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+
+<!-- This file is automatically generated by GNUnited Nations! -->
+<title>Copyright contre communauté à l'âge des réseaux informatiques - Projet GNU -
+Free Software Foundation</title>
+
+<!--#include virtual="/philosophy/po/copyright-versus-community.translist" -->
+<!--#include virtual="/server/banner.fr.html" -->
+<h2>Copyright contre communauté à l'âge des réseaux informatiques</h2>
+<address class="byline">par Richard Stallman</address>
+
+<p><em>Discours d'ouverture de la <cite>LIANZA Conference</cite>, Centre des
+congrès de Christchurch, le 12 octobre 2009<br />
+Il existe une <a
+href="/philosophy/copyright-versus-community-2000.html">ancienne version</a>
+de cette conférence, donnée en 2000.</em></p>
+
+<blockquote class="announcement" style="margin-bottom: 2.5em"><p>
+<a href="http://defectivebydesign.org/ebooks.html">Inscrivez-vous à notre
+liste de diffusion (en anglais) concernant les dangers des livres
+électroniques</a>.
+</p></blockquote>
+
+<dl>
+<dt>BC :</dt>
+<dd><p>Tena koutou, tena koutou, tena koutou katoa. Aujourd'hui, j'ai le privilège
+de présenter Richard Stallman, dont le discours d'ouverture est parrainé par
+l'École de gestion de l'information de l'université Victoria à Wellington.</p>
+
+<p>Richard travaille à la promotion de la liberté du logiciel depuis plus de
+25 ans. En 1983, il a lancé le projet GNU dans le but de développer un
+système d'exploitation libre (le système GNU), et en 1985 il a créé la
+<cite>Free Software Foundation</cite> (Fondation pour le logiciel
+libre). Chaque fois que vous envoyez un message sur nz-libs<a
+id="TransNote1-rev" href="#TransNote1"><sup>a</sup></a>, vous utilisez le
+logiciel Mailman, qui fait partie du projet GNU. Donc, que vous vous en
+rendiez compte ou non, Richard affecte vos vies à tous.</p>
+
+<p>Je me plais à le décrire comme la personne la plus influente dont la plupart
+des gens n'ont jamais entendu parler, bien qu'il me dise que cela ne peut
+pas être vrai car cela ne peut pas être testé.</p></dd>
+
+<dt>RMS :</dt>
+<dd>On ne peut pas savoir.</dd>
+
+<dt>BC :</dt>
+<dd><p>Je l'ai dit – je le maintiens. Tim Berners-Lee a utilisé ses idées sur la
+liberté du logiciel et sur le libre accès à l'information quand il a créé le
+premier serveur web au monde, et Jimmy Wales s'est inspiré de ses réflexions
+de 1999 sur une encyclopédie libre en ligne pour fonder ce qui est
+maintenant Wikipédia.</p>
+
+<p>Aujourd'hui Richard va nous faire un exposé sur le sujet « copyright contre
+communauté à l'âge des réseaux informatiques et leurs implications pour les
+bibliothèques ». Richard.</p></dd>
+
+<dt>RMS :</dt>
+<dd><p>Je suis en Nouvelle-Zélande depuis quinze jours, et dans l'Île du Nord il a
+plu presque tout le temps. Maintenant je sais pourquoi on appelle les bottes
+en caoutchouc <cite>wellingtons</cite>. Et puis j'ai vu quelqu'un qui
+fabriquait des chaises et des tables en bois de ponga, et il appelait ça
+<cite>fern-iture</cite>.<a id="TransNote2-rev"
+href="#TransNote2"><sup>b</sup></a> Ensuite nous avons pris le ferry pour
+venir ici, et dès notre débarquement les gens ont commencé à se moquer de
+nous et à nous insulter ; mais ce n'était pas méchant, ils voulaient
+seulement nous faire comprendre Picton de l'intérieur.<a id="TransNote3-rev"
+href="#TransNote3"><sup>c</sup></a></p>
+
+<p>Habituellement, la raison pour laquelle on m'invite à donner des conférences
+est mon travail sur le logiciel libre. Cette fois-ci, ce n'est pas de cela
+que je vais parler ; cet exposé répond à la question : est-ce que les idées
+du logiciel libre peuvent s'appliquer à d'autres sortes d'œuvres ? Mais pour
+que cela ait un sens, je ferais mieux de vous dire brièvement ce que veut
+dire logiciel libre.</p>
+
+<p>Le logiciel libre <cite>[free software]</cite> est affaire de liberté, pas
+de prix. Pensez à « parole libre », pas à « entrée libre ».<a
+id="TransNote4-rev" href="#TransNote4"><sup>d</sup></a> Le logiciel libre
+est un logiciel qui respecte la liberté de l'utilisateur. Ce dernier mérite
+de posséder en permanence quatre libertés spécifiques, que voici.</p>
+
+<ul>
+<li>La liberté 0 est le droit d'exécuter le programme comme vous voulez.</li>
+
+<li>La liberté 1 est le droit d'étudier le code source du programme et de le
+modifier pour lui faire faire ce que vous voulez.</li>
+
+<li>La liberté 2 est la liberté d'aider votre voisin ; c'est-à-dire la liberté
+de redistribuer des copies du programme, des copies exactes, quand vous le
+voulez.</li>
+
+<li>Et la liberté 3 est la liberté d'apporter votre contribution à la
+communauté. C'est-à-dire la liberté de publier vos versions modifiées quand
+vous le voulez.</li>
+</ul>
+
+<p>Si le programme vous donne ces quatre libertés, alors c'est un logiciel
+libre. Cela veut dire que le système social dans lequel il est distribué et
+utilisé est un système éthique, un système qui respecte la liberté de
+l'utilisateur et la solidarité sociale de la communauté de
+l'utilisateur. Mais s'il manque l'une de ces libertés ou qu'elle est
+incomplète, alors c'est un logiciel privateur,<a id="TransNote5-rev"
+href="#TransNote5"><sup>e</sup></a> un logiciel non libre, un logiciel qui
+met l'utilisateur sous contrôle. Ce n'est pas éthique. Ce n'est pas une
+contribution à la société, c'est une prise de pouvoir. Cette pratique
+contraire à l'éthique ne devrait pas exister ; l'objectif du mouvement du
+logiciel libre est d'y mettre fin. Tout logiciel doit être libre, pour que
+tous les utilisateurs soient libres.</p>
+
+<p>Le logiciel privateur garde les utilisateurs dans un état de division et
+d'impuissance : division, parce qu'il leur est interdit de le partager, et
+impuissance parce qu'ils ne possèdent pas le code source et ne peuvent donc
+pas le modifier. Ils ne peuvent même pas l'étudier pour vérifier ce qu'il
+leur fait exactement ; et de nombreux logiciels privateurs ont des
+fonctionnalités malveillantes qui espionnent l'utilisateur, qui lui imposent
+des restrictions ; ils ont même des portes dérobées <cite>[backdoors]</cite>
+pour l'attaquer.</p>
+
+<p>Par exemple Microsoft Windows a une porte dérobée par laquelle Microsoft
+peut installer de force des logiciels modifiés, sans demander la permission
+du supposé propriétaire de l'ordinateur. Vous pensez peut-être que c'est
+votre ordinateur, mais si vous avez fait l'erreur d'y faire tourner Windows,
+alors c'est en fait Microsoft qui possède votre ordinateur. Les ordinateurs
+ont besoin d'être défenestrés, ce qui veut dire, ou bien jetez Windows hors
+de l'ordinateur, ou bien jetez l'ordinateur par la fenêtre.<a
+id="TransNote6-rev" href="#TransNote6"><sup>f</sup></a></p>
+
+<p>D'une manière générale, tout logiciel privateur donne aux développeurs un
+pouvoir injuste sur les utilisateurs. Certains développeurs en abusent plus
+que d'autres, mais aucun ne devrait le posséder. Vous méritez d'avoir le
+contrôle de votre informatique et qu'on ne vous force pas à dépendre d'une
+société particulière. Donc vous méritez du logiciel libre.</p>
+
+<p>A la fin de mes discours sur le logiciel libre, les gens me demandent
+quelquefois si ces mêmes libertés s'appliquent à d'autres choses. Si vous
+avez une copie d'une œuvre publiée sur votre ordinateur, on peut se demander
+raisonnablement si vous devriez avoir les mêmes libertés – si, d'un point de
+vue éthique, elles sont essentielles pour vous, ou non. Et c'est la question
+que je vais traiter aujourd'hui.</p>
+
+<p>Si vous avez une copie de quelque chose qui n'est pas du logiciel, la seule
+chose, ou presque, qui pourrait vous priver d'une de ces libertés est la loi
+sur le copyright. Avec le logiciel, ce n'est pas pareil. Les principaux
