elle +doit de même rejeter les logiciels privateurs. </p> + +<p>Quelques-uns disent : « Demandons aux écoles d'enseigner à la fois le +logiciel privateur et le logiciel libre, pour que les élèves se +familiarisent avec les deux. » C'est comme de dire « Pour déjeuner, donnons +aux gamins des épinards et du tabac, pour qu'ils s'accoutument aux deux. » +Non ! L'école est censée enseigner les bonnes habitudes, pas les mauvaises ! +Donc il ne doit pas y avoir Windows à l'école, pas de Macintosh, rien de +privateur dans l'enseignement.</p> + +<p>C'est également dans l'intérêt de l'enseignement de la programmation. Vous +voyez, certains élèves ont un don pour la programmation. À l'âge de dix ou +douze ans, typiquement, ils sont fascinés et s'ils utilisent un programme +ils veulent savoir : « Comment il fait ça ? » Mais quand ils demandent au +professeur, si c'est un logiciel privateur le professeur doit répondre : +« Je suis désolé, c'est un secret, nous n'avons aucun moyen de le +découvrir. » Ce qui veut dire que l'enseignement est interdit. Un programme +privateur est l'ennemi de l'esprit d'éducation. C'est de la rétention de +savoir, et donc cela ne doit pas être toléré à l'école – bien que +probablement il y ait là beaucoup de gens qui ne s'intéressent pas à la +programmation, qui ne veulent pas apprendre ce genre de chose. Quoi qu'il en +soit, comme c'est contraire à l'esprit d'éducation, cela n'a pas sa place à +l'école. </p> + +<p>Mais si le programme est libre, le professeur peut expliquer ce qu'il sait +et ensuite distribuer des copies du code source en disant : « Lisez-le et +vous comprendrez tout. » Et ceux qui sont vraiment passionnés, ils vont le +lire ! Cela leur donne une chance de commencer à apprendre à être de bon +programmeurs.</p> + +<p>Pour apprendre à être un bon programmeur, vous devez vous rendre compte que +certaines manières d'écrire le code, même si elles ont du sens pour vous et +qu'elles sont correctes, ne sont pas bonnes parce que les autres auront du +mal à les comprendre. Le bon code est un code clair, sur lequel les autres +travailleront facilement quand ils auront besoin de faire des changements +supplémentaires.</p> + +<p>Comment apprend-on à écrire un code bon et clair ? On le fait en lisant +beaucoup de code et en écrivant beaucoup de code. Et seul le logiciel libre +donne une chance de lire le code des grands programmes que nous utilisons +vraiment. Ensuite on doit écrire beaucoup de code, ce qui veut dire qu'on +doit écrire des modifications dans les grands programmes.</p> + +<p>Comment apprend-on à écrire du bon code pour les grands programmes ? On doit +commencer petit, ce qui ne veut <em>pas</em> dire « petit programme », oh +non ! Les défis que pose le codage des grands programmes, on n'en voit même +pas l'amorce dans les petits programmes. Donc la manière de commencer petit +dans le codage des grands programmes est d'écrire de petites modifications +dans de grands programmes. Et seul le logiciel libre vous donne une chance +de le faire !</p> + +<p>Donc une école qui veut offrir la possibilité d'apprendre à être un bon +programmeur doit être une école du logiciel libre.</p> + +<p>Mais il y a une raison plus sérieuse encore : c'est dans l'intérêt de +l'éducation morale, de l'éducation à la citoyenneté. Il n'est pas suffisant +qu'une école enseigne les faits et les techniques, elle doit enseigner +l'esprit de bonne volonté, l'habitude d'aider les autres. Par conséquent +chaque classe devrait avoir cette règle : « Étudiants, si vous apportez un +logiciel en classe, vous ne devez pas le garder pour vous, vous devez +partager des copies avec le reste de la classe, y compris le code source au +cas où quelqu'un ici voudrait apprendre. Parce que la classe est un endroit +où nous partageons notre savoir. Donc il n'est pas permis d'apporter de +logiciel privateur en classe. » L'école doit suivre ses propres règles pour +donner le bon exemple. Donc l'école ne doit fournir en classe que des +logiciels libres et partager des copies, y compris le code source, avec +quiconque souhaite en avoir.</p> + +<p>Ceux d'entre vous qui sont en relation avec une école, c'est <em>votre</em> +devoir de faire campagne pour pousser l'école à migrer vers le logiciel +libre. Et vous devez être fermes. Cela peut prendre des années, mais vous +pouvez réussir si vous ne renoncez jamais. Cherchez sans arrêt des alliés +parmi les élèves, les enseignants, le personnel, les parents, n'importe +qui ! Et présentez toujours le sujet sur le plan éthique. Si quelqu'un +d'autre veut faire dévier la discussion vers tel ou tel avantage ou +inconvénient pratique, ce qui montre qu'il laisse de côté la question la +plus importante, alors vous devez dire : « Le sujet n'est pas comment faire +le meilleur travail d'enseignement, mais comment donner un enseignement qui +soit bon plutôt que nocif, comment faire de l'enseignement bien plutôt que +mal, pas simplement comment le rendre un peu plus ou un peu moins +efficace. » Donc ne vous laissez pas distraire par ces questions secondaires +qui vous feraient passer sous silence ce qui compte vraiment !