+moyens de rendre le logiciel non libre sont les contrats et le fait de
+cacher le code source aux utilisateurs. Le copyright est une sorte de
+méthode secondaire, de méthode d'appoint. Pour les autres choses, il n'y a
+pas cette distinction entre le code source et le code exécutable.</p>
+
+<p>Prenons par exemple un texte. Si le texte est suffisamment visible pour
+qu'on puisse le lire, il n'y a rien dedans que vous ne puissiez pas
+voir. Ainsi la situation n'est pas exactement de même nature qu'avec le
+logiciel. Le copyright est à peu près la seule chose qui pourrait vous
+refuser ces libertés.</p>
+
+<p>On peut reformuler la question ainsi : « Qu'est-ce que le droit du copyright
+devrait vous permettre de faire avec les œuvres publiées ? Que devrait dire
+la loi sur le copyright ? »</p>
+
+<p>Le copyright s'est développé en même temps que la technologie de la copie,
+aussi convient-il de revisiter l'histoire de cette technologie. La copie
+s'est développée dans le monde antique, quand on utilisait un instrument
+pour écrire sur une surface. On lisait un exemplaire et on en écrivait un
+autre.</p>
+
+<p>Cette technique était assez peu efficace, mais une autre de ses
+caractéristiques notables était son absence d'économie d'échelle. Pour
+écrire dix exemplaires, il fallait dix fois plus de temps que pour en écrire
+un. Cela ne demandait pas d'autre équipement que celui de l'écrivain et pas
+d'autre compétence que de savoir lire et écrire. Le résultat, c'est que les
+copies d'un livre particulier étaient faites de manière décentralisée. Quand
+un exemplaire était disponible et que quelqu'un voulait le copier, il
+pouvait le faire.</p>
+
+<p>Dans le monde antique, il n'y avait rien de tel que le copyright. Si vous
+possédiez un exemplaire et que vous vouliez le copier, personne n'allait
+vous dire que vous n'aviez pas le droit – sauf si le prince local n'aimait
+pas ce que disait le livre, auquel cas il pouvait vous punir pour l'avoir
+copié. Mais ce n'était pas du copyright, plutôt une chose qui lui est
+étroitement liée, à savoir la censure. Jusqu'à nos jours, le copyright a
+souvent été utilisé pour essayer de censurer les gens.</p>
+
+<p>Cela a continué pendant des milliers d'années, mais alors une grande
+innovation est apparue dans la technologie de la copie, à savoir la presse à
+imprimer. La presse à imprimer a rendu la copie plus efficace, mais pas de
+manière uniforme. [Ceci] parce que la production en série devint beaucoup
+plus efficace, mais que la fabrication d'un exemplaire à la fois ne tira pas
+bénéfice de la presse à imprimer. De fait, il valait mieux l'écrire à la
+main ; c'était plus rapide que d'essayer d'imprimer un seul exemplaire.</p>
+
+<p>La presse à imprimer entraîne une économie d'échelle : c'est un gros travail
+que de composer le plomb, mais ensuite on peut faire beaucoup de copies très
+rapidement. De plus, la presse à imprimer et les caractères étaient un
+équipement très cher que la plupart des gens ne possédaient pas ; et pour ce
+qui est de s'en servir, la plupart des lettrés ne savaient pas faire. Se
+servir d'une presse était une technique différente de l'écriture. Le
+résultat, c'est que les copies étaient produites de manière centralisée :
+les exemplaires d'un livre donné étaient fabriqués en un petit nombre
+d'endroits, et ensuite ils étaient transportés là où quelqu'un voulait les
+acheter.</p>
+
+<p>Le copyright a débuté à l'âge de la presse à imprimer. En Angleterre, il a
+débuté au 16e siècle en tant que système de censure. Je crois que c'était à
+l'origine pour censurer les protestants, mais il a été transformé pour
+censurer les catholiques, et aussi sans doute beaucoup d'autres. D'après
+cette loi, on devait obtenir la permission de la Couronne pour publier un
+livre, et cette permission était octroyée sous forme d'un monopole perpétuel
+sur la publication de ce livre. Cette loi est tombée en désuétude, dans les
+années 1680 il me semble [d'après Wikipédia, elle a expiré en 1695]. Les
+éditeurs voulaient sa remise en vigueur, mais ce qu'ils ont obtenu était
+quelque peu différent. La loi de la Reine Anne (ou « Statut d'Anne ») donna
+un copyright aux auteurs, et ceci pour 14 ans seulement bien que l'auteur
+ait pu le renouveler une fois.</p>
+
+<p>C'était une idée complètement différente – un monopole temporaire pour
+l'auteur, plutôt qu'un monopole perpétuel pour l'éditeur. On a commencé à
+voir le copyright comme un moyen de promouvoir l'écriture.</p>
+
+<p>Quand la constitution des États-Unis a été écrite, certaines personnes
+voulaient que les auteurs aient droit à un copyright, mais l'idée a été
+rejeté. À la place, la constitution dit que le Congrès a la faculté
+d'adopter une loi sur le copyright et que, s'il y a une loi sur le
+copyright, son but est de promouvoir le progrès. Dit autrement, son but
+n'est pas de profiter aux titulaires du copyright ni à quiconque fait
+affaire avec eux, mais au grand public. Le copyright doit durer pendant un
+temps limité ; les éditeurs ne cessent d'espérer que nous allons l'oublier.</p>
+
+<p>A ce stade, nous nous représentons le copyright comme un moyen de
+réglementer l'industrie de l'édition, contrôlé par les auteurs et conçu pour
+profiter au grand public. Il remplissait sa fonction parce qu'il n'imposait
+pas de restrictions aux lecteurs.</p>
+
+<p>Cela dit, aux premiers siècles de l'imprimerie et, je crois, encore dans les
+années 1790, de nombreux lecteurs écrivaient des copies à la main parce
+qu'ils ne pouvaient pas s'offrir de copies imprimées. Personne n'a jamais
+attendu de la loi sur le copyright qu'elle empêche les gens de copier à la
+main : elle était faite pour réglementer l'édition. C'est pourquoi elle
+était facile à faire respecter, consensuelle et indubitablement bénéfique
+pour la société.</p>
+
+<p>Elle était facile à faire respecter, parce qu'elle ne s'appliquait qu'aux
+éditeurs. Et c'est facile de trouver les éditeurs non autorisés d'un livre
+– on va dans une librairie et on demande : « D'où proviennent ces
+exemplaires ? » On n'a pas besoin d'envahir la maison et l'ordinateur de
+chacun pour le faire.</p>
+
+<p>Elle était consensuelle parce que, les lecteurs ne subissant pas de
+restriction, ils n'avaient pas lieu de se plaindre. En théorie, ils
+n'avaient pas le droit de publier, mais comme ils n'étaient pas éditeurs et
+ne possédaient pas de presse à imprimer, ils ne pouvaient pas le faire de
+toute façon. Pour ce qu'ils pouvaient faire effectivement, ils n'avaient pas
+de restriction.</p>
+
+<p>Elle était indubitablement bénéfique parce que, d'après les concepts
+présidant au droit du copyright, le grand public renonçait à un droit
+théorique qu'il n'était pas en position d'exercer, mais en échange
+bénéficiait de plus d'œuvres écrites.</p>
+
+<p>Quand on renonce à quelque chose qui ne peut servir à rien et qu'on reçoit
+en échange quelque chose qui est utile, le bilan est positif. Qu'on ait pu,
+ou non, faire une meilleure affaire d'une autre façon, c'est une autre
+question, mais au moins le bilan est positif.</p>
+
+<p>Donc, si nous étions encore à l'âge de la presse à imprimer, je ne pense pas
+que je serais en train de me plaindre de la loi sur le copyright. Mais l'âge
+de la presse à imprimer est en train de faire place progressivement à l'âge
+des réseaux informatiques – un nouveau progrès dans la technologie de la
+copie qui la rend plus efficace et, à nouveau, pas de manière uniforme.</p>
+
+<p>Voilà ce qu'on avait à l'âge de la presse à imprimer : une production en
+série très efficace et une fabrication de copies à l'unité toujours aussi
+lente que dans le monde antique. Voici où la technologie numérique nous
+amène : toutes les deux en tirent bénéfice, mais la copie à l'unité plus que
+l'autre.</p>
+
+<p>Nous arrivons à une situation beaucoup plus proche de celle du monde
+antique, où la copie à l'unité n'est pas tellement pire [c'est-à-dire, pas
+plus difficile] que la production en série. C'est un petit peu moins
+efficace, un petit peu moins beau, mais c'est bien assez économique pour que
+des centaines de millions de personnes fassent des copies. Regardez combien
+de gens gravent des CD une fois de temps en temps, même dans les pays
+pauvres. Peut-être qu'on ne possède pas soi-même de graveur de CD, mais on
+va dans un magasin où l'on peut le faire.</p>
+
+<p>Cela veut dire que le copyright n'est plus adapté à la technologie comme il
+l'était auparavant. Même si le texte de la loi sur le copyright n'avait pas
+changé, il n'aurait plus le même effet. Au lieu de réglementer l'industrie
+de l'édition sous le contrôle des auteurs, au bénéfice du public, c'est
+maintenant une restriction pour le grand public, contrôlée essentiellement
+par les éditeurs, au nom des auteurs.</p>
+
+<p>En d'autres termes, c'est une tyrannie. C'est intolérable et nous ne pouvons
+pas permettre que cela continue comme ça.</p>
+
+<p>Du fait de ce changement, [le copyright] n'est plus facile à faire
+respecter, il n'est plus consensuel et il n'est plus bénéfique.</p>
+
+<p>Il n'est plus facile à faire respecter parce que maintenant les éditeurs
+veulent le faire respecter par chaque personne sans exception, et cela
+nécessite des mesures cruelles, des punitions draconiennes, l'invasion de la
+vie privée, l'abolition de nos idées fondamentales de justice. Il n'y a
+presque aucune limite aux moyens qu'ils vont proposer de mettre en œuvre
+pour mener la « guerre contre le partage » devant les tribunaux.</p>
+
+<p>Il n'est plus consensuel. Dans plusieurs pays, il y a des partis politiques
+avec un programme basé sur la « liberté de partager ».</p>
+
+<p>Il n'est plus bénéfique parce que les libertés auxquelles nous avions
+théoriquement renoncé (parce que nous ne pouvions pas les exercer), nous
+pouvons maintenant les exercer. Elles sont formidablement utiles et nous
+voulons les exercer.</p>
+
+<p>Que ferait un gouvernement démocratique dans cette situation ?</p>
+
+<p>Il réduirait le pouvoir du copyright. Il dirait : « Le marché que nous avons
+conclu au nom de nos concitoyens, en bradant un peu de la liberté dont ils
+ont maintenant besoin, est intolérable. Nous devons changer ça ; nous ne
+pouvons pas renoncer à une liberté qui est importante. » Nous pouvons
+mesurer l'état de déliquescence dans lequel se trouve la démocratie à la
+tendance qu'ont les gouvernements à faire exactement le contraire partout
+dans le monde : étendre le pouvoir du copyright au lieu de le réduire.</p>
+
+<p>Par exemple au niveau de la durée. Partout dans le monde on constate une
+pression pour faire durer le copyright plus longtemps, de plus en plus
+longtemps.</p>
+
+<p>La première vague a démarré en 1998 aux États-Unis. Le copyright a été
+prolongé de vingt ans sur les œuvres aussi bien passées que futures. Je ne
+comprends pas comment ils espèrent convaincre les auteurs des années 20
+et 30, maintenant décédés ou séniles, d'écrire plus à cette époque passée,
+en prolongeant maintenant le copyright sur leurs œuvres. S'ils ont une
+machine à remonter le temps pour les informer, ils ne l'ont pas
+utilisée. Nos livres d'histoire ne disent pas que les arts ont bénéficié
+d'un renouveau de vigueur dans les années 20, quand tous les artistes ont
+découvert que leurs copyrights seraient prolongés en 1998.</p>
+
+<p>Il est théoriquement concevable que vingt ans de plus de copyright sur les
+œuvres futures convaincraient des gens de faire plus d'efforts pour produire
+ces œuvres. Aucune personne sensée, cependant. En effet, un bonus de vingt
+ans sur la durée actuelle du copyright, commençant 75 ans dans le futur – si
+c'est une œuvre faite sur commande – et probablement plus si le copyright
+est détenu par l'auteur, représente si peu qu'il ne pourrait pas persuader
+une personne sensée de faire quoi que ce soit différemment. Toute entreprise
+qui veut prétendre le contraire devrait présenter ses bilans prévisionnels
+des 75 ans à venir, ce qui est bien entendu impossible parce qu'aucune ne
+fait vraiment de prévisions à si longue échéance.</p>
+
+<p>Quelle est la vraie raison de cette loi ? Quel désir a incité diverses
+sociétés à acheter cette loi au Congrès des États-Unis, manière dont la
+plupart des lois sont décidées ? C'était qu'elles avaient des monopoles
+lucratifs et qu'elles voulaient perpétuer ces monopoles.</p>
+
+<p>Par exemple, Disney était conscient que le premier film dans lequel Mickey
+est apparu tomberait dans le domaine public dans quelques années, et
+qu'alors n'importe qui serait libre de dessiner ce même personnage dans
+d'autres œuvres. Disney ne voulait pas que ça se produise. Disney emprunte
+beaucoup au domaine public, mais est déterminé à ne jamais donner quoi que
+ce soit en échange. Donc Disney a payé pour cette loi, que nous appelons
+« loi sur le copyright de Mickey » <cite>[Mickey Mouse Copyright
+Act]</cite>.</p>
+
+<p>Les producteurs de films disent qu'ils veulent un copyright perpétuel, mais
+la constitution des États-Unis ne les laissera pas l'obtenir
+officiellement. Aussi ont-ils trouvé un moyen d'obtenir le même résultat de
+manière non officielle : le « copyright perpétuel à versements
+périodiques ». Tous les vingt ans, ils augmentent la durée du copyright de
+vingt ans. Ainsi, à un moment donné toute œuvre est censée tomber dans le
+domaine public à une date précise, par exemple demain, mais cette date
+n'arrivera jamais. Au moment où on l'atteindra, ils l'auront reculée, à
+moins que nous ne les arrêtions la prochaine fois.</p>
+
+<p>Voilà une des dimensions, la dimension de la durée. Mais plus importante
+encore est la dimension de l'étendue : quels sont les usages couverts par le
+copyright ?</p>
+
+<p>A l'âge de la presse à imprimer, le copyright n'était pas censé couvrir tous
+les usages d'une œuvre sous copyright, parce qu'il réglementait certains
+usages qui étaient des exceptions dans l'espace plus large des usages non
+réglementés. Il y avait certaines choses que vous aviez le droit de faire
+sans vous poser de question avec votre exemplaire d'un livre.</p>
+
+<p>De nos jours, les éditeurs se sont mis en tête qu'ils peuvent retourner nos
+ordinateurs contre nous et, avec leur aide, s'emparer du pouvoir absolu sur
+tous les usages des œuvres publiées. Ils veulent instaurer un univers de
+paiement à l'acte. Ils le font avec des dispositifs de « gestion numérique
+des restrictions », ou <abbr title="Digital Restrictions
+Management">DRM</abbr>, des fonctionnalités logicielles conçues délibérément
+pour restreindre ce que peut faire l'utilisateur. Et souvent l'ordinateur
+lui-même est conçu pour lui imposer des restrictions.</p>
+
+<p>C'est dans les DVD que le grand public les a rencontrés pour la première
+fois. Un film sur DVD était généralement chiffré et le format était
+secret. Il restait secret parce que les conspirateurs du DVD disaient que
+quiconque voulait fabriquer des lecteurs de DVD devait rejoindre la
+conspiration, promettre de garder le format secret et promettre de concevoir
+des lecteurs de DVD qui limiteraient les actions des utilisateurs selon
+certaines règles. Ces règles disaient qu'ils devaient empêcher l'utilisateur
+de faire ceci, de faire cela, ou encore cela&hellip; un ensemble d'exigences
+précises, qui étaient toutes malveillantes à notre égard.</p>
+
+<p>Ça a marché quelque temps, mais ensuite quelques personnes ont découvert le
+secret et publié un logiciel libre capable de déchiffrer le film du DVD et
+de le lire. Alors les éditeurs ont dit : « Puisque nous ne pouvons pas les