</p> + +<h3 id="services"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Les services sur Internet</h3> + +<p>Passons à la menace suivante. Les services sur Internet soulèvent deux +problèmes. Le premier, c'est que le serveur pourrait nuire à vos données et +le second, qu'il pourrait prendre le contrôle de vos tâches informatiques.</p> + +<p>Le premier problème, les gens le connaissent déjà. Ils sont conscients que, +s'ils envoient des données à un service sur Internet, ils ne savent pas ce +que ce service va faire de ces données. Il pourrait faire des choses qui +leur nuisent. Que pourrait-il faire ? Il pourrait perdre les données, il +pourrait modifier les données, il pourrait refuser de les leur +rendre. Enfin, il pourrait aussi montrer les données à une autre personne à +qui ils ne veulent pas les montrer. Quatre possibilités.</p> + +<p>Je parle ici des données qu'ils <em>savent</em> avoir confiées à ce +site. Naturellement, beaucoup de ces services font également de la +<em>surveillance</em>.</p> + +<p>Prenez Facebook, par exemple. Les utilisateurs envoient des tas de données +sur Facebook et l'un des défauts de ce service est qu'il montre une bonne +partie de ces données à des tas de gens. Même s'il propose une configuration +pour dire non, il est possible que ça ne marche pas vraiment. Après tout, si +vous dites « Certaines autres personnes peuvent voir cette information », +l'une d'elles pourrait la publier. Cela dit, ce n'est pas la faute de +Facebook. Ce service ne peut rien faire pour l'empêcher, mais il devrait +prévenir les gens. Au lieu de dire « Marquez ceci comme étant destiné +uniquement à vos soi-disant amis », il devrait dire « Gardez à l'esprit que +vos soi-disant amis ne sont pas vraiment vos amis et que, s'ils veulent vous +causer des ennuis, ils peuvent publier ceci. » Il devrait dire ça à chaque +fois s'il voulait traiter les gens de manière éthique.</p> + +<p>Outre les données que les utilisateurs lui donnent volontairement, Facebook +collecte des données sur les activités des gens sur le net par diverses +méthodes de surveillance. Mais pour l'instant je parle de données dont les +gens <em>savent</em> qu'ils les confient à ces sites.</p> + +<p>Voyons d'abord la perte de données. Cela peut toujours arriver +accidentellement ; la possibilité existe toujours, quelles que soient les +précautions prises. Par conséquent, il est nécessaire de garder plusieurs +copies des données importantes. Si vous faites ça, même si quelqu'un +décidait intentionnellement d'effacer vos données, cela ne vous pénaliserait +pas trop parce que vous en auriez d'autres copies.</p> + +<p>Ainsi, tant que vous conservez plusieurs copies vous n'avez pas trop à vous +inquiéter que quelqu'un perde vos données. Qu'en est-il de leur +rapatriement ? Eh bien, certains services permettent de récupérer toutes les +données que vous avez envoyées et d'autres non. Les services de Google +laissent l'utilisateur récupérer toutes les données qu'il a placées chez +eux. Pour Facebook, notoirement, ce n'est pas le cas.</p> + +<p>Naturellement, dans le cas de Google cela s'applique seulement aux données +dont l'utilisateur <em>sait</em> que Google les possède. Google fait par +ailleurs beaucoup de surveillance et ces données-là ne sont pas prises en +compte. Mais en tout cas, si vous pouvez récupérer les données, alors vous +pouvez détecter si elles ont été altérées. Et il est peu probable qu'ils +commencent à altérer les données des gens si les gens peuvent s'en rendre +compte. Ainsi nous pouvons détecter ce type particulier d'abus.</p> + +<p>Mais l'abus qui consiste à montrer vos données à quelqu'un à qui vous ne +voulez pas les montrer est très courant. Il vous est presque impossible de +l'éviter, en particulier si c'est une entreprise américaine. Vous voyez, la +loi américaine appelée <cite>USA Patriot Act</cite>, dénomination des plus +hypocrites, dit que la police de Big Brother peut collecter à peu près +toutes les données qu'une entreprise conserve sur les particuliers. Pas +juste les entreprises mais aussi les autres organisations, comme les +bibliothèques publiques. La police peut obtenir ces données en quantité, +sans même passer par un tribunal. Dans un pays fondé sur l'idée de liberté, +il n'y a rien de moins patriotique. Mais c'est ce qu'ils ont fait. Aussi +vous ne devez à aucun moment confier vos données à une entreprise +américaine. Et l'on dit que leurs succursales sont également assujetties à +cette loi. Ainsi l'entreprise avec laquelle vous traitez directement est +peut-être en Europe, mais si elle appartient à une société américaine, vous +êtes confronté au même problème.</p> + +<p>Cependant, c'est surtout un souci quand les données que vous envoyez au +service ne sont pas destinées à la publication. Il y a des services où vous +publiez des documents. Naturellement, si vous publiez quelque chose, vous +savez que quelqu'un aura la possibilité de le voir. Aussi ne peuvent-ils +aucunement vous léser en le montrant à quelqu'un qui n'était pas censé le +voir. Il n'y a personne qui ne soit pas censé le voir si vous le +publiez. Par conséquent, le problème n'existe pas dans ce cas.</p> + +<p>Voilà donc les quatre sous-catégories de cette menace particulière, +l'utilisation abusive de nos données. Le principe du projet <cite>Freedom +Box</cite> est que vous avez votre propre serveur à votre domicile personnel +et que, si vous voulez faire quelque chose à distance, vous le faites avec +votre propre serveur. La police a alors besoin d'une ordonnance du tribunal +pour fouiller votre serveur. Ainsi vous avez les mêmes droits que vous +auriez traditionnellement dans le monde physique.</p> + +<p>Le point essentiel, sur ce sujet comme sur tant d'autres, est celui-ci : le +remplacement progressif de l'action physique par l'action numérique ne +devrait nous faire perdre aucun de nos droits ; parce que la tendance +générale, c'est que nous perdons effectivement des droits.</p> + +<p>La loi de Stallman dit essentiellement ceci : à une époque où les +gouvernements travaillent pour les mégacorporations au lieu de rendre des +comptes à leurs concitoyens, tout changement technologique peut servir à +réduire la liberté. Parce que réduire notre liberté est ce que veulent faire +ces gouvernements. Aussi la question se pose : quand en auront-ils +l'occasion ? Eh bien, tout changement se produisant pour une autre raison +est une opportunité et ils vont en tirer parti si ça les arrange.</p> + +<p>L'autre problème des services sur Internet est qu'ils peuvent prendre le +contrôle de votre informatique. Ce n'est généralement pas très connu, mais +c'est de plus en plus courant. Il y a des services qui se proposent de faire +des travaux informatiques à votre place avec les données que vous fournissez +– travaux que vous devriez faire sur votre propre ordinateur, mais ils vous +invitent à les faire faire par l'ordinateur de quelqu'un d'autre. Le +résultat, c'est que vous ne les contrôlez plus. C'est exactement comme si +vous utilisiez un programme non libre.</p> + +<p>Deux scénarios différents, mais qui conduisent au même problème. Si vous +faites vos travaux informatiques avec un programme non libre… eh +bien, les utilisateurs ne contrôlent pas un programme non libre, ces +derniers contrôlent les utilisateurs, y compris vous. Ainsi vous avez perdu +le contrôle des travaux effectués. Mais si vous les faites sur le serveur de +quelqu'un… eh bien, les programmes qui les effectuent sont ceux qu'il +a choisis. Vous ne pouvez pas les toucher ni les voir, donc vous n'avez +aucun contrôle sur eux. C'est lui qui en a le contrôle… peut-être.</p> + +<p>Si ce sont des logiciels libres qu'il a installés, alors il en a le +contrôle. Mais même lui peut ne pas les contrôler. Il fait peut-être tourner +un logiciel privateur sur son serveur, auquel cas c'est quelqu'un d'autre +qui a le contrôle des travaux effectués. Il ne les contrôle pas, et vous non +plus.</p> + +<p>Mais supposez qu'il installe un programme libre, alors il a le contrôle des +travaux effectués sur son serveur, mais vous ne l'avez pas. Donc, dans les +deux cas, <em>vous ne l'avez pas !</em> Ainsi la seule façon d'avoir le +contrôle de vos travaux informatiques est de les faire avec <em>votre +copie</em> d'un programme libre.</p> + +<p>La pratique décrite plus haut est appelée <cite>Software as a +Service</cite>,<a id="TransNote8-rev" href="#TransNote8"><sup>8</sup></a> ou +SaaS. Elle consiste à travailler avec vos données sur le serveur de +quelqu'un d'autre et je ne connais rien qui puisse rendre cela +acceptable. Cela vous enlève toujours la liberté et la seule solution que je +connaisse est de refuser. Par exemple, il y a des serveurs qui font de la +traduction ou de la reconnaissance vocale et on les laisse prendre le +contrôle de cette activité informatique, ce qu'on ne devrait jamais faire.</p> + +<p>Naturellement, nous leur fournissons aussi des données sur nous qu'ils ne +devraient pas posséder. Imaginez que vous ayez une conversation avec +quelqu'un à travers un système de reconnaissance vocale et de traduction, +fonctionnant comme SaaS, qui tourne en fait sur le serveur d'une +société. Cette entreprise est en position de savoir ce qui se dit au cours +de la conversation, et si c'est une entreprise américaine, cela veut dire +que Big Brother aussi. Ce n'est pas bon.</p> + +<h3 id="voting"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Le vote par ordinateur</h3> + +<p>La menace suivante contre nos libertés dans la société numérique est +l'utilisation d'ordinateurs pour voter. Vous ne pouvez pas faire confiance à +des ordinateurs pour cela. Toute personne qui contrôle le logiciel de ces +ordinateurs a le pouvoir de commettre une fraude indécelable.</p> + +<p>Les élections ont une particularité : nous ne pouvons avoir entièrement +confiance en aucun des intervenants. Chacun doit être surveillé, +contre-surveillé par les autres, de sorte que personne ne soit en mesure de +falsifier les résultats par lui-même. Car si quelqu'un en a la possibilité, +il pourrait passer à l'action. C'est pourquoi nos systèmes de vote sont +conçus pour ne faire entièrement confiance à personne, pour que chacun soit +surveillé par les autres de sorte que personne ne puisse frauder +aisément. Mais une fois que vous avez introduit un programme, c'est +impossible.</p> + +<p>Comment pouvez-vous savoir si une machine à voter compte honnêtement les +votes ? Il faudrait étudier le programme qui la fait fonctionner pendant +l'élection, chose que naturellement personne ne peut faire et qui de toute +façon est hors de portée de la plupart des gens. Même les experts, qui +théoriquement seraient capables d'étudier le programme, ne peuvent pas le +faire pendant que les gens sont en train de voter. Ils devraient le faire à +l'avance, et alors comment savoir que le programme qu'ils ont étudié est le +même qui est en fonctionnement pendant le vote ? Peut-être qu'il a été +modifié.