+arrêter effectivement, il faut en faire une infraction. » Et ils ont
+commencé aux États-Unis en 1998 avec la « loi sur le copyright du millénaire
+numérique » (<abbr title="Digital Millennium Copyright Act">DMCA</abbr>) qui
+imposait une censure sur les logiciels capables de faire ce travail.</p>
+
+<p>Ainsi ce logiciel libre particulier a fait l'objet d'un procès. Sa
+distribution est interdite aux États-Unis ; les États-Unis pratiquent la
+censure du logiciel.</p>
+
+<p>Les producteurs de cinéma sont bien conscients qu'ils ne peuvent pas
+vraiment faire disparaître ce programme : il est assez facile à
+trouver. Aussi ont-ils conçu un autre système de chiffrement qui, ils
+l'espèrent, sera plus difficile à casser. Il s'appelle <abbr title="Advanced
+Access Content System">AACS</abbr> ou « la hache » <cite>[the axe]</cite>.<a
+id="TransNote7-rev" href="#TransNote7"><sup>g</sup></a></p>
+
+<p>La conspiration de l'AACS a établi des règles précises pour tous les
+lecteurs multimédia. Par exemple, en 2011 il sera interdit de faire des
+sorties vidéo analogiques. Donc toutes les sorties vidéo devront être
+numériques et elles enverront le signal chiffré à un moniteur conçu
+spécialement pour cacher les secrets à l'utilisateur. C'est du matériel
+malveillant. Ils disent que ceci a pour but de « fermer le trou
+analogique ». Je vais vous montrer deux trous analogiques (Stallman enlève
+ses lunettes) : en voici un, et en voici un autre, qu'ils voudraient faire
+sauter définitivement [<a id="footnote1-rev" href="#footnote1">1</a>].</p>
+
+<p>Comment j'ai appris l'existence de ces conspirations ? Parce qu'elles ne
+sont pas secrètes ; elles ont des sites web. Le site de l'AACS décrit
+fièrement les contrats que les fabricants doivent signer, voilà pourquoi que
+je suis au courant de cette condition. Le site web cite fièrement les noms
+des sociétés qui ont établi cette conspiration, parmi lesquelles on trouve
+Microsoft et Apple, et Intel, et Sony, et Disney, et IBM.</p>
+
+<p>Une conspiration de sociétés conçue pour restreindre l'accès du public à la
+technologie devrait être poursuivie comme infraction grave, comme une
+conspiration d'entente sur les prix, en plus grave ; donc les peines de
+prison devraient être plus longues. Mais ces sociétés sont tout à fait
+convaincues que nos gouvernements sont de leur côté, contre nous. Elles
+n'ont aucune crainte d'être poursuivies pour ces conspirations, c'est
+pourquoi elles ne se donnent pas la peine de les cacher.</p>
+
+<p>En général les DRM sont mis en place par une conspiration de sociétés. Une
+fois de temps en temps, une société isolée peut le faire, mais en général
+cela demande une conspiration entre les sociétés technologiques et les
+éditeurs ; ainsi [c'est] presque toujours une conspiration.</p>
+
+<p>Ils pensaient que personne ne pourrait jamais casser l'AACS, mais il y a
+environ trois ans et demie quelqu'un a sorti un programme libre capable de
+déchiffrer ce format. Cependant, il était totalement inutile parce que pour
+le faire tourner on a besoin de connaître la clé.</p>
+
+<p>Et puis, six mois plus tard, j'ai vu la photo de deux chiots adorables, avec
+32 chiffres hexadécimaux au-dessus, et je me suis demandé : « Pourquoi
+mettre ces deux choses ensemble ? Je me demande si ces chiffres sont une clé
+importante et si quelqu'un pourrait avoir mis ces chiffres avec les chiots,
+en supputant que les gens copieraient la photo des chiots parce qu'ils sont
+si mignons. La clé serait ainsi protégée de la disparition. »</p>
+
+<p>Et c'était bien ça – c'était la clé pour casser « la hache ». Les gens l'ont
+mise en ligne, et les éditeurs l'ont supprimée parce qu'il existe maintenant
+dans de nombreux pays des lois qui les ont enrôlés dans la censure de cette
+information. Elle a été postée à nouveau ; ils l'ont supprimée ; finalement
+ils ont renoncé, et quinze jours plus tard ce nombre était posté sur plus de
+700 000 sites web.</p>
+
+<p>Un grand débordement de dégoût public envers les DRM. Mais la guerre n'était
+pas gagnée, parce que les éditeurs ont changé la clé. Pas seulement ça :
+avec le HD DVD, elle était adéquate pour casser le DRM, mais pas avec le
+Blu-ray. Le Blu-ray a un niveau supplémentaire de DRM et jusqu'à présent il
+n'existe pas de logiciel capable de le casser, ce qui veut dire que vous
+devez considérer les disques Blu-ray comme quelque chose d'incompatible avec
+votre propre liberté. Ce sont des ennemis avec lesquels il n'y a pas
+d'accommodation possible, du moins pas à notre niveau de connaissance
+actuel.</p>
+
+<p>N'acceptez jamais aucun produit conçu pour attaquer votre liberté. Si vous
+n'avez pas de logiciel libre pour lire un DVD, vous ne devez pas acheter ni
+louer de DVD, ni en accepter en cadeau, excepté quelques rares DVD non
+chiffrés. En fait j'en ai quelques-uns ; je n'ai aucun DVD chiffré, je ne
+les accepte pas.</p>
+
+<p>Voilà où nous en sommes avec la vidéo, mais on rencontre aussi des DRM dans
+la musique.</p>
+
+<p>Par exemple, il y a dix ans à peu près, on a vu apparaître des trucs qui
+ressemblaient à des disques compacts, mais qui n'étaient pas gravés comme
+des disques compacts. Ils n'étaient pas conformes au standard. On les a
+appelés « disques corrompus ». L'idée était qu'ils soient lisibles par un
+lecteur audio mais pas par un ordinateur. Ces différentes méthodes avaient
+divers problèmes.</p>
+
+<p>Finalement, Sony a trouvé une idée astucieuse. Ils ont mis un programme sur
+le disque, de telle sorte que, si vous mettiez le disque dans l'ordinateur,
+le disque installait le programme. Ce programme était conçu comme un virus
+pour prendre le contrôle du système. On appelle ça un <cite>rootkit</cite>,
+ce qui veut dire qu'il y a des choses dedans qui cassent la sécurité du
+système de sorte qu'il peut installer le logiciel très profondément à
+l'intérieur et en modifier diverses parties.</p>
+
+<p>Par exemple, il modifiait la commande utilisée pour examiner le système afin
+de voir si le logiciel était présent ; une manière de se déguiser. Il
+modifiait la commande utilisée pour supprimer certains de ces fichiers, de
+sorte qu'elle ne les supprimait pas vraiment. Tout ceci représente une
+infraction grave, mais ce n'est pas la seule que Sony ait commise. En effet,
+le logiciel contenait du code libre, qui avait été distribué sous la licence
+publique générale GNU (GNU <abbr title="General Public License">GPL</abbr>).</p>
+
+<p>Il faut savoir que la GNU GPL est une licence avec copyleft. Cela signifie
+qu'elle dit : « Oui, vous pouvez mettre ce code dans d'autres choses, mais
+quand vous le faites, le programme complet dans lequel vous mettez ces
+choses doit être distribué comme logiciel libre sous la même licence. Et
+vous devez rendre le code source accessible aux utilisateurs. De plus, vous
+devez leur donner une copie de cette licence en même temps que le logiciel,
+pour les informer de leurs droits. »</p>
+
+<p>Sony ne se conformait pas à tout ça. C'est une infraction au copyright à une
+échelle commerciale, donc un délit pénal. Les deux infractions sont des
+délits, mais Sony n'a pas été poursuivie parce que notre gouvernement part
+de l'idée que le gouvernement et la loi ont pour but de conforter le pouvoir
+que ces sociétés ont sur nous, mais en aucune façon d'aider à défendre notre
+liberté.</p>
+
+<p>Les gens se sont mis en colère et ont poursuivi Sony. Cependant une erreur a
+été faite. La condamnation était basée, non pas sur l'objectif malfaisant de
+ce plan, mais seulement sur les malfaisances secondaires des diverses
+méthodes que Sony avait utilisées. Donc Sony a réglé les actions en justice
+et promis qu'à l'avenir, quand elle attaquera nos libertés, elle ne fera pas
+ces choses secondaires.</p>
+
+<p>En fait, cette combine particulière du disque corrompu n'était pas si grave,
+parce que si vous n'utilisiez pas Windows elle ne vous affectait pas du
+tout. Même si vous utilisiez Windows, il y a une touche sur le clavier – si
+vous vous rappeliez à chaque fois de la garder enfoncée, alors le disque
+n'installait pas le logiciel. Mais naturellement c'est difficile de se
+rappeler cela à chaque fois et un jour ou l'autre vous allez oublier. Ça
+montre le genre de chose à quoi nous avons dû faire face.</p>
+
+<p>Heureusement, les DRM reculent dans la musique. Les principales maisons de
+disques elles-mêmes vendent des téléchargements sans DRM. Mais nous
+assistons à un renouveau d'efforts pour imposer les DRM, sur les livres
+cette fois.</p>
+
+<p>Vous voyez, les éditeurs veulent priver les lecteurs de leurs libertés
+traditionnelles : la liberté de faire des choses comme emprunter un livre à
+la bibliothèque ou le prêter à un ami, vendre un livre à un bouquiniste ou
+l'acheter anonymement en payant en espèces (ce qui est la seule manière dont
+j'achète les livres – nous devons résister à la tentation de renseigner Big
+Brother sur toutes nos actions).</p>
+
+<p>Même la liberté de garder le livre aussi longtemps qu'on veut et de le lire
+le nombre de fois qu'on veut, ils projettent de nous l'enlever.</p>
+
+<p>Ils font ça avec des DRM. Tant de gens lisent des livres et seraient en
+colère si on leur enlevait ces libertés que, le sachant, ils n'ont pas cru
+pouvoir acheter une loi spécifique pour abolir ces libertés – il y aurait eu
+trop d'opposition. La démocratie est malade, mais de temps en temps les gens
+arrivent à exiger quelque chose. Donc ils ont concocté un plan en deux
+étapes.</p>
+
+<p>Premièrement, ôter ces libertés aux livres électroniques, et deuxièmement,
+convaincre les gens de passer des livres en papier aux livres
+électroniques. Ils ont franchi l'étape 1.</p>
+
+<p>Aux États-Unis ils y sont parvenus avec la DMCA, et en Nouvelle-Zélande
+c'était une partie de la loi de l'année dernière sur le copyright ; la
+censure des logiciels permettant de casser les DRM en faisait partie. C'est
+un article injuste ; il faut qu'il soit abrogé.</p>
+
+<p>La deuxième étape est de convaincre les gens de passer des livres imprimés
+aux livres électroniques ; ça n'a pas aussi bien marché.</p>
+
+<p>En 2001, un éditeur a pensé qu'il rendrait son catalogue de livres
+électroniques vraiment populaire s'il commençait par ma biographie. Donc il
+a trouvé un auteur et l'auteur m'a demandé si je voulais coopérer. J'ai
+dit : « Seulement si ce livre électronique est publié sans chiffrement, sans
+DRM. » L'éditeur ne voulait pas en entendre parler ; j'ai juste tenu bon ;
+j'ai dit non. Finalement nous avons trouvé un autre éditeur qui a consenti à
+le faire ; en fait, il a consenti à publier le livre sous une licence libre
+qui vous donne les quatre libertés. Le livre a donc été publié, et de
+nombreux exemplaires imprimées ont été vendus.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, les livres électroniques ont été un échec au début de la
+décennie. C'est juste que les gens ne tenaient pas à les lire. Et je me suis
+dit qu'ils allaient essayer à nouveau. Nous avons vu passer un nombre
+incroyable d'articles d'actualité sur l'encre électronique (ou bien est-ce
+le papier électronique, je ne me rappelle plus), et l'idée m'a traversé
+l'esprit que probablement c'était parce que beaucoup d'éditeurs voulaient
+que nous y pensions. Ils voulaient nous faire désirer avec impatience la
+prochaine génération de livres électroniques.</p>
+
+<p>Maintenant ils nous sont tombés dessus. Des trucs comme le Sony
+<cite>Shreader</cite> (son nom officiel est le Sony Reader, mais si on met
+« sh » devant, cela montre ce qu'il est destiné à faire aux livres) et le <a
+href="/philosophy/why-call-it-the-swindle.html"><cite>Swindle</cite></a>
+d'Amazon, destiné à vous escroquer vos libertés traditionnelles sans que
+vous vous en rendiez compte. Bien sûr, ils l'appellent Kindle, ce qui montre
+ce qu'il va faire à vos livres.<a id="TransNote8-rev"
+href="#TransNote8"><sup>h</sup></a></p>
+
+<p>Le Kindle est un produit extrêmement malveillant, presque aussi malveillant
+que Microsoft Windows. Ils ont tous deux des fonctionnalités espionnes, ils
+ont tous deux la gestion numérique des restrictions et ils ont tous deux des
+portes dérobées.</p>
+
+<p>Dans le cas du Kindle, le seul moyen d'acheter un livre est de l'acheter
+chez Amazon [<a id="footnote4-rev" href="#footnote4">4</a>], et Amazon exige
+que vous vous identifiiez ; donc ils savent tout ce que vous avez acheté.</p>
+
+<p>Et puis il y a la gestion numérique des restrictions ; ainsi vous ne pouvez
+pas prêter le livre ni le vendre à un bouquiniste, et la bibliothèque ne
+peut pas le prêter non plus.</p>
+
+<p>Et puis il y a la porte dérobée, dont nous avons appris l'existence il y a
+trois mois, parce qu'Amazon l'a utilisée. Amazon a envoyé une instruction à
+tous les Kindles pour effacer un livre particulier, « 1984 » de George
+Orwell. Oui, ils ne pouvaient pas choisir avec plus d'ironie un livre à
+effacer. Donc c'est comme cela que nous savons qu'Amazon a une porte dérobée
+par laquelle il peut effacer les livres à distance.</p>
+
+<p>Ce qu'il peut faire d'autre, qui le sait ? Peut-être que c'est comme
+Microsoft Windows. Peut-être qu'Amazon peut mettre à jour le
+logiciel. Autrement dit, les choses malveillantes, quelles qu'elles soient,
+qui ne sont pas encore dedans, ils pourraient les y mettre demain.</p>
+
+<p>C'est intolérable. N'importe laquelle de ces restrictions est
+intolérable. Ils veulent créer un monde où personne ne prêtera plus jamais
+de livre à quiconque.</p>
+
+<p>Imaginez que vous êtes en visite chez un ami et qu'il n'y a aucun livre sur
+l'étagère. Ce n'est pas que votre ami ne lise pas, mais ses livres sont tous
+à l'intérieur d'un appareil, et naturellement il ne peut pas vous les
+prêter. La seule manière dont il pourrait vous prêter un de ces livres,
+c'est de vous prêter toute sa bibliothèque, ce qui est évidemment une chose
+ridicule à demander à quelqu'un. Et tant pis pour l'amitié entre amateurs de
+livres.</p>
+
+<p>Faites en sorte d'informer les gens de ce que cet appareil implique. Il
+signifie que les autres lecteurs ne seront plus vos amis, parce que vous
+vous comporterez envers eux comme un salaud. Faites passer le message de
+manière préventive. Cet appareil est votre ennemi. C'est l'ennemi de tout
+lecteur. Les gens qui ne comprennent pas ça sont des gens qui pensent à si
+court terme qu'ils ne s'en aperçoivent pas. C'est votre travail de les aider
+à voir au-delà de la commodité momentanée de cet appareil.</p>
+
+<p>Je n'ai rien contre la distribution de livres sous forme électronique, s'ils
+ne sont pas conçus pour nous ôter notre liberté. En toute rigueur, il est
+possible de faire une liseuse</p>
+
+<ul>
+<li>qui ne soit pas conçue pour vous attaquer,</li>
+
+<li>qui utilise du logiciel libre et non du logiciel privateur,</li>
+
+<li>qui n'ait pas de DRM,</li>
+
+<li>qui ne demande pas aux gens de s'identifier pour acheter un livre,</li>
+
+<li>qui n'ait pas de porte dérobée, [et]</li>
+
+<li>qui ne restreigne pas ce que vous pouvez faire avec les fichiers présents
+sur votre machine.</li>
+</ul>
+
+<p>C'est possible, mais les grandes sociétés qui font vraiment la promotion des
+livres électroniques le font pour attaquer notre liberté ; nous ne devons
+pas défendre cela. C'est ce que font les gouvernements, de mèche avec les
+grandes entreprises, qui attaquent notre liberté en rendant le copyright
+plus dur et plus vicieux, plus restrictif que jamais.</p>
+
+<p>Mais que devraient-ils faire ? Les gouvernements devraient réduire le
+pouvoir du copyright. Voici précisément ce que je propose.</p>