</p> + +<p>De plus, si le programme est privateur, cela signifie qu'une entreprise en a +le contrôle. L'autorité électorale ne peut même pas dire ce que fait ce +programme. Cette entreprise pourrait alors truquer l'élection. Des +accusations ont été lancées, affirmant que c'est arrivé aux États-Unis dans +la dernière décennie et que des résultats d'élections ont été falsifiés de +cette façon.</p> + +<p>Mais si le programme est un logiciel libre ? Cela veut dire que l'autorité +électorale propriétaire de cette machine à voter a le contrôle du logiciel +qui est à l'intérieur et peut donc truquer l'élection. On ne peut pas lui +faire confiance non plus. On n'ose faire confiance à <em>personne</em> pour +un vote, parce qu'il n'y a aucun moyen pour les votants de vérifier par +eux-mêmes que leurs votes ont été correctement comptés et que des votes +erronés n'ont pas été ajoutés.</p> + +<p>Dans d'autres activités de la vie, vous pouvez d'habitude vous rendre compte +si quelqu'un essaie de vous tromper. Prenez par exemple l'achat d'un article +dans un magasin. Vous commandez quelque chose, peut-être que vous donnez un +numéro de carte de crédit. Si l'article n'est pas livré, vous pouvez vous +plaindre et vous pouvez… naturellement, si vous avez assez de mémoire +vous remarquerez que cet article n'est pas livré. Vous ne faites pas +confiance aveuglément au magasin, parce que vous pouvez vérifier. Mais dans +les élections vous ne pouvez pas vérifier.</p> + +<p>Une fois, j'ai lu un article où quelqu'un décrivait un système théorique de +vote, basé sur des calculs sophistiqués, qui permettait aux gens de vérifier +que leurs votes avaient bien été comptés tout en gardant secrets les votes +de chacun, et aussi de vérifier qu'aucun vote erroné n'avait été +ajouté. Cette mathématique était enthousiasmante, puissante ; mais même si +ces calculs sont corrects, cela ne veut pas dire que ce système serait +acceptable en pratique, parce que les vulnérabilités d'un système réel se +situent à un autre niveau. Supposez par exemple que vous votiez par Internet +et que vous utilisiez une machine zombie. Elle pourrait vous dire qu'elle a +envoyé un vote pour A alors qu'elle envoie un vote pour B. Qui sait si vous +le découvririez jamais ? En pratique, la seule façon de voir si ces systèmes +fonctionnent et sont honnêtes est de les essayer et de vérifier le résultat +par d'autres moyens, ceci sur des années, des décennies en fait.</p> + +<p>Je ne voudrais pas que mon pays soit pionnier en ce domaine. Donc, utilisez +du papier pour voter. Assurez-vous qu'il y a des bulletins qu'on puisse +recompter.</p> + +<h4>Note du conférencier, ajoutée par la suite</h4> + +<p>Le vote à distance par Internet renferme un danger sociétal intrinsèque, +celui que votre patron vous dise : « Je veux que tu votes pour le +candidat C, et ce depuis l'ordinateur de mon bureau afin que je puisse te +voir. » Il n'a pas besoin de dire à voix haute que vous pouvez être viré si +vous ne vous conformez pas à ses attentes. Ce danger ne repose pas sur un +défaut technique et ne peut donc pas être corrigé par une amélioration +technologique.</p> + + +<h3 id="sharing"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> La guerre contre le partage</h3> + +<p>La menace suivante contre notre liberté dans une société numérique provient +de la guerre contre le partage.</p> + +<p>L'un des avantages énormes de la technologie numérique est qu'il est facile +de copier les œuvres publiées et d'en partager des copies avec les +autres. Le partage est bon et, avec la technologie numérique, le partage est +facile. Ainsi des millions de personnes partagent. Ceux qui tirent profit de +leur pouvoir sur la distribution de ces œuvres ne veulent pas que nous +partagions. Et puisque ce sont des industriels, les gouvernements qui ont +trahi leurs peuples et travaillent pour l'Empire des mégacorporations +essaient de servir ces industriels. Ils sont contre leur propre peuple, ils +sont pour l'industrie, pour les éditeurs.</p> + +<p>Eh bien, ce n'est pas bon. Avec l'aide de ces gouvernements, les sociétés +d'édition se sont mises en <em>guerre</em> contre le partage et ont proposé +une série de mesures cruelles, draconiennes. Pourquoi proposent-elles des +mesures cruelles et draconiennes ? Parce que rien d'autre n'a de chance de +réussir. Quand une chose est bonne et facile, les gens la font. La seule +manière de les arrêter est d'être très méchant. Aussi, naturellement, ce +qu'elles proposent est méchant, vicieux, et la suite plus vicieuse +encore. Ainsi elles ont essayé de poursuivre des ados pour des centaines de +milliers de dollars. C'était plutôt vicieux. Et elles ont essayé de +retourner notre technologie contre nous, ce qui veut dire DRM, menottes +numériques.