+
+<p>Il y a d'abord la dimension de la durée. Je propose que le copyright dure
+dix ans à partir de la date de publication d'une œuvre.</p>
+
+<p>Pourquoi la date de publication ? Parce qu'avant cela, il n'y en a pas
+d'exemplaire. Cela ne nous intéresse pas de savoir si nous aurions la
+permission de copier des exemplaires que nous n'avons pas, aussi j'estime
+qu'on peut très bien laisser aux auteurs tout le temps nécessaire pour
+publier, et à ce moment-là démarrer le chronomètre.</p>
+
+<p>Mais pourquoi dix ans ? Je ne sais pas dans ce pays, mais aux États-Unis le
+cycle de publication est de plus en plus court. De nos jours, presque tous
+les livres sont soldés avant deux ans et sont épuisés avant trois ans. Donc
+dix ans est plus de trois fois la durée du cycle de publication habituel ;
+ça devrait largement suffire.</p>
+
+<p>Mais tout le monde n'est pas d'accord. Une fois, j'ai proposé ceci dans une
+débat d'experts avec des romanciers et mon voisin, un auteur de romans
+fantastiques primés, m'a dit : « Dix ans ? Pas question. Au-delà de cinq
+ans, c'est intolérable. » Vous voyez, il avait eu un litige avec son
+éditeur. Ses livres semblaient épuisés, mais l'éditeur ne voulait pas
+l'admettre. Le copyright sur son propre livre, l'éditeur s'en servait pour
+l'empêcher d'en distribuer des exemplaires lui-même, ce qu'il voulait faire
+pour que les gens puissent le lire.</p>
+
+<p>C'est le désir premier de chaque artiste – le désir de distribuer son œuvre
+de manière qu'elle soit lue et appréciée. Très peu gagnent beaucoup
+d'argent. Cette infime proportion des auteurs court le danger de devenir
+moralement corrompue, comme J. K. Rowling.</p>
+
+<p>Au Canada, J. K. Rowling a obtenu un référé contre des gens qui avaient
+acheté son livre dans une librairie, leur ordonnant de ne pas le
+lire. Aussi, en réponse, j'appelle à un boycott des Harry Potter. Mais je ne
+dis pas que vous ne devez pas les lire ; je laisse ceci à l'auteur et à
+l'éditeur. Je dis simplement que vous ne devez pas les acheter.</p>
+
+<p>Peu d'auteurs gagnent assez d'argent pour être corrompus à ce point-là. La
+plupart ne gagnent rien de comparable et continuent à désirer la même chose
+qu'ils ont toujours désirée : que leur livre soit apprécié.</p>
+
+<p>Il voulait distribuer son propre livre, et l'éditeur l'en empêchait. Il
+s'est rendu compte qu'au-delà de cinq ans le copyright ne lui servirait
+probablement jamais à rien.</p>
+
+<p>Si les gens préfèrent un copyright de cinq ans, je ne serai pas contre. Je
+propose dix ans comme première tentative de solution. Réduisons-le à dix ans
+et ensuite faisons le bilan sur une certaine période, et nous pourrons faire
+des ajustements par la suite. Je ne dis pas que dix ans soit exactement la
+durée adéquate ; je ne sais pas.</p>
+
+<p id="details">Qu'en est-il de la dimension de l'étendue ? Quelles activités le copyright
+doit-il couvrir ? Je distingue trois catégories principales d'œuvres.</p>
+
+<p>D'abord il y a les œuvres fonctionnelles qu'on utilise pour effectuer les
+tâches pratiques de la vie. Elles comprennent le logiciel, les recettes, les
+manuels d'enseignement, les ouvrages de référence, les polices de caractère,
+et d'autres choses qui vous viennent peut-être à l'esprit. Ces œuvres
+doivent être libres.</p>
+
+<p>Si vous vous servez d'un ouvrage publié pour faire une tâche de votre vie
+courante, et que vous ne pouvez pas modifier cet ouvrage pour l'adapter à
+vos besoins, vous ne contrôlez pas votre vie. Une fois que vous avez modifié
+l'ouvrage, vous devez être libre de publier votre version – parce qu'il y
+aura d'autres personnes qui voudront les mêmes modifications que vous.</p>
+
+<p>On arrive rapidement à la conclusion que les utilisateurs doivent avoir
+[pour toutes les œuvres fonctionnelles] les quatre mêmes libertés que pour
+le logiciel. Et vous remarquerez qu'en pratique, pour ce qui est des
+recettes, les cuisiniers sont en permanence en train de les partager et de
+les modifier, comme si elles étaient libres. Imaginez la réaction des gens
+si le gouvernement essayait d'éradiquer un soi-disant « piratage des
+recettes ».</p>
+
+<p>Le terme « pirate » est de la pure propagande. Quand on me demande ce que je
+pense du piratage de la musique, je dis : « Autant que je sache, quand des
+pirates attaquent un navire, ils ne le font pas en jouant mal d'un
+instrument, ils le font avec des armes. Donc il ne s'agit pas du
+<cite>piratage</cite> de la musique, parce que le piratage est l'attaque des
+navires ; le partage avec d'autres est aussi loin que possible d'être
+l'équivalent moral de l'attaque des navires. » Attaquer les navires est mal,
+partager avec les autres est bien, aussi nous devons dénoncer fermement ce
+terme de propagande, « piratage », toutes les fois que nous l'entendons.</p>
+
+<p>Il y a vingt ans, les gens auraient pu objecter : « Si nous ne renonçons pas
+à notre liberté, si nous ne laissons pas les éditeurs de ces œuvres nous
+contrôler, ces œuvres ne verront pas le jour et ce sera une catastrophe. »
+Maintenant, en regardant la communauté du logiciel libre, et toutes les
+recettes qui circulent, et les travaux de référence comme Wikipédia – nous
+commençons même à voir publier des livres de cours libres – nous savons que
+cette peur est infondée.</p>
+
+<p>Il n'y a aucune raison de nous désespérer et d'abandonner notre liberté en
+pensant qu'autrement ces œuvres ne verraient pas le jour. Si nous en voulons
+d'autres, il y a une multitude de façons d'encourager leur éclosion – une
+multitude de façons qui sont compatibles avec notre liberté et la
+respectent. Dans cette catégorie, elles doivent toutes être libres.</p>
+
+<p>Mais qu'en est-il de la seconde catégorie, des œuvres qui décrivent les
+réflexions de certaines personnes, comme les mémoires, les essais d'opinion,
+les articles scientifiques et diverses autres choses ? [<a
+id="footnote2-rev" href="#footnote2">2</a>] Publier une version modifiée de
+l'expression de ce que pense quelqu'un d'autre équivaut à donner une idée
+fausse de [cette] personne. Ce n'est pas vraiment une contribution à la
+société.</p>
+
+<p>Par conséquent il est faisable et acceptable d'avoir un système de copyright
+quelque peu réduit où tout usage commercial est couvert par le copyright, où
+toutes les modifications sont couvertes par le copyright, mais où chacun est
+libre de redistribuer des copies exactes de manière non commerciale.</p>
+
+<p>[Note de 2015 : les articles scientifiques sont souvent publiés sous la
+licence CC attribution (CC-BY), dans des revues accessibles ou sur
+arXiv.org, et il semble que de permettre la publication de versions
+modifiées ne pose pas problème. C'est donc cette licence que je recommande
+pour ce genre de publication.</p>
+
+<p>Cette liberté est la liberté minimum que nous devons instaurer pour toutes
+les œuvres publiées, parce que la négation de cette liberté est à l'origine
+de la guerre contre le partage, à l'origine de la propagande vicieuse disant
+que le partage est du vol, que partager équivaut à être un pirate et à
+attaquer les navires. Des absurdités, mais des absurdités soutenues par la
+masse d'argent qui a corrompu nos gouvernements. Nous devons faire cesser la
+guerre contre le partage ; nous devons légaliser le partage de copies
+exactes de toute œuvre publiée.</p>
+
+<p>Pour la seconde catégorie d'œuvres, c'est tout ce dont nous avons besoin ;
+nous n'avons pas besoin de les rendre libres. Par conséquent, je pense que
+c'est OK d'avoir un système de copyright réduit qui couvre les usages
+commerciaux et toutes les modifications. Et ceci procurera un revenu
+régulier aux auteurs, plus ou moins de la même manière (généralement
+inadéquate) que le système actuel. Vous devez garder à l'esprit [que] le
+système actuel, excepté pour les superstars, est d'habitude totalement
+inadéquat.</p>
+
+<p>Qu'en est-il des œuvres d'art et de divertissement ? Pour elles, cela m'a
+pris un moment pour décider quoi penser des modifications.</p>
+
+<p>Vous voyez, d'une part une œuvre d'art peut avoir une intégrité artistique
+que la modification peut détruire. Naturellement, le copyright n'empêche pas
+nécessairement les œuvres d'être massacrées de cette façon. Hollywood le
+fait tout le temps. D'autre part, modifier une œuvre peut représenter une
+contribution à l'art. Cela rend possible l'évolution du folklore, qui donne
+des choses riches et magnifiques.</p>
+
+<p>Même si l'on ne s'occupe que des auteurs de renom : considérez Shakespeare,
+qui a emprunté des histoires à d'autres œuvres, plus anciennes de quelques
+dizaines d'années seulement, et les a arrangées de manière différente pour
+produire des œuvres littéraires majeures. Si le copyright moderne avait
+existé alors, cela aurait été interdit et ces pièces n'auraient pas été
+écrites.</p>
+
+<p>Mais finalement j'ai réalisé que, si modifier une œuvre d'art peut être une
+contribution à l'art, il n'y a pas d'urgence absolue dans la plupart des
+cas. S'il fallait attendre dix ans l'expiration du copyright, on pourrait se
+permettre d'attendre ce temps-là. Ce n'est pas comme le copyright actuel,
+qui vous fait attendre 75 ans peut-être, ou bien 95 ans. Au Mexique, on
+devrait attendre presque 200 ans dans certains cas, car le copyright
+mexicain expire cent ans après la mort de l'auteur. C'est fou. Mais dix ans,
+la durée que j'ai proposée pour le copyright, les gens peuvent attendre ce
+temps-là.</p>
+
+<p>Aussi je propose le même copyright partiellement réduit, qui couvre l'usage
+commercial et les modifications, mais chacun doit être libre de redistribuer
+des copies exactes de manière non commerciale. Après dix ans l'œuvre tombe
+dans le domaine public et les gens peuvent apporter leur contribution à
+l'art en publiant leurs versions modifiées.</p>
+
+<p>Autre chose : si vous avez l'intention de prendre des petits morceaux d'une
+multitude d'œuvres pour les réarranger en quelque chose de totalement
+différent, cela devrait être légal, tout simplement, car l'objectif du
+copyright est de promouvoir l'art, pas d'y faire obstruction. C'est stupide
+d'appliquer le copyright à l'utilisation de petits bouts comme ça ; cela va
+à l'encontre du but recherché. C'est le genre de distorsion à laquelle on
+arrive quand le gouvernement est sous le contrôle des éditeurs des œuvres à
+succès existantes et a complètement perdu de vue son objectif premier.</p>
+
+<p>Voilà donc ce que je propose. Cela veut dire en particulier que le partage
+de copies sur Internet doit être légal. Le partage est bon. Le partage
+construit le lien social. Attaquer le partage est attaquer la société.</p>
+
+<p>Donc chaque fois que le gouvernement propose quelque nouveau moyen
+d'attaquer les gens qui partagent pour les empêcher de partager, nous devons
+nous rendre compte que c'est malfaisant, non seulement parce que les moyens
+proposés sont une offense aux idées de base de la justice (mais ce n'est pas
+une coïncidence), mais parce que le but en est malfaisant. Le partage est
+bon et le gouvernement devrait encourager le partage.</p>
+
+<p>Cependant le copyright avait quand même un but utile, après tout. Le
+copyright en tant que moyen pour atteindre ce but pose problème actuellement
+parce qu'il ne cadre pas avec la technologie que nous utilisons. Il
+interfère avec toutes les libertés essentielles de tout lecteur, auditeur,
+spectateur, etc., mais la promotion de l'art est toujours un objectif
+souhaitable. Aussi, en plus du système de copyright partiellement réduit,
+qui continue à être un système de copyright, je propose deux autres
+méthodes.</p>
+
+<p><a id="tax-money-for-artists">La première [fonctionne à l'aide de] l'argent
+public</a> : distribuer directement la recette d'une taxe aux
+artistes. L'argent pourrait provenir d'une taxe spéciale, peut-être sur la
+connexion Internet, ou bien de l'impôt sur le revenu, parce que cela ne fera
+pas beaucoup au total, pas s'il est distribué de manière efficace. Le
+distribuer de manière à soutenir efficacement les arts signifie : pas en
+proportion linéaire de la popularité. Cela doit être fait sur la base de la
+popularité, parce que nous ne voulons pas que les bureaucrates aient le
+choix de décider quels artistes soutenir et lesquels ignorer. Mais « sur la
+base de la popularité » n'implique pas « en proportion linéaire ».</p>
+
+<p>Ce que je propose est de mesurer la popularité des divers artistes, ce qui
+peut se faire à l'aide de sondages (par échantillons), auxquels personne
+n'est obligé de participer, et de prendre la racine cubique. La racine
+cubique ressemble à ça : cela veut dire essentiellement que [le paiement
+marginal] va en diminuant .</p>
+
+<p>Si la superstar A est mille fois plus populaire que l'artiste à succès B,
+avec ce système A recevra dix fois plus d'argent que B, pas mille fois plus.</p>
+
+<p>La linéarité donnerait mille fois plus à A qu'à B. Autrement dit, si nous
+voulions que B ait assez pour vivre, nous rendrions A immensément
+riche. C'est gâcher l'argent public ; il ne faut pas le faire.</p>
+
+<p>Mais si le paiement marginal va en diminuant, alors oui, chaque superstar
+aura largement plus que l'artiste à succès ordinaire, mais le total de
+toutes les superstars recevra une petite fraction de la somme [globale]. La
+plus grande partie ira soutenir un grand nombre d'artistes à succès moyen,
+d'artistes assez appréciés, d'artistes assez populaires. Ainsi ce système
+est bien plus efficace que le système existant.</p>
+
+<p>Le système actuel est régressif. Il donne en fait beaucoup, beaucoup plus
+par disque, par exemple, à une superstar qu'à n'importe qui
+d'autre. L'argent est extrêmement mal utilisé. Il en résulte qu'en fait nous
+aurions à payer beaucoup moins de cette façon-là. J'espère que c'est
+suffisant pour amadouer quelques-unes de ces personnes qui ont un réflexe
+d'hostilité aux taxes – une réaction que je ne partage pas, parce que je
+crois dans un État providence.</p>
+
+<p>J'ai une autre suggestion qui est le paiement volontaire. Supposez que
+chaque lecteur multimédia ait un bouton sur lequel on pourrait cliquer pour
+envoyer un dollar à l'auteur de l'œuvre qui est en train d'être jouée, ou de
+celle qui vient d'être jouée. L'argent serait envoyé anonymement à ces
+artistes. Je pense que beaucoup de gens cliqueraient sur ce bouton assez
+souvent.</p>
+
+<p>Par exemple, nous pouvons tous nous permettre de cliquer sur ce bouton une
+fois par jour, cet argent ne nous manquerait pas. Ce n'est pas beaucoup
+d'argent pour nous, j'en suis à peu près sûr. Naturellement, il y a des gens
+pauvres qui ne pourraient jamais se permettre de cliquer, et c'est OK s'ils
+ne le font pas. Nous n'avons pas besoin de soutirer de l'argent aux gens
+pauvres pour soutenir les artistes. Il y a assez de gens qui ne sont pas
+pauvres pour qu'on y arrive très bien. Vous êtes conscients, j'en suis sûr,
+qu'un grand nombre de gens aiment vraiment certains arts et sont vraiment
+heureux de soutenir les artistes.</p>
+
+<p>Je viens d'avoir une idée. Le lecteur pourrait aussi vous donner un
+certificat comme quoi vous avez soutenu tel ou tel, et il pourrait même
+compter le nombre de fois que vous l'avez fait et vous donner un certificat
+qui dirait : « J'ai envoyé tant à ces artistes. » Il y a diverses façons
+d'encourager les gens qui veulent le faire.</p>
+
+<p>Par exemple, on pourrait avoir une campagne de relations publiques amicale
+et gentille : « Avez-vous envoyé un dollar à un artiste aujourd'hui ?