</p> + +<p>Mais dans la population il y avait aussi des programmeurs habiles qui ont +trouvé moyen de briser les menottes. Par exemple, les DVD ont été conçus +pour contenir des films chiffrés dans un format secret. Cela partait de +l'idée que tous les programmes de déchiffrage de la vidéo seraient +privateurs et pourvus de menottes numériques. Ils seraient tous conçus pour +imposer des restrictions aux utilisateurs. Et ce stratagème a fonctionné +quelque temps. Mais quelques personnes en Europe ont cassé le chiffrement et +publié un programme libre qui pouvait parfaitement jouer la vidéo du DVD.</p> + +<p>Eh bien, l'industrie cinématographique n'en est pas restée là. Elle est +allée voir le Congrès américain et a acheté une loi qui rendait ce logiciel +illégal. Les États-Unis ont inventé la censure du logiciel en 1998, avec la +loi dite <abbr title="Digital Millennium Copyright Act">DMCA</abbr>.<a +id="TransNote9-rev" href="#TransNote9"><sup>9</sup></a> Ainsi la +distribution de ce programme libre a été interdite aux +États-Unis. Malheureusement, cela ne s'est pas arrêté là. L'Union européenne +a adopté une directive, en 2003 je crois, exigeant des lois similaires. La +directive disait seulement que la distribution commerciale devait être +bannie, mais chaque État de l'Union européenne, à peu d'exceptions près, a +adopté une loi encore plus vicieuse. En France, la simple possession d'une +copie de ce programme est un délit puni d'emprisonnement, grâce à +Sarkozy. Je crois que c'est la loi DADVSI qui a fait ça. Il espérait, je +parie, qu'avec un nom aussi imprononçable les gens ne pourraient pas la +critiquer. [rires]</p> + +<p>Donc les élections approchent. Demandez aux candidats de chaque parti : +« Allez-vous repousser la loi DADVSI ? » Si la réponse est non, ne les +soutenez pas. Vous ne devez pas abandonner à jamais le territoire moral +perdu. Vous devez vous battre pour le regagner.</p> + +<p>Ainsi notre lutte contre les menottes numériques continue. Le Swindle +d'Amazon a des menottes numériques qui ôtent au lecteur ses libertés +traditionnelles de faire des choses comme de donner ou prêter un livre à +quelqu'un d'autre. C'est un acte social d'importance vitale, c'est le ciment +de la société des lecteurs, le prêt de livres. Amazon ne veut pas laisser +les gens prêter des livres librement. Et puis il y a aussi la vente de +livres, peut-être à un bouquiniste. On ne peut pas faire ça non plus.</p> + +<p>Il a semblé pendant quelque temps que les dispositifs de DRM avaient disparu +de la musique, mais maintenant ils réapparaissent avec les services de +streaming comme Spotify. Ces services exigent tous un logiciel client +privateur ; la raison en est qu'ils peuvent ainsi mettre des menottes +numériques aux utilisateurs. Donc, rejetez-les ! Ils ont déjà démontré très +clairement qu'on ne peut pas leur faire confiance, parce qu'au début ils ont +dit : « Vous pouvez écouter autant que vous voulez. » Et plus tard ils ont +dit : « Oh, non ! Vous ne pouvez écouter qu'un certain nombre d'heures par +mois. » Que ce changement particulier ait été bon ou mauvais, juste ou +injuste, ce qui compte est qu'ils ont le pouvoir d'imposer des changements +de politique. Ne les laissez pas prendre ce pouvoir. Vous devez posséder +votre <em>propre</em> copie de toute musique que vous voulez écouter.</p> + +<p>Puis est arrivé l'assaut suivant contre notre liberté : Hadopi, +essentiellement la punition basée sur l'accusation. Elle a débuté en France +mais a été exportée vers beaucoup d'autres pays. Les États-Unis exigent +maintenant des politiques injustes comme celle-là dans les accords de +« libre exploitation ». Il y a quelques mois, la Colombie a adopté une loi +similaire sur ordre de ses maîtres de Washington. Naturellement, ceux de +Washington ne sont pas les vrais maîtres, ils ne font que contrôler les +États-Unis au nom de l'Empire. Mais ce sont eux qui ont donné leurs ordres à +la Colombie au nom de l'Empire.</p> + +<p>En France, depuis que le Conseil constitutionnel a retoqué le fait de punir +les gens en absence explicite de procès, ils ont inventé un genre de procès +qui n'est pas un vrai procès ; c'est juste un simulacre, pour pouvoir +<em>prétendre</em> que les gens ont un procès avant d'être punis. Mais dans +les autres pays ils ne s'embarrassent pas de ça, il s'agit explicitement de +punition basée sur l'accusation seule. Ce qui veut dire que, dans l'intérêt +de leur guerre contre le partage, ils sont prêts à abolir les principes de +base de la justice. Cela montre à quel point ils sont opposés à la liberté +et à la justice. Ce ne sont pas des gouvernements légitimes.</p> + +<p>Et je suis sûr qu'ils proposeront d'autres idées vicieuses parce qu'ils sont +payés pour vaincre le peuple quel qu'en soit le prix. Cela dit, quand ils le +font, ils disent toujours que c'est dans l'intérêt des artistes, qu'ils +doivent « protéger » les « créateurs ». Ces deux termes sont destinés à la +propagande. Je suis convaincu qu'ils adorent le mot « créateurs » à cause de +l'analogie avec une divinité. Ils veulent nous faire penser aux artistes +comme à des surhommes qui, de ce fait, méritent leurs privilèges +particuliers et leur pouvoir sur nous ; c'est une chose avec quoi je ne suis +pas d'accord.</p> + +<p>En réalité, les seuls artistes qui tirent largement profit de ce système +sont les grandes stars ; les autres artistes se font piétiner par ces mêmes +éditeurs. Ces derniers traitent très bien les stars parce qu'elles ont +beaucoup de poids. Si une star menace de le quitter pour aller chez un +concurrent, l'éditeur dit : « C'est bon, nous vous donnerons ce que vous +voulez. » Mais pour n'importe quel autre artiste, il dit : « Vous ne comptez +pas, nous pouvons vous traiter comme ça nous chante. »</p> + +<p>Ainsi les superstars ont été corrompues par les millions de dollars ou +d'euros qu'elles reçoivent, au point qu'elles feraient à peu près n'importe +quoi pour plus d'argent. J. K. Rowling en est un bon exemple. Il y a +quelques années, elle est allée au tribunal au Canada et a obtenu un référé +disant que les gens qui avaient acheté ses livres ne devaient pas les +lire. Elle a obtenu un jugement enjoignant aux gens de ne pas lire ses +livres.</p> + +<p>Voilà comment ça s'est passé. Un libraire a mis les livres en rayon trop +tôt, avant la date où ils étaient censés être mis en vente. Les gens sont +venus dans la boutique et ont dit : « Oh, je veux ceci. » Ils l'ont acheté +et ont emporté leurs exemplaires. Ensuite, l'erreur a été découverte et les +livres retirés du rayon. Mais Rowling voulait éliminer toute circulation +d'information sur ces livres, alors elle est allée au tribunal et le +tribunal a ordonné à ces personnes de ne pas lire des livres dont ils +étaient désormais propriétaires.</p> + +<p>En réponse, j'appelle à un boycott complet de Harry Potter. Mais je ne dis +pas que vous ne devez pas lire ces livres ni voir les films. Je dis +seulement que vous ne devez pas acheter les livres ni payer pour les +films. [rires] Je laisse à Rowling le soin de dire aux gens de ne pas lire +les livres. En ce qui me concerne, si vous empruntez le livre pour le lire, +c'est OK. [rires] Seulement, ne lui donnez pas d'argent ! C'est arrivé avec +des livres en papier. Le tribunal pouvait rendre son jugement, mais il ne +pouvait pas récupérer les livres chez les gens qui les avaient +achetés. Imaginez que ce soit des ebooks. Imaginez que ce soit des ebooks +sur le Swindle. Amazon aurait pu envoyer des commandes pour les effacer.</p> + +<p>Donc je n'ai pas beaucoup de respect pour les stars qui se donnent autant de +mal pour obtenir plus d'argent. Mais la plupart des artistes ne sont pas +comme ça, ils n'ont jamais eu assez d'argent pour être corrompus parce que +le système actuel du copyright les soutient très mal. Alors, quand +l'industrie exige l'extension de la guerre contre le partage, soi-disant +dans l'intérêt des artistes, je suis opposé à ce qu'ils demandent, mais je +voudrais mieux financer les artistes. J'apprécie leur travail et reconnais +que, si nous voulons qu'ils produisent plus d'œuvres, nous devons les +soutenir.</p> + +<h3 id="arts"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Comment soutenir les arts</h3> + +<p>Je fais deux propositions pour soutenir les artistes, des méthodes +compatibles avec le partage qui nous permettraient de mettre fin à la guerre +contre le partage tout en finançant les artistes.</p> + +<p>L'une des méthodes est d'utiliser la recette des taxes. Il y a une certaine +quantité de fonds publics à distribuer entre les artistes. Mais combien +faut-il que chacun reçoive ? Il faut mesurer sa popularité. Vous voyez, le +système actuel est censé soutenir les artistes en se basant sur leur +popularité. Alors je dis : gardons ce principe, continuons à utiliser ce +système basé sur la popularité. Nous pouvons mesurer la popularité de tous +les artistes avec une sorte d'enquête ou d'échantillonnage, pour ne pas +avoir à faire de surveillance. Nous pouvons respecter l'anonymat des gens.</p> + +<p>OK. Nous obtenons une mesure brute de la popularité de chaque +artiste. Comment fait-on pour la convertir en quantité d'argent ? La méthode +évidente est de distribuer l'argent en proportion de la popularité. De cette +façon, si A est mille fois plus populaire que B, il recevra mille fois plus +d'argent que B. Ce n'est pas une distribution efficace de l'argent. Cela +n'en fait pas bon usage. Il est facile pour une star d'être mille fois plus +populaire qu'un artiste à succès moyen. Si nous utilisons la proportion +linéaire, ou bien nous devons rendre A immensément riche, ou bien nous +n'accordons pas à B un financement suffisant.</p> + +<p>L'argent que nous utilisons pour rendre A immensément riche ne sert pas au +soutien effectif des arts, donc il est inefficace. Par conséquent je dis : +utilisons la racine cubique. La racine cubique ressemble à ceci. Le principe +est le suivant : si A est mille fois plus populaire que B, avec la racine +cubique il va recevoir dix fois plus d'argent que B, pas mille fois plus, +seulement dix fois plus. L'utilisation de la racine cubique transfère +beaucoup d'argent des stars vers les artistes à popularité moyenne. Et cela +veut dire qu'avec moins d'argent on peut financer correctement un nombre +beaucoup plus grand d'artistes.</p> + +<p>Il y a deux raisons pour lesquelles ce système utiliserait beaucoup moins +d'argent que ce que nous payons actuellement. D'abord il financerait les +artistes et non l'industrie, deuxièmement il transférerait l'argent des +stars vers les artistes à popularité moyenne. Cela dit, il resterait vrai +que plus on est populaire, plus on reçoit d'argent. Ainsi la star A +continuerait à recevoir plus que B, mais pas de manière astronomique.</p> + +<p>C'est l'une des méthodes. Comme cela ne représente pas tellement d'argent, +la manière dont nous obtenons ces fonds n'a pas trop d'importance. Ce +pourrait être une taxe sur la connexion Internet, ce pourrait être +simplement une partie du budget général qui serait allouée à cette +destination. Ce ne sera pas un souci parce que cela ne représentera pas +tellement d'argent, beaucoup moins que ce que nous payons actuellement.</p> + +<p>L'autre méthode que j'ai proposée consiste en paiements +volontaires. Supposez que chaque lecteur multimédia ait un bouton dont on +pourrait se servir pour envoyer un euro. Beaucoup de gens le feraient, après +tout ce n'est pas beaucoup d'argent. Je pense que beaucoup d'entre vous +pourraient pousser ce bouton chaque jour, pour donner un euro à un artiste +qui aurait produit une œuvre que vous aimez. Mais il n'y aurait aucune +obligation, personne ne vous demanderait, ne vous ordonnerait, ou ne vous +presserait d'envoyer cet argent ; vous le feriez parce que vous en auriez +envie. Mais il y a des gens qui ne le feraient pas parce qu'ils sont pauvres +et qu'ils ne peuvent pas se permettre d'envoyer un euro. Et c'est bien +qu'ils ne le donnent pas, nous ne devons pas pressurer les pauvres gens pour +soutenir les artistes. Il y a assez de gens aisés qui seront heureux de le +faire. Pourquoi ne donneriez-vous pas un euro à quelques artistes +aujourd'hui si vous appréciez leur œuvre ? Parce que c'est trop peu pratique +de le leur donner. C'est pourquoi je propose de rendre cela plus +pratique. Si votre seule raison de ne pas donner cet euro est que vous +auriez un euro de moins, vous le feriez assez souvent.</p> + +<p>Voilà donc les deux méthodes que je propose pour soutenir les artistes tout +en encourageant le partage, parce que le partage est bon. Mettons fin à la +guerre contre le partage. Les lois comme DADVSI et Hadopi, ce n'est pas +seulement les méthodes qu'elles proposent qui sont mauvaises, c'est leur +objectif qui est mauvais. C'est pourquoi elles proposent des mesures +cruelles et draconiennes. Ce qu'elles essaient de faire est vicieux par +nature. Donc soutenons les artistes d'une autre manière.</p> + +<h3 id="rights"><a href="#TOC" class="nounderline">↑</a> Nos droits dans le +cyberespace</h3> + +<p>La dernière des menaces contre nos libertés dans la société numérique est le +fait que, dans le cyberespace, nous ne sommes pas assurés d'avoir le droit +de faire les choses que nous faisons. Dans le monde physique, si vous avez +certaines opinions et que vous voulez donner aux gens des exemplaires d'un +texte qui défend ces opinions, vous êtes libres de le faire ; vous pourriez +même acheter une imprimante pour les imprimer. Vous êtes libres de les +distribuer dans la rue, ou bien vous êtes libres de louer une boutique pour +les distribuer. Si vous voulez récolter de l'argent pour soutenir votre +cause, vous pouvez simplement tendre une boîte de conserve dans laquelle les +gens peuvent mettre de l'argent. Vous n'avez pas besoin de l'approbation et +de la coopération de quelqu'un d'autre pour faire ça.</p> + +<p>Mais sur Internet, c'est <em>nécessaire</em>. Par exemple, si vous voulez +distribuer un texte sur Internet, vous avez besoin de l'industrie pour vous +aider à le faire. Vous ne pouvez pas le faire par vous-même. Si vous avez un +site web, vous avez besoin de l'infrastructure d'un FAI ou d'un hébergeur, +ainsi que d'un registre de noms de domaine. Vous avez besoin qu'ils vous +laissent poursuivre ce que vous êtes en train de faire. Donc vous ne le +faites pas par droit mais par tolérance.</p> + +<p>Et si vous voulez recevoir de l'argent, vous ne pouvez pas vous contenter de +tendre une boîte de conserve. Vous avez besoin de la coopération d'une +société de paiement. Nous avons constaté que de ce fait toutes les activités +numériques sont susceptibles d'être réprimées. Nous l'avons appris quand le +gouvernement des États-Unis a lancé une attaque par « déni de service +distribué » (<abbr title="Distributed Denial of Service">DDoS</abbr>) contre +WikiLeaks. Ici je fais une sorte de jeu de mots parce que l'expression +« déni de service distribué » se rapporte d'habitude à une autre sorte +d'attaque. Mais cela s'applique parfaitement à ce qu'ont fait les +États-Unis. Ils sont allés voir divers services réseau dont WiliLeaks +dépendait et leur ont enjoint de discontinuer le service à WikiLeaks. Et +c'est ce qu'ils ont fait !</p> + +<p>Par exemple, WikiLeaks avait loué un serveur virtuel chez Amazon et le +gouvernement américain a dit à Amazon : « Arrêtez le serveur de WikiLeaks. » +Et Amazon l'a fait, de manière arbitraire. Amazon avait certains noms de +domaine comme <cite>wikileaks.org</cite> ; le gouvernement américain a +essayé de faire fermer tous ces domaines, mais il n'a pas réussi. Certains +étaient hors de son contrôle et n'ont pas été fermés.</p> + +<p>Puis il y a eu les sociétés de paiement. Les États-Unis sont allés voir +PayPal et ont dit : « Arrêtez de transférer de l'argent à WikiLeaks ou nous +allons vous gâcher la vie. » Et PayPal a coupé les paiements à +WikiLeaks. Ensuite ils se sont tournés vers Visa et Mastercard et leur ont +fait stopper les paiements à WikiLeaks. D'autres ont commencé à récolter de +l'argent pour le compte de WikiLeaks et leur compte a été fermé +également. Mais dans ce cas-là, peut-être qu'on peut faire quelque chose. Il +y a une société en Islande qui a commencé à récolter de l'argent pour le +compte de WikiLeaks, et donc Visa et Mastercard ont fermé son compte ; elle +ne pouvait pas non plus recevoir d'argent de ses clients. Mais il semble +qu'à l'heure actuelle cette entreprise soit en train de poursuivre Visa et +Mastercard en justice selon la loi européenne parce que Visa et Mastercard, +conjointement, ont un semi-monopole. Ils ne sont pas autorisés à refuser +arbitrairement leurs services à quiconque.</p> + +<p>Eh bien, c'est un exemple de la manière de procéder dans toutes sortes de +services que nous utilisons sur Internet. Si vous avez loué une boutique et +distribuez des textes exposant vos opinions, ou tout autre genre +d'information que vous pouvez distribuer légalement, le propriétaire ne peut +pas vous jeter dehors parce qu'il n'aime pas ce que vous dites. Tant que +vous continuez à payer le loyer, vous avez le droit de poursuivre vos +activités dans cette boutique pendant une certaine période définie par un +contrat que vous avez signé. Ainsi, vous avez certains droits que vous +pouvez faire valoir. Et ils ne pourraient pas vous couper le téléphone sous +prétexte que l'opérateur téléphonique n'aime pas ce que vous dites, ou +qu'une organisation puissante quelconque n'aime pas ce que vous dites et +menace l'opérateur. Non ! Tant que vous payez les factures et que vous +obéissez à certaines règles de base, ils ne peuvent pas vous couper le +téléphone. Voilà ce que c'est que d'avoir certains droits.</p> + +<p>Si nous déplaçons nos activités du monde physique vers le monde virtuel, +alors, ou bien nous avons les mêmes droits dans le monde virtuel, ou bien +nous avons été floués. Ainsi, la précarité de toutes nos activités sur +Internet est la dernière des menaces dont je voulais parler.</p> + +<p>Maintenant, je voudrais dire que pour plus amples renseignements sur le +logiciel libre, vous pouvez allez voir gnu.org. Jetez un œil également à +fsf.org, qui est le site web de la <cite>Free Software +Foundation</cite>. Vous y trouverez entre autres de nombreux moyens de nous +aider. Vous pouvez adhérer à la <cite>Free Software Foundation</cite> sur ce +site. [...] Il y a aussi la <cite>Free Software Foundation of Europe</cite>, +fsfe.org. Vous pouvez également adhérer à la FSF-Europe. […]</p> + +<div class="column-limit"></div> +<h3 id="footnotes" style="font-size: 1.2em">Note</h3> + +<ol> + <li id="f1">En 2017, les derniers brevets encore valides sur la lecture des fichiers MP3 +ont, semble-t-il, expiré.</li> +</ol> + +<div class="translators-notes"> + +<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.--> +<hr /><b>Notes de traduction</b><ol id="translator-notes-alpha"> +<li><a id="TransNote1" href="#TransNote1-rev" +class="nounderline">↑</a> Téléphone espion.</li> +<li><a id="TransNote2" href="#TransNote2-rev" +class="nounderline">↑</a> En français dans le texte original.</li> +<li><a id="TransNote3" href="#TransNote3-rev" +class="nounderline">↑</a> En français dans le texte original.</li> +<li><a id="TransNote4" href="#TransNote4-rev" +class="nounderline">↑</a> Autre traduction de +<cite>proprietary</cite> : propriétaire.</li> +<li><a id="TransNote5" href="#TransNote5-rev" +class="nounderline">↑</a> Les mots entre guillemets dans ce paragraphe +sont en français dans l'original.</li> +<li><a id="TransNote6" href="#TransNote6-rev" +class="nounderline">↑</a> En français dans le texte original.</li> +<li><a id="TransNote7" href="#TransNote7-rev" +class="nounderline">↑</a> Les mots entre guillemets dans ce paragraphe +sont en français dans l'original.</li> +<li><a id="TransNote8" href="#TransNote8-rev" +class="nounderline">↑</a> Logiciel en tant que service.</li> +<li><a id="TransNote9" href="#TransNote9-rev" +class="nounderline">↑</a> Loi sur le copyright du millénaire +numérique.</li> +</ol></div> +</div> + +<!-- for id="content", starts in the include above --> +<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" --> +<div id="footer"> +<div class="unprintable"> + +<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a +href="mailto:gnu@gnu.org"><gnu@gnu.org></a>. Il existe aussi <a +href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens +orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a +href="mailto:webmasters@gnu.org"><webmasters@gnu.org></a>.</p> + +<p> +<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph, + replace it with the translation of these two: + + We work hard and do our best to provide accurate, good quality + translations. However, we are not exempt from imperfection. + Please send your comments and general suggestions in this regard + to <a href="mailto:web-translators@gnu.org"> + + <web-translators@gnu.org></a>.</p> + + <p>For information on coordinating and submitting translations of + our web pages, see <a + href="/server/standards/README.translations.html">Translations + README</a>. --> +Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne +qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. 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