+Pourquoi pas ? C'est seulement un dollar ; cela ne vous privera
+pas. N'aimez-vous pas ce qu'ils font ? Cliquez ! » Cela donnera aux gens
+bonne conscience, et ils penseront : « Oui, j'ai aimé ce que je viens de
+regarder. Je vais envoyer un dollar. »</p>
+
+<p>Cela commence déjà à fonctionner jusqu'à un certain point. Il y a une
+chanteuse canadienne qui s'appelait à l'époque Jane Siberry. Elle a mis sa
+musique sur son site web et a invité les gens à la télécharger et à payer le
+montant qu'ils voulaient. Elle a indiqué qu'elle recevait en moyenne plus
+d'un dollar par copie, ce qui est intéressant parce que les majors demandent
+juste un peu moins d'un dollar par copie. En laissant les gens décider de
+payer ou non, et combien, elle a obtenu plus ; elle a même obtenu encore
+plus par visiteur qui avait effectivement téléchargé quelque chose. Mais
+cela ne prend même pas en compte un éventuel effet positif sur le nombre de
+visiteurs, ce qui augmenterait le nombre total par quoi est multiplié la
+moyenne.</p>
+
+<p>Donc cela peut marcher, mais c'est galère dans les circonstances
+actuelles. On doit avoir une carte de crédit pour le faire, ce qui veut dire
+qu'on ne peut pas le faire anonymement. Et il faut chercher partout
+l'endroit où payer ; et pour les petites sommes, les systèmes de paiement ne
+sont pas très efficaces, ce qui fait que les artistes n'en reçoivent que la
+moitié. Si nous mettions en place un système adapté, cela marcherait
+beaucoup, beaucoup mieux.</p>
+
+<p>Voilà donc mes deux suggestions.</p>
+
+<p>Et dans mecenatglobal.org, vous trouverez un autre plan qui combine certains
+aspects de ces deux-là. Il a été inventé par Francis Muguet et conçu pour
+mieux s'intégrer dans le système juridique existant pour faciliter sa mise
+en œuvre.</p>
+
+<p>Méfiez-vous des suggestions qui proposent de « donner des compensations aux
+ayants droit » parce que, quand elles disent « donner des compensations »,
+elles tendent à présumer que, si vous avez apprécié une œuvre, vous avez une
+dette spécifique à l'égard de quelqu'un et que vous devez « donner des
+compensations » à ce quelqu'un. Quand elles disent « ayants droit » vous
+êtes censés penser que c'est pour soutenir les artistes alors qu'en fait
+cela va aux éditeurs – ces mêmes éditeurs qui exploitent à peu près tous les
+artistes (excepté le petit nombre dont vous avez tous entendu parler, qui
+sont assez populaires pour avoir du poids).</p>
+
+<p>Nous n'avons pas de dette envers eux ; il n'y a personne à qui nous devions
+« donner des compensations ». Mais soutenir les arts reste une chose
+utile. C'était la raison d'être du copyright par le passé, à l'époque où le
+copyright était adapté à la technologie. Aujourd'hui le copyright est un
+mauvais moyen de le faire, mais cela reste bien de le faire par d'autres
+moyens qui respectent notre liberté.</p>
+
+<p>Exigez qu'ils changent les deux parties malfaisantes de la loi
+néo-zélandaise sur le copyright. Ils ne doivent pas réactiver la réponse
+graduée [<a id="footnote3-rev" href="#footnote3">3</a>], parce que le
+partage est bon, et ils doivent se débarrasser de la censure des logiciels
+qui cassent les DRM. Méfiez-vous de l'ACTA ; ils sont en train de négocier
+un traité entre différents pays, pour que tous ces pays attaquent leurs
+citoyens. Nous ne savons pas comment parce qu'ils ne nous le diront pas.</p></dd>
+
+</dl>
+<div class="column-limit"></div>
+
+<h3 style="font-size: 1.2em">Notes</h3>
+<ol>
+<li id="footnote1"><a href="#footnote1-rev" class="nounderline">&#8593;</a> 
+En 2010, le système de chiffrement du flux vidéo a été définitivement cassé.<br /><a
+href="http://www.pcmag.com/article2/0,2817,2369280,00.asp">http://www.pcmag.com/article2/0,2817,2369280,00.asp</a></li>
+<li id="footnote2"><a href="#footnote2-rev" class="nounderline">&#8593;</a> 
+2015 : j'avais inclus les articles scientifiques parce que je pensais que
+publier des versions modifiées d'un article de quelqu'un d'autre serait
+dommageable ; cependant, la publication d'articles de math ou de physique
+sous la licence Creative Commons attribution sur <a
+href="//arxiv.org/">arXiv.org</a> ou dans de nombreuses revues libres ne
+semble pas poser problème. Ainsi j'ai conclu par la suite que les articles
+scientifiques devaient être libres.</li>
+<li id="footnote3"><a href="#footnote3-rev" class="nounderline">&#8593;</a> 
+La Nouvelle-Zélande a mis dans la loi un système de punition sans procès
+pour les utilisateurs d'Internet accusés de copier ; puis devant les
+protestations du public, le gouvernement ne l'a pas mis en œuvre et a
+annoncé son intention de le remplacer par un système de punition modifié,
+mais toujours injuste. Ce qui compte ici, c'est qu'il ne faut pas procéder à
+un remplacement mais plutôt éviter d'avoir ce genre de système. Toutefois,
+la formulation que j'ai employée ne l'exprime pas clairement.
+<br />
+Plus tard, le gouvernement néo-zélandais a mis en place ce système de
+punition plus ou moins comme prévu à l'origine.</li>
+<li id="footnote4"><a href="#footnote4-rev" class="nounderline">&#8593;</a>
+C'était vrai à l'époque. En 2018, il est possible de charger des livres
+venant d'ailleurs dans la liseuse ; cependant cette dernière transmet le nom
+du livre que vous êtes en train de lire aux serveurs d'Amazon ; ainsi,
+Amazon a connaissance de chacun des livres qui sont lus sur l'appareil, d'où
+qu'il provienne.</li>
+</ol>
+
+<div class="translators-notes">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't have notes.-->
+<hr /><b>Notes de traduction</b><ol id="translator-notes-alpha">
+<li><a id="TransNote1" href="#TransNote1-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+nz-libs : liste de discussion des bibliothécaires de Nouvelle-Zélande.</li>
+<li><a id="TransNote2" href="#TransNote2-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+<cite>Ponga</cite> : fougère arborescente symbole de la Nouvelle-Zélande ;
+<cite>Fern-iture</cite> : Jeu de mot sur <cite>fern</cite> (fougère) et
+<cite>furniture</cite> (mobilier).</li>
+<li><a id="TransNote3" href="#TransNote3-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+La traversée en ferry se fait entre Wellington, au nord, et Picton, au
+sud.</li>
+<li><a id="TransNote4" href="#TransNote4-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+Il y a peu de chance qu'on fasse la confusion en français, car « entrée
+libre » est à peu près le seul cas où l'on peut donner à « libre » le sens
+de « gratuit », mais en anglais les deux significations de <cite>free</cite>
+(libre et gratuit) sont fréquentes.</li>
+<li><a id="TransNote5" href="#TransNote5-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+Autre traduction de <cite>proprietary</cite> : propriétaire.</li>
+<li><a id="TransNote6" href="#TransNote6-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+Jeu de mot sur <cite>window</cite> (fenêtre).</li>
+<li><a id="TransNote7" href="#TransNote7-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+En anglais, AACS et <cite>axe</cite> ont à peu près la même
+prononciation.</li>
+<li><a id="TransNote8" href="#TransNote8-rev"
+class="nounderline">&#8593;</a> 
+<cite>Schreader</cite> : combinaison de <cite>reader</cite> (lecteur) avec
+<cite>shredder</cite> (broyeur) ;
+<cite>Swindle</cite> : arnaque, escroquerie ;
+<cite>To kindle</cite> : allumer du feu.</li>
+</ol></div>
+</div>
+
+<!-- for id="content", starts in the include above -->
+<!--#include virtual="/server/footer.fr.html" -->
+<div id="footer">
+<div class="unprintable">
+
+<p>Veuillez envoyer les requêtes concernant la FSF et GNU à <a
+href="mailto:gnu@gnu.org">&lt;gnu@gnu.org&gt;</a>. Il existe aussi <a
+href="/contact/">d'autres moyens de contacter</a> la FSF. Les liens
+orphelins et autres corrections ou suggestions peuvent être signalés à <a
+href="mailto:webmasters@gnu.org">&lt;webmasters@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+<p>
+<!-- TRANSLATORS: Ignore the original text in this paragraph,
+ replace it with the translation of these two:
+
+ We work hard and do our best to provide accurate, good quality
+ translations. However, we are not exempt from imperfection.
+ Please send your comments and general suggestions in this regard
+ to <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+
+ &lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+
+ <p>For information on coordinating and submitting translations of
+ our web pages, see <a
+ href="/server/standards/README.translations.html">Translations
+ README</a>. -->
+Nous faisons le maximum pour proposer des traductions fidèles et de bonne
+qualité, mais nous ne sommes pas parfaits. Merci d'adresser vos commentaires
+sur cette page, ainsi que vos suggestions d'ordre général sur les
+traductions, à <a href="mailto:web-translators@gnu.org">
+&lt;web-translators@gnu.org&gt;</a>.</p>
+<p>Pour tout renseignement sur la coordination et la soumission des
+traductions de nos pages web, reportez-vous au <a
+href="/server/standards/README.translations.html">guide de traduction</a>.</p>
+</div>
+
+<!-- Regarding copyright, in general, standalone pages (as opposed to
+ files generated as part of manuals) on the GNU web server should
+ be under CC BY-ND 4.0. Please do NOT change or remove this
+ without talking with the webmasters or licensing team first.
+ Please make sure the copyright date is consistent with the
+ document. For web pages, it is ok to list just the latest year the
+ document was modified, or published.
+
+ If you wish to list earlier years, that is ok too.
+ Either "2001, 2002, 2003" or "2001-2003" are ok for specifying
+ years, as long as each year in the range is in fact a copyrightable
+ year, i.e., a year in which the document was published (including
+ being publicly visible on the web or in a revision control system).
+
+ There is more detail about copyright years in the GNU Maintainers
+ Information document, www.gnu.org/prep/maintain. -->
+<p>Copyright &copy; 2001, 2007, 2009, 2014-2016, 2018-2020 Free Software
+Foundation, Inc.</p>
+
+<p>Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence <a
+rel="license"
+href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/deed.fr">Creative
+Commons attribution, pas de modification, 4.0 internationale (CC BY-ND
+4.0)</a>.</p>
+
+<!--#include virtual="/server/bottom-notes.fr.html" -->
+<div class="translators-credits">
+
+<!--TRANSLATORS: Use space (SPC) as msgstr if you don't want credits.-->
+Traduction : Thérèse Godefroy<br />Révision : <a
+href="mailto:trad-gnu&#64;april.org">&lt;trad-gnu&#64;april.org&gt;</a></div>
+
+<p class="unprintable"><!-- timestamp start -->
+Dernière mise à jour :
+
+$Date: 2020/10/06 17:31:00 $
+
+<!-- timestamp end -->
+</p>
+</div>
+</div>
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